Partie I.
Bonsoir, ceci est une courte histoire composée de cinq parties.
Merci de me lire et j'espère que votre lecture vous plaira.
Et je m'excuse de m'avance pour les fautes ou les petites incohérences qui se sont sûrement glissées dans les chapitres.
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1.
Son regard ne quitte plus la silhouette du jeune homme qui vient de sortir de l'eau, le corps encore luisant et humide de son voyage en mer. Ses cheveux mouillés en arrière sur sa tête, ses tatouages recouvrent ses bras et le haut de son torse légèrement musclé. Il y a même un grand papillon au dessus de son ventre. Son short de bain noir descend de manière un peu trop provocante et obscène sur ses hanches et se serre autour de ses cuisses, cette vision n'est peut-être même pas humaine. Du moins, à supporter. C'est, pourtant, pire encore quand il se met à rire ou sourire avec ses amis, là il sent son ventre se tordre agréablement.
– Même derrière tes lunettes de soleil je vois que tu le dévores du regard depuis tout à l'heure, Louis. Si tu veux être discret, c'est raté. Il te manque plus que le filet de bave.
Agathe arrive, un sourire mi fier mi amusé sur son visage bronzé, avec une caisse entre ses mains et Louis ne répond à sa remarque que par un petit grognement, essayant en vain de cacher ses joues rosées par la honte. Peine perdue, son amie pose ce qu'elle a entre les mains sur le comptoir et vient à côté de lui. A son tour, elle se met à le regarder.
– Je dois avouer qu'il n'est pas mal du tout.
Encore une fois, Louis reste silencieux face à la perche que lui tend sa collègue de travail. A la place, il reprend correctement son stylo entre ses doigts et baisse ses yeux vers l'inventaire qu'il est censé avoir terminé depuis déjà trente minutes. Abordant un air faussement occupé et désintéressé. Même s'il sait que son attitude trahi sûrement tous ses gestes.
– Pourquoi tu ne vas pas lui parler ? Il reviendra peut-être pas ici avant la fin de l'été...
– Non, ils vont y aller.
– Quoi ?
Sans relever son visage du papier, Louis indique le groupe de jeunes sur la plage qui sont, effectivement, en train de remballer leurs affaires et plier leurs serviettes de plage. Agathe fronce les sourcils en observant la scène, les regarde s'éloigner et remonter vers le quai qui mène à la ville et petits commerces.
– Comment tu sais ça toi ? Sois tu es divin, soit tu... Attends, ce n'est pas la première fois qu'ils viennent ici c'est ça ?
– Ça fait dix jours...
– Et pendant dix jours tu l'admires de loin sans jamais être allé l'aborder ?
– Ne commence pas...
– Louis, il ne reviendra peut-être pas demain. L'interrompt la jeune femme très sérieusement.
– Et alors ?
– Et alors tu peux me dire ce que tu veux mais tu es clairement dingue de lui.
– N'abuses pas Agathe, il est simplement agréable à regarder.
– Excuse moi mais passé une semaine, je n'appelle pas ça regarder simplement quelqu'un. Tu connais l'heure où il arrive et l'heure où il part, ça veut dire que tu l'as quand même suffisamment observé pour le savoir.
Louis doit avouer que, rapporté ainsi, il doit légèrement passer pour un psychopathe. Il coince sa lèvre entre ses dents et ferme le cahier, pousse un soupire en se redressant. Bien qu'elle ne va sûrement pas le lâcher de si tôt, il décide de ne pas répondre à Agathe et va disposer les accessoires qu'elle vient de rapporter de la réserve.
– Louis, notre conversation n'est pas terminée !
– Si, parce que je n'ai plus rien à dire.
– Alors, s'il revient demain tu n'iras pas l'aborder ?
– Non.
La caisse entre les mains, il va placer les différents masques de plongée sur les portiques à l'entrée de leur commerce. Agathe n'attend pas une approbation pour le suivre à la trace et se place à ses côtés, les mains posées sur ses hanches. Et même s'il fait facilement une tête de plus que lui, Louis n'est pas le moins du monde impressionné car il sait que, malgré son tempérament, c'est la plus douce des personnes qu'il n'ait jamais rencontré. Et, de son côté, Louis a également son propre caractère, bien trempé lui aussi.
– Et je peux savoir pourquoi ?
Un énième soupire s'échappe d'entre les lèvres du jeune homme, alors qu'il dispose le dernier accessoire sur le crochet. Sans relever le regard, il répond à sa question, il savait d'avance qu'elle ne lâcherait pas l'affaire sinon. Ses doigts se serrent autour de la caisse et sa mâchoire se tend légèrement, il n'est pourtant pas énervé. C'est autre chose.
– Tu sais très bien pourquoi.
– Ce n'est pas une raison Lou, tu le sais aussi bien que moi.
– Si, laisse moi tranquille, j'ai du travail.
Son amie affiche une mine triste, soudainement ses traits sont tirés et Louis retourne à l'intérieur sans chercher à continuer cette conversation. Il ne veut pas encore aborder ce sujet. Agathe n'est pourtant pas de cet avis, elle le suit à l'intérieur du cabanon et se place en face de lui de l'autre côté du comptoir.
– Donc tu vas t'empêcher d'être dans une relation pour... ça ?
– Premièrement, je ne sais même pas si une quelconque relation avec lui est possible et deuxièmement c'est ma vie, pas la tienne alors tu serais gentille pour une fois de me laisser la diriger seul. Je n'ai pas besoin que tu interviennes.
Quand ils évoquent ce sujet, Louis devient facilement irritable et ne mâche pas ses mots. Il est direct, parfois blessant, parce qu'il ne veut pas en parler. Jamais plus. Il y pense déjà assez chaque seconde de sa vie qui défile sous ses yeux.
Cette fois, Agathe ne répond pas, elle revêt un visage de marbre. Louis sait ce que cela signifie. Elle va faire la tête. Il soupire mais elle tourne déjà le dos puis s'en va dans la réserve avec le carnet de l'inventaire entre ses doigts.
Louis serre les dents et, étant donné qu'il n'y a aucun client en vue, s'autorise une pause cigarette juste à côté du petit commerce. Derrière ses lunettes, il regarde les vagues bleutées s'échouer sur le sable chaud et il espère vraiment que son inconnu sera de retour demain à la même heure pour faire un autre plongeon dans l'eau. Il ne demande que cela, quelques secondes volées à l'admirer, à rêver à l'impossible, à se sentir vivant.
🌠
Une nouvelle journée sous une chaleur assommante et soleil de plomb. Louis aide un client à choisir une planche de surf en mousse avec son fils quand Agathe revient du snack bar, un sachet dans la main et un sourire radieux sur ses lèvres. Sans aucune honte ou discrétion, elle s'adresse à son collègue :
– Ton Apollon arrive !
Les joues de Louis prennent une teinte rosée et il grogne en secouant la tête. La cliente le regarde avec un sourire amusé tandis qu'il l'amène à la caisse pour aller payer son achat. Elle repart avec la planche colorée et son fils très heureux qui court avec celle-ci jusqu'à l'eau. Louis se tourne vers son amie, ses yeux envoient des éclairs.
– Ça ne va pas de crier ça devant les clients ?
– Quoi ? Je n'ai rien dit de mal.
Agathe aborde une mine innocente qui décroche tout de même un sourire au jeune homme, il lève les yeux au ciel et s'approche du sac de nourriture posé sur le comptoir.
Ils s'octroient une pause déjeuner, avant les rayons encore plus brûlants du midi, les clients sont assez rares aux heures des repas. Même si leur commerce a toujours eu un bon chiffre d'affaire, un bon emplacement sur le bord de la mer, tout près du sable. Ils ferment la porte et s'installent sur un banc en face de la mer. A quelques mètres, Louis voit le jeune homme arriver avec son groupe d'amis. Environ à la même heure qu'hier et son coeur se serre de joie. Il va pouvoir encore admirer son visage rayonnant, son corps bronzé, la courbe languissante de son dos, la fermeté de ses cuisses pendant quelques heures. Agathe regarde son ami totalement hypnotisé par l'arrivée du garçon, amusée et attendrie à la fois de son comportement. Elle ne peut pas le voir derrière ses lunettes de soleil, mais elle est certaine que le bleu de ses yeux brille.
– Ton sandwich va fondre Lou.
– Ah oui... oui oui, le sandwich.
Perturbé et avec maladresse, il saisit son sachet avec son sandwich et sa canette de thé glacé aromatisé à la menthe. Il se racle la gorge et prend une première bouchée. Son regard retombe rapidement sur le groupe de jeunes gens et plus précisément le bouclé qui retire son tee-shirt blanc aux manches courtes et étend sa serviette pour s'y allonger. Les muscles de son dos se contractent sous ses mouvements.
– Sinon, c'est sympa de faire la conversation avec toi Tomlinson.
– Mh ?
Louis sort de sa rêverie et tourne son visage vers son amie qui se met à rire et il fronce les sourcils. Il passe rapidement le dos de sa main sur sa bouche et constate qu'un bout de salade verte est restée collée à son menton. A nouveau, ses joues se mettent à rougir, un peu trop souvent à son goût. Agathe lui donne un gentil coup d'épaule, encore hilare, et secoue sa tête.
– Sérieusement, tu ne peux pas me dire que tu n'es pas mordu de ce gars.
– Arrête de te moquer de moi sinon ?
– Je sais que tu ne veux pas que je me mêle de tes affaires, mais tu devrais vraiment aller lui parler. Qui sait, il est peut-être aussi maladroit que toi ?
Même s'ils se sont disputés hier, ils se sont rapidement réconciliés dans l'heure qui suivait. Louis est allé s'excuser auprès de son ami, lui a expliqué être sur les nerfs et préoccupé en ce moment. Tout le temps, en fait. C'est avant tout son amie, avant d'être sa collègue, et il ne veut pas se disputer avec elle non plus. Les personnes disparaissent assez de vie comme ça sans qu'il n'en pousse d'autre à partir. Agathe l'a simplement serré fortement dans ses bras, mais cela voulait tout dire. Et aujourd'hui encore, Louis y pense. Pas un jour ne passe sans que la dure réalité ne lui revienne en plein visage. Même si les chances avec ce jeune homme se révèlent un jour être possibles, envisageables, par il ne sait quel miracle, Louis ne peut simplement pas s'engager dans une relation. Ce n'est plus une simple question d'envie.
Il croque sans conviction dans son sandwich, encore légèrement frais, puis observe le corps allongé du jeune homme. Du moins, sa tête bouclée, car c'est tout ce qu'il lui est offert à voir pour le moment.
– Donc, si j'ai bien compris, tu vas reluquer ton prince charmant jusqu'à ce qu'il arrête de venir et retourner à ta routine ensuite ?
– Ouais, tu comprends vite en fait.
Un sourire ironique s'ajoute au ton sarcastique de Louis qui boit une gorgée rafraîchissante de sa boisson. Agathe mange sa salade composée en fronçant les sourcils, elle pousse un soupire et termine sa bouchée avant de reprendre la parole. Ses cheveux roux brillent sous le soleil, en dessous de son chapeau de paille.
– Louis, le truc c'est que ça me rend triste de te voir toujours seul.
– Je suis avec toi.
– Tu sais bien ce que je veux dire.
– Et moi aussi.
Après un haussement d'épaule, Louis rebouche sa bouteille et la met à l'ombre sous le sachet. Il mâche son pain croustillant sous le palais tout en regardant les vagues remuer paresseusement en face d'eux. Il y a peu de vent, la mer est calme, mais à température assez fraîche encore pour empêcher aux vacanciers de mourir de chaud sous ce soleil.
Ils restent plusieurs minutes sans rien dire, mangent en silence. Agathe referme son pot en plastique de salade vide, se ressuie la bouche avec une serviette et regarde Louis.
– Bon eh bien, si tu ne vas pas lui parler, moi j'irais le faire.
– Agathe, je t'ai demandé de ne plus te mêler de mes affaires personnelles s'il te pla...
– Non, je ne vais pas aller parler en ton nom. Mais le mien. Il est attirant, charmant même, je peux tenter ma chance, si toi tu ne comptes pas y aller. Je n'ai rien à perdre.
Et comme ça, elle se lève, le tissu sa robe légèrement venant caresser ses genoux, l'air fier et déterminé. Le coeur de Louis fait un bond en avant, part avec elle, mais lui reste figé sur place avec le petit bout de pain qui lui reste entre les doigts. Puis, se rendant compte que son amie se dirige effectivement vers la plage, il se lève d'un coup, jette son sachet, garde sa bouteille et court vers elle.
– Tu ne vas pas vraiment faire ça ?
Son ton est paniqué, il ne le contrôle pas. Il ne peut pas s'empêcher d'être affreusement jaloux. C'est enfantin, puéril, mais il l'a vu en premier et ne souhaite pas du tout se faire voler son objet d'admiration. Agathe se tourne vers lui, le regarde quelques secondes et affiche un sourire satisfait.
– Tu vois pourquoi tu dois tenter ta chance... ? Vois la réalité en face, il est vraiment beau, tu ne dois pas être le seul à baver dessus. Alors, tu devrais te dépêcher d'aller lui parler avant que quelqu'un d'autre ne lui mette le grappin dessus.
– Si ce n'est pas déjà le cas...
– Qui ne tente rien n'a rien, comme on dit.
Elle pose sa main sur l'épaule de Louis, affectueusement, puis se rend ensuite dans le sens inverse vers la cabane. Le souffle encore coupé, le regard bleu de Louis se pose sur son corps allongé au dessus du sable, il semble en pleine discussion avec un de ses amis et ils se mettent à rire ensemble. D'ici, il ne peut pas entendre le son que son rire produit, mais il l'image aussi doux que lui.
Un peu plus tard, dans cette même journée, ils reviennent à la plage. Comme d'habitude. Après une balade en ville sûrement. Vers dix huit heures, quand le soleil se fait plus timide et ses rayons moins ardent. L'air est un peu plus respirable. Il reste une demi-heure avant la fermeture du commerce. Louis compte l'argent dans la caisse et lève son regard en entendant du brouhaha. Ils descendent sur le sable, il est là. Ils ont l'air un peu plus nombreux que d'habitude, deux ou trois personnes en plus peut-être. Louis soupire en se disant que, au moins, l'avantage de finir aussi tard un mois d'été lui permet de suivre un joli garçon des yeux.
La caisse refermé, il joue avec son stylo entre ses lèvres et essaie d'imaginer ce qu'il pourrait lui dire si un jour il se décide à l'approcher. Éventuellement une phrase qui ne le fasse pas passer pour un imbécile complet, comme il en a la mauvaise habitude. Peut-être lui proposer un service, une initiation au surf... Plus il réfléchit, plus il se dit que c'est totalement stupide et étrange. Mais il n'a pas vraiment le temps de plus y penser parce que son attention est attirée par autre chose. Il entend des rires et la scène qui se déroule à quelques mètres de lui le fait violemment redescendre de sa lune. Une jeune femme, à peu près de son âge, vient entourer la taille du jeune bouclé et embrasse sa joue avant de le serrer contre elle, il lui rend également son étreinte en souriant. Le stylo de Louis tombe sur le comptoir et il serre les poings. Il n'a jamais eu l'occasion d'entendre sa voix, son rire mais il connaît parfaitement le son de son coeur qui se brise.
🌠
– Je t'en prie Louis, affiche un sourire aux clients au moins.
Le jeune homme hausse les épaules, la mine fatiguée et fermée. Agathe croise les bras sur sa poitrine et pousse un soupire bruyant, quand elle voit son ami sortir son paquet de cigarette et son briquet, elle lui prend des mains sans hésiter. Mais Louis râle déjà, une boule de mauvaise humeur.
– Rends moi ça !
– Tu devrais arrêter de fumer ces conneries.
– Qu'est-ce que ça change, je vais bien finir par crever un jour ou l'autre non ?
Son ton est froid, sec. Agathe en aurait presque des frissons sous cette chaleur accablante de fin Juillet. Elle lance à son ami un regard empli d'une tristesse profonde. Louis est allé trop loin encore, il soupire et baisse les yeux vers sa paire de vans.
– Je suis désolé...
– J'espère bien, oui.
– Je suis simplement... Sur les nerfs en ce moment.
– Ça n'excuse en rien ton comportement exécrable depuis presque deux jours.
– Je sais... Je m'en excuse. Je suis un ami horrible.
– Lou...
Agathe lui rend son paquet de cigarette et son briquet puis passe son bras autour de ses épaules et pose sa tête contre la sienne. Elle caresse ses mèches de cheveux, chauffées sous le soleil. Louis ferme ses paupières, mais cela n'empêche pas les larmes de dévaler le long de ses joues. C'est même pire, de pleurer en silence, de tout retenir en soi. Il a l'impression de relâcher une vague de souffrance en même temps que ces perles salées. Agathe comprend, sans avoir besoin de regarder, de demander, elle serre plus fort son ami contre elle et pose un baiser sur son front.
Hier encore, Louis a vu l'inconnu arriver à la plage en tenant la jeune femme enlacée par les épaules. Ils ont passé deux heures à se parler, à rire sous le regard de Louis. Comme s'ils font exprès pour le narguer et lui montrer à quel point il est puéril. Et maintenant, il a l'impression de retomber dans la routine, de marcher avec un corps vide, sans coeur. Ou du moins, il aimerait bien ne pas en avoir parfois. Que tout finisse, prenne fin. C'est un trop-plein, il a besoin que ça sorte. D'extérioriser pour ne pas éclater à l'intérieur. Alors, il le montre par la colère et l'agressivité verbale. Sauf que, il a rapidement compris qu'avec Agathe, il ne peut pas agir ainsi. Agathe est douce, réfléchie, attentionnée. Combien de fois a-t-elle sauvé Louis ? Combien de fois a-t-elle réparé son coeur ? Elle se redresse, glisse une main sur sa joue pour sécher sa peau humide.
– Louis, tu te trompes. Tu es un ami formidable, je t'adore, tu le sais. Tu es un être merveilleux, et c'est normal qu'avec... Tout ce que tu traverses, tu aie des bas. Mais j'aimerais vraiment que tu sois heureux, que tu profite un maximum, que pour une fois tu ne laisse pas filer ce qui peut t'apporter du bonheur entre tes doigts.
– Ça ne sert à rien, il a une copine, tu as bien vu.
– On en est sûrs ?
Résigné à admettre la vérité, Louis secoue la tête et sa réaction provoque le sourire de Agathe. Elle sait, d'un certain point de vue, qu'elle a gagné. Et elle veut voir les yeux de son ami briller comme les jours d'avant lorsqu'il observait son inconnu sur la plage. Elle va faire en sorte que l'étincelle se rallume à l'intérieur de lui, parce qu'elle sait qu'au fond il n'est jamais trop tard pour avoir un peu de lumière. Même si ce n'est que pour un certain temps. Louis la remercie d'un sourire triste, puis range ses cigarettes dans la poche de son pantacourt en jean.
Ils retournent travailler, le dernier jour avant deux jours de repos. D'un côté, Louis se sent soulagé parce qu'il ne verra plus le garçon de la plage pendant ce temps là, mais d'un autre il se sent affreusement triste. Parce que c'est la raison pour laquelle il se lève chaque matin, pour voler quelques courtes heures de sa journée pour le regarder. Maintenant, plus rien n'a aucun sens. Et il a du mal à se tirer de son lit, à trouver sa volonté et puiser dans ses forces. Il est fatigué par ses nuits courtes et la tristesse et tout qui se confond et forme un poids dur à traîner derrière lui.
Dans un soupir, il ouvre la baie vitrée et les stores, il dispose les portiques dehors avec les différents accessoires de mer dessus. Agathe s'occupe de l'inventaire puis dispose des produits dans la pièce. Ils travaillent pendant deux bonnes heures. Puis alors que Louis regarde l'heure sur son téléphone le groupe d'amis arrive sur la plage. Ils sont toujours ensemble, de bonne humeur, souriant. Louis aimerait être comme eux. Il le fut, jadis, mais ce temps est révolu. Et il ne peut pas en vouloir à qui que ce soit d'autre si ce n'est lui. Ce n'est pas réellement sa faute, mais il en a décidé ainsi. Et aussi têtu qu'il est, personne, même Agathe, n'a encore réussi à le faire totalement changer d'avis.
– Euh bonjour excusez moi ?
Les deux commerçants relèvent la tête vers le potentiel client. Louis reconnaît un garçon du groupe d'amis, puis il se fige et son coeur bat affreusement vite quand le jeune homme qu'il admire depuis une dizaine de jours s'approche à son tour. Vêtu de son simple short de bain et un tee-shirt blanc assez transparent. Du moins, il laisse deviner ses tatouages et la couleur bronzée de sa peau. Louis est incapable de répondre, il a la vive impression que ses joues prennent feu et que les battements de son coeur peuvent s'entendre à l'autre bout de la plage. C'est donc Agathe, tout sourire et ne manquant pas de jeter un regard amusé à son ami, qui prend la parole.
– Bonjour, en quoi pouvons nous vous aider ?
– En fait, on cherche un endroit pour fêter l'anniversaire d'un de nos amis demain soir et à part quelques restaurants aux alentours il y n'y a pas grand-chose. Et comme vous paraissez avoir notre âge, on se disait que peut-être vous connaîtriez des endroits sympas ?
– Je pense que vous trouverez plus de choses en ville, effectivement.
Louis n'écoute même pas la conversation entre son amie et le jeune garçon blond, son regard est fixé sur l'autre personne qui l'accompagne. Il essaie d'être discret, de jeter des coups d'oeil furtifs en faisant mine d'être occupé par une brochure à la caisse. Il est là. Vraiment. Il n'a jamais été aussi proche. Et Louis le trouve mille fois plus beau de près. Mais il est tiré de sa rêverie par la voix d'Agathe, les trois regards son tourné vers lui et il se retient de piquer un fard. Ou de s'enfuir, encore mieux. Il sent le regard brûlant de l'inconnu sur sa peau, plus chaud et ardent que le soleil.
– Lou... ? Ça va, tu es avec nous ? Je te demandais si tu connaissais un bar ou un café en ville ?
– Non.. Euh non non, connais pas.
Agathe le regarde en fronçant les sourcils mais ne peut réprimer un sourire amusé. Le garçon avec qui elle discute depuis une bonne minute le regarde d'une manière intriguée. Mais Louis n'ose pas regarder son inconnu de peur de croiser ses yeux et y lire de la moquerie ou de la pitié ou n'importe quelle autre émotion qui serait négative.
– Maintenant que j'y réfléchis, il y a un bar très qui marche plutôt bien à l'autre bout de la plage, il doit à dix minutes à pied. Ils font des soirées sur la plage, ils ont des terrasses.
– Ah c'est super ça, tu crois que ça plairait à Paul ça, Harry ?
– Oui, totalement. Mais pour demain soir, j'ai bien peur que ce soit un peu trop tard...
Le coeur de Louis fait un bond. Non seulement il découvre le son rauque et profond de sa voix, mais en plus il découvre son prénom. Harry. Finalement, il n'aurait pas pu trouver un patronyme qui lui aille aussi bien que celui-là. Et il a envie de venir le murmure près de son oreille, mais ce serait définitivement trop étrange. Alors, il se contente de secouer la tête et jouer avec son stylo. Puis, les mots sortent de sa bouche avant même qu'il ne puisse les contrôler ou y penser :
– Je connais le propriétaire, c'est un ami à moi, je... Je peux faire en sorte qu'il organise quelque chose pour vous ce soir.
– Vraiment ? Demande le blond en affichant une mine réjouit.
– Oui, vraiment.
– Ce serait super sympathique de votre part, merci !
Comme il ne sait pas quoi répondre, accablé par sa timidité, Louis se contente de sourire poliment en évitant de croiser le regard de Harry. Agathe lui envoie une mine étonnée et fière en même temps. C'est effectivement un grand pas vers l'avant pour son ami.
– Peut-être que vous voudriez vous joindre à nous, tous les deux ?
La voix de Harry résonne à nouveau et ses yeux passent de Louis à Agathe et Agathe à Louis. Et finalement, se fixent sur lui. Louis le sent alors que sa peau chauffe sous ce contact qu'il rêve d'avoir depuis des jours. Et maintenant que ça se réalise, il ne souhaite qu'une chose que cela s'arrête. Jamais il ne s'est senti aussi honteux et mal à l'aise. Et il ne veut plus penser à lui, il s'est résigné à ne plus le regarder ou avoir son corps en tête et évidemment il fallait qu'il vienne aujourd'hui se présenter enfin à eux. Louis a la vive impression que c'est une mauvaise blague.
– On ne voudrait pas déranger...
– Plus on est de fous, plus on rit, ajoute le garçon aux cheveux blonds en souriant à Agathe.
– Vous êtes sûrs ?
– Vous nous aidez, c'est la moindre des choses.
Tout en prenant la parole, Harry hoche la tête en direction de la jeune femme même si son regard tombe parfois plus sur Louis, qui joue avec son crayon sans oser lever les yeux ou du moins le fixer directement. Comme il en a eu si longtemps l'habitude, hier encore. Avant qu'il ne le voit arriver aux bras de cette fille, tout heureux. Alors que lui a, littéralement, senti son coeur se briser.
– Alors d'accord ! Lou ?
Agathe sort le jeune vendeur de sa contemplation passive du stylo entre ses doigts, il cligne des paupières, la regarde et hoche la tête.
– Oui, oui d'accord. Merci.
– Disons pour vingt et une heure, ça vous va ?
– Oui parfait, on se charge de prévenir là-bas et on vous dit quand vous pouvez réserver. Merci encore.
Le jeune blond les remercie, se présente en tant que Raphaël, puis dit qu'il reviendra plus tard dans la journée afin de venir chercher les coordonnées auprès d'eux et passer la réservation.
Ils partent tous les deux. A la dérobée, Louis relève enfin son regard et suit la ligne du dos de Harry des yeux jusqu'à ce qu'il soit assez loin pour soupirer. Il pose ses coudes sur le comptoir et glisse ses doigts dans ses cheveux. A côté de lui, il entend rapidement le rire amusé de Agathe. Il se sent tellement pathétique à présent. Dans quoi s'est-il lancé au juste ? Et pourquoi avoir proposé de les aider alors qu'il ne le connaît même pas ? Et qu'il est censé détester Harry à présent, ou du moins ne plus lui porter aucune importance.
– Lou, ton prince charmant t'as invité à la fête !
– Arrête... Il a demandé à nous deux.
– Oui, mais il ne t'a pas quitté des yeux.
Louis ne pu s'empêcher de se dire que c'est sûrement parce que Harry a dû le prendre pour un attardé mental. Mais peut-être que cette remarque de son amie le fait rougir, peut-être aussi qu'il continue de jeter des regards en douce vers la plage et que le jeune bouclé, entre quelques rires avec ses amis, lui accorde quelques regards dérobés.
🌠
Louis tire nerveusement sur sa chemise grise en soie fine et se met à grogner, Agathe lâche un léger rire et lisse le pan de sa jupe. Elle est vraiment belle dans cette tenue et Louis se sent totalement idiot de porter ces vêtements là, il donne l'impression d'avoir fait un effort pour cette soirée alors que ce n'est même pas son anniversaire ou ses amis. Il ne connaît personne là-bas. A part quelques mots échangés avec Raphaël et la voix de Harry, il se demande encore bien pourquoi il a accepté de venir et suivre Agathe. Elle semble toute joyeuse et impatiente. C'est facile pour elle, elle est jolie, intelligente, souriante, sociable, elle sait comment s'entendre avec les autres, alimenter une conversation et se faire des amis. Louis, c'est tout le contraire. Du moins, c'est ce qu'il pense de lui même.
Ils arrivent au café bar de Gaëtan, une connaissance de Louis. Ils se connaissent depuis que lui et Agathe tiennent ce petit commerce en face de la plage. Une musique se fait entendre, ils voient des jeux de lumières, des personnes déjà sur le sable en train de danser ou discuter près de l'eau, d'autre sur la terrasse en bord de mer. Ils ont l'air un peu plus nombreux que lorsqu'ils viennent s'amuser à la plage. Louis sent une boule de stresse monter en lui, il ne sait pas d'où elle vient. Alors qu'il sort son paquet de cigarettes, Agathe lui donne une tape sur le bras et lui dit qu'il peut attendre un peu quand même. Louis s'apprête à lui dire que c'est pour se faire du bien mais il est interrompu par la voix de Raphaël qui s'avance vers eux.
– Ah vous êtes venus, c'est cool !
Son regard se pose sur Agathe, un peu trop longtemps selon Louis, et il voit les joues de celle-ci rougir légèrement. Maintenant, les rôles vont pouvoir s'inverser pense le jeune homme en retenant un sourire de satisfaction. Raphaël les amène à l'intérieur pour aller se servir une boisson et les présente au passage à toutes les personnes qu'ils croisent. Notamment le garçon, Tom, qui fête son anniversaire ce soir. Louis sait déjà qu'il ne retiendra pas tous les prénoms et de toutes manières il n'en a qu'un sur le bout de la langue qui ne demande qu'à sortir. Harry.
Harry qui justement est accoudé au bar, un verre de bière à la main et un fin sourire sur les lèvres. Louis le trouve resplendissant sous la faible lumière tamisée du bar, sa chemise bleue ciel avec des motifs de fleur de cerisier rose pale dessus, ouverte sur un tee-shirt blanc simplement. Ses cheveux semblent lisses et encadrent son visage comme une tombée de plume. Sa paire de lunette de soleil est accrochée au col de son tee-shirt. Louis le regarde, un moment, la gorge sèche, se dit que sa beauté est à couper le souffle, il se sent minable dans sa chemise, sa paire de vans et son jean noir. Et il se sent plus encore ridicule quand il voit que Harry est en pleine discussion avec la jeune femme dont il semble si proche. Il se tourne vers eux, son regard vert pétillant tombe sur Louis et son sourire se creuse, il se met debout et Louis a juste le temps d'observer ses tatouages sur ses bras bronzés.
– Bon vous avez déjà rencontré Harry, et ça c'est Gemma, sa sœur aînée.
A peine Raphaël termine-t-il sa phrase que Louis a envie de rire. Rire de sa stupidité. Maintenant qu'il la regarde attentivement, sans vouloir la tuer du seul pouvoir de ses yeux, il reconnaît qu'elle a le même sourire et le même regard troublant que son frère. La beauté doit être de famille. Agathe fait se présente avec un grand sourire, puis tous les regards se tournent vers Louis. Lui, ce n'est pas le même effet, il n'ose pas trop relever les yeux vers eux et dit d'une voix neutre, mais légèrement tremblante :
– Louis.
Gemma hoche la tête et lui dit qu'elle est ravie de le rencontrer, il fait un bref signe de tête et Harry leur propose à boire. Agathe prend un cocktail tropical avec alcool, Louis choisit une bière. Raphaël est reparti entre temps, ils se retrouvent à quatre même si quelques personnes se trouvent autour ou viennent parfois commander des boissons. Gemma commence à s'intéresser à leur commerce, et c'est Agathe qui se charge de faire toute la discussion. Louis, mal à l'aise, fixe un côté du mur où se trouve une télévision qui diffuse un match de foot. Il n'aime pas le foot, il n'a jamais aimé ça. Mais si ça peut l'empêcher de faire la conversation avec Harry ou de croiser son regard, il ne s'en plaint pas. Même s'il sent toujours son regard aussi brûlant que le soleil se poser sur lui un peu trop longtemps.
Puis Louis en a assez au bout de cinq minutes, il étouffe, malgré la fraîcheur de sa bière dans sa bouche. Il s'éclipse sans jeter un regard derrière lui, Agathe est bien trop absorbée dans sa conversation pour remarquer qu'il s'en va. Une fois dehors, il sent le léger vent tiède du soir caresser son visage. Finalement, ce n'est pas mieux dehors, mais au moins il ne se sent plus fondre sous le regard intense de Harry. Il s'assoit sur un banc, pose son verre à côté de lui et sort son paquet de cigarettes et son briquet. Personne n'est là pour le réprimander, alors il allume la tige blanche et commence à fumer en regardant les personnes à quelques mètres danser sur la musique. Son regard dérive ensuite sur l'océan, la mer calme, sereine qui repose ses vagues en lent vas et viens sur le sable.
– Je peux m'asseoir ?
Ses gestes se figent quelques secondes quand il entend cette voix, il sent et voit la présence de Harry à sa droite. Sur la réserve, poli. Louis ne répond rien, cependant il glisse sa cigarette entre ses lèvres et prend son verre de bière dans sa main pour dégager la place. Harry suppose que cela veut dire oui, alors il prend place à ses côtés. Pas trop près non plus, il respecte une certaine distance personnelle. La légère brise ramène vers les narines de Louis les odeurs d'après-rasage et de petite touches de vanille qui émanent de Harry.
Ils ne se disent rien pendant un moment. Louis fume silencieusement. Entre deux, ils boivent des gorgées de leur bière. Louis n'ose pas tourner la tête dans sa direction ou prendre le risque de croiser son regard. Parce que sinon il sait qu'il tombera et il ne peut pas. Il doit se l'interdire, se mettre des barrières. Et tant pis si ça fait mal. Tant pis si c'est douloureux.
– Gemma et Agathe s'entendent bien.
Agathe est comme ça, elle s'entend bien avec tout le monde a envie de lui répondre Louis. Mais il se contente de hocher la tête. Harry devrait capituler, abandonner, se dire que ce jeune homme ne veut définitivement pas faire la conversation avec lui, qu'il perd son temps. Du moins, Louis penserait ainsi, mais soit le bouclé ne sait pas lire les signes soit il est du genre à ne jamais abandonner, parce qu'il se remet à parler.
– Tu n'as pas chaud avec ta chemise ?
– Non, ça va.
En fait, Louis meurt de chaud. Il se sent moite et sa peau est sûrement brûlante, légèrement humide dans son dos et le pli de ses cuisses. Après réflexion, il aurait dû ne pas écouter Agathe qui voulait absolument le mettre en valeur et simplement porter un tee-shirt à manche courte et son pantacourt.
– Vous travaillez tout l'été, au magasin ?
Hochement de tête. La conversation continue. Mais Louis répond par monosyllabe ou mouvement de tête. Il a envie de se tourner vers Harry, de le secouer par les épaules et lui dire en criant tu ne vois pas que je ne veux pas que tu me parles éloigne toi s'il te plaît pour ton bien et pour le mien vas t'en tant que tu le peux encore pars pars pars vite. Toutefois, il ne dit rien. Il le pense très fort dans sa tête, c'est tout. Il écrase sa cigarette, finit son verre de bière et écoute le bruit des vagues qui viennent lécher le sable encore tiède de cette journée sous le soleil.
– Nous on repart dans un peu plus de deux semaines. C'est la première fois qu'on vient ici, on loge dans le camping pas loin d'ici, il marque une pause et repend, tu habites ici ?
A nouveau, il hoche la tête et joue avec son briquet. Ils ne se sont toujours pas regardés. Même si Harry tente parfois d'initier un contact visuel entre eux. Mais ça semble peine perdue, Louis paraît tout fuir. Il s'apprête à rajouter quelque chose mais la voix de Raphaël appelant son prénom le coupe dans son élan. Cependant, tandis qu'il se relève en poussant un léger soupire, Harry ne manque pas de dire en regardant Louis avec un sourire qu'il ne peut pas voir :
– Tu sais, je continuerais à te parler même si tu ne réponds pas. J'ai vu la manière dont tu me regardes depuis le premier jour sur la plage, je sais qu'au fond tu meures d'envie de me parler aussi. Et même si je ne connais pas ta vie et la raison qui te retiens, je n'arrêterais pas. Et tant pis si ça me prend jusqu'à la fin de mes vacances, tant pis si ça me tue. Mais je ne peux pas partir sans avoir tout tenté et en regrettant d'avoir manqué une chance avec un si beau garçon que toi.
Et il part comme ça, laissant un Louis totalement secoué et bouleversé sur le banc. Les larmes lui montent aux yeux et il se mord la lèvre pour ne pas craquer. Pas ici. Pas maintenant. Il sort une nouvelle cigarette, souffle doucement, l'allume, aspire une nouvelle bouffée et essaie de se calmer.
Puis il se lève, rageusement, la cigarette entre les lèvres, il retire ses baskets et va dans le sable. Il marche le long de la digue, l'eau vient lécher les pieds quand il marche. Pour se détendre, il s'éloigne un peu, s'assoit sur une chaise longue et regarde le ciel étoilé, dégagé. L'immense infini.
Louis reste là un long moment, ses chaussures dans le sable, les genoux repliés contre son torse et ses bras dessus, sa cigarette quasiment terminée entre ses doigts. Sa tranquillité n'est que de courte durée car déjà il entend la voix de sa meilleure amie l'appeler et elle apparaît à côté de lui.
– Lou putain, ça fait une demi-heure que je te cherche je t'ai envoyé au moins dix messages !
– Mon portable n'est pas allumé.
– Je peux savoir pourquoi tu disparais comme ça sans prévenir ?
– J'avais besoin de prendre l'air.
– Qu'est-ce qui se passe ?
– Rien du tout.
– Tu es un mauvais menteur Louis.
– Ça va, j'avais juste besoin d'être seul quelques minutes.
Et avant que Agathe ne puisse dire qu'elle l'a vu parler à Harry, celui-ci arrive justement avec deux verres dans ses mains. Dans le noir de la nuit, Louis et Agathe peuvent tout de même voir le sourire sur ses lèvres et lorsque son regard se pose sur Louis, il baisse ses yeux vers sa cigarette qui forme un petit cercle rouge dans l'obscurité. Il a honte maintenant, quant aux derniers mots de Harry ils l'ont encore plus plongé dans son malaise.
– Tu es là... Je t'ai ramené une autre bière, tu en veux ?
Harry parle comme si Agathe n'est pas là, Louis se sent rougir et écrase sa cigarette avant de se lever. Il peut tout de même faire un petit effort.
– Merci.
Dit-il avant de prendre le verre que le bouclé lui tend et il boit une gorgée. L'alcool frais coule contre sa langue et il récupèrent ses chaussures au sol.
Ensemble, ils se mettent à marcher vers le bar. Louis s'assoit sur un banc et remet ses chaussures, tandis que Agathe se resservir à boire et parler avec Gemma et Raphaël. Harry reste debout à côté de Louis, il le regarde faire. Puis une fois qu'il a chaussé ses baskets, il lui tend la main avec un sourire.
– Tu viens danser ?
Cette fois, Louis relève enfin le visage vers lui et fronce les sourcils. Danser ? Avec lui ? Il se dit que ce doit être une mauvaise blague. Mais Harry lui tend toujours la main et son sourire s'agrandit lorsqu'il remarque que, enfin, il ose le regarder en face. Le bouclé ne lui laisse pas le temps d'hésiter, il saisit son poignet délicatement et l'entraîne avec lui. Louis n'oppose pas de résistance mais il n'est pas non plus enchanté à l'idée de se ridiculiser devant tout le monde. Harry pose leurs verres sur une table puis l'emmène sur la piste, ses doigts chauds toujours refermés autour de son bras. Il y a plusieurs petits groupes qui dansent, au rythme de la musique produite et transportée par des enceintes.
Au début, Louis ne sait pas quoi faire, il se tient droit et tendu au milieu de ces personnes qu'il ne connaît pas qui rient et dansent, assez crispé même. Harry semble, au contraire, tout à fait à l'aise, il bouge lentement sur le rythme de la musique. Tout le monde s'amuse, profite de la vie, de l'été, la plage, la famille, les amis, les vacances... Mais Louis ne parvient pas à penser à tout ça, il se dit que le temps va trop vite, trop vite pour lui et en réalité il est effrayé. Il a peur du temps qui défile sous son nez et qu'il n'est pas capable de maîtriser. Il devrait l'optimiser et pas le perdre constamment. Il ne sait pas comment s'y prendre mais le sourire que Harry lui offre lui donne un peu l'envie de s'accrocher et de se battre.
Petit à petit, il se détend. Harry reprend sa main timidement pour le faire tourner avec lui et lui montrer les pas. Louis oublie tout durant quelques minutes quand la musique pulse dans son corps et sent son coeur battre jusque dans ses veines. Puis finalement il se sépare de Harry car il commence à avoir trop chaud à remuer ainsi, et soif. Ils retrouvent tous les deux leurs verres et Louis s'autorise à admirer un court instant un Harry essoufflé, les boucles ébouriffées et les joues colorées d'un rose discret.
– C'est à cause de moi si tu as fuis tout à l'heure ?
Louis hausse les épaules. Honnêtement, c'est plus un trop plein. Une accumulation de choses qu'il ne parvient plus à gérer ou contenir. Un moment, il faut bien que ça explose, même s'il déteste cette sensation de douleur dans tout le corps.
– Je suis désolé, je ne voulais pas t'apeurer ou te mettre mal à l'aise.
– Non, ce n'est pas ça.
Un petit peut quand même, peut-être. Mais ça, il ne le dira pas à voix haute. L'avouer serait déjà une manière de dire que Harry pourrait lui plaire et il ne peut pas.
– Quand je bois j'ai du mal à mettre un filtre entre ce que je pense et ce que je dis.
– Ce n'est rien.
En réalité, ce moment plus tôt sur le banc a eu l'effet d'une tornade dans le coeur de Louis, mais ça non plus il ne le confiera pas à voix haute. Soudainement, Harry paraît très timide à côté de lui. Et Louis se demande si la rougeur de ses joues est plus dû à l'alcool ou à une certaine timidité. Pourtant, il a l'air d'être un garçon plutôt sûr de lui et de ce qu'il fait, qui ne manque pas de confiance. Du moins, tout à l'heure, il n'en a pas manqué pour lui dire qu'il l'avait vu le regarder sur la plage et qu'il continuerait de lui parler quand même.
– Je t'embête hein... ?
Louis n'a pas le temps de formuler une réponse appropriée que Raphaël arrive et appel tout le monde pour venir voir le gâteau. Verre à la main, Louis suit le mouvement de groupe. Il regarde un grand gâteau au milieu de la pièce sur un plateau mais pense surtout à Harry. Harry à côté de lui qui chante joyeux anniversaire en rythme avec les autres, son sourire s'étirant jusqu'à dévoiler ses fossettes. Agathe apparaît à côté de lui et le sort de sa rêverie, elle glisse un bras autour de ses épaules et Louis lève les yeux au ciel car elle est définitivement ivre. Elle chante faux, sourire béat aux lèvres et se balance en tanguant un peu. Il passe un bras dans son dos pour la maintenir et sent l'odeur du rhum émaner de son haleine. Gemma arrive et lance à Louis un regard à la fois amusé et désolé, elle lui dit qu'elle a voulu faire un jeu avec Raphaël et des autres.
Alors que tout le monde applaudit lorsque Tom souffle ses bougies et se presse ensuite pour aller chercher sa part, Louis se recule jusqu'au banc avec Agathe et la fait s'asseoir. Elle tient ses bras et fronce les sourcils, prétextant vouloir aller danser.
– On va surtout rentrer et aller dormir. Demain, tu vas pas assumer sinon.
– Mais on ne travail pas demain !
– Tu dois voir ta mère a onze heures je te rappelle.
– On s'amuse bien et même toi je t'ai vu danser avec Apollon !
– Mais arrête de crier comme ça !
Louis sent ses joues s'enflammer alors que Gemma et Harry s'approchent d'eux, ils ont réussis à se procurer une part de gâteau assez grande pour trois personnes. Harry tend la sienne à Louis, dans une assiette en carton, mais il secoue la tête.
– On va y aller.
– Déjà ?
– Oui, elle doit se lever demain.
– Ah. Alors... Bonne soirée, merci d'être venu.
Après un hochement de tête, Louis aide son amie à se redresser et la tient contre lui. Elle soupire, s'accroche à ses épaules. Il adresse un bref signe de tête au frère et à la sœur puis s'éloigne petit à petit. La tentation de se retourner pour voir autre chose que le visage déçu de Harry est forte, mais il y résiste tout de même. Pour leur bien.
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