Chapitre 35
Matthew était à deux doigts de l'hyperventilation. Son cœur commençait à battre douloureusement mais surtout, il avait envie de pleurer.
— Mon poussin ? Calme toi s'il te plaît. C'est pas grave si tu ne veux pas me le dire. Tu le feras quand tu seras prêt.
— Je sors avec quelqu'un, lâcha-t-il de but en blanc.
— Oh, Matthew, c'est génial !
— C'est un garçon, rajouta-t-il tant qu'il en avait encore le courage.
— Est-ce un de tes colocataires de l'été ?
— Oui ...
Et il attendit. Pourtant, il savait qu'il n'avait pas à avoir peur, sa mère était une femme formidable et lui avait déjà prouvé de nombreuses fois qu'il pouvait avoir confiance en elle, qu'elle l'accepterait quoi qu'il fasse ou ne fasse pas. Elle lui avait même laissé entendre plusieurs fois que s'il lui ramenait un gendre ou une bru, elle serait heureuse.
— Je suis heureuse pour toi mon Poussin.
Ces mots suffirent à le faire éclater en sanglot. A ce moment-là, il aurait tout donné pour être auprès d'elle et s'enfouir entre ses bras. Il se sentait comme un petit garçon qui voulait simplement avoir la preuve que sa maman l'aimait toujours malgré ce qu'il était.
— Pardon maman.
— Tu n'as pas à t'excuser de quoi que ce soit Matthew. Tu as le droit de sortir avec la personne que tu veux et personne n'a le droit de te dire le contraire. D'accord ?
— Oui ...
— Dis-moi maintenant ... il est beau ?
Il renifla un coup et essuya les larmes sur ses joues. Il ne put s'empêcher de rire doucement à la dernière question de sa mère. Beau ? Jamais elle ne pourrait imaginer à quoi Léo ressemblait. Les seules personnes qui le pourraient étaient sûrement des autrices de romances sulfureuses entre une personne lambda et un gars mystérieux, couverts de tatouage, riche et sarcastique.
— Il est canon maman, lui répondit-il en riant. Tu hallucinerais. On a rien à voir lui et moi. Parfois je me demande comment on peut se retrouver ensemble.
— Les choses se font pour des raisons, parfois, que l'on ne découvre que bien plus tard mon Poussin. Tu es amoureux de lui ?
La question le prit au dépourvu. Amoureux ? Qu'est-ce que c'était être amoureux pour commencer ? L'était-il ? Le pouvait-il ? Y avait-il un délai minimum pour commencer à tomber amoureux ? Pour se dire que l'on aimait quelqu'un ? Il n'en savait rien mais pour l'instant, il savait que c'était trop tôt pour l'être. Il apprenait à se connaître lui-même et à connaître Léo. Il se sentait bien avec lui et pour l'instant c'était vraiment ce qui importait le plus.
— Non, je ne pense pas ... mais je suis bien avec lui. Ca ne durera pas, dès la fin des vacances, il repartira en France, mais pour le moment, ça me suffit. Je me sens bien maman.
— Il est bon avec toi ?
— Oui, lui dit-il avec un sourire. Il me sort de ma zone de confort. Il est sarcastique, ne montre pas tout le temps ce qu'il pense et il m'appelle Minus. Mais il accepte tous mes défauts, bien plus que les qualités que je peux avoir. Les deux autres aussi en fait. Tous les trois sont incroyables. Ils adorent m'embêter, me faire sortir de mes gonds et se moquer de moi, mais ils m'acceptent aussi. Ils me poussent à être meilleur.
— Je suis contente pour toi. Profites mon Poussin. ... Maintenant, tu as intérêt à m'envoyer une photo de toi et de tes nouveaux amis. Je veux te voir heureux.
— Très bien, je le ferai maman. Dis ... tu penses que je dois le dire à papa ?
— Mon poussin. Tu ne dois rien dire à quiconque. Ce que tu dois faire, c'est te demander si tu veux le faire. Est-ce que tu t'en sens la force ? Ton père t'aime et t'acceptera quoi qu'il arrive. Mais tu as le droit de ne pas te sentir prêt à le dire à une autre personne. Je sais déjà que ça a été dur pour toi de me le dire, et pour cela je t'en remercie et je te félicite. A toi de voir si tu veux continuer sur ta lancée dès maintenant.
— Je ... veux lui dire.
— Très bien, je vais le chercher alors.
Il ne se passa que quelques secondes avant qu'une voix masculine prenne la place de celle de sa mère, mais ces quelques secondes lui parurent interminable. Il hésita même un moment à simplement raccrocher avant que son père ne réponde.
— Allo ? Matthew ?
— Salut papa.
Il était trop tard maintenant pour reculer.
— Comment ça va mon garçon ? Ca fait longtemps que je n'ai pas entendu ta voix.
— Je sais. Je suis désolé papa. J'ai déconné ces dernières années et je ne me suis pas excusé ...
— Ce n'est rien. Tu avais de plus grandes préoccupations. Tes études avant tout et c'est normal. Tu es un garçon intelligent. Tu es amené à faire de grandes choses et pour cela, tu t'en donnes les moyen.
— Papa ?
— Oui mon grand.
— Je sais que je ne suis pas un fils modèle ... mais, qu'est-ce que tu penserais si je te disais que je sors avec un garçon ?
Il entendit son père soupirer. Ca s'annonçait mal et l'idée que celui-ci ne l'accepte pas lui fit montrer les larmes aux yeux.
— Ecoute Matthew. Il y a quelques temps, je pense que je ne sais pas ce que je t'aurais dit. Mais sache qu'on a déjà évoqué cette éventualité avec ta mère il y a quelques semaines et j'ai été obligé d'en venir à une certaine conclusion. Celle que le bonheur de mon fils passerait toujours avant des principes vieux comme le monde qui ont pus m'être inculqués par mes parents. Je ne dirais pas que je comprends, vu que c'est quelque chose qui m'est totalement étranger, mais si c'est une situation qui te convient et qui te rend heureux, qui suis-je pour t'interdire quoi que ce soit ? Un parent est là pour aimer ses enfants, de la même manière qu'un enfant n'est pas là pour satisfaire les attentes de ses parents mais pour vivre sa vie de la meilleure manière qu'il soit.
— Qu'ai-je fait pour vous mériter ? demanda Matthew en pleurant.
— Rien mon grand. Tu n'as pas besoin de mériter pour être heureux. C'est simplement ce que chaque enfant devrait avoir. Des parents qui acceptent et qui aiment.
— Je vous aime maman et toi. Je ne vous le dis assurément pas assez, mais sachez que je vous aime vraiment énormément.
— Nous aussi Matthew. Nous aussi. Maintenant que le passage larmoyant est fini ... j'espère qu'il te traite bien. Que vous ne faîtes pas n'importe quoi et que tu te protèges. Bon, sang, est-ce qu'on a déjà évoqué ça avec toi ? Alors je sais que tu te destines à être médecin mais ...
— Papa ... je ... je vais te laisser ok ?
— Je suis sérieux Matthew ! J'espère que ton compagnon est réglo avec ça !
— Au revoir hein ! Embrasse maman !
— Renseigne toi un peu sur les relations entre garçon et ne vas pas au-delà de tes limites. Et surtout, n'hésites pas à frapper s'il insiste.
— Je vous aime ! Au revoir !
Matthew raccrocha, le visage d'un magnifique carmin. Il observa son téléphone encore quelques secondes avant d'exploser de rire. Il avait commencé l'appel avec la boule au ventre et une certaine envie de pleurer et le finissait le ventre toujours aussi douloureux et des larmes coulant encore sur son visage mais d'amusement cette fois. S'il y avait bien une conversation qu'il n'avait jamais imaginé avoir avec son père, c'était bien celle concernant les relations sexuelles entre garçons. Et s'il devait être honnête avec lui, il ne l'imaginait toujours pas. C'était bien pour cela qu'il avait coupé court à l'appel. Pourtant, son père avait raison. Il comptait énormément sur l'expérience de Léo mais il ferait bien de se renseigner aussi un peu de son côté.
Ceci avait au moins eu l'avantage de faire disparaître toute trace d'angoisse qui avait pu l'envahir au début de l'appel. Il n'avait plus, maintenant, qu'à sécher ses larmes et tenter de reprendre contenance avant que les autres ne sortent de l'hôpital. Ce fut plutôt peine perdu puisque lorsqu'ils arrivèrent à ses côtés, la première chose qu'il entendit fut qu'il avait une sale tête, ce qui faisait toujours plaisir bien entendu.
— Au lieu de vous moquer de moi. Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Matthew en s'approchant, par automatisme, de Léo.
— Je meurs de faim ! s'exclama Théo. Et on fait mieux que des plateaux d'hôpitaux ! Je rêve d'un énorme sandwich avec des frites !
— On pourrait manger des Cuban Sandwich ! proposa Klaus. Comme à notre arrivée ici !
Tout le monde accepta la proposition de l'Allemand et ils se dirigèrent donc vers le tout premier endroit où ils avaient mangé ensemble le mois passé. Matthew eut un pincement au cœur en se rendant compte que leur arrivée datait d'il y avait presque cinq semaines et il ne l'en restait désormais plus que trois avant le premier départ du groupe.
La main de Léo se resserra doucement autour de la sienne, le faisant lever le visage vers celui de son petit-ami. Il rencontra directement ses yeux qui semblaient le sonder. Essayait-il de savoir à quoi il pensait ?
— Tu as pleuré ...
Matthew leva son autre main et la posa sur une de ses joues, comme si les larmes qu'il avait coulé un peu plus tôt y étaient toujours présentes.
— Un peu.
— Ton appel ?
— Ca s'est bien passé, lui répondit Matthew en tournant à nouveau le regard vers la route. J'ai eu peur alors que je savais qu'il n'y aurait pas de problème, ne serait-ce qu'avec ma mère. Mais ça m'a fait bizarre ... j'ai fait mon premier coming-out et je n'arrive pas à savoir comment je me sens. Soulagé ? Heureux ? Anxieux ? Tout à la fois ? La seule chose que je sais, c'est que ma mère veut une photo de toi et qu'il est hors de question que je parle sexe avec mon père.
Léo ne continua pas la conversation mais Matthew savait qu'il était satisfait de savoir que tout s'était bien passé. Son petit rictus le lui prouvait dans tous les cas.
Lorsqu'ils arrivèrent au restaurant, le plus jeune sentit une vague de joie le parcourir. C'était l'un des endroits où tout avait commencé et bien plus encore. Ils s'étaient présentés et avaient papoté. C'était ici aussi où Matthew avait gagné un battle de danse, ce qu'il trouvait totalement hallucinant quand il y repensait. Ce souvenir correspondait aussi à sa première cuite. Il s'était aussi pris la tête avec Léo pour finalement comprendre que l'attirance était réciproque.
Cet endroit lui était précieux. Pourtant, il contenait aussi des souvenirs un peu moins agréables qu'il avait totalement occulté de son esprit mais qui, malheureusement pour lui, revinrent en force une fois qu'ils passèrent les portes et que son regard se planta dans celui d'un autre jeune homme.
— A ce que je vois, ce restaurant n'a pas amélioré son personnel, dit Léo en emportant Matthew avec lui jusqu'à une table.
— J'avais totalement oublié ce crétin. Comment il s'appelle déjà ? demanda Klaus.
— Elliot ... mais ignorons le. Je ne me souvenais même pas de son existence et vous non plus Et on s'en portait pas plus mal ! fit remarquer Matthew.
Heureusement pour eux, un autre serveur vint prendre leur commande. Comme touchés tous les quatre par la nostalgie, ils prirent tous des Cuban Sandwich. Klaus osa même en prendre un avec un supplément jalapeños.
Au milieu du repas, Matthew s'absenta quelques minutes pour aller jusqu'aux WC. Lorsqu'il en sortit, il croisa malencontreusement le regard de Elliott qui s'approcha de lui.
— Matthew ...
Le susnommé leva les yeux au ciel avant de l'ignorer et se diriger vers sa table. Une main autour de son bras l'interrompit.
— Je peux te parler ?
— Désolé, je pense qu'on a pas grand-chose à se dire. Bonjour ? Il le serait plus si je ne te voyais pas. Pardon ? C'est lorsque tu m'as pris pour un idiot qu'il aurait fallu le dire, pas un mois plus tard.
— Et si je voulais te dire que je regrettais de ne pas avoir réussi à te mettre dans mon lit ? lui répliqua Elliott, vexé, les bras croisés sur sa poitrine.
— Je te dirais sûrement d'aller te faire voir ou plutôt d'aller voir mon petit ami pour qu'il t'explique sa manière de voir les choses.
— Ah, renifla-t-il avec dédain. T'es avec l'autre enfoiré ? Eh bien, tu lui diras que je n'oublie pas le coup qu'il m'a donné et de faire attention s'il chérit votre relation. On est jamais à l'abri d'un petit vol de petit ami.
Matthew bouillait de l'intérieur. N'était-il qu'un objet ? Qu'une récompense ? Ou encore une vengeance ? Ca lui arrivait peu, mais à ce moment même, il n'avait qu'une envie, frapper Elliott et lui retirer ce sourire du visage. A la place, il se contenta de souffler un coup et rejoindre les garçons à leur table. Aujourd'hui était le jour de Théo, ce n'était pas le moment de faire le moindre esclandre.
— T'es sûr que t'es allé aux toilettes ? demanda Klaus. Parce que là on a l'impression que tu as envie de chier.
Le blond était décidément la réincarnation de Shakespeare et il le lui prouvait tous les jours. Et là, Matthew était trop agacé pour en rire alors à la place, il attrapa son sandwich et croqua un énorme morceau sans faire attention aux sourires taquins de Théo et Klaus et du rictus de Léo.
— Oh les idiots, marmonna Matt alors qu'il avait la bouche en feu. Encore ...
Les yeux au ciel, Léo passa au jeune homme de quoi calmer la douleur incombée par les jalapeños tandis que les deux autres pleuraient de rire. Bon, c'était vrai, Matthew serait sûrement en train de rire à nouveau s'il n'était pas au bout de sa vie. Il était tellement sur les nerfs après sa rencontre avec Elliott qu'il n'avait pas été prudent. Pourtant, il commençait à vraiment bien connaître ses nouveaux amis et aurait dû se douter qu'ils profiteraient de son absence pour préparer quelque chose.
Le reste du repas se passa bien et Matt en oublia même ce qui l'avait mis en rogne un peu plus tôt. Ils payèrent, ou plutôt Théo paya sous prétexte que ... pour rien du tout en fait, il avait simplement était le plus rapide à mettre sa carte bancaire dans le lecteur, puis sortirent du restaurant, direction la plage.
Matthew n'était pas très rassuré par cette idée et, s'il en croyait la pression de la main de Léo dans la sienne, lui non plus ne devait pas l'être. C'était une idée de son frère, bien entendu, mais cela leur paraissait un peu délicat de se rendre à l'endroit même où le français avait failli perdre la vie. On disait, effectivement, que lorsqu'on tombait de vélo, il fallait y remonter tout de suite pour prendre le dessus d'une éventuelle peur, mais si la chute avait entraîné un séjour à l'hôpital, n'y avait-il pas prescription ? Peut-être pourraient-ils y retourner à un autre moment que le jour de sa sortie d'hôpital ?
Comble de malchance _ c'était bien son jour _ certaines personnes étaient présentes sur la plage et notamment une jeune femme que Matthew se serait bien passé de voir. Il essaya de l'ignorer et salua les autres personnes normalement. Et alors qu'il s'attendait à de simples bonjours voire à être ignoré, Thomas, Dan, Sandy et Carla lui répondirent avec entrain, comme s'ils étaient heureux de le revoir depuis l'accident de Théo.
— Théoooo, hurla une voix qui n'avait vraiment pas manqué à Matt. Tu es là ! J'ai eu si peur de ne jamais te revoir !
— Tu pouvais très bien envoyer un message tu sais ? fit-il remarquer en essayant d'éviter son étreinte. A moi ou un de nous quatre.
— J'avais tellement peur de vous déranger. Et j'étais encore en état de choc après ce qu'il s'est passé. C'est grâce à toi que je m'en suis sortie indemne ! Comment veux-tu que je te remercie ? Puis toi aussi Léo ! Théo est venu me sauver mais toi tu as sauvé ton frère alors ... c'est comme si tu m'avais sauvée moi aussi.
— Matt aussi a sauvé Théo, rajouta Klaus.
Alicia adressa un regard dédaigneux à Matthew, ignora la remarque du blond et recentra son attention sur les jumeaux.
— Je vous dois la vie les garçons alors c'est ... comme vous voulez.
Matthew était à deux doigts de l'explosion. Déjà Elliott au restaurant et maintenant l'autre greluche ici ? Qu'avait-il fait pour avoir ce genre de personne dans son entourage ? Et surtout, il avait beau essayer de les ignorer, de ne pas interagir avec eux, cela ne semblait pas très efficace.
— Ca ira, répondit Théo avec un sourire. Pas besoin de nous remercier.
— J'insiste ... ou alors au moins Léo, pour le remercier de t'avoir sauvé toi ... et donc moi par procuration ...
Sauver par procuration ... ce qu'il ne fallait pas entendre. Autant qu'elle remercie leur mère de les avoir mis au monde non ? Ou encore leur père pour ne pas avoir été stérile ! C'était totalement absurde.
— Tu as un problème peut-être Matthias, lui demanda-t-elle après l'avoir vu lever les yeux au ciel.
— Aucun Alexa. Mais toi peut-être en as-tu un que tu voudrais nous faire partager ?
— Oh ne t'inquiète pas pour moi. Je n'ai aucun problème à part ta misérable personne bien sûr. Après tout, sans ta présence, ce jour-là, nous serions sûrement allés boire un verre je pense et rien de tout cela ne serait arrivé ... mais comment rentrer dans un club quand on compte un enfant parmi nous ? Alors que du surf ...
Il croyait rêver. Était-elle réellement en train de réinventer toute l'histoire dans le simple but de lui rejeter la faute dessus et qu'il en culpabilise ?
Il allait se la faire.
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