Chapitre 30

Un nouveau vent de panique souffla dans le groupe. L'information mit du temps à monter au cerveau de Matthew. Théo était manquant. Théo n'était toujours pas sorti de l'eau. Il avait plongé pour chercher Alicia mais n'était pas remonté à la surface.

Théo était peut-être en train de se noyer.

Alors qu'il comprenait enfin ce qu'il se passait, il découvrit que Léo et les deux garçons du groupe d'Alicia étaient repartis dans l'eau. Klaus, lui, était livide. Il tourna le visage vers celui de Matthew avant de s'approcher de lui.

— J'ai tué Théo, lui dit-il.
— Ne raconte pas de bêtise Klaus !
— J'aurais jamais dû proposer de faire du surf !
— Tu pouvais pas savoir que le temps changerait. Tu pouvais pas savoir qu'il y aurait un accident.
— Mais ... et si ...
— Si rien du tout ! Ce n'est pas de ta faute ! Et Théo ... Théo ... les garçons vont vite le ramener.
— Ils sont là ! cria Carla.

Matthew et Klaus se retournèrent et aperçurent Léo avançant vers eux, Théo dans les bras. Quelque chose semblait bizarre. Le corps du jeune homme ressemblait à celui d'une poupée. Le cœur de Matthew sembla s'arrêter quelques secondes. Il vit son petit-ami poser Théo sur le sable et s'immobiliser. Les autres se précipitèrent sur eux et commencèrent à hurler tous ensemble des choses incompréhensible. S'ils continuaient, Théo ne se réveillerait pas. Il fallait que quelqu'un prenne les commandes. Il fallait des secouristes. Il fallait ...

— Dégagez de là, cria Matthew à plein poumon.

Cela eut au moins le mérite de les faire taire. Matthew lui, se précipita à son tour sur Théo, poussant tous ceux qui se trouvaient sur son passage.

— Comment ... commença Alicia.
— Toi, tu la fermes ! Que quelqu'un appelle le 911. Il faut que deux personnes aillent chercher un secouriste plus loin, ils ont peut-être un moyen de faire venir les secours plus rapidement. Carla, regarde l'heure qu'il est et retient la bien.

Il ne regarda pas si les autres l'avaient écouté. Son corps et son cerveau étaient entrés en pilotage automatique. Il savait ce qu'il devait faire et à aucun moment il ne songea au fait que ce qu'il s'apprêtait à faire, il ne l'avait fait que sur des mannequins qui ne risquaient rien.

Il contrôla la respiration _ ou plutôt le manque de respiration _ de Théo et les battements de son cœur. Une fois vérifiés, il attrapa le menton de Théo et le releva un peu pour mieux avoir accès à sa bouche. Il boucha son nez et posa ses lèvres sur les siennes avant d'insuffler deux fois de l'air dans les poumons du français. Il posa ensuite ses mains sur le thorax et commença à masser.

Il entendait les autres parler autour de lui mais ne les écoutait pas. Il devait se concentrer et réussir. Une fois trente compressions faîtes, il recommença le bouche-à-bouche puis le massage.

Le temps passa d'une lenteur affreuse et Matthew commençait à sentir ses bras lui brûler. Puis un bruit ... et de l'eau que l'on évacuait avec force. Il vit le torse de Théo bouger frénétiquement au rythme des toussements qui lui permirent de faire sortir l'eau de ses poumons. Sans perdre une seconde, Matthew le mit en position latérale de sécurité et veilla à ce que son ami reprenne bien conscience.

— Théo ... Théo !

Il vit le jeune homme papillonner des yeux avant de perdre connaissance. Matthew vérifia qu'il respirait correctement et son rythme cardiaque avant de le recouvrir des affaires qui l'entourait pour le réchauffer.

Moins de dix minutes plus tard, les secours arrivèrent enfin. Ils se précipitèrent sur Théo pour l'examiner tout en posant des questions à Matthew qui fonctionnait toujours comme un robot. Ils mirent Théo sur un brancard et l'emmenèrent avec eux. Le plus jeune vit Léo se lever à son tour pour les accompagner. Alors qu'il passa à côté de Matt, il l'attira à lui et l'embrassa comme si sa propre vie avait été en jeu ces trente dernières minutes.

— Merci, chuchota-t-il ensuite à son oreilles. Tu ...
— Vas-y, le coupa Matt. Ton frère a besoin de toi. J'ai ... Il est le plus important pour l'instant. Vas y avant qu'ils partent sans toi.
— Je t'appelle.

Matthew le regarda partir avec l'ambulance et ne bougea pas lorsque le véhicule ne fut plus visible. Il entendit derrière lui quelqu'un dire qu'ils allaient rendre les affaires de surf et qu'ils rentreraient. Il hocha simplement la tête et écouta leurs pas s'éloignant sur le sable.

Il resta immobile encore quelques secondes avant que sa poitrine ne se soulève brutalement, comme s'il était resté en apnée tout ce temps, et que ses jambes ne le lâchent. Il s'effondra au sol et sentit les larmes dévaler ses joues. D'énormes sanglots le secouèrent. Il sentit un bras lui entourer les épaules et quelqu'un se coller à lui.

— Tu l'as sauvé bébé Matt. T'es un héros.
— J'aurais pu ne pas réussir ... le blesser ... mais je contrôlais plus rien. Je l'ai vu étendu au sol et ...
— Et tu l'as sauvé.
— C'est la première fois que je fais ça sur une vraie personne ...
— Et j'espère que tu n'auras pas à le faire de sitôt.

Klaus se leva et aida Matthew à en faire de même.

— Vient, on sera mieux à l'auberge.

Il lui tendit ses affaires qu'il enfila machinalement. Le blond l'attrapa par la main et le tira derrière lui. Matthew se laissa faire et le suivit jusqu'à leur chambre. Il vit Klaus s'installer dans le lit de Théo et décida de faire de même. Côte à côte dans le même lit, ils finirent par s'endormir, toutes ces émotions ayant eu raison d'eux.

Matthew se réveilla à la sonnerie de son téléphone. Il jeta un rapide coup d'œil à la fenêtre et vit que le soleil déclinait. Il décrocha et sursauta en entendant la voix de Léo.

— Léo ! Ça va ? Et Théo ? Qu'est-ce qu'on dit les médecins ?
— Ça va ... Il s'est réveillé il y a pas longtemps avant de se rendormir. Les médecins lui ont fait une batterie de test pour vérifier l'état de ses poumons. Sa respiration risque d'être difficile un petit moment mais tout va bien.
— Il n'y a pas de risque de noyade sèche ?
— Toute l'eau a été évacué de ses poumons. Il n'est plus en danger ... Théo te doit la vie Matthew.
— On pourra venir le voir demain ? demanda Matthew. Il vaut peut-être mieux qu'il se repose encore mais ... je pense que ça nous rassurerait. C'est peut-être beaucoup demandé, je sais. Mais Klaus est chamboulé et moi je ... je m'inquiète quand même. Et j'ai envie de te voir et d'être avec toi.
— Tu sais bien parler maintenant Minus, lui répondit Léo, de l'amusement dans la voix. Venez demain. Les visites commencent à midi.
— Ok ... on sera là à midi. N'oublie pas de manger et ... bonne nuit.
— Repose toi aussi ... et soit là sans faute à midi.

Léo raccrocha. Matthew laissa lentement glisser le téléphone de son oreille et sentit ses yeux le piquer. Théo allait bien, ou allait mieux en tout cas. Et Léo voulait le voir. Pour Matt, c'était ce qu'il laissait entendre par sa première phrase. Et cela lui donna vraiment envie de rejoindre son petit-ami. Pour qu'il dise ce genre de chose, c'était qu'il devait vraiment être touché par ce qui était arrivé. Forcément il était touché ! Son jumeau avait manqué de mourir ... et devant ses yeux en plus. Il se retrouvait maintenant seul à l'hôpital.

Si Matthew connaissait le nom de l'hôpital, il l'aurait sûrement rejoint sur un coup de tête. Mais il ne le savait pas et n'avait pas envie de déranger Léo pour le moment. Il avait besoin de se reposer et lui aussi d'ailleurs. Mais avant tout, il fallait qu'il mange.

Il se tourna vers Klaus et vit celui-ci, le coussin de Théo entre ses bras. Il décida alors de sortir et d'aller chercher leur repas. Il n'irait pas très loin, sûrement à la sandwicherie la plus proche ... ou alors un fast-food. Il le fallait de la nourriture grasse, de la nourriture réconfortante, et quoi de mieux que de la junk food pour cela.

Il s'habilla chaudement et sortit de l'auberge. Il observait les gens autours de lui. Ils avaient tous l'air heureux. C'était dingue de voir qu'un événement pouvait chambouler sa vie mais n'avoir aucun impact sur celles des autres. Comme si tout ceci n'était jamais arrivé. Ils n'étaient pas grand-chose après tout. Un grain de sable dans l'immensité qu'était l'univers.

Matthew arriva dans un fast-food et prit les burgers les plus gros proposés. Il accompagna bien sûr le tout de deux grandes portions de frites et de plusieurs sauces avant de payer et de revenir à l'auberge.

Une fois dans la chambre, il s'installa à côté de Klaus et entreprit de le réveiller.

— Hey, chuchota-t-il en lui secouant l'épaule. Réveille-toi ! Faut que tu manges quelque chose.
— Pas faim, marmonna Klaus en enfonçant plus profondément son visage dans le coussin.
— Si, tu dois manger ! On a quasiment pas mangé de la journée, c'est pas le moment de se retrouver à l'hôpital ! On a déjà assez de Théo !

Cette phrase, bien que dure, eut l'effet escompté. Klaus ouvrit les yeux et finit par se redresser. Matthew lui tendit un des deux hamburgers et l'observa le dévorer comme s'il n'avait pas été nourri depuis des jours.

— Léo m'a appelé, lui dit-il entre deux frites. Théo est sorti d'affaire selon les médecin.
— On pourra aller le voir ?
— Demain, à partir de midi.

Klaus parut soulager. Les traits de son visage paraissaient plus détendus et ses épaules un peu moins basses. Ils continuèrent le repas dans le silence, ne parlant que pour demander une sauce ou une serviette en papier à l'autre.

— J'ai embrassé Théo.

Matthew manqua de s'étouffer. Son regard se dirigea automatiquement vers celui de Klaus et lui demanda silencieusement si c'était vrai.

— Attend ... tu l'as quoi ?
— Embrasser. Comme dans le verbe embrasser, küssen ! Ce que tu fais très souvent avec Léo.
— Ok, ok, j'ai compris ! Mais ... pourquoi ?
— J'avais bu ... et on était dans ce bar.
— Donc, tu étais saoul.
— Le problème, c'est que j'étais pas assez saoul pour faire ça sans avoir conscience de ce que je faisais.
— Alors tu l'as vraiment embrassé. Mais je croyais que ...
— Je suis hétéro ! Mais je suis perdu ! J'étais hyper bien avec lui et bam je me suis mis à l'embrasser. Et j'y pense tous les jours. Je sais pas pourquoi je l'ai fait. Je pourrais dire que je l'aime et en même temps que je suis pas amoureux de lui. C'est à n'y rien comprendre. Ces derniers jours, j'ai commencé à piger quelques trucs mais il y a eu cet accident aujourd'hui et j'ai eu beaucoup trop peur pour lui pour continuer à y penser calmement. Je sais pas quoi faire.
— Tu lui en as parlé ?
— Je me suis excusé un peu après l'avoir embrassé ... mais c'est tout. J'ai peur de lui en parler et qu'il me prenne pour un fou.
— Il faudra que tu lui en parles. Met les choses au clair. En plus, Théo est le principal concerné et il est de bons conseils. Il saura comment t'aider à y voir plus clair.
— Tu as raison. Je vais essayer de faire ça. Toi aussi t'es plutôt pas mal dans ton genre !
— J'ai un copain Klaus.
— Je parlais de donner des conseils.

Matthew et Klaus se regardèrent avant d'exploser de rire. Cela faisait du bien de décompresser un peu après les journées qu'ils avaient eu et la révélation de Klaus. Une fois leur repas terminé, ils ne perdirent d'ailleurs pas une seconde avant d'aller chacun se laver et se changer puis se mettre au lit.

— Tu dors avec moi cette nuit ? demanda Klaus.
— Bien sûr ! J'ai pas mon oreiller, il m'en faut bien un de rechange, répondit Matthew avec un sourire.
— Je serai un remplaçant parfait ! Une version Low Cost, mais tu verras, tu ne regretteras pas. Et peut-être qu'après cette nuit, tu succomberas à mon charme et je n'aurais plus à me poser des questions sur mes sentiments. On partira ensemble en Allemagne et on vivra heureux avec nos deux chiens et nos trois enfants.

— Allez, ferme-la idiot, au lieu de raconter des bêtises, lui dit le plus jeune en le poussant sur le lit. Et pas un mot à Léo ... sinon je lui raconte que tu as embrassé son frère en plus de dormir avec son copain.
— C'est bas ça bébé Matt !
— J'ai de bons profs, c'est pour ça ! Dors maintenant ! Bonne nuit.
— Bonne nuit Matt. Et ... merci pour tout.
— Ça sert à ça les amis, non ?
— Les meilleurs amis même ... Les meilleurs que j'ai pu avoir.

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