Chapitre 19
Le lendemain matin, Matthew fut le premier à se réveiller. Enfin, il le supposait puisqu'il entendait Klaus et Théo ronfler et que les bras de Léo l'entouraient toujours. En vérité, cela devait bien faire une demi-heure que le sommeil l'avait quitté mais il n'osait pas bouger. Il savait qu'au moindre mouvement, l'autre jeune homme se réveillerait, et donc, cet instant de quiétude prendrait aussitôt fin. Et il avait peur. La veille avait été une véritable horreur et il craignait vraiment qu'aujourd'hui le soit tout autant, d'autant plus que Léo lui avait dit la veille qu'ils parleraient à ce moment-là.
Il voulait parler. Mais qu'est-ce qu'il parviendrait à dire ? Les idées se mélangeaient dans sa tête et même comme ça, alors que les autres dormaient encore, il était incapable d'imaginer ce qu'il pourrait bien leur dire tout à l'heure.
C'était dans ce genre de moments qu'il se détestait d'être ce qu'il était.
Un quart d'heure, sa vessie l'empêcha de rester au lit plus longtemps. Il se dégagea alors de l'étreinte de Léo, se leva et sortit de la chambre. Il croisa certaines personnes qui le saluèrent et se dirigea vers les sanitaires. Il y resta un peu plus longtemps que nécessaire, comme un moyen de s'accorder un sursis supplémentaire. Mais il n'avait pas le droit de rester. Il était même de son devoir de prendre son courage à deux mains et d'affronter la situation. Il avait tant avancé, ce n'était en aucun cas pour faire marche arrière. Puis, qu'est-ce qu'il risquait à discuter avec les garçons ? Perdre leur amitié et perdre son premier copain ? Oui, effectivement, le prix à payer pouvait être aussi énorme. Mais ne pas discuter pourrait donner le même résultat. Les risques étaient même sûrement plus grands s'il ne leur parlait pas.
Alors, il y alla. Il retourna dans la chambre d'un pas qui se voulait assuré bien que ses mains tremblaient. Il prit une bonne inspiration avant d'ouvrir la porte et entra.
« Mais ... où sont ...
– Je leur ai demandé d'aller chercher le petit déjeuner. »
Pas encore habillé et les yeux remplis de sommeil, Léo était à présent assis sur son lit et semblait attendre ... L'attendre. Et le fait qu'il ait demandé à Klaus et à Théo d'aller chercher le petit déjeuner renforçait simplement l'idée qu'il était temps qu'ils parlent tous les deux.
Mais là se posait une nouvelle question. Où est-ce qu'il devait s'installer ? À côté de lui ? Plutôt éloigné ? Il n'en savait rien. Il n'avait pas l'habitude de tout cela alors comment pouvait-il savoir ?
Léo dut s'en rendre compte parce qu'il se leva légèrement pour l'attraper et l'installer entre ses jambes, le dos contre son torse, comme lorsque Matthew avait parlé de ses craintes. Est-ce qu'il essayait à nouveau de le mettre à l'aise pour qu'il parle ?
« Il y a trois ans, j'ai rompu parce que la personne avec qui je sortais était d'une jalousie maladive, lui dit alors Léo. Je ne parle pas de la petite jalousie qui montre que l'on tient à l'autre. Je parle du genre de jalousie qui t'empêche de côtoyer tes amis ou de nouvelles personnes, qui veut te modeler en ce que tu n'es pas, qui t'enferme dans le creux de la main d'une seule personne.
– Je ... désolé, s'excusa Matthew. Je ne ..
– Non, le coupa-t-il. Pour le coup, c'est à moi de m'excuser. Hier je t'ai demandé ce que tu savais réellement de nous. Mais c'est assez hypocrite de ma part. Nous non plus, on ne sait pas grand-chose de toi. Je pense qu'on n'est pas tous partie sur des bonnes bases et qu'on a fait les choses précipitamment. »
Le cœur de Matthew loupa un battement. Que voulait-il dire par précipitamment ? Il se retourna vers Léo, les yeux écarquillés.
« Tu ... précipitamment ? Tu veux dire que ...
– Panique pas ! Qu'est-ce que ta tête de Minus est en train d'inventer, lui dit-il en le serrant contre son torse. Je ne te largue pas. Un été c'est déjà assez court comme ça. Mais il va peut-être falloir qu'on communique plus. »
A ces mots, Matthew se mit à rire doucement. Au vue de leurs personnalités, c'était un énorme effort qu'ils allaient devoir faire. Mais il était déterminé à évoluer et à faire avancer les choses. Pour une fois qu'une bonne chose lui arrivait, il se rendait compte qu'il allait vraiment devoir donner de lui pour que cela continue. Il hocha alors doucement la tête avant de la poser sur son épaule. Il ne savait pas vraiment quoi dire ou faire d'autre pour le moment. En tout cas, pas tant que les deux autres ne soient revenus.
Ils restèrent alors comme ça pendant une dizaine de minutes. Enfin, ce qui parut n'être qu'une dizaine de minutes pour Matthew qui s'était en réalité endormi contre le torse de Léo. Il fut réveillé par le retour de Théo et Klaus dont la discrétion s'approchait de zéro.
« Zut ... j'ai dormi longtemps ? demanda-t-il alors qu'il se redressait et s'essuyait la bouche.
– Selon la bave que tu m'as laissée comme cadeau ... je dirais une demie heure, lui répondit Léo. »
Matthew regarda le haut de Léo et y vit une énorme tache humide. Il avait bavé sur Léo ... Et pas qu'un peu à première vue. Il remonta son regard vers celui sévère de l'autre jeune homme et se mordit les lèvres pour se retenir de rire. Léo leva les yeux au ciel avant de poser sa main sur le front de Matthew et de le pousser sur le matelas. Ce dernier laissa alors cours à son hilarité, observant Léo soupirer et se lever pour changer de haut.
Puis Matt s'arrêta de rire et tourna légèrement le visage vers Klaus et Théo qui l'observaient aussi. Les mots se bloquèrent alors dans sa gorge nouée. S'ils continuaient à le fixer ainsi, il ne savait pas s'il arriverait à leur parler. Il se réinstalla alors, visage vers le plafond, yeux clos.
« Je suis désolé. Je suis le pire ami qu'on puisse avoir. Et je me suis rendu compte que je ne savais rien de vous et que c'était de ma faute. Je n'ai pas cherché à vous connaître. A réellement vous connaître. Alors j'ai aucune excuse pour mon comportement. »
Il n'y avait aucun bruit dans la chambre. C'était ... oppressant. Matthew n'avait jamais été quelqu'un aimant vivre dans le bruit permanent. Mais là, la situation et le fait qu'être vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec les garçons l'avait éloigné du silence, tout ceci faisait que l'angoisser. Une crise pouvait poindre son nez à n'importe quel moment.
Mais elle n'en eut pas le temps.
L'air fut totalement expulsé de ses poumons lorsqu'un poids atterrit violemment sur son ventre. Il fut ensuite assailli et ne put plus bouger d'un pouce.
« Il est trop mignon notre Amerloque ! cria Klaus en serrant sa tête entre ses bras.
– Il était tout jaloux hier et là il s'excuse ! Quel merveilleux petit garçon nous avons là Klaus ! »
Matthew se débattit légèrement, au moins suffisamment pour réussir à respirer à nouveau. Puis il ne bougea plus. Il avait même envie de pleurer. Les garçons ne semblaient pas lui en vouloir, à moins qu'ils ne le cachaient. Il voulait alors s'en assurer. Il ne voulait pas être ménagé pour une quelconque raison.
« Vous ne m'en voulez pas ? demanda-t-il donc.
– Comment est-ce qu'on pourrait t'en vouloir ? répondit Théo.
– On oublie souvent que tu n'es pas du même monde que nous. Nous, on a l'habitude de rencontrer des gens, passer du temps avec tout le monde sans avoir besoin de se soucier des autres parce qu'ils sont comme nous.
– Oui, mais c'est nouveau pour toi. N'empêche, pour être jaloux c'est que tu dois tellement nous aimer. Ça mérite un énorme bisou ! »
Théo alla poser ses lèvres sur le visage de Matthew, celui-ci ne savait pas où et ne le saurait sûrement jamais puisqu'une main vint littéralement s'aplatir sur le visage de Théo. Une main appartenant bien entendu à son jumeau.
« Le câlin c'est ok. Mais pas plus.
– Pfff, même pas un petit bisou de rien du tout ? râla Théo avant de tomber sur le regard noir de son frère. Ok, ok, c'est compris. Les câlins c'est bon, les bisous on exclue.
– Mais du coup, on a le droit de faire ça ! continua Klaus. »
Il glissa rapidement sa main sous le haut de Matthew et effleura ses côtes, le faisant sursauter.
« Non ... pas ça s'il te plait ! le supplia Matthew.
– Serais-tu ... »
Théo et Klaus se jetèrent alors un regard de connivence avant de se mettre à chatouiller Matthew qui se tortilla dans tous les sens. Impossible de se libérer. La torture continua un petit moment jusqu'à ce que Léo ne sorte de la chambre. Lorsque la porte claque, les deux autres s'arrêtèrent et se laissèrent tomber de part et d'autre du plus jeune.
« Tu vois, commença Klaus. N'importe qui peut éprouver de la jalousie.
– Je suis d'accord. C'est totalement naturel. Il ne faut juste pas que ce soit abusif.
– Donc vous ne m'en voulez vraiment pas ?
– Bien sûr que non !
– En plus, renchérit Théo. On a aussi nos tords. Tu as raison de dire que tu ne nous connais pas vraiment. Mais nous non plus on ne te connaît pas si bien que ça.
– C'est ce que Léo m'a dit ...
– Comme quoi, parfois mon frère dit des choses qui ont du sens. »
Après de nombreux efforts, Matthew réussit à se dégager de l'emprise des deux garçons et s'assit sur le lit, face à eux.
« Du coup ... est-ce qu'on peut remédier à ça ? Enfin, je me disais ... on pourrait ... vous savez, comme le premier jour ...
– Tu veux dire se poser des questions pour apprendre à se connaître ? demanda Théo.
– Je suis partant ! On a qu'à faire un Strip Action ou vérité ! ... Non, non, je déconne ! Fait pas cette tête Matt ! »
Mais Matthew éclata finalement de rire. Parce qu'il venait de réaliser qu'il se sentait déjà mieux. Parce qu'il venait de penser à quelque chose.
« Je pourrais peut-être l'envisager ... Si tu répondsà ma question Klaus, dit-il alors avec un certain courage qu'il ne seconnaissait pas. Est-ce que c'est vrai que tu es hétéro ? »
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