Chapitre 09
Il était presque vingt-et-une heure. Matthew n'avait plus le temps de revenir dans la chambre pour ... pour quoi d'ailleurs ? Demander à Léo pourquoi il l'avait obligé à retirer sa chemise ? Savoir si lui et Théo continuaient à parler de lui ? Non, le mieux à faire était de partir rejoindre Elliott et d'oublier un peu les garçons pour ce soir. Il attrapa alors son téléphone, entra le nom du bar sur son gps et suivit les instructions jusqu'à destination.
« Matthew ! »
Le susnommé se retourna et vit Elliott arriver vers lui en courant. Il avait délaissé son habit de barman pour quelque chose de plus décontracté mais lui allant tout aussi bien. Il s'arrêta à quelques centimètres de Matthew, bien trop près même, avec un énorme sourire.
« Je suis contente que tu sois là !
– Bah, je te l'avais promis donc j'allais pas te faire faux bond.
– J'ai juste pensé qu'il t'aurait empêché de ... enfin bref, tu es là, tant mieux ! Entrons ! »
Le Room 901 était un bar plutôt branché. Un décor assez excentrique mélangeant industriel et romantique, des centaines de bouteilles alignées les unes à côté des autres, un mur rempli de tiroir contenant il ne savait quoi, des fauteuils et canapés un peu partout. Cet endroit lui plaisait déjà.
Ils s'installèrent à une table entourée de fauteuils que Matthew valida directement.
« C'est confortable ? demanda Elliott en souriant.
– J'aime cet endroit ! En plus j'ai passé cinq heures sur des sièges de bowling, autant te dire que mes fesses le ressentent bien. »
Elliott se mit à rire, Matthew le suivant rapidement. Il se sentait vraiment à l'aise avec lui. Comme sur la plage, parler avec lui se révélait être facile à faire. Ils parlèrent études, boulot, famille, ... ils apprirent à se connaître et se découvraient au fur et à mesure de nouveaux points communs. C'était pour ça que Matthew était venu en Floride. Exactement pour ce genre de rencontre.
« Et niveau amour ? »
Ainsi, ils attaquaient enfin la partie dont Matthew aimait le moins parler.
« Personne, répondit-il en espérant ne pas paraître mal-à-l'aise.
– Vraiment ? Bon, en même temps avec tes études, tu n'as dû avoir tellement de temps pour sortir et faire des rencontres.
– C'est exactement ça ! s'exclama vivement Matthew. Tu es le premier à comprendre ça ! Ma famille me rabâche sans cesse les oreilles que ce n'est pas sain pour moi de ne toujours pas être en couple.
– Les études sont plus importantes, c'est normal. Puis, qui sait, tu rencontreras peut-être la personne qu'il te faut lorsque tu ne t'y attendras le moins ... en vacances par exemple. »
Matthew ne put s'empêcher de rougir. Il avait l'impression que les paroles d'Elliott n'étaient pas anodines mais décida de ne rien relever, de peur de se faire des idées et de paraître ridicule. Il avait déjà laissé voir une image peu glamour de lui à Elliott. Sa réserve de honte était donc vide pour un bon moment. , la conversation continua et les sous-entendus continuèrent. Matt ne savait plus comment réagir. Il appréciait la présence du jeune homme mais se sentait atrocement gêné par la tournure qu'avait prise la conversation. D'un côté, penser qu'Elliott pouvait s'intéresser à lui le flatter. Le barman était un vrai canon et ils s'entendaient bien. Mais d'un autre côté, peu _ pas _ habitué à ça, Matthew ne savait absolument pas ce qu'il devait faire. Lui demander cash s'il flirtait avec lui ? S'enfuir ? Détourner la conversation vers un autre sujet de discussion ? C'était dans ce genre de situation que Matthew maudissait son inexpérience en relation amoureuse. Voire en relations humaines tout simplement.
Par réflexe, il attrapa son téléphone. Ca l'empêcherait au moins de croiser le regard bleu et perçant d'Elliott et d'en rougir encore. Il découvrit avec étonnement qu'il avait reçu un message de Théo.
On part à la plage devant l'auberge. Si ton non-rencard est nul et que tu veux t'échapper, rejoins-nous-y.
Il n'en croyait pas ses yeux. On venait de lui apporter la solution sur un plateau d'argent. Il rangea son téléphone dans la poche arrière de son pantalon et commença à se lever.
« Cette soirée était vraiment sympa, mais il faut que je retourne à l'auberge, lui dit-il, mal-à-l'aise de lui mentir ainsi.
– Il n'y a pas de problème. Après tout on pourra se refaire une soirée, n'est-ce pas ?
– Oui ... oui bien sûr. Je suis désolé de partir maintenant. Pour la peine, c'est moi qui invite.
– La prochaine sera pour moi alors, lui répondit Elliott avec un clin d'œil.
– Hum ... d'accord. Bon ... salut alors. »
Matthew ne perdit pas une seconde supplémentaire et partit rapidement, son cœur soulagé et en même temps triste de devoir couper court à cette soirée au fond sympathique parce qu'il ne savait pas comment réagir dans certaines situations.
Alors qu'il avait ralenti le pas, bien décidé à ne pas paraître à bout de souffle et paniqué lorsqu'il arriverait à la plage, il se demanda s'il n'avait pas mal vécu ses quatre dernières années. Se concentrant uniquement sur ses années d'Undergraduate afin d'obtenir son Bachelor's Degree, il avait dû faire énormément de sacrifice notamment au niveau de sa vie sociale, refusant dès les premières semaines de cours de faire connaissance avec ses camarades et se privant ainsi de quatre années de sorties, de rencontres et peut-être même de bien plus encore.
Pourtant, il avait toujours eu la certitude qu'il faisait ce qu'il devait. Il avait un objectif en tête, celui de médecin et il s'était toujours promis de ne rien laisser l'en détourner. Si l'amitié, ni l'amour, ni les fêtes et pire ... ni sa famille. Il se rendait compte d'à quel point il s'était éloigné de sa famille ces dernières années, refusant d'aller les voir aussi souvent qu'ils l'auraient souhaité à cause de ses cours et de son désir d'obtenir son Bachelor's Degree avec les meilleurs notes et ainsi intégrer l'école de médecine qu'il souhaitait en avril prochain, lui laissant les mois restant pour trouver un travail et économiser pour ses études.
Il s'en voulait.
Il attrapa alors son téléphone et tapa le numéro de la maison de ses parents. Il y eut tant de sonneries qu'il eut peur pendant un moment que ses parents ne veuillent pas lui parler. Après tout, il n'avait pas été le meilleur fils du monde.
« Allo, lui répondit finalement une voix ensommeillée. »
Matthew regarda finalement l'heure. Il était près de minuit.
« Désolé maman, je n'avais pas vu l'heure.
– Matthew ? Mon poussin ! Je suis vraiment heureuse de t'avoir au téléphone !
– Tu dormais ?
– J'étais sur le point d'aller me coucher, mais ce n'est pas grave, je suis tellement contente de t'entendre.
– Moi aussi maman ...
– Quelque chose ne va pas ? Tes vacances se passent mal ? Tu sais que tu peux rentrer à n'importe quel moment à la maison !
– Non, tout va bien. St Petersburg est vraiment une chouette ville.
– Tu nous manques énormément. »
Pendant un instant, Matthew eut envie de pleurer. Mais qu'est-ce qu'il avait foutu ces dernières années ?
« Vous me manquez beaucoup aussi.
– Tu veux parler à ton père ?
– Il est réveillé ?
– Non, mais il sera heureux de t'avoir au téléphone.
– Laisse. Dis-lui de m'appeler demain. N'importe quelle heure. Je répondrai.
– D'accord, je lui dirai. »
La douceur dans la voix de sa mère serra son cœur et en même temps eut l'effet d'une caresse dans ses cheveux, chose qu'elle faisait souvent lorsqu'il était enfant.
« Maman ?
– Oui Poussin.
– Je suis désolé. J'ai été un mauvais fils ces quatre dernières années. J'ai bêtement cru qu'en m'éloignant de tout et de tout le monde, je réussirai plus facilement. Sauf que, j'ai beau avoir mon diplôme, je me rends compte que j'ai réellement été seul et que j'ai loupé énormément de choses. Notamment avec vous. »
Matthew s'arrêta de marcher. Ses mains tremblaient légèrement et ses yeux se remplirent de larmes. Il se rendait finalement compte que ces dernières années il avait fait semblant.
Semblant de ne pas envier ces camarades qui riaient ensembles et sortaient.
Semblant de ne pas avoir besoin de l'amour et de la présence de sa famille.
Semblant de ne pas être atteint par cette solitude qu'il s'était imposé.
« Tu sais Matthew. Ton père et moi nous sommes extrêmement fiers de toi et de ton parcours. Tu as mis toutes les chances de ton côté pour réussir. Si tu entendais ton père parler de toi. On ne pourrait rêver meilleur fils. On sait que cela a dû énormément te coûter et que tu as dû te sentir seul. Mais nous sommes là. Nous serons toujours là pour toi.
– Je vous aime, vous le savez n'est-ce pas ?
– Nous n'en avons jamais douté. Nous aussi on t'aime. Mais sinon tes vacances, continua-t-elle après un reniflement. Ça se passe bien ?
– Oui maman ! C'est super !
– Et tes colocataires ? Tu t'entends avec eux ?
– Je t'avoue qu'ils ne m'en ont pas laissé le choix, mais oui, ils sont cools.
– Tant mieux. Il est temps que tu t'ouvres aux autres et pas qu'en amitié mon Poussin.
– Maman ...
– Je sais, je sais, mais j'ai hâte de voir mon Poussin en couple et pouvoir menacer mon gendre ou ma bru. »
Malgré la gêne qu'il ressentait dès qu'on amener le sujet des amours, la phrase de sa mère eut au moins le mérite de le faire rire.
« Je vais te laisser mon Poussin. Tu dois être occupé.
– Non, ne t'inquiète pas. Je suis sur le chemin pour rejoindre mes colocataires à la plage.
– Ah les bains de minuit. Profite bien mais ne fais pas de bêtises ! On t'appellera demain. Je t'aime. Protège-toi ! »
Sa mère raccrocha rapidement. Mais au lieu de s'en sentir encore plus gêné, Matthew éclata de rire. Sa mère ne changeait et cela lui faisait du bien. Lorsqu'il avait commencé sa première année d'Undergraduate, elle l'avait souvent appelé pour lui dire de faire attention et de se protéger, ce qu'elle avait bien vite cessé en comprenant que son fils ne s'intéressait qu'aux études.
Mais après tout, elle avait raison. Il ne devait plus se priver. Théo, Klaus et Léo étaient désormais ses amis. Enfin, il le voyait réellement comme cela désormais et il se rendait compte que cette simple constatation allégeait déjà énormément son cœur. Peut-être que désormais il s'autoriserait aussi à ressentir d'autres choses, rencontrer de nouvelles personnes, se sentir attirer par l'une d'entre elle, vivre quelque chose de nouveaux et d'enivrant.
Oui, c'était plutôt un bon programme.
Il arriva à la plage à minuit passé mais ne vit personne. Paniquant, il sortit son téléphone pour vérifier l'heure à laquelle il avait reçu le message. 22h40. Avec un peu de chance, il ne les avait pas loupés et ne parvenait pas à les voir à cause de l'obscurité. Peut-être aurait-il dû retourner en vitesse à l'auberge pour vérifier qu'ils n'y étaient pas. Devait-il les appeler ? En même temps il n'allait pas poireauter ici toute la nuit. Mais les appeler à voix haute ou sur le téléphone ? Dans les deux cas, combien de chances avait-il que les autres l'entendent ? Et pourtant, combien de chances avait-il de recevoir son maillot de bain sur la tête et de voir Léo passer à côté de lui, uniquement vêtu d'un short de bain noir contrastant avec sa peau claire. Matthew se sentit cucul pendant quelques secondes, digne d'une princesse Disney, mais il ne pouvait le nier. La lueur de la lune se reflétant sur la peau blanche de Léo le rendait encore plus mystérieux, plus impressionnant et surtout ... Klaus avait raison, beaucoup trop canon.
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