Chapitre 07
Ils avaient fait un rapide crochet par l'auberge, celle-ci se trouvant sur leur chemin, afin de déposer leurs sacs. Débarrassé de ses achats, Matthew se sentit presque nu. Plus aucun moyen de se planquer. Désormais tout le monde voyait le nouveau look dont Théo l'avait affublé. Il avait encore l'impression que son t-shirt était beaucoup trop large et laissait apparaître plus de peau qu'il ne le devrait. Mais se doutant que ses anciennes frusques seraient bientôt totalement introuvables, il espérait surtout réussir à s'habituer lui-même à ce changement de style plutôt radical.
Ils arrivèrent assez rapidement au petit restaurant dans lequel ils avaient mangé les Cuban Sandwichs. Trop rapidement. Parce que cela signifiait que Matthew n'était plus qu'à quelques pas de Léo et de Klaus et donc à quelques pas de leurs avis et sûrement moqueries. Ou en tout cas, Léo se moquerait alors que Klaus le taquinerait sûrement beaucoup.
Il vit Théo lui sourit, se doutant sûrement de son trouble, et entrer dans le restaurant. Sans réellement avoir le choix, il le suivit, les yeux au sol.
« Oh mais Dancing Boy est de retour ! »
Matthew se figea. Il avait totalement oublié ce détail pourtant énorme. Ou plutôt les détails.
Il avait tout d'abord oublié le barman, Elliott s'il ne se trompait pas, il avait aussi oublié sa beuverie en solitaire au bar et surtout ... sa pseudo compétition de danse. Gêné, il salua rapidement le barman d'un signe de tête avant de se suivre Théo.
Klaus et Léo s'étaient installés à la même table que la dernière fois et semblaient en grande discussion. Cela fit même bizarre à Matthew de voir ça. Autant il avait l'habitude de voir Klaus parler beaucoup, autant voir Léo sourire _ enfin, les coins de ses lèvres étaient relevés pour autre chose que se foutre de lui, c'était déjà pas mal _ et parler avec l'Allemand comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. C'était étrange. Il se demandait si un jour, il lui parlerait aussi de cette manière.
« Hey les mecs ! Je vous amène un nouveau Matt ! cria Théo en s'installant en face de son frère. »
Observé. Reluqué. Décortiqué. Matthew commençait à comprendre ce que ressentaient les animaux vivant dans des zoos. S'il s'écoutait, il s'enfuirait à toutes jambes de là si ça lui permettait de se soustraire aux regards scrutateurs de la totalité du restaurant. Il se sentait vraiment épié. Jugé. Par tout le monde. Ça devenait plus que gênant. C'en était tétanisant. Il en venait à espérer qu'un des garçons ne l'aide, vienne le chercher pour l'obliger à s'asseoir. Il leur jeta un regard, presque suppliant, mais se retrouva presque instantanément confronté au rictus de Léo. Le retour. C'était trop.
Il le vit alors ouvrir la bouche. Sûrement prêt à lancer une pique cinglante.
Alors Matthew s'en alla. Il fit demi-tour et sortit du restaurant. Il essayait de ne pas courir, de paraître naturel. Mais il commençait à avoir la gorge qui se serrait. Il s'en voulait. Si ça se trouvait, il allait juste lui dire de s'asseoir rapidement pour qu'ils puissent manger. Si ça se trouvait, quelqu'un, Klaus ou Théo par exemple, l'aurait coupé avant qu'il ne dise quoi que ce soit. Il s'était fait des films et désormais, il se trouvait sur un muret devant la plage et ne savait absolument pas quoi faire. Il n'avait même pas les clés pour regagner leur chambre, Théo l'ayant assuré qu'il n'en aurait pas besoin vu qu'ils seraient tous ensembles.
Il ferma les yeux, laissa sa tête basculer en arrière et soupira.
« Idiot, murmura-t-il de dépit. »
Il secoua la tête et tapa des pieds d'énervement.
« IDIOT, cria-t-il finalement.
– Je n'irai pas jusque-là. »
Matthew sursauta et se tourna vers le propriétaire de la voix.
« Elliott ? Pourquoi ... enfin ...
– C'est ma pause. Alors je t'ai suivi. T'avais pas l'air dans ton assiette.
– Ouais ... comme à chaque fois en fait.
– Je n'osais pas le dire mais c'est vrai que nos deux rencontres n'ont pas été placées sous le signe de la joie absolue.
– Désolé ...
– Oh t'excuse pas. Même si ce serait juste sympa de te voir avec un sourire et pas une tête d'enterrement. Peut-être que je devrais te redonner quelques-uns de mes cocktails. Ça t'a plutôt réussi la dernière fois. »
Matthew se mit à rougir. C'était à cause d'Elliott qui avait fini ivre la dernière fois. Il aurait dû lui en vouloir. Pourtant, il ne put s'empêcher de rire.
« On m'a raconté. J'ai provoqué un battle de danse ...
– Que tu as gagné haut la main. C'était la première fois qu'on avait autant d'ambiance. C'était vraiment sympa ! »
C'était ça que voulait Matthew. Parler et rire aussi facilement. Il ne savait pas ce qui différenciait Elliott de ses colocataires. Il n'avait pourtant rien à envier aux autres. Mais étrangement, Matthew n'était plus gêné et le quart d'heure qu'ils passèrent à parler de tout et de rien sembla normal et passa en douceur. Pas de moquerie. Pas de sous-entendus gênants. Tout se passait pour le mieux, ils s'apprêtaient même à manger un morceau avant que Elliott ne parte travailler mais quelqu'un semblait en avoir décidé le contraire.
Debout, Matthew se retrouva avec un poids sur les épaules et ce qui semblait être une main sur la tête.
« Ce n'est pas parce que mon frangin t'a fait passer de mignon à canon que tu dois te barrer comme ça et nous laisser poireauter parce que tu t'es décidé à aller flirter avec le premier venu. »
La voix et le souffle à son oreille le firent frissonner. Ainsi que les mots qu'il lui avait été dit. Au final, la main se retira, lui permettant de basculer la tête en arrière, tombant nez à nez avec Léo. Il en était sûr, il rougissait. Avec une telle proximité, il ne pouvait que virer à l'écarlate. Il le vit alors se redresser de toute sa hauteur avant d'adresser un regard neutre à Elliott.
« Tu permets que je le récupère. »
Il ne laissa pas Elliott répondre qu'il fit demi-tour, trainant Matthew derrière lui par la main. Ce dernier adressa un petit regard d'excuse au barman avant de retourner son attention vers Léo. Il sentait bizarre mais comprenait finalement pourquoi il était moins à l'aise avec lui qu'avec Elliott avec qui le courant était passé facilement.
Il émanait quelque chose de Léo. Il en était de même pour Théo et Klaus. Une aura qui l'impressionnait, qui prenait tellement de place qu'il ne savait pas où se mettre lorsqu'il était avec eux trois ... voire même qu'avec Lui.
Il se laissa traîner à la suite de Léo, ne sachant pas s'il devait lui dire quelque chose. S'excuser peut-être. Lui demander s'il est en colère contre lui ou si les autres le sont. Il ouvrit la bouche, il ne savait pas pour dire quoi, quand son estomac s'exprima à sa place, faisant stopper Léo. Celui-ci se retourna vers lui, un sourcil relevé. Matthew se figea, honteux.
« Tu n'es pas croyable ... »
Interloqué, Matthew ne put que rester bouche-bée face à un Léo ... qui riait. Pas à gorge déployée. Pas au point de se plier en deux et d'avoir mal au ventre. Non, c'était plus un tressautement d'épaules, un fin sourire et surtout un regard qui pétillait d'amusement. C'était inhabituel. C'était aussi beaucoup trop charmant et extrêmement gênant. Et malheureusement pour Matthew, ce fut la gêne qui prit le dessus, le poussant à reprendre le chemin, trainant à son tour Léo derrière lui.
Ils retournèrent dans le restaurant où Klaus et Théo semblaient avoir presque oublié l'existence des gens les entourant tant ils riaient. Matthew n'avait aucune idée de ce qui pouvait les faire autant rire mais c'en était presque communicatif. Ils se rapprochèrent de la table, leurs mains se séparant, et s'installèrent avec les deux autres qui s'arrêtèrent de rire afin de scruter Matthew.
« Désolé, chuchota-t-il.
– Est-ce qu'on doit lui pardonner ? demanda Klaus à Théo.
– Je sais pas ... tient pour la peine, on a choisi à bouffer et tu n'as absolument rien à dire sur nos choix !
– Tout ce que vous voudrez ! répondit précipitamment Matthew, ne souhaitant qu'être pardonné pour sa fuite.
– Super ! s'exclama Théo. En plus, voilà que notre commande arrive ! »
Une serveuse arriva avec un plateau, plaçant sur la table les différents plats commandés par les deux autres. Matthew écarquilla les yeux devant la montagne de nourriture se trouvant à présent devant lui. Jamais, ô grand jamais il ne parviendrait à terminer.
« Bon, on a peut-être un peu abusé sur les quantités, avoua Klaus en se frottant l'arrière de la tête. Mais, bon, bon appétit ! »
Ils commencèrent tous à manger ... ou plutôt, tels des affamés n'ayant pas mangé depuis le matin-même, ils se jetèrent pour la plupart sur les multitudes de plats présents sur la table. Ne se faisant pas désirer, Matthew commença lui aussi à manger, prenant le burrito placé juste devant lui. Il croqua avec entrain, heureux de pouvoir manger, avant de se figer. Son visage devint rouge et de grosses gouttes le long de son front et de sa nuque. Il se leva précipitamment de son siège, comme s'il venait d'en être expulsé, et commença à sauter dans tous les sens, gémissant de douleur.
« Mais ... qu'est-ce qu'il y a dedans ? Pourquoi ça pique autant ! cria-t-il les larmes aux yeux.
– Alors il se pourrait que pour te punir, nous ayons demandé aux cuisiniers de rajouter quelques jalapeños frais dans ton burrito ! expliqua Klaus sans se départir de son sourire. »
Matthew continua à remuer dans tous les sens, espérant que le feu qui avait envahi sa bouche, sa gorge et son cerveau en viendraient à se calmer d'une manière ou d'une autre. Il avait envie de crier et de pleurer mais se contenta de jeter des regards assassins à Théo et Klaus pliés de rire près de lui. Une main l'empêcha de bouger plus et rapidement un verre fut placé entre ses mains. Sans perdre une minute supplémentaire, Matthew engloutit ce qui se trouva être un verre de lait et qui calma doucement la brûlure. Il se laissa aller en arrière, quelque chose le retenant. Jamais encore il n'avait mangé quelque chose d'aussi épicé et c'était même peut-être la dernière fois qu'il mangerait quelque chose contenant le moindre piment.
Son esprit était un peu engourdi. Sa vue, elle, commençait à redevenir nette. Et ce fut à ce moment-là alors qu'il remarqua qu'il s'était adossé à une personne, ce qui au final lui parut logique vu qu'il n'y avait aucun mur à proximité. Il leva la tête et tomba à nouveau nez à nez avec Léo. Son sauveur au verre de lait.
Cette pensée le fit rire. Jamais encore il n'aurait pensé être autant reconnaissant envers quelqu'un pour un simple verre de lait.
Mais lorsque son regard rencontra celui de Léo, il s'arrêta de rire, bien trop concentré à l'observer.
« Et toi ? Tu as déjà été mignon avant d'être aussi canon ? »
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