Chapitre 06


Quatre jours plus tard

Des grognements, des rires, des cris. Quelqu'un à l'extérieur de la chambre pourrait facilement penser qu'une fête avait lieu ce matin dans la chambre des quatre garçons. A l'intérieur, cependant, la réalité était tout autre et était plus comparable à une guerre.

« Lâche-moi ! Criait Matthew en retenant la couette contre lui.
– Tu as promis et on ne revient jamais sur une promesse !
– Il est beaucoup trop tôt !
– Tu abuses ! Il est déjà dix heures. Pourtant, tu n'es pas Marseillais ! répliqua Théo en continuant à tirer sur la couette de l'Américain. »

A bout de forces, Matthew lâcha le morceau de tissu mais se recroquevilla sur lui-même afin de s'apporter de la chaleur. Il ne savait même pas ce que lui voulait Théo. Il était tranquillement en train de dormir, ce qu'il méritait bien vu que les garçons lui avaient fait faire un énorme tour de la ville la veille suivie d'une nouvelle soirée cinéma. Si, comme lui avait dit le français, il était dix heures, cela signifiait qu'il n'avait dormi que six heures. Et ce n'était pas assez du tout, surtout maintenant qu'il commençait à bien connaître ses compagnons de chambre et leur hyperactivité.

Donc, il était en train de dormir quand la lumière s'était violement allumée et que Théo s'était mis à lui crier de se lever. Après un bond de surprise, Matthew avait eu envie de pleurer toutes les larmes de son corps face à ce réveil brutal et beaucoup trop matinal.

Alors qu'il n'entendait plus rien, il crut que Théo avait enfin laissé tomber. Mais bien sûr, cette idée n'avait même pas effleuré l'esprit de l'autre jeune homme qui avait, cependant, décidé de se jeter sur lui.

« Mais qu'est-ce que je t'ai promis ? râla-t-il alors qu'il tentait de dégager Théo du lit.
– On part faire du shopping !
– Et quand est-ce que je t'ai promis ça ?
– Le premier jour, avant qu'on sorte tous ensemble ! Je t'ai fait promettre que si on allait en boîte, je choisirais ta tenue ! Et vu que tu n'as absolument rien de potable dans tes affaires, on part faire du shopping.
– Déjà, répliqua Matthew qui avait arrêté de se débattre, j'ai rien promis et ... ça veut dire qu'on part en boîte ce soir ? eut-il peur de comprendre.
– Absolument ! »

Matthew laissa sa tête retomber sur le matelas et ferma les yeux. La boîte de nuit. Il avait réussi à y échapper toute cette première semaine de vacances. Peut-être devrait-il se sentir chanceux que les garçons aient attendu aussi longtemps avant de manifester à nouveau leur envie de sortir dans un endroit un peu plus branché que le fastfood du coin et la salle de télévision de l'auberge.

« Alors, tu te bouges ? demanda Théo, bien que la question soit plutôt de l'ordre de la rhétorique. »

L'Américain ouvrit les yeux et tomba nez à nez avec Théo qui avait rapproché son visage du sien. Matthew eut un petit geste de recul dû à la surprise puis finit par sonder le regard de l'autre jeune homme. Ils étaient tellement pleins d'espoir qu'il ne put que se résigner.

« C'est bon, je me lève ...
– Super ! Tu vas voir, tu vas être canon !
– Les autres sont où ? demanda-t-il alors qu'il se levait difficilement.
– Partis faire trempette. On va être que tous les deux mon lapin. »

Au surnom, Matthew se retourna vers Théo, un air dubitatif sur le visage. Finalement, il partit quand même rapidement sous la douche, enfila les premiers habits lui tombant sous la main et suivit le Français en traînant les pieds. Il n'avait jamais été fan de shopping et Théo était tellement classe qu'il ne doutait pas un instant que lui devait adorer ça. Et puis, il devait se l'avouer, il avait peur des choix du jeune homme. A quoi allait-il ressembler à la fin de la journée ?

« Tu ne ressembles à rien, soupira Théo. Heureusement que je vais m'occuper de ton cas. Ne perdons pas de temps. »

Sans attendre une minute de plus, Théo attrapa Matthew par le bras et le tira à sa suite, bien décidé à passer la matinée à faire du shopping avant de rejoindre les autres pour aller manger un bout. Il avait d'ailleurs déjà présélectionné quelques boutiques pendant leurs dernières balades en ville afin de gagner du temps.

Ils arrivèrent très rapidement au premier magasin dont le style correspondait parfaitement à Théo. Mais Matthew y trouverait-il son compte ? Il n'en était pas sûr. Théo était grand, dégagé une aura particulière qui écrasait bien souvent celle des autres personnes autour de lui, à l'exception de Léo et Klaus.

« Fait pas cette tête de chaton apeuré, lui lança Théo en le poussant vers le fond du magasin. On ne va pas essayer beaucoup de fringues ici. Seulement de quoi te rendre attrayant quand on sortira le soir. Allez ! Rentre là-dedans, continua-t-il en le poussant dans une cabine d'essayage. Tu ne bouges pas, je vais chercher quelques trucs. »

Matthew s'installa dans la cabine. Il n'avait pas tellement d'autres possibilités après tout. L'attente parut interminable. Il eut peur pendant un moment que Théo n'abuse avec le nombre d'articles. Déjà parce qu'il n'était pas très friand de shopping, mais en plus de cela, il avait un véritable compte en banque d'étudiant.

Lorsque le rideau s'ouvrit brusquement, Matthew ne put s'empêcher de sursauter avant d'écarquiller les yeux d'effroi. Comme il l'avait craint, Théo avait légèrement _ beaucoup _ abusé dans le nombre de vêtements.

« Je ne vais pas essayer tout ça ? demanda Matthew, paniqué.
– Non, je te rassure. On arrêtera dès le moment où je t'aurai trouvé deux voire trois tenues correctes pour sortir. »

Donc, il était tout à fait possible pour que, insatisfait, Théo aille encore dévaliser les rayons du magasin. Super. Le rêve. A contre cœur, mais en même temps curieux de découvrir ce que le Français lui réservait, Matthew attrapa les premiers vêtements que ce dernier lui proposait et referma le rideau. Il enfila alors un chino noir accompagné d'une chemise blanche. Alors qu'il la boutonnait, il s'arrêta de bouger.

« Théo ? Elle est pas un peu petite cette chemise ? »

Alors qu'il attendait une réponse, Matthew fut surpris de voir Théo entrer tout naturellement dans la cabine d'essayage. Mais avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, le Français continua à l'habiller comme s'il était une simple poupée. Continuant à boutonner sa chemise jusqu'à l'avant-dernier bouton, la rentrant par la suite dans le pantalon auquel il y ajouta une ceinture simple, Théo finit par s'éloigner en faisant fi de la gêne de Matthew qui n'avait pas l'habitude de ce genre de contact.

« C'est parfait ! C'est qu'il est pas trop mal notre Américain préféré, dit Théo avec un énorme sourire.
– Mais ... c'est un peu serré non ? demanda Matthew en tentant de décoller un peu la chemise de son torse.
– Elle est pile la bonne taille ! Tu t'y feras vite tu verras ! Bon, au final, on n'aura pas besoin de rester très longtemps ici je pense. »

Matthew voulait encore répliquer à propos de la chemise, mais la perspective de pouvoir sortir d'ici rapidement était beaucoup trop alléchante pour qu'il prenne le risque de râler à nouveau. Il se contenta alors d'opiner.

Malgré les dires de Théo, Matthew dut essayer deux tenues supplémentaires. Au final, il partit vers les caisses avec deux chinos et trois chemises le tout accompagné d'une paire de Doc Martens. Lorsqu'il vit le total, Matthew faillit faire une syncope.

« Mais c'est impossible ! Si je paye ça, je suis bon pour m'acheter des nouilles instantanées pendant toutes les vacances !
– Heureusement pour toi que tu ne payes rien alors !
– Comment ça ? lui demanda Matthew, incrédule.
– JE t'ai emmené ici, parce que JE voulais te relooker. Ce qui signifie donc que JE paye.
– Tu déconnes j'espère ?
– Même pas ! répondit Théo avant de se retourner vers la caissière. Tenez. »

Il lui tendit sa carte bancaire sous le regard effaré de Matthew.

« Une Black Card, rien que ça ?
– Cela fait une semaine qu'on se connaît. Il faut quand même que je garde quelques secrets sous le coude pour t'impressionner ! lui Théo avec un clin d'œil. »

Et pour l'impressionner, c'était plutôt le cas. Ne sachant plus quoi répondre et surtout très perturbé par le regard de la vendeuse qui les regardait tour à tour de manière concupiscente, Matthew préféra attraper leurs achats et commença à partir. Il sentit très rapidement un bras se poser sur ses épaules et le diriger vers un autre magasin.

« Si tout va bien, c'est le dernier magasin qu'on fait. »

Matthew ne put s'empêcher de fermer les yeux et d'espérer le plus fort possible que cela soit vrai. Ce n'était que le second magasin qu'ils faisaient. Mais lorsqu'il voyait Théo commencer à prendre un très grand nombre d'articles, il savait qu'ils y seraient pendant un moment.

Et il n'avait pas eu tort. Cela faisait déjà une bonne heure et demie que Matthew enchaînait les essayages dans la cabine. Il n'en pouvait plus. Il avait mal aux bras et aux jambes. Jusqu'à présent, il avait essayé des bermudas, pleins de bermudas, de longueurs, de matières et de couleurs différentes et des t-shirts ayant chacun des cols différents _ il ne savait même pas qu'il y en avait autant _ et collant plus ou moins à la peau. Et là, enfin, il essayait ce qui semblait être la dernière tenue. Un simple slim, des converses et un t-shirt ... large le t-shirt.

« Tu ne crois pas qu'il y a un problème de taille là aussi ? demanda-t-il à Théo qui venait d'entrer dans la cabine pour voir le résultat.
– Toujours pas ! Une clavicule apparente, c'est sexy à souhait. Ais confiance en moi et mes goûts ! Dans tous les cas, ils sont bien meilleurs que les tiens. Attend juste que je te fringue un peu mieux que ça. »

Il s'approcha de Matthew et rentra un pan du t-shirt dans le slim. Il ajusta aussi la hauteur du pantalon, vérifiant que la taille soit bonne au niveau des cuisses.

Tous ces gestes. Matthew vira à l'écarlate. Il n'avait vraiment pas l'habitude de ce genre de contact, même pour un simple essayage. Et pendant quelques secondes, il eut peur. Peur que son corps réagisse, peur que Théo découvre son trouble et se mette à rire, peur de se mettre à pleurer d'une minute à l'autre.

« Hey, Matt, ça va ? demanda Théo, soucieux, lorsque son visage revint à la hauteur du sien.
– Je sais pas, lui répondit-il, gêné, avant de ricaner face à son propre comportement. »

Théo secoua la tête. Il ne fallait pas être devin pour comprendre d'où venait le trouble de l'Américain.

« Tu sais, c'est normal de réagir. Enfin, mes mains étaient très près de ta nouille, je l'avoue. J'aurais dû faire gaffe ou te demander. Bon, c'est pas trop mon genre pour le coup. Mais c'est pas grave hein ? On est pote après tout. Puis t'en fais pas, je ne vais rien te faire ! Je ne mange pas de ce pain-là. Je ne mange d'aucun pain en réalité. Alors te met pas à paniquer pour ça ! »

Matthew ne put qu'hocher la tête. Il était trop occupé à penser à respirer pour pouvoir répondre quelque part.

« Tu fais vraiment pas parti du même monde que nous n'est-ce pas ? demanda Théo. C'est pas grave. C'est mignon. Et puis j'ai tellement hâte que quelqu'un te mette le grappin dessus. Il va tellement galérer que je veux être aux premières loges. »

Il se mit alors à rire avant de faire sortir Matthew de la cabine, emportant avec lui sa sélection de vêtements. Il le guida jusqu'à la caisse et régla à nouveau leurs achats. La vendeuse permit à Matthew de garder la dernière tenue sur lui, au plus grand plaisir de Théo qui prit un énorme plaisir de ranger _ Matt ne savait où _ les habits avec lesquels était arrivé l'autre jeune homme.

C'est alors des sacs pleins les bras que les deux garçons partirent en direction du lieu de rendez-vous que Léo venait d'envoyer à son frère. Ou plutôt, c'est Matthew les bras chargés, accompagné de Théo, les mains dans les poches, qu'ils se dirigèrent vers le premier endroit où ils avaient mangé tous ensemble. Vu qu'il n'avait rien payé, Matthew avait insisté pour porter leurs achats. Au bout de quelques mètres, il lâcha un petit rire.

« Hum ? demanda Théo.
– Nan rien. Je me disais juste que j'avais l'impression d'être dans Pretty Woman.
– Sauf que Pretty Woman, mon beau, c'est une prostituée. Toi, tu serais plutôt une nonne. Oh, boude pas, rajouta-t-il en voyant Matthew lui tirer la langue, vexé. Demande toi plutôt ce que diront les autres en te voyant arriver fringué comme ça ! »

Ah oui.

Ils les avaient oublié ceux-là.

Et ils allaient forcément le voir habillé comme ça.

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