9. Ashley
Trente. Vingt-neuf. Vingt-huit. Non, je ne dois pas. Il ne me le pardonnera jamais si je le fais. Pourtant, je n'arrive pas à rester en place. Si seulement IL était rentré ce vendredi, j'aurai pu l'obliger à me conduire, mais non, il a fallu qu'il décide de rentrer seulement dans une semaine. Frustrée, je sors mon téléphone et envoie un message à ce qui me sert de frère.
14h20
De moi :
Tu sers à rien tête de gland !
14h22
De lemectrouvédansunepoubelle :
Parles pour toi, la morue. Mais que me vaut cet élan d'amour ? Tu t'es enfin trouvé un mec ?
14h24
De moi :
Si c'était le cas, je ne te le dirai pas ! Bon je te laisse, tu pollues ma messagerie.
14h25
De lemectrouvédansunepoubelle :
Toi, vendredi tu vas morfler.
J'esquisse un sourire. Jamais je ne lui dirai, mais il me manque énormément. J'espère que la semaine passera vite afin que je puisse enfin le retrouver, et m'acharner sur lui tout au long du weekend. Tant pis, je vais devoir me débrouiller toute seule. J'enfile les premiers vêtements qui me passent sous la main et fait un tour dans la salle de bain afin d'être un minimum présentable. Une fois cela fait, je descend en trombe les escaliers, espérant que mon père puisse me déposer.
Ce dernier est confortablement installé dans le canapé avec ma mère. L'espace d'une seconde, je culpabilise de les déranger dans l'un de leur moment de tranquillité, mais ma curiosité balaye rapidement mes remords et je viens me poster face à eux, leur bloquant ainsi la vue sur la télévision.
— Maman ! Papa ! commencé-je d'un air grave accaparant ainsi toute leur attention, j'ai quelque chose d'important à vous demander...
— Oui Lelette, que veux-tu ? Me demande mon père en lançant un regard amusé à ma mère.
Je grimace face à ce surnom complètement ridicule qui me poursuit depuis bientôt dix-sept ans, mais me reprends rapidement. Ce n'est pas le moment d'avoir une fois de plus cette discussion avec eux. L'heure tourne et je risque de ne pas pouvoir mettre mon plan à exécution. D'ailleurs, un coup d'oeil à l'horloge m'informe qu'il est déjà 14h40. C'est tendu, mais faisable si on ne traîne pas trop.
— Mon petit papa chéri que j'aime à l'infini, minaudé-je, est-ce que tu peux me déposer au cinéma, s'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît !
— Quoi ? Maintenant ? Râle-t-il sans pour autant bouger d'un poil, tu ne peux pas prendre le bus ?
— Mais ma séance est dans moins de vingts minutes...
— Et bien tu n'as qu'à en choisir une autre.
— Mais papa, c'est extrêmement important que ce soit celle-ci !
— Il fallait t'y prendre plus tôt, je ne suis pas taxi, non, c'est non.
Je soupire, comprenant qu'il va être difficile de le faire céder. Pinçant les lèvres, je cherche le meilleur moyen de le convaincre, et ce en moins de cinq minutes.
— Ok, soufflé-je, si tu m'accompagnes, je renoncerai à mon argent de poche durant un mois.
— Deux, me répond-il du tac-o-tac.
— Vendu !
Grognant, mon père s'extirpe difficilement du canapé devant le regard amusé de ma mère qui en profite pour lui donner une claque aux fesses avant de s'allonger paresseusement sur le divan. Je grimace face à ce geste pour le moins intime. Bien que je sois habituée à l'excentricité et la pudeur anormalement basse de mes parents, il m'est toujours difficile de les imaginer aller plus loin qu'un baiser fugace ou d'un gros et chaste câlin. Je ne suis pas stupide évidemment, je sais très bien qu'ils fonctionnent comme tout le monde, mais je m'interdis d'imaginer plus que ce qu'ils acceptent de nous montrer.
Mon père me dépose devant le cinéma à 14h55. Je le remercie de nouveau et cours jusque dans le hall. Il ne me reste que cinq minutes pour prendre ma place, les repérer et les suivre à distance. Tournant sur moi-même, je finis par les trouver, sortant de la billetterie. Kyle dévore littéralement Clara des yeux tandis que la jeune fille arbore un air plus timide. J'espère sincèrement que ça va fonctionner entre eux. C'est pour ça que je suis ici, pour m'assurer que ce rendez-vous n'est pas un désastre. Mais pour ce faire, il faut que j'arrive à entrer dans la salle également.
Reprenant mes esprits, je m'avance vers les guichets, essayant de me faire la plus discrète possible. Malheureusement pour moi, Clara croise mon regard. Je me fige, espérant qu'elle ne se soit pas rendu compte de qui j'étais. Mais la voyant froncer les sourcils et parler à Kyle en me montrant du doigt, je comprends que ma carrière d'agent secret prend fin immédiatement.
Mon meilleur ami me regarde comme si je l'avais déçu, et je sens un coup de poignard me transpercer le cœur. Ils avancent vers moi et mon cerveau tourne à cent à l'heure pour trouver une solution afin de me sortir de là. Je n'ai aucune excuse, bien que Kyle sache que cela ne me dérange pas d'aller au cinéma toute seule, je doute fort que cela passe pour une coïncidence. Non. Il me connaît trop bien pour se laisser leurrer par ce mensonge ridicule.
Une idée. Vite. Quelque chose de crédible. Ou de passable. N'importe quoi. Je regarde autour de moi avec détresse quand soudain, mon alibi m'apparaît devant les yeux, tel marraine la bonne fée face à cendrillon. Quand il arrive à ma portée, je tire un grand coup sec sur son bras, l'obligeant à pivoter vers moi et glisse ma main dans la sienne, pour être sûre qu'il ne s'échappe pas.
— Tyson ! Te voilà enfin ! Je me demandais si tu m'avais posé un lapin !
Je me mords la joue pour m'empêcher de rire en constatant la même mine effarée sur les trois loustiques qui me font face.
— A...Ashley ? Qu'est-ce que tu... ?
— Oui, bon, je sais tu m'as prévenu de ton retard, je suis désolée d'avoir douté de toi, le coupé-je en lui serrant la main avec force espérant qu'il comprenne le message.
Kyle et Clara s'échangent un regard d'incompréhension avant de se tourner vers nous. Mon cœur bat à cent à l'heure tandis que j'essaye de cacher mes tremblements. Tyson a d'ailleurs dus les sentir puisqu'il caresse doucement ma main de son pouce. Lui jetant un regard, je comprends qu'il n'a pas l'intention de nier ce que je dirai, mais qu'il va lui falloir une explication. Je me détends légèrement, improvisant un mensonge des plus bateaux, mais comme on dit, plus c'est gros, plus ça passe !
— Ok, Kyle, ne me regarde pas comme ça. Je sais de quoi ça a l'air mais non, tu trompes. Tyson m'a simplement invité à venir au cinéma et j'ai accepté.
— Vraiment ? Parce qu'on dirait plutôt que tu es venu nous espionner et que la présence de Tyson n'est qu'une aubaine pour te sortir du pétrin, me lance Kyle avec ironie.
Merde ! Décidément je suis vraiment un livre ouvert pour ce mec, ça fait peur. A croire que nous étions des sœurs siamoises dans une vie antérieure ou un truc du genre. J'ouvre la bouche, mais les mots ne sortent pas. Si je nie, il saura que je mens, si j'avoue il va me tomber dessus, mais si je continue à ne rien dire, il va vraiment se mettre en colère et bouder pendant des semaines. L'horreur !
— C'est la vérité, d'ailleurs, désolé de t'avoir demandé si précipitamment, confirme Tyson avec un calme impressionnant.
J'ouvre grand les yeux de surprise, m'attendant plutôt à ce qu'il me laisse tomber en avouant qu'on vient juste de se croiser, ou en me laissant me débrouiller avec mes mensonges. Mais non, il semblerait que Tyson soit réellement quelqu'un de gentil et que je ne m'étais pas trompée sur son compte. Jetant un regard vers Kyle, je vois qu'il commence à croire à ce bobard improvisé.
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