Tout est prêt. Ce moment que j'attends depuis lundi va enfin se concrétiser. Comme tous les vendredis soirs, je frémis d'impatience. Je termine de manger sans prêter attention à la conversation de mes parents, bien que quelques bribes m'interpellent plus que d'autres. Bryan, mon emmer...heu, mon amour de grand frère, a encore fait parler de lui dans sa fac, et apparemment pas en bien. Je ne sais pas ce qu'il a encore fait, mais je compte bien l'apprendre de sa bouche. Après tout, je vais avoir besoin de ses conseils avisés pour réussir comme il se doit ma vie d'étudiante.

Une fois le repas terminé, je me précipite dans ma chambre. J'ouvre mon placard et récupère ma boite spéciale vendredi. J'y sors tout le nécessaire pour une soirée réussit et éteint ma lumière. Mon coeur tambourine tandis que je me glisse sous mes draps et cale mon bol de pop-corn entre mes jambes. Grâce à la lumière de dehors, je vérifie une dernière fois que je n'ai rien oublié. Pop-corn, bonbons, bouteille de coca, pyjama tout doux, pc et bien sûr film d'horreur prêt à se lancer. Je vérifie une dernière fois l'heure. Neuf heures moins le quart. La soirée peut commencer.

— Parfait ! m'exclamé-je avec satisfaction avant de vérifier mes textos et messages privés.

19h22

De lemectrouvédansunepoubelle :

Rentre vendredi prochain. Zone sécurisée ?

20h47

De moi :

Des intempéries sont à prévoir, mais le plus gros de l'orage semble être passé. Je t'aurais bien soutenu, mais c'est trop drôle de te voir te faire engueuler. Je prépare le caméscope. Bye l'affreux.

Pouffant de rire rien qu'en imaginant la scène, je passe au message suivant et fronce les sourcils.

20h00

De Kylelemecleplugnialdumon2

Passe te prendre à 21h30. Grosse soirée chez Jeff. Il a invité la moitié du bahut.

20h02

De Kylelemecleplusgnialdumon2

Tenue de soirée exigée ! Pas de pyjama de nonne, pas de survêtements, mets ta robe rouge, laisse tes cheveux lâchés et maquille toi !

Ok...maman Kyle le retour. Oui, mais non. Ce sera sans moi. Et puis, depuis quand monsieur se permet de changer son pseudo sur mon téléphone ? Je modifie son nom par « lemmerdeursansnombrilfixe ».

— Voilà qui est mieux ! m'exclamé-je avant d'abandonner mon téléphone dans les tréfonds de ma couverture.

M'installant comme il se doit dans mon lit, je lance mon film tout en entamant mes pop-corn. La première demi-heure du film est d'un ennuie mortel, mais quand vient enfin le moment du suspens et des premiers morts, je frissonne de tension.

Un bruit sourd me fait sursauter et j'en étale la moitié de mon saladier dans mon lit. Pestant contre ma stupidité, je sauve ce qui peut l'être tout en gardant un œil sur la greluche siliconée qui ne va pas tarder à se faire décapiter. Le tueur est juste derrière elle. Il brandit sa hache alors qu'elle semble ne se rendre compte de rien, bien trop occupée à...Bon à rien faut l'avouer, ce personnage est juste là pour ses gros seins, et à chaque fois qu'elle ouvre la bouche, un dictionnaire se suicide. Mais bon, il en faut bien un peu pour attirer le public en pleine puberté.

Bien que je devine ce qu'il va se passer, je retiens mon souffle, le cœur battant la chamade. Il faut avouer que, même si les actions sont prévisibles, le metteur en scène sait vraiment comment garder le public en haleine. Musique, lenteur, point de vue...tout y fait pour nous garder captivés par ce navet. Un nouveau bruit me fait relever la tête.

Cette fois, je n'ai pas rêver, et ça ne venait pas du film. Non. Il y a quelque chose dans ma chambre. Carrie, le diable qui veut prendre possession de mon corps, Candyman qui vient enfin me chercher, après trois ans à l'attendre il serait temps, un voleur, un violeur, un tueur en série, un...

— Kyle ! Putain de merde, espèce de connard !

Ses lèvres bougent derrière le carreau tandis que je le regarde fixement, tentant de reprendre un rythme cardiaque normal. Quand sa main tape brusquement sur le carreau, je me décide enfin à aller lui ouvrir.

— Surtout ne te presse pas ! J'ai failli me casser la figure ! Non mais sérieux Ashley, qu'est-ce que tu branles ?

— Bonsoir Kyle, moi aussi je suis contente de te voir, mais dis-moi, tu sais que les portes ça existe ?

Le jeune homme maugrée quelques mots avant d'ouvrir mon placard et entreprendre de le vider sur mon lit.

— Ca va, fais comme chez toi. Kyle ! Mais qu'est-ce que tu fous ? Je te jure ce n'est pas drôle ! Non mais arrête ! Je te préviens t'as intérêt à tout remettre en place. Je peux savoir ce qui te prend tout d'un coup ?

La colère me monte au nez, mais je fais en sorte de la contenir encore un peu. Kyle ne fait jamais rien sans raison. Et même si cette dernière semble complètement farfelue, elle existe, et je tiens bien à savoir celle d'aujourd'hui.

— Je savais que tu n'allais pas m'écouter ! Je le savais ! Va te doucher, je te sors ta robe. Sérieusement Ashley, ce sont les capotes, les godemichets, les lingeries affriolantes que l'on cache au fond de son placard entre deux vêtements qu'on ne porte jamais. Pas une magnifique robe de soirée comme celle-ci !

Je grogne tandis que Kyle exhibe devant moi l'objet du délit. Je ne l'avais pas réellement cachée en plus. Je l'avais seulement mise le plus loin possible en attendant une occasion particulière pour la porter. Un anniversaire par exemple, noël ou même le jour de l'an. Toutefois, je ne peux nier que j'adore cette robe, mais elle ne peut être portée que pour des occasions spéciales. Et la soirée hebdomadaire de Jeff n'est en aucun cas une occasion spéciale.

— Si Ashley, toute soirée un peu festive est une occasion spéciale pour mettre une belle robe. Allez va te changer !

Soupirant, et sachant déjà que cela ne sert à rien de discuter, je me dirige vers la porte de ma chambre. Fixant une dernière fois mon pauvre pc et mes condiments abandonnés sur mon lit, je soupire.

— Allez jeune fille et plus vite que ça !

Kyle m'attrape par le bras et m'entraîne jusqu'à la salle de bain. Visiblement fier de lui, le jeune homme s'adosse à la porte et me regarde en gonflant le torse.

— Tu comptes vérifier que je m'épile bien sous la douche aussi ? ironisé-je afin de lui faire comprendre qu'il est de trop avant d'ajouter devant son regard d'incompréhension, dégage de là, pervers !

Lui claquant la porte au nez, je me déshabille, pestant déjà contre sa manie de ne toujours vouloir me sortir. Bien sûr, j'aurais très bien pu émettre un peu plus de résistance, mais à quoi bon ? Il aurait passé sa soirée à essayer de me convaincre et je n'aurais de toute manière pas pu finir mon film. Par ailleurs, même si nous serions restés ici, Kyle aurait trouvé un moyen de me faire venir à celle de la semaine prochaine. Il aurait ainsi été d'une lourdeur insupportable tout le long de la semaine, mettant mes nerfs à rude épreuve jusqu'à ce que je cède et accepte de l'accompagner. Ainsi, je préfère céder maintenant et préserver ma tranquillité de la semaine prochaine. De toute manière, rien que par sa présence, mon meilleur ami vient de gâcher mon moment d'intimité brute avec moi-même.

— C'est bon je suis prête, soupiré-je une fois habillée en sortant de la salle de bain.

— Maquillage !

Je m'approche à quelques centimètres de son visage afin qu'il constate le trait de crayon que j'ai apposé sur mes yeux. Comme si le rouge à lèvre rouge que j'ai également pris le temps de mettre ne suffisait pas !

— Tu pues de la gueule, lave-toi les dents !

Je me recule et le gratifie d'un magnifique doigt d'honneur avant de me brosser les dents tant bien que mal en essayant de ne pas foutre en l'air mon maquillage. Et je dois dire que si cette tâche n'est déjà pas facile à la base, elle l'est encore moins avec Kyle qui pouffe de rire à mes côtés. Je le gratifie d'un magnifique doigt d'honneur tout en vérifiant que je n'ai pas de trace de dentifrice sur le visage.

— Kyle et moi, on sort. Je rentre demain matin, bisous ! Crié-je avant de claquer la porte d'entrée.

Je sais que mes parents m'ont entendu, et qu'ils sont même contents de me voir sortir le weekend. Et depuis le temps, le fait que Kyle apparaisse comme par magie dans ma chambre sans passer par la case porte d'entrée ne les choque même plus. J'ai d'ailleurs déjà vu leurs regards entendus, et je sais très bien à quoi ils pensent. J'ai bien tenté de les convaincre que non, Kyle et moi ne sortons pas ensemble, il n'y a rien à faire. Le seul moyen pour qu'ils y croient serait que je leur présente mon petit ami. Ce que je n'ai pas, et je n'ai pas l'intention de m'empresser de trouver quelqu'un juste pour les contredire.

— Trois heures, pas plus ! prévins-je en montant dans la voiture de Kyle.

— Ok, mais trois heures à partir du moment où on sort de la voiture, ajoute le jeune homme en démarrant.

Je grogne et fait mine de bouder tout le long du chemin. Mais une fois arrivée, je m'empresse de programmer ma montre pour qu'elle vibre trois heures plus tard exactement. Ce que je lui accorde est déjà énorme et j'espère qu'il s'en rend bien compte.

— T'es pas croyable, ricane-t-il avant de m'entraîner à sa suite.

Nous traversons le jardin, étonnamment propre au vu de l'heure et du monde qui semble présent, puis nous entrons sans sonner. Déjà la musique me vrille les tympans et je ferme les yeux pour me donner du courage. Plus que deux heures et cinquante-neufs minutes.