31. Ashley

Je regarde que la voie est libre avant de sortir de ma chambre et de me faufiler dans la salle de bain. N'ayant pas envie de subir un interrogatoire, j'essaye d'aller le plus vite possible pour faire ma toilette. Mais avec un peu de chance, Aaron dort encore comme un loir. Lui qui passe son temps à se plaindre d'être épuisé doit logiquement être en train de récupérer ses heures de sommeil. A moins qu'il soit déjà retourné en cours ? Je ne me rappelle plus ce qu'il a dit à ce sujet. De toute manière, ce n'est pas comme si j'écoutais quand il nous parlait. Quoi qu'il en soit, je ne préfère pas prendre de risque. Comme dit le proverbe, prudence est mère de sureté.

Après m'être débarbouillée, j'attrape ma brosse à dent et le dentifrice.

— T'es rentrée tard, hier soir.

J'en étais sûre ! La brosse à dent dans la bouche, je lève les yeux au ciel et me tourne vers Aaron. Il me fixe, les bras croisés, l'épaule appuyé contre le chambranle de la porte.

— Chawa y'té'win'we'weu'kwan'cin !! répliqué-je en terminant de me brosser les dents.

— J'ai rien compris ! Je ne parle pas encore le singe, mais si tu le dis ! Rétorque-t-il en levant les yeux au ciel.

— J'ai dis, repris-je une fois rincée, qu'il était vingt-deux heures cinquante-cinq. Et puis j'étais en sécurité.

— Tu étais avec un mec. Ne me regarde pas comme ça, me dit-il devant mon air surpris, je l'ai vu te déposer. Et d'abord, qu'est-ce que tu as bien pu faire durant tout ce temps ? T'as fini les cours tôt hier, je me trompe ?

— Ok...Je sais pas ce qui est le plus flippant. Que tu surveilles mes fréquentations ou mes horaires...mais dis-moi, t'es pas censé être, je sais pas moi, en cours ?

— L'université est en grève cette semaine. Je ne vais pas rester dans ma piaule d'étudiant moisie alors que je peux venir ici me faire dorloter par maman.

— T'as qu'à faire le ménage, lui suggéré-je en haussant les épaules, elle ne sentira plus le moisi comme ça.

Je me brosse les cheveux et tente de me faire une tresse, sans succès. La moitié de mes cheveux ressort et je peste, les dents serrés sur l'élastique, tout en détruisant le carnage que je viens de faire sur ma tête.

— Attends, laisse-moi faire.

Mon frère récupère la brosse et entreprend de me peigner avant de me faire ma coiffure. J'en profite pour le regarder dans la glace. Il fronce les sourcils, signe de sa concentration extrême. Je me rappelle quand il était encore au lycée et qu'il passait des heures sur ses devoirs avec ce même air. Après deux ans à le supporter dans le même établissement que moi, je dois bien avouer que cela me fait tout drôle de ne plus faire les trajets avec lui. Mais le plus grand vide reste à la maison. Bien sûr, je me suis habituée depuis le temps, mais il m'arrive encore par moment d'aller le chercher dans sa chambre pour manger alors qu'il n'est plus là. Enfin, ça, je ne lui dirai jamais, et de toute manière, ça ne m'arrive pas si souvent que ça. Dans moins de deux ans, j'entrerai également à l'université. Mais si Aaron a choisi Harvard, j'opte plutôt pour Yale ou Princeston. Mon choix n'est pas encore arrêté, mais après tout, j'ai encore le temps d'y penser.

— Et voilà, une jolie tresse comme la petite fille que tu es !

— T'as vraiment un problème, tu sais ? Je suis presque une adulte, va falloir t'y faire. D'ici peu de temps j'aurai mon diplôme, j'entrerai moi aussi à l'université, je me marierai et j'aurai des enfants. Ne grimace pas ! Ils t'appelleront tonton et tu te feras un lumbago en essayant de les porter.

— En attendant, t'es encore une morveuse, alors commence déjà par bien travailler à l'école. Le mariage et les enfants, ça attendra. De plus, tu es la plus jeune, et par conséquence, tu n'as pas le droit de te marier et de devenir parent avant moi. Et puisque je ne compte pas fonder une famille de si tôt, tu vas devoir attendre très, très longtemps.

— Qui a décidé ça ? Ricanné-je devant son regard satisfait, et je suis au lycée ! Pas à l'école !

— Si tu le dis. Et pour répondre à ta question, c'est dans le code civil des frères et sœurs. L'amendement 8759 que je viens de rajouter. Je l'ai placer entre faire peur aux prétendants de sa sœur et victimiser le petit ami de sa sœur.

— T'as vraiment un problème Aaron, va te faire soigner, ça devient grave, rié-je en lui ébouriffant les cheveux.

Puis sans attendre, je file dans ma chambre finir de me préparer pour le lycée. Une fois opérationnelle, je me poste dans le salon et envoie un message à Tyson.

De moi :

Attends moi dans ta voiture. Et si tu en sors, je considérerai que tu es maso.

Un sourire aux lèvres, le téléphone contre ma bouche, j'attends en trépignant devant la porte. Mon coeur s'emballe à chaque voiture que je vois passer à travers la vitre, même celles qui ne sont pas de la même couleur que le véhicule de Tyson. Comment va-t-il se comporter ce matin ? Et moi, est-ce qu'en le regardant je vais regretter ce qu'il s'est passé hier soir ? Suis-je capable de me lasser, maintenant que j'ai obtenu ce que je voulais ? Mais était-ce vraiment juste ça que je voulais ? Il m'a avoué ses sentiments, alors, même si j'ai malgré tout quelques appréhensions, après tout il aurait très bien pu me manipuler et me mentir pour coucher avec moi, je doute surtout de moi. Et si il ne venait pas ? Qu'il faisait comme si rien ne s'était passé ? Qu'il m'effaçait de sa vie comme si de rien n'était ? Sentant la panique me gagner, je prends de grandes inspirations et m'empresse de relire nos échanges, essayant d'y décrypter un message malveillant. Mais non. Il n'y a rien. Rien ne laisse supposer qu'il pourrait s'être jouer de moi. Je dois me faire des films. Faut vraiment que je me calme, ça en devient ridicule. Redressant la tête, je croise le regard de mon frère qui m'observe, les sourcils froncés.

— Quoi ? l'agressé-je sentant une nouvelle vague de panique m'envahir.

J'ai l'impression qu'Aaron lit en moi comme dans un livre ouvert, et j'ai peur de ce qu'il va découvrir. Je n'ai pourtant rien fait de mal. J'ai juste couché avec mon petit ami, et en plus on s'est protégé ! Je n'ai rien fais d'irresponsable, et pourtant, j'ai l'impression d'être prise en flagrant délit après une bêtise. Je soupire. Aaron a toujours eu cet effet-là sur moi. La peur de le décevoir, de ne pas être à la hauteur de ses attentes. Si l'idolâtrie que je ressentais pour lui enfant a semble-t-il disparu, elle a en réalité muée en un complexe que je n'arrive pas toujours à ignorer. J'ai bien remarqué qu'il essayait toujours de me pousser à devenir meilleure, que ce soit dans ma façon de me comporter ou dans mes études. Difficile de faire comme si de rien n'était alors qu'il fouillait mon cartable pour récupérer mes contrôles. Et c'est bien pour ça que je m'acharne à être en perpétuel conflit avec lui. Les moments où l'on se chamaille me donnent l'impression que rien n'a d'importance.

— Je n'aime pas ce type, m'informe-t-il, Tyson. Il ne m'inspire pas confiance.

— Oui et bien moi je l'aime, alors va falloir t'y faire ! Lancé-je énervée par son jugement hâtif.

Je ferme les yeux quelques secondes, me rendant compte de la bourde que je viens de dire. Aaron me regarde, acquiesçant comme si je venais d'avouer quelque chose qu'il savait depuis longtemps, ce qui a le don de m'énerver encore plus. Par chance, un coup de klaxon nous empêche de glisser sur un sujet que je n'ai absolument pas envie d'aborder avec lui.

— J'y vais, à ce soir. D'ailleurs, je vais rentrer tard. On a une pièce à répéter pour la fin de l'année.

Je claque la porte sans attendre sa réponse. Bien sûr, je ne lui ai pas dis que j'allais chez Tyson pour réviser la pièce, il faudra d'ailleurs que j'informe ce dernier de ce nouveau programme, et de toute manière, je n'ai aucun compte à rendre à Aaron. Je secoue la tête et m'empresse d'aller m'installer sur le siège passager.

— Salut, tu...tu as bien dormi ? Me demande Tyson tandis que je referme la portière.

— Oui, et toi ? Demandé-je tandis qu'il acquiesce.

Nous nous regardons quelques minutes en silence. Mon cœur fait des montagnes russes et j'ai le ventre en effervescence tandis que je l'observe. Mais quelque chose cloche. Les secondes s'égrainent et les bulles se resserrent, se contractent pour enfin se transformer en un étau qui me broie l'intestin.

Je ne pensais pas que ce serait aussi...bizarre. Qu'attend-il pour m'embrasser ? C'est bien ce que l'on fait quand on retrouve sa copine, non ? On l'embrasse. A moins qu'il regrette réellement ce qu'il s'est passé ? Peut-être que finalement, il ne veut pas aller plus loin ? Je ravale difficilement la boule qui m'obstrue la gorge. Regardant droit devant moi, je prends mon courage à deux mains et lui dit :

— Tyson, je...je comprends. C'est pas grave. On a passé un super moment mais...dans le feu de l'action, tout ça...enfin...si tu regrettes...C'est pas grave. Je...Je comprends.

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