25. Ashley
Répéter avec Jeff, c'est comme essayer d'avoir une discussion intelligente avec un mec bourré. J'ai abandonné l'idée d'essayer de réellement faire la scène lorsqu'il a commencé à jouer les castafiores. De toute manière, je crois que lui-même en a oublié le pourquoi du comment puisqu'il est en train de faire des vocalises étranges debout sur un banc, devant les regards amusés des autres élèves du lycée. Croisant à nouveau le regard de Tyson, je lui fais signe de la tête d'aller ailleurs. Nous nous levons et laissons Jeff à sa performance tandis que les pompoms girls et quelques élèves amusés se regroupent autour de lui.
— Il est toujours comme ça ? Demandé-je à Tyson tout en nous éloignant à l'opposé du chanteur fou.
— Non, parfois il dort, me répond-il en haussant les épaules.
Je lui adresse un sourire et détourne aussitôt le regard. Je n'ai bien évidemment pas oublié que nous avons failli nous embrasser, et je dois avouer que je ne sais pas trop comment me comporter, ni quoi ressentir vis à vis de ça. Je suis à la fois déçue et soulagée, mon coeur n'arrête pas de s'emballer quand je le regarde mais j'ai également envie de m'éloigner à toutes jambes. C'est perturbant...et épuisant.
— Je te raccompagne toujours ce soir ? Me demande-t-il les mains dans les poches, l'air totalement décontracté.
— Hum...oui, oui bien sûr, réponds-je avant de me mordre l'intérieur de la joue.
Nous entrons dans l'établissement et je vais récupérer mes affaires de mathématiques dans mon casier tandis que le jeune homme va au sien, quelques mètres plus loin. Profitant de ces quelques instants de solitude, j'essaye de faire le point sur la situation. Tyson ne semble pas le moins du monde perturbé par ce quasi baiser, comme si cela était tout à fait normal. Mais après tout, peut-être que pour lui c'est le cas ? Je ne l'ai jamais vu jouer avec les filles, c'est vrai, mais cela ne veut pas dire qu'il ne papillonne pas à droite à gauche. Il est peut-être du genre à prendre la vie comme elle vient sans se poser de questions ? Sur ce point là, je suis pareille...en temps normal. Alors pourquoi je me prends autant la tête pour un baiser qui n'a même pas eu lieu ? Tout en avançant dans le couloir, j'évalue également les sensations que je ressens. Mon rythme cardiaque est normal, mon cerveau fonctionne correctement, ma peau ne passe plus du chaud au froid comme si j'avais une grippe de cheval. Je suis bien obligée de convenir que c'est lui qui me fait cet effet.
— Incompréhensible ! m'exclamé-je en soupirant.
— Merci mademoiselle Evans pour votre franchise, d'autres personnes veulent également reprendre cette partie ? Non ? Bien, alors mademoiselle, afin de ne pas perdre de temps, je vous invite à aller voir vos camarades à la fin du cours. Je suis sur qu'ils seront à même de vous expliquer comment fonctionne l'appareil reproducteur d'une baleine. En attendant, je vous propose de clore le chapitre sur les oiseaux migrateurs avec ce film.
Sur ces paroles, madame Bercley éteint la lumière et lance son documentaire oh combien soporifique tandis que je me tasse sur ma chaise. Kyle, assis à côté de moi me serre doucement le bras, un air désolé sur le visage. Je lui tire la langue, ce qui a pour effet de le faire rire. Levant les yeux au ciel, mon meilleur ami griffonne quelque chose sur une feuille qu'il déchire et me fait passer.
K :Tu t'es surpassée cette fois.
Je jette un coup d'œil à la prof qui nous tourne le dos et récupère un stylo. J'adore ces petites conversations écrites que nous avons. J'ai gardé toutes les conversations que l'on a ainsi au nez et à la barbe des profs depuis qu'on est en âge d'écrire. Parfois, quand je suis nostalgique, je rouvre cette boite et les relis. Ça fait un bien fou, surtout quand je n'ai pas le moral.
A : Ils nous ont bien dis de dépasser nos limites à la rentrée, non ? Je ne fais qu'obéir aux ordres.
K : Je ne suis pas vraiment certain que ce soit ce genre de limites dont ils parlaient...
A : Si ils ne précisent pas aussi !
Croisant le regard de Kyle, nous pouffons de rire, ce qui fait instantanément réagir la prof qui nous menace de nous séparer si on ne se tait pas rapidement. Je pince les lèvres, retenant les fous rires qui, bien évidemment, ne font qu'augmenter.
K : Tu comptes m'expliquer un jour ce que tu manigance ?
A : Comment ça ?
K : Avec Tyson. Tu vas au cinéma avec lui, sans même m'en parler. Et d'un coup, tu passes tout ton temps avec alors que vous ne vous adressiez jamais la parole.
A : Je te l'ai dis, on a discuté sur le site de l'école et on a accroché, c'est tout. Pas de quoi en faire une affaire d'État.
K : Vous avez accroché ?
A : Oui. Enfin on est amis quoi. Bon, et avec Clara, ça va ? Je vous ai manqué ce midi, avoue !
K : Ne change pas de sujet. Clara vous a vu tout à l'heure dans la cour. Et d'après ce qu'elle m'a dit, je cite : « Ils forment un couple trop mignon. » Apparemment, vous étiez collés l'un à l'autre et vous vous embrassiez.
J'ouvre la bouche et la referme tandis que je sens à la fois le sang quitter mon visage et mes joues me brûler. Sentant le regard de Kyle sur moi, je tourne le morceau de feuille et fais mine de lui répondre, mais j'avoue ne pas trop savoir quoi dire qui pourrait lui faire changer d'idée.
A : Il ne s'est rien passé. On révisait la pièce, c'est tout.
K :En vous embrassant ? Ashley, je suis ton meilleur ami. Tu peux tout me dire, je ne vais pas te juger parce que tu es tombée amoureuse de Tyson.
A : Je ne suis pas amoureuse ! On ne tombe pas amoureux comme ça !
K : Mais y'a un truc ?
A: Non ! Enfin, il est sympa et cool. Et on rit bien ensemble. Je l'aime bien, c'est tout.
K:Comme dit le proverbe, femme qui rit....
A : fait pipi au lit ? Non, sérieusement Kyle, tout ce qu'il peut y avoir entre Tyson et moi, c'est éventuellement un bon moment sous la couette. Mais ça s'arrêtera là. Tu l'as vu, non ? Il est lui. Et moi je suis juste moi. Je vais pas te dire qu'on fait parti de deux mondes différents, c'est faux. Mais soyons honnête, si il avait vraiment voulu quelque chose avec moi, il m'aurait déjà demandé.
K : Tu ne l'aimes pas, mais tu te justifies comme si c'était le cas...
A:Je ne suis pas amoureuse. Arrête avec ça. Pour être tout à fait honnête, je crois que
Notre conversation m'est subitement enlevée des mains. Levant les yeux, j'aperçois madame Bercley qui me regarde avec sévérité avant de parcourir les lignes du regard. Mon coeur tambourine furieusement tandis que je me liquéfie. Elle ne va pas oser, n'est-ce pas ?
— Miss Evans, je vois que le cours vous passionne. Faisons donc profiter les autres de vos notes. Je suis certaine qu'elles vont aider vos camarades à compléter les éléments qui leur manque. Alors, voyons un peu ça. Je ne suis pas amoureuse. Arrête avec ça. Pour être honnête, je crois que. Que quoi, mademoiselle ? Je suis sûre que votre ami, ainsi que le reste de la classe aimerait en savoir plus.
— Que...commencé-je tandis que le rouge me monte aux joues, que vous êtes une excellente prof. La meilleure que je n'ai jamais eu !
— C'est cela oui. Bon, lisons ce qu'il y a écris avant. Je vois que vous avez eu le temps d'avoir une longue conversation avec monsieur Hopkins. Alors, Tu t'es surpassée cette fois...
D'un bond, je me lève et récupère la feuille que j'enfonce précipitamment dans ma bouche. Je plisse les yeux de dégoût tout en mâchant le papier tandis que les rires se propagent dans la classe. Ma dignité vient d'en prendre un coup, ce qui n'est pas la première fois. Mais là, c'est différent. Les larmes me montent aux yeux tandis qu'une tempête se déchaîne dans mon coeur. J'ai l'impression d'être complètement nue. Non. J'ai été complètement nue hier, et c'est vraiment bien au-delà de ça. D'ordinaire, je n'ai pas peur du ridicule, je me mets même souvent dans des situations embarrassantes, mais c'est la première fois que j'y suis confrontée sans être au clair avec moi-même. Je ne sais pas comment réagir et cela me met dans une situation de faiblesse inédite et que je déteste. La sonnerie annonce la fin du cours et madame Bercley quitte la salle. Autour de moi, j'entends les chaises racler, le brouhaha des conversations, des éclats de rire. Paige se poste devant moi et je soupire, attendant qu'elle me lance un de ses piques.
— C'est vraiment dégueulasse ce qu'elle a fait. Franchement, elle n'avait pas le droit. Mais t'inquiètes pas, on est avec toi Ashley. N'est-ce pas Abi ?
Je regarde Paige avec des yeux ronds tandis qu'elle adresse un sourire à Abigaël. Cette dernière reste silencieuse, le visage fermé durant quelques instants avant de m'adresser un sourire.
— Oui, bien sûr. Ce qu'elle pense, on s'en fiche. De toute manière, c'est une vieille fille aigrie. Elle ne supporte pas que les autres puissent être heureux. Si tu veux, on lui fera la misère au prochain cours.
— Hum, oui..Non, réponds-je perturbée par cet élan de solidarité, non c'est pas la peine. D'ici là, elle aura trouvé une autre cible. Tout va bien.
— Tu veux qu'on te raccompagne chez toi ? Me demande Abigaël.
— Non merci, Tyson me l'a déjà proposé, réponds-je machinalement en essayant de comprendre ce qu'il se passe.
Les deux jeunes filles acquiescent puis quittent la salle. Je frissonne, ayant l'impression d'avoir eu affaire à Mr Jekyll et Mr Hyde compilés à Twidle Dee et Twildle Dum. Franchement flippant ! Mais peut-être les ai-je mal jugées après tout ?
— Tu es amie avec Abigaël et Paige toi maintenant ? Me demande Kyle avec suspicion.
— Hum...dans la quatrième dimension peut-être. Il faut croire que lorsqu'on a un ennemi commun, on fait réellement front tous ensemble, supposé-je en haussant les épaules.
— Ca va aller ? Je t'ai entendu dire que tu rentrais avec Tyson, mais si tu préfères, je te raccompagne ? Ou bien je passe déposer mes affaires à la maison et je viens chez toi ?
— Non t'en fais pas, je vais prendre un bon bain et me lover devant un bon film.
— L'exorciste ?
— Non...Le come back. Pourquoi à chaque fois que je dis que je vais regarder un film, tu penses toujours que ce sera un film d'horreur ?
— Je te connais. C'est soit de l'horreur, soit de la romance. Mais t'en as pas marre de ce film ? Tu le connais par coeur, non ?
— Oui. Mais Hugh Grant est trop sexy ! m'exclamé-je.
— Je confirme ! Me lance Clara en passant un bras autour de la taille de Kyle, quoi qu'il a pris un coup de vieux. Ça ne le réussi pas.
— Tu déconnes ? Plus il vieillit, plus il est canon à faire mouiller les petites culottes !
— Hum...Désolé de vous interrompre mais...on peut y aller Ashley ?
Je me tourne vers Tyson qui se poste devant nous et lui adresse un petit sourire. J'embrasse Kyle puis Clara qui me dit de ne pas m'en faire pour le mot, et que tout le monde aura oublié demain. J'acquiesce, sachant pertinemment qu'elle a raison puis sors de la classe en compagnie de mon chauffeur du jour.
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