13. Ashley

Tyson et moi ? Non. Impossible. Riddicule même. Malgré tout, l'espace d'un instant, j'imagine ce que cela ferait de me retrouver dans ses bras. J'en ai eu un vague aperçu tout à l'heure mais c'était tellement insensé que je me suis demandée si c'était réel. Je ne peux pas dire que c'était désagréable, et même si je ne suis pas amoureuse, je pourrais très bien m'accorder une partie de jambes en l'air avec lui. Pourtant, sans me répugner, cette idée me met mal à l'aise. Certainement parce qu'il s'agit de Tyson, et que je ne sais pas vraiment ce dont il est capable. Après tout, il pourrait très bien prendre des photos de moi à mon insu et les diffuser sur le site du lycée, ou m'envoyer son harem afin que toutes ces furies furieuses fasse de ma vie un enfer. Quoi que cela serait plutôt le genre de Jeff. D'ailleurs, Tyson a-t-il réellement un fan club qui lui ait dédié ? Je sais que Paige a des vues sur lui depuis quelques temps, et j'ai entendu quelques autres filles de secondes fantasmer à son sujet, mais de là à lui attribuer un statut de Don Juan, il y a un pont. Non. Vraiment. Tyson et moi, cela ne se fera jamais.

— Je suis sûre qu'on va faire un duo d'enfer ! Ajouté-je avec un sourire, espérant chasser ces étranges pensées au plus vite.

— Je n'en doute pas, confirme-t-il avant de terminer son repas.

Je fais de même tout en lui exposant un millier de plan dont je sais que les trois quarts sont irréalisable. Mais je ne peux m'arrêter de parler. J'ai peur. Peur de ce que je pourrais encore imaginer si je laissais mes pensées vagabonder. Je commence à peine à me détendre quand Tyson m'adresse un sourire éclatant. Mon coeur accélère d'un coup et j'en laisse tomber mon dernier morceau de pizza.

— J'ai le ventre plein, moi, lancé-je avec précipitation afin de justifier mon comportement, on devrait y aller, non ?

En réalité, j'aurais bien pris une énorme glace avec pleins de parfums, histoire de digérer, mais il va falloir faire sans si je ne veux pas passer pour une attardée. Nous nous levons et je règle la note. Dehors, le soleil se couche déjà et je me demande si Kyle a ramené Clara chez elle ou si ils vont passer la nuit ensemble. Ce qui est sur, c'est que je ne l'appellerai pas...Du moins, pas avant demain.

— Tu rentres comment ?

Je me tourne vers Tyson et cligne des yeux. J'étais tellement perdue dans mes pensées qu'il me faut quelques secondes pour enregistrer ce qu'il vient de me dire.

— Heu, je vais prendre le bus.

Si j'appelle mon père pour qu'il vienne me chercher, vu le cirque que j'ai fais pour qu'il m'accompagne, je sens que cela va finir en belle engueulade. Autant éviter cela au maximum. Je regarde l'heure et me mords la lèvre. Si je veux arriver chez moi avant qu'il ne fasse nuit noire, il va falloir que je me dépêche. Je remarque un message de Kyle, mais ne l'ouvre pas. Je verrai ce qu'il a à me dire une fois rentrée. Pourvu que tout se passe bien avec Clara ! Tout en rangeant mon téléphone, je lève les yeux vers Tyson qui me fixe, l'air grave. Je sens le rouge me monter aux joues tout en me demandant depuis combien de temps il m'observe. Après tout, quoi de plus perturbant que de se sentir observer ?

— Que..Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je d'une voix fluette qui ne peut certainement pas venir de moi.

— Tu ne rentres pas en bus, me répond-il comme s'il m'annonçait une évidence.

— Heu...Si. Je ne vais certainement pas marcher jusqu'à chez moi. Je prends le bus.

— Non. Je te raccompagne.

Et sans me laisser le temps de lui demander où est sa voiture, ou ne serait-ce que si mon avis compte, il glisse sa main dans la mienne et m'entraîne à sa suite. Nos doigts s'entrelacent instinctivement et je sens sa paume réchauffer la mienne. Je n'avais même pas remarqué que j'avais froid, et, maintenant que je m'en rends compte, je ne peux m'empêcher de trembler partout où l'air s'insinue. Partout, sauf là où il me tient.

— Une moto ! Grimacé-je avec un mouvement de recul.

— Oui, tu as peur ? Me demande-t-il avec un sourire arrogant tout en sortant deux casques de sous les sièges.

— Bien sûr que non ! Je suis juste surprise. Je ne m'attendais pas à ce que tu conduises ce genre d'engin.

Piquée au vif, je lui arrache le casque des mains et l'enfonce sur ma tête tout en lui communiquant mon adresse. Peur ? Non mais pour qui il me prend ? Bon, d'accord, c'est la première fois que je vais monter sur une moto, et je suis un peu angoissée. Mais de là à avoir peur ? N'importe quoi. Pour cela, il faudrait déjà que je sache la sensation que cela fait et...Bon d'accord, je suis terrifiée, mais ça me fait mal de l'admettre devant lui.

— Accroche toi comme ça et ne lâche surtout pas, m'informe-t-il une fois assis tout en enroulant mes bras autour de sa taille.

Je me retrouve collée contre son dos, la tête sur le côté pour pouvoir respirer. Un mélange étrange et agréable s'infiltre dans mes narines, me chatouillant jusqu'au bas de mon ventre. Bon sang, ça fait combien de temps d'abstinence déjà ? Quoi qu'il en soit, mon corps semble avoir atteint sa limite et des images fugaces me traversent l'esprit. Je resserre ma prise autour de Tyson, essayant de revenir sur Terre, mais cette proximité et le fait de savoir qu'il me suffit d'un geste pour effleurer la peau de son ventre n'aide en rien à calmer ma libido de dévergondée. Le moteur ronronne et je me mords la lèvre pour ne pas gémir de plaisir sous la vibration de la bécane.

— Prête ?

J'acquiesce et nous démarrons. Le vent me fouette le visage, m'obligeant à fermer les yeux. Lors d'un virage, je resserre la prise autour de Tyson, m'agrippant à son tee-shirt. Mon coeur bat à cent à l'heure et je suis obligée de bander les muscles de mes jambes pour ne pas glisser. Et même en faisant cela, je sens mes fesses se déporter dangereusement, ballottées au grès du vent. Tyson immobilise plusieurs fois la moto à des feux et, à chaque fois, me demande si ça va. Ce à quoi j'acquiesce automatiquement. Au bout de ce qui me semble une éternité, il s'arrête une nouvelle fois et coupe le moteur.

Toujours agrippée à son tee-shirt, je respire lentement, essayant de calmer mes tremblements. Je sens sa main se poser sur les miennes avec douceur. Il glisse ses doigts entre les miens, rompant l'étau autour de lui. Je me laisse glisser au sol et manque de tomber. Ses bras me rattrapent et m'aident à me redresser. Je ne sais comment il a fait pour descendre aussi vite, mais je lui en suis reconnaissant. Il m'aide à retirer le casque avant d'enlever le sien. Ses cheveux se retrouvent collés sur sa tête, et, à la lueur des lampadaires, il a soudainement l'apparence d'un premier de la classe. Mais je me sens tellement retournée par la balade que cette pensée ne me paraît pas si drôle finalement.

— Ca va aller ? Me demande-t-il en posant ses mains sur mes bras.

— Ou...Oui, ouai, ça va, j'ai pas l'habitude c'est tout. Juste le..heu...la..la pesanteur ! C'est ça, il m'a juste fallu quelques minutes pour me faire à la pesanteur. Mais j'ai pas du tout eu peur, au contraire !

— Chouette ! Alors je viens te chercher lundi pour t'emmener au lycée en moto !

J'ouvre la bouche, sentant l'air me manquer. Tout mais pas ça ! Je ne veux plus jamais monter sur une moto de toute ma vie !

— Ashley, je plaisante ! Enfin...Si tu veux, je peux venir te chercher, mais ça sera en voiture, pas en moto.

— Ok, pas de problème.

J'écarquille les yeux, réalisant ce que je viens de dire. Qu'est-ce qui me prend ? Bon d'un autre côté, Kyle aimerait certainement faire le trajet seul avec Clara. Je sais qu'ils ont besoin d'intimité pour prendre leurs marques dans cette nouvelle relation, et ma présence quasiment constante ne doit pas leur facilité les choses. Et si cela me permet de ne pas prendre le bus, pourquoi pas, après tout ? Qu'est-ce que je risque ?

— Bon, alors, à lundi, je...encore désolée de t'avoir forcé à embarquer dans tout ça, mais...pour ce que ça vaut, j'ai passé une superbe soirée.

Je dépose un baiser sur sa joue, et lui fait signe en remontant jusqu'à l'entrée de ma maison. Me retournant une dernière fois, je le vois remettre son casque et s'éloigner dans la nuit. Tâtant la porte de la main, je sens mes doigts s'enfoncer dans une matière molle. Reportant mon attention vers chez moi, je me retrouve face à mon frère, le regard plissé.

— Ho merde, râlé-je avant de crier, maman ! Papa ! Va falloir faire venir le dératiseur. Je viens de tomber sur un gros rat dégouttant qui a fait son nid sur le pas de la porte!

— Les parents dorment, pour ton information le gnome. C'était qui ce mec ?

Je soupire et pousse mon frère afin d'entrer. J'ôte mon manteau et balance mes chaussures avant de monter jusqu'à ma chambre. Malheureusement, le morpion a décidé de me coller jusqu'à obtenir des réponses. Pire qu'une sangsue celui-là ! A croire que le concept de vie privée lui ait inconnu.

— Ashley ! Je suis sérieux ! Maman m'a dit que t'étais sortie dans l'aprés-midi et tu reviens à vingt heure passée ! T'étais où ? Et c'est qui ce mec en moto ? T'as fais quoi comme connerie encore ?

— Rien, je suis juste allée me prostituée sur les quais, et mon Mac a eu la gentillesse de me raccompagner à la maison en échange d'une fellation. Mais je te rassure, j'ai bien négocié mon contrat, je garde 90 % de l'argent que je me fais et en échange je reste disponible pour assouvir ses fantasmes à toute heure du jour et de la nuit. Ha oui, et évidemment j'arrête le lycée et j'ai commencé la cocaïne.

— Ashley ! Gronde-t-il tandis que nous arrivons devant ma chambre.

— Roh ça va t'as pas d'humour ! C'est la fac qui te rend aussi frigide ? Je te jure, faut te détendre.

— Ashley, je suis sérieux ! Les parents te laissent faire à peu près tout ce que tu veux du moment que tu respectes leurs règles, mais ils n'ont pas conscience des dangers que tu cours à te balader seule la nuit. Ils m'ont dit que t'étais allée au cinéma, seule visiblement, et je te vois revenir avec un motard chelou, excuse-moi de m'inquiéter pour ma petite sœur !

Je soupire tout en m'installant sur mon lit avec mon ordinateur portable. Mes projets solitaires viennent de tomber à l'eau et ma libido est retournée dans sa cage aussi vite que Clark Kent quand il enfile son costume de superman. Adieu plaisir solitaire, bonjour sangsue lourdingue. Mon frère peut-être tellement lourd quand il s'y met. A croire que j'ai encore douze ans ! Si il savait toutes les cochonneries que j'ai pu faire avec des garçons, il en ferait une crise cardiaque ! Bon d'accord, j'ai pas fait autant de choses, et pas avec beaucoup de garçons, mais je suis sûre que si je lui annonce que je ne suis plus vierge depuis les grandes vacances, il ne s'en remettra pas le pauvre petit ! Et oui, pendant que monsieur allait surfer, je passais mon temps dans le bungallow du bel Edward...ou Alex ? Mince, comment il s'appelait déjà ? Enfin peu importe, il n'était pas très intéressant, que ce soit par les mots qui sortaient de sa bouche ou par sa façon de niquer.

— Walking dead ? Lui demandé-je en cherchant la dernière saison.

— Oui, j'ai pas eu le temps de regarder depuis notre dernière session, j'ai dus louper des choses.

— Ca, tu peux le dire ! Ricanné-je en lançant la première vidéo.

— Non ! Tu as regardé sans moi ? Traîtresse !

J'éclate de rire devant son air scandalisé et secoue la tête. Bon sang, il a beau me taper sur le système, ce n'est que lorsqu'on se retrouve que je me rends compte à quel point la maison est vide sans lui.

— N'empêche, j'aimerai que tu me donnes le nom de ce garçon. Je pense qu'une bonne mise au point s'impose. On n'est jamais trop prudent.

— La ferme ou je te spoile toutes les morts de la saison !

Avec un grognement, Arron s'installe à côté de moi et je ne l'entend plus jusqu'à ce que nous nous endormions, aux premières lueurs du jour, devant une horde de zombies affamés.

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