Chapitre 17 - Lydia

– Aeron ! gronda Agatha depuis la porte de son laboratoire.
Lydia ne bougea pas et se figea dans le coin de sa cellule, les bras autour de ses jambes. Les pas d’Aeron résonnèrent sur le sol en métal. Il ouvrit la seconde porte du couloir, sa blouse à moitié enfilée.
– Tu es en retard.
– Pardon, j’ai dû régler un problème avec le système de sécurité.
Le visage d’Agatha se tordit en une grimace affreuse qui contrastait avec la douceur de sa peau.
– Ils se doutent de quelque chose ? Ils essaient de nous pister ?
– Je ne sais pas. Ça ressemblait plus à un essai. Mais rien de concluant. Pour l’instant, ils ne se donne pas assez de mal pour trouver la base.
La scientifique croisa les bras et s’appuya contre l’encadrement de la porte.
– Comment va mon fils ?
– Il va bien. La Tryade ne l’a pas trouvé. Il est en sécurité.
Agatha hocha la tête puis s’engouffra dans son laboratoire, Aeron sur ses talons.
Lydia se tourna vers Vallie, les yeux écarquillés.
– Elle a un fils ?
La vampire hocha faiblement la tête.
– Elle en parle très peu. Vallie gloussa. Cet enfant, c’est toute sa vie. Elle ne dit rien à son sujet quand mes oreilles sont trop proches. Elle veut le protéger. Il est peut-être quelque part dans ce bunker, mais je serais bien incapable de te dire où.
Lydia se pinça les lèvres. Comment une femme qui faisait subir de telles atrocités à des enfants pouvait elle-même avoir un fils ?
– Tu penses que… commença-t-elle en se tournant vers sa voisine.
Mais elle se figea. Les yeux océans de Vallie avaient virés au rouge. Cela ne signifiait qu’une seule chose. La démence. 
– Du sang ! gronda la vampire.
Lydia ferma les yeux en l’entendant délirer à nouveau.
– Du sang !
Cela lui arrivait parfois : elle perdait tout contrôle d’elle-même, elle se laissait consumer par le désespoir. Si Agatha faisait des expériences directes sur la plupart de ses détenus, la torture de Vallie prenait une tout autre forme.
– DU SANG ! hurla-t-elle.
Lydia laissa échapper une larme de compassion. Elle ne pouvait rien faire. Vallie était privée de nourriture, et de sang, depuis plusieurs mois.
Plusieurs années même.
La vampire lui avait vaguement expliqué les conditions de son emprisonnement. Agatha voulait connaître les limites de la magie des vampires.
Elle attendait qu’elle meure de soif.
La magie rendait ceux qui la possédaient puissants, mais toute puissance avait une limite, et un prix. Plus les penseurs souhaitaient lire dans l’esprit des autres, plus ils devaient ouvrir leur propre esprit, et plus ils se trouvaient vulnérables ; les sorciers avaient besoin d’un lien avec la nature pour pouvoir utiliser leurs pouvoirs ; les fées devaient être en permanent contrôle de leurs émotions ; les loups avaient besoin d’un contact avec la terre ; et les vampires puisaient leur force du sang.
Agatha, en tant que scientifique, voulait savoir combien de temps pouvait résister un vampire privé de sang et de nourriture
– JE VEUX DU SANG ! hurla-t-elle à nouveau.
Elle n’avait même pas la force de se lever pour frapper contre la paroi de verre, elle se contentait de rester assise dans un coin, et de crier. Lydia savait que Vallie finirait par se calmer, mais cela la déchirait. Elle-même avait faim. Les maigres repas généreusement offerts par l’Hécatombe n’avaient pour but que de la faire survivre en attendant de devenir le prochain cobaye. Mais sa faim n’était rien en comparaison avec la souffrance que ressentait Vallie depuis des mois.
– Pitié. Du sang, murmura-t-elle.
Lydia vit les larmes inonder la peau ébène du magnifique visage de la vampire. C’en était trop pour elle. Elle s’approcha de leur paroi mitoyenne pour être le plus proche possible de Vallie.
– Ça va aller.
Vallie lui lança un regard désorienté à cause de la soif, mais cessa de pleurer. Ce regard était similaire à celui d’un chaton apeuré, ou d’un faon curieux.
– Tout va bien se passer, insista-t-elle d’une voix douce.
Elle plongea ses yeux dans ceux de la vampire. Ils avaient repris leur teinte d’un bleu sombre et profond semblable à la couleur de l’océan en pleine tempête. Une émotion nouvelle naquit au creux du ventre de Lydia. Cette sensation était étouffée par le canalisateur de magie inséré dans son corps, mais elle était réelle.
Le désir.
L’espoir.
Un feu ardent lui brûlait les entrailles. Lydia n’avait plus qu’une seule raison de vivre : voir Vallie vivre. Elle aurait donné tout son monde pour lui permettre de voir à nouveau le soleil, de sentir l’air frais sur son visage, de goûter au sang et de ne pas mourir.
Elle posa sa main à plat sur la paroi sans jamais détacher ses yeux de ceux de la vampire. Peut-être n’était-ce que l’illusion de l’espoir, mais elle avait l’impression de lire le même désir dans son regard océan. Alors, lentement, très lentement, Vallie puisa dans ses forces pour lever sa main et la poser contre la paroi de sa cellule, contre celle de la sorcière.
Physiquement, un mur de verre les séparait, mais psychiquement, elles ne faisaient plus qu’une. Elles étaient unies contre l’adversité. Elles vivraient l’une pour l’autre, et l’autre pour l’une.

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