Le Soleil se couchait lorsqu'il est apparu ce jour-là. Je ne l'ai pas vu arriver, j'ai juste entendu sa douce voix s'élever dans mon dos alors que je décorais une énième fois un mur qui n'était que trop vide à mes yeux :

« ... Tu ne devrais pas faire ça. »

Je me retournai vers ce jeune adolescent, et arquai un sourcil en le voyant.

« Ah non ? Et pourquoi ?

- C'est interdit par la loi. »

Un petit rire amusé s'échappa de mes lèvres, tandis que je reportais à nouveau mon attention sur mon œuvre :

« À quoi servent les règles si on ne peut pas les contrer ? »

L'adolescent gonfla les joues, l'air vexé, puis se contenta de hausser les épaules.

« Je t'aurais prévenu. »

Je m'interrompis un instant, et observai sa silhouette disparaître au loin avec une légère amertume. Sûrement encore quelqu'un qui avait une vie normale, des parents aimants, des amis. Quelqu'un qui ne me comprenait pas. En même temps, qui voulait vraiment prendre le temps d'essayer de comprendre un hors-la-loi ?

Inconsciemment, j'aurais espéré rencontrer quelqu'un comme cela. Quelqu'un qui, autre que Namjoon, m'aiderait, passerait du temps avec moi, et me regarderait sans préjugés.

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Ce qui a suivi cette rencontre m'a tout d'abord vraiment surpris. L'adolescent revenait chaque soir, s'asseyait un peu plus loin puis me regardait un instant en silence avant de partir. J'avais d'abord tenté de lancer une discussion avec lui, mais avais bien vite abandonné devant ses réponses fermées, voire inexistantes.

Je me contentais donc de continuer mon œuvre en tentant d'ignorer les regards insistants qu'il posait sur moi. Et contradictoirement, sa présence me faisait du bien. M'apaisait. Me rendait serein. J'aimais voir son visage pur aux traits enfantins, ses cheveux ébène qui tombaient délicatement sur son front, et ses mains qu'il tripotait maladroitement en ma présence. J'imagine que je me sentais moins seul.

Mais pourtant, cette fois-ci, le jeune adolescent ne s'était pas arrêté pour rester assis en silence, comme chaque soir. A la place, il avait simplement déclaré en me voyant une nouvelle fois :

« Tu es encore là ? Si la police te trouve tu vas être sérieusement emmerdé tu sais... »

Un doux sourire se dessina sur mes lèvres à ce moment-là.

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Les jours s'étaient écoulés, et j'avais petit à petit appris à connaître le jeune adolescent. Il s'appelait Jungkook, et était de caractère très susceptible, ce qui avait le don de m'amuser. Honnêtement, je pense que je m'attachais à lui bien plus vite que je n'aurais dû. J'avais l'impression qu'il me comprenait, peut-être même m'admirait. Je voulais y croire. Sincèrement. J'avais besoin de quelqu'un comme lui, de quelqu'un d'autre que Namjoon.

Lui, au contraire, ne savait presque rien sur moi, pas même mon nom. Je n'aimais pas employer ma véritable identité, cela me rappelait bien trop ma famille, qui était la première chose que j'aurais aimé oublier. J'étais donc "V", et c'était très bien comme cela.

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Le coup de poing partit, violemment. Je perdis un instant l'équilibre, sonné, et fusillai mes agresseurs du regard. J'étais seul. Seul contre cinq. Et bien que je savais parfaitement qu'il valait mieux se plier dans ce genre de situation, je ne le faisais pas, mon honneur me l'interdisant. L'un d'entre eux m'agrippa par le col, et me plaqua sans douceur contre le mur, m'arrachant un léger gémissement malgré moi. Je tentai de me libérer, vainement. Il était bien plus fort que moi.

Un sourire de satisfaction naquit sur ses lèvres en voyant mon impuissance, et il m'adressa un violent coup de genoux dans le ventre, laissant une douleur vive me parcourir. Il ne perdit pas une seconde, me redressa une nouvelle fois et planta son regard mi-menaçant mi-amusé dans le mien :

« Bah alors "V", où est passée ton assurance légendaire ? »

Je ne dis rien, me contentant de lui jeter un regard noir. Chose qui ne lui plut pas, vraisemblablement. Il me balança violemment sur le sol, et sans même me laisser le temps de me rendre compte de ce qu'il s'était passé, s'assit à califourchon sur moi, prenant soin de bloquer mes jambes avec les siennes, et de maintenir mes bras au-dessus de ma tête. Je laissai une grimace de douleur parcourir mon visage lorsqu'il commença à appuyer sur mes poignets, les graviers du sol forçant sur ma peau.

Ma respiration était saccadée, mon corps tout entier me brûlait. Et pour ne pas arranger les choses, mon agresseur refusait de me laisser le moindre répit... Il agrippa fermement mon visage d'une main, me forçant à le regarder et me cracha froidement :

« Écoute-moi bien p'tite merde. On n'a pas le temps. Tu vois, les gars et moi on est un peu juste niveau budget, et on a besoin du fric que tu nous dois. Alors maintenant tu vas arrêter de faire ton ado rebelle et tu vas nous le filer bien gentiment, hm ?

- Je... »

Je m'interrompis, sentant ma gorge me brûler, et parvins finalement à articuler sans cesser de défier leur leader du regard :

« Je l'ai pas, votre putain de fric ! »

Un nouveau coup. Une douleur lancinante au niveau du ventre. Et mon agresseur reprit :

« Ah vraiment ? »

Mon regard noir lui répondit, et il claqua sa langue contre son palais d'un air agacé avant de lancer à l'attention de ses acolytes :

« Ramenez-vous, on l'embarque. »

Mon regard confus s'accrocha au sien, et il rajouta en saisissant sans douceur mes cheveux pour me relever :

« On réfléchira à ton moyen de paiement là-bas. »

Une angoisse dévorante me prit aux tripes à ses mots, et je tentai de me dégager de sa prise, sans succès. Cela le fit au contraire resserrer encore plus sa poigne sur ma chevelure, m'arrachant une grimace de douleur.

Je sentais la panique monter en moi peu à peu, et les scénarios qui se jouaient dans ma tête n'arrangeaient rien. Dans leur repère, je serai complètement vulnérable. Avec plus aucune issue de secours, plus aucun moyen de me sauver ou de résister. Ils pourront faire ce qu'ils voudront de moi.

Un frisson glacial remonta le long de ma colonne vertébrale à cette pensée.

Non.

Je ne voulais pas.

D'un geste désespéré, je tentais de frapper le leader, avant d'être bloqué par un de ses acolytes qui m'agrippa sans douceur le bras, me traînant impitoyablement vers leur voiture.

Mais alors que je pensais que tout était fini pour moi, une voix grave que je reconnaîtrais parmi mille s'éleva non loin de nous. Namjoon.

« Lâchez-le immédiatement. »

Mon agresseur se redressa, défiant du regard mon ami.

« Tiens, Namjoon... Tu viens prendre la défense de ta pute personnelle ?

- Taehyung n'est pas une "pute", comme vous dites. »

Sur ces mots, il sortit son téléphone avant de reprendre en le montrant :

« Et je viens juste vous prévenir que la police ne va pas tarder à arriver, alors si j'étais vous je partirais vite fait. »

Mes agresseurs s'échangèrent un regard hésitant sous le regard sérieux de Namjoon. Mon cœur accéléra lorsque le leader du petit groupe planta ses yeux dans les miens. Il me fixa quelques secondes - quelques secondes qui semblèrent pour moi être des minutes tant l'attente était insupportable - avant de me lâcher brutalement. Il fusilla Namjoon du regard, et adressa à l'intention de ses compagnons :

« On se casse. Quant à toi... »

Je frémis en sentant son regard glacial se poser une nouvelle fois sur moi, alors qu'il déclara :

« T'as une semaine, pigé ? Si on n'a pas le fric pour lundi prochain je te promets qu'on va terminer ce qu'on a commencé ! »

Je hochai la tête, et baissai les yeux, encore sonné par ce qu'il venait de se passer.

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J'entrouvris péniblement les paupières, légèrement ébloui par la lumière du jour. Il me fallut un petit moment pour me souvenir des événements, mais très vite la honte et l'angoisse reprirent le dessus sur moi. Je me relevai et regardai autour de moi, hésitant. Je me trouvais dans la chambre de Namjoon.

« Ça va mieux ? »

Celui-ci venait de rentrer, un café à la main. Je posai mon regard sur lui et hochai doucement la tête. Il reprit :

« Tant mieux. Ils te voulaient quoi ces gars ?

- ... Je sais pas. »

Je détournai le regard, priant pour que Namjoon ne voie pas le mensonge se lire sur mon visage, chose bien vaine puisqu'il me connaissait par cœur.

« Te fous pas de moi Taehyung. Je connais la bande à Daehee, ils agressent pas les gens pour rien.

- ... »

Je me tus un instant, me mordant la lèvre, puis déclarai finalement :

« Je leur dois de l'argent.

- Parce que tu leur as acheté de la drogue ?

- Oui. »

Namjoon poussa un profond soupir. Il m'avait répété maintes et maintes fois de ne pas toucher à "cette merde", mais j'avais craqué lors d'un moment de détresse, et avais essayé. Je dois bien avouer que, sur le moment, ça m'avait fait un bien fou. C'est sûrement pour cela que je m'étais endetté et en payais désormais les conséquences.

Le regard de Namjoon s'assombrit, et il sortit une cigarette pour la porter à sa bouche, semblant nerveux. Après avoir tiré une première fois sur celle-ci, il me demanda simplement :

« T'en prends souvent ?

- ... De temps en temps. Quand je vais mal. »

Namjoon se mordit la lèvre avec violence. Il était en colère, je le sentais. Il n'avait pas l'air d'avoir supporté le fait que j'aie désobéi et commencé à me droguer. Il resserra sa prise sur sa cigarette, et prit une grande inspiration.

« Tu vas arrêter tout de suite. Je croyais t'avoir dit de ne pas y toucher.

- Ça me fait du bien...

- Non ça ne te fait pas du bien ! s'emporta alors mon aîné. C'est juste la sensation que ça te donne, cette merde te détruit de l'intérieur, et te fout dans des situations pas possibles, comme hier !

- Je-

-Tais-toi ! Tu te rends compte un peu que si je n'étais pas intervenu ils t'auraient embarqué on ne sait où ?! Ils auraient pu te faire disparaître, te violer ou pire sans que personne ne le sache ! Tu peux pas faire attention à toi putain ?! »

Je me tus, sachant parfaitement qu'il avait raison, et baissai le regard, honteux. J'avais encore une fois agi sans réfléchir aux conséquences. Je murmurai simplement à son intention dans un souffle :

« ...Pardon... »

Il ne répondit pas, et je le sentais se calmer peu à peu, jusqu'à ce qu'il ne prenne une grande inspiration et vienne s'asseoir à mes côtés.

« Je te pardonne pour cette fois. »

Il me frotta affectueusement les cheveux, et me lâcha un petit sourire chaleureux :

« L'important c'est que tu n'aies rien.

- Hm. »

Il sembla me jauger un instant du regard, et soupira finalement en tirant une nouvelle fois sur sa cigarette :

« Fais plus attention à l'avenir. Je pensais t'avoir déjà dit que tu devrais éviter à tout prix ce genre de merde. Les gars d'hier ne seront pas les seuls à vouloir abuser de toi.

- ... Je sais. Désolé. »

Le silence s'installa tandis qu'il me regardait avec affection, puis il vint me serrer dans ses bras.

« Je vais te donner de quoi rembourser ta dette. Juste pour cette fois.

- ... Merci. »

Je lui rendis son étreinte, soulagé, et me collai à lui. J'étais si heureux de l'avoir à mes côtés, lui qui m'avait tout donné.

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Le lendemain, je m'étais rendu une nouvelle fois sur le lieu de mon tag, désirant rattraper le retard de la veille lorsque Jungkook était réapparu. Sa douce voix s'était alors élevée, me réchauffant le cœur. Elle m'avait manqué.

« Je ne t'ai pas vu, hier.

- Et alors ? avais-je demandé avec un petit sourire. Je t'ai manqué ?

- Non. J'étais inquiet. »

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Décidément, pour un ado de quinze ans, Jungkook avait un caractère bien trempé. Une semaine était passée, durant laquelle il m'avait fait une scène pas possible en se transformant en mur pour que je lui apprenne à taguer. Et cela serait mentir de dire que, bien que ça m'ait agacé sur le moment, cela ne m'avait pas davantage attaché à lui.

Il occupait mes pensées. Tout le temps, chaque seconde qui s'écoulait. Et cela m'effrayait, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Ses yeux pétillant de joie. Ses cheveux ébène tombant délicatement sur son front. Son sourire si magnifique. Tout en lui me semblait parfait.

Un sourire idiot se dessina sur mes lèvres tandis que j'admirais son œuvre qui se mélangeait à la mienne. Il était doué, cela allait sans dire. Son trait était fluide, net, vivant. Je n'aurais jamais pensé qu'il était possible de faire un si beau tag pour son premier essai. Jungkook était réellement extraordinaire.

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« Rends-moi ça immédiatement !

- Rattrape-moi si tu peux ! »

Jungkook me tira la langue de manière enfantine, puis repartit en courant avec mon sac de bombes de peinture. Je grognai légèrement. Ah, il voulait jouer ? On allait jouer alors.

« Sale gosse, va. »

Je m'élançai à sa suite tandis qu'il rigolait de plus belle, accélérant davantage. Il me sous-estimait sérieusement...

[ ... ]

Mon Dieu, mais quel athlète ce gosse ! C'est pas possible de courir aussi longtemps à une telle vitesse ! Nous étions actuellement allongés dans l'herbe, essoufflés comme jamais par cette course sans queue ni tête alors que le soleil se couchait doucement.

Il prit une grande inspiration, puis se redressa légèrement en me regardant d'un air moqueur :

« J'ai gagné !

- Oh ça va hein, répliquai-je immédiatement. Je suis tagueur moi, pas champion du monde de course ! »

Il éclata de rire pour le plus grand bonheur de mes oreilles tandis qu'un doux sourire vint étirer mes lèvres. Je me sentais si bien en cet instant, que j'aurais donné n'importe quoi pour qu'il ne s'arrête jamais.

Mais malheureusement, il fallut que son portable lui rappelle l'heure, le faisant réagir immédiatement :

« Oh putain il est déjà 20 h ! Mes parents m'attendent pour le repas ! »

Il ramassa en vitesse ses affaires sous mon regard brûlant. Il était beau. Plus beau que tous ceux que j'avais croisés jusque-là.

« J'y vais, à demain, V !

- Ouais, à demain ! »

Un doux sourire éclaira mon visage. J'avais hâte d'être le lendemain.

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...

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... Ça fait un mois. Ça fait un mois que je l'ai abandonné.

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Pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu que ça se passe ainsi ? Il me manque. Il me manque affreusement. Je veux revoir son visage enfantin, ses petites mains, son sourire rayonnant. Je n'aurais pas dû le laisser. Je n'aurais pas dû fuir ainsi. Je n'aurais pas dû prendre peur, à nouveau, de ce que je ressentais.

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Si seulement il savait comme je regrette. J'aimerais tant retourner le voir... Mais il est trop tard maintenant. Je ne peux effacer le passé.