Chapitre 9 - 1 Hector

Merci Albagemma pour ton aide et tes retours si importants pour moi

Les quatre heures de marche à s'efforcer de rester dans la forêt furent globalement agréables pour les deux amies. Elles profitaient encore de tous les trésors que leur offrait la nature, ne s'en lassant jamais. 

Au fur et à mesure de leur avancée, les arbres laissèrent place à des chemins de terres qui sous-entendaient un passage régulier de par les empreintes sur le sol. Elles ne virent personne, mais s'équipèrent de leur cape par sécurité. 

Au loin, elles aperçurent progressivement de la fumée qui se dissipait vers le ciel. Lyssa dut plisser les yeux pour bien voir, mais son amie grâce à sa vision d'aigle acquiesça sans une once de doute : c'était bien une ville.  

Le chemin de terre s'agrandissait progressivement, accompagnant les pas légers des deux jeunes filles. Lyssa tendait l'oreille : il y avait quelques bruits de pas au loin, des grincements métalliques, mais beaucoup moins d'agitation qu'elle ne l'aurait pensé. La ville semblait fantomatique à première vue. 

Heureusement qu'elles avaient une bonne raison d'y entrer ... 

Au bout du chemin, un petit panneau de bois sombre accueillait les visiteurs. Il semblait avoir subi les ravages de la nature, couvert de moisissures et d'autres végétations. Lyssa réussit à déchiffrer sans trop de difficultés : 

Phobos

Elles y étaient. La jeune fille pointa du doigt la pancarte à Angela qui hocha affirmativement la tête.

Lyssa ne savait pas tellement si la cape qui recouvrait son visage et ses épaules ne la rendait pas plus suspecte qu'autre chose. Elle décida néanmoins d'écouter le conseil d'Irène, et l'ajusta pour qu'aucune de ses mèches ne dépassent de la capuche. 

Elles pénétrèrent dans la ville, le coeur battant. Le chemin sous leurs pas laissait échapper un petit bruit étouffé typique d'une terre sèche foulée par le temps. À droite et à gauche, quelques maisons s'alternaient. C'étaient des bâtisses très modestes, de vieux bois fragile, qui semblaient tout juste tenir debout. 

Il n'y avait personne dans cette rue. Cela ne devait pas être l'allée principale, mais cette absence de vie était plus qu'étonnante. 

N'étaient-elles pas dans la ville la plus proche de Vesta ? 

Elles n'osaient pas faire de bruit, ni dire un mot, comme si ce silence témoignait d'un danger immédiat. 

Lyssa avançait prudemment, juste devant son amie. Elle avait confiance en son ouïe pour détecter quoique ce soit, mais continuait d'appuyer son regard sur chaque recoin de son champ de vision. 

Angela prit doucement le poignet de son amie, avant de chuchoter doucement :

- Là. Regarde. 

Lyssa leva la tête, plissant les yeux dans la direction qu'on lui indiquait. Elle vit au loin ce qui ressemblait à une silhouette chétive, qui devait faire la moitié de sa taille. 

Un enfant ? 

Angela avança doucement, toujours prudente. La silhouette ne bougeait pas de place, mais semblait regarder les deux jeunes filles avec intérêt. Il est vrai que n'importe qui se poserait des questions, en voyant venir depuis le Nord de la ville deux inconnues encapuchonnées. 

À mesure qu'elles se rapprochaient, la silhouette enfantine se précisait. Elle avait de longs cheveux blonds cendrés salis par la poussière. Des petites mains s'agrippaient à un semblant de robe qui servait de vêtement, et des pieds nus trifouillaient le sol avec inquiétude. De grands yeux noirs fixaient les jeunes filles. Lyssa y décela très peu de peur, principalement de la curiosité. 

Une petite voix sortie de ses lèvres gercées : 

-  Vous faîtes quoi ici ? 

Angela sourit doucement, attendrie par la franchise du jeune âge et attristée par l'aspect de cette fillette. Elle répondit simplement : 

- On recherche un ami. Tu veux bien nous aider ? 

La petite fille fronça les sourcils et répondit. 

- Non, vous êtes louches. 

Lyssa jeta un coup d'oeil à son amie qui lui rendit son regard : cette enfant avait totalement raison.

Qui leur ferait confiance dans cette situation ? 

Angela s'agenouilla et enleva doucement sa capuche, sous le regard étonné mais attentif de son amie. 

- Excuse-moi, je ne suis pas très polie. Je m'appelle Angela. Et toi ? 

La petite marqua une petite pause, avant d'affirmer d'un ton cinglant : 

- Je n'ai pas de prénom. Les gens ici m'appellent "Gamine". 

Lyssa sentit son coeur se serrer face à cette petite. Elle semblait si faible et si fragile, présentant une tenue en si mauvais état... Comment faisait-elle pour survivre dans ces conditions ? 

Comme si elle avait entendu cette pensée, Angela enleva son sac à dos et l'ouvrit. Elle fouilla quelques secondes avant de tendre à la fillette un sandwich aux légumes concocté par Irène dans la matinée. Ce don eut l'effet espéré : la petite regardait d'un air affamé la nourriture face à elle : 

- Tiens, c'est pour toi. 

- Vous avez mis du poison dedans ? Ou vous allez me piéger après ? 

Lyssa se mordait la lèvre, gênée. Comment une si petite fille pouvait-elle se poser ce genre de question ? La vie avait dû la forger bien trop tôt... 

Son amie continuait d'arborer un sourire lumineux : 

- Jamais, je te le jure ! De base, c'était mon déjeuner. Mais je n'ai pas faim alors sers-toi. 

L'enfant hésita encore une seconde en regardant Angela dans les yeux, avant de se jeter sur l'offrande. Elle courut s'asseoir sur l'escalier de bois devant l'entrée d'une maison, et commença sa dégustation sans attendre. 

Les deux amies rejoignirent la petite qui engloutissait le sandwich beaucoup trop gros pour elle. Angela tendit sa gourde en supplément, que la fillette s'empressa d'agripper de ses petites mains. 

Quand elle eut fini, l'enfant laissa paraître un énorme sourire illuminé de gratitude : 

- Merci ! Vous êtes super gentilles ! 

Lyssa et Angela souriaient, attendries, tout en étant inquiètes : 

Est-ce que tous les habitants de cette ville vivaient dans de pareilles conditions ? Pourquoi une petite fille se baladait dans la rue avec cette tenue ?

Celle-ci interrogea ses bienfaitrices : 

- C'est quel ami que vous cherchez alors ? Je connais tout le monde ici. C'est une petite ville et on est pas beaucoup. 

Toujours assise en haut des marches du portique, elle agitait ses pieds dans le vide en regardant le sol. Lyssa n'était pas très à l'aise, elle laissa son amie faire la discussion : 

- Nous cherchons Hector. Il est tavernier. 

La fillette leur répondit : 

- Vous êtes des clientes ? Parce que si c'est pas le cas, il vous laissera pas entrer. Il a besoin de sous. Vous avez des deniers sur vous ? 

Angela se rappela des pièces que leur avait données Irène avant de partir. Elle en sortit quelques-unes, et les montra à la petite. Cette dernière ouvrit grands les yeux, avant de répondre, émerveillée : 

- Mais vous avez des deniers d'or ! C'est la première fois que j'en vois pour de vrai. Vous avez eu ça où ? 

Lyssa n'avait aucune conscience de l'argent et du système d'échange en dehors des murs de Vesta. Elle repensa à Irène, comprenant d'avantage sa générosité. 

Angela s'expliqua d'un bref mensonge : 

- On a travaillé dur pour les avoir. Montre-moi où se trouve Hector, et je t'en donne une. 

La fillette se leva d'un bon, et lança d'un ton autoritaire : 

- Alors, on y va !

Les deux jeunes filles suivirent au pas de course la petite si énergique. 

Lyssa dut affirmer que son amie savait s'y prendre avec les enfants, beaucoup mieux qu'elle.

Elle se tourna vers Angela et admira ses cheveux blonds qui s'agitaient. Celle-ci était douée, bienveillante, gardait le sourire en toutes circonstances et l'avait toujours aidée.

Et elle était si jolie.

***

Les deux amies arrivèrent dans une rue toujours aussi vide, mais dans laquelle quelques personnes marchaient au loin avec méfiance. 

La rue était plus large et il y avait d'avantage de commerces. Les bâtiments étaient serrés les uns aux autres, mais cela n'empêchait en rien la saleté au sol. On remarquait des détritus, et une couche de poussière qui recouvrait chaque parcelle de béton. Des lampadaires noirs et grands qui rappelaient certains androïdes, semblaient survivre fièrement. Cette rue paraissait abandonnée, ainsi que toute la ville en général, mais les quelques passants et la présence de la petite fille niaient légèrement cette supposition. 

La fillette les emmena dans une ruelle adjacente à la rue principale. C'était un passage bien sombre, qui recevait la lumière du jour qu'à travers les espaces serrés entre les toits des bâtiments. Le sol y était toujours aussi sale, et quelques taches au sol, dont Lyssa ne voulait pas savoir la provenance, parsemaient les trottoirs.

Elles arrivèrent face à une façade assez sombre. Aucune lumière ne provenait de l'intérieur, la taverne semblait fermée. Le mur était fait de planches de bois noir, avec quelques tonneaux en guise de tables extérieures. Au-dessus de la porte massive s'ouvrant par battant, Lyssa vit une inscription dorée en lettres capitales : 

AU REPAIRE DE BACCHUS 

La petite toqua à la porte avec énergie. La voix d'un homme agacé s'éleva en guise de réponse : 

- C'est fermé ! 

- Mais Hector ! Je t'ai trouvé deux clientes avec des deniers d'or. Elles disent qu'elles sont tes amies. 

Un silence leur répondit, avant que des bruits de pas martelant un parquet grinçant se fit entendre, suivis de cliquetis métalliques d'un mécanisme d'ouverture. 

Un battant de la porte s'ouvrit, laissant place à un homme. Il était grand et fier, avec des cheveux noirs parsemés de gris. Ses yeux d'un regard brun entourés des conséquences de l'âge semblaient méfiants, scrutant sans gêne les deux jeunes filles face à lui. Ses traits étaient particulièrement tirés, lui donnant un air sévère. Une barbe naturellement propre soulignait son visage avec caractère. 

Lyssa en oublia la politesse, et ne put s'empêcher de fixer l'individu face à elle : c'était la première fois qu'elle voyait un homme. Elle remarqua que celui-ci était plus imposant et poilu que beaucoup de femmes qu'elle avait connues. L'intéressé fronça les sourcils : 

- J'vous connais pas vous. 

Il se tourna vers Lyssa, qui analysait toujours ce nouveau visage. 

- Ça va pas d'me fixer comme ça ? 

La jeune fille baissa les yeux, honteuse. 

- Si vous êtes des clientes, 'Faudra attendre ce soir. 

Angela s'empressa de répondre. Elles ne pouvaient pas se permettre de traîner dans la ville jusqu'à ce que la nuit tombe. 

- Veuillez nous excuser, mais nous venons de la part d'Irène. 

L'homme leva les sourcils, étonné.

Après un bref instant, il se recula, poussant le battant de la porte avec son dos, et fit comprendre d'un signe de tête qu'elles pouvaient entrer.

Les deux amies s'exécutèrent, suivies par la petite fille bien joyeuse qui avait hâte de recevoir sa récompense.

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