Chapitre 7 - 1 Apprentissage
Les jeunes filles s'installèrent ainsi chez Irène pour quelques jours.
Après la décision commune de rester entre ces murs, Lyssa avait vivement remercié la vieille dame pour son hospitalité tout en s'excusant de leur comportement défensif. Irène était très compréhensive, et fit visiter à ses invitées sa charmante demeure.
Celle-ci était beaucoup plus grande qu'elle ne le laissait paraître de l'extérieur. Un escalier menait à la salle de bain et aux différentes chambres. Une grande parmi celles-ci fut choisie pour les deux jeunes filles : Le parquet y était brillant et propre, et les lits faits comme si elles avaient été attendues tout ce temps.
Après la visite, Lyssa déposa le peu d'affaires qu'elle avait sur le lit en dessous de la fenêtre et s'allongea en poussant un soupir. Angela fit de même, puis vérifia que la porte était bien fermée avant d'entamer une discussion avec son amie :
- Quelle drôle d'histoire, pas vrai ?
Elle se retourna vers Lyssa avec un sourire en coin, mêlant du soulagement et du doute. Cette dernière répondit avec lassitude :
- Drôle, c'est peu dire... Quand on pense qu'il y a un jour à la même heure nous étions encore dans cette prison. Tu te rends compte des mensonges qu'on a subi pendant tout ce temps ? Pour nous étudier ? Et toutes ces questions qui restent dans ma tête... Je meurs d'inquiétude pour Émilie. Je ne sais pas quoi faire pour la sortir de là.
Lyssa regardait le plafond comme elle aimait le faire en réfléchissant.
Celui-ci était plus rustique que dans son ancienne chambre. Des poutres de bois dur traversaient la pièce en apportant une touche authentique et robuste.
Angela répondit à son amie après quelques secondes de silence :
- Je pense que pour l'instant, il faut que l'on se concentre sur notre survie. Je suis désolée si je t'ai pressée lorsque tu lui as dit au revoir, mais elle n'a pas eu l'air de souhaiter venir avec nous. Tu penses sincèrement qu'elle serait heureuse, ici ? Dans la peur permanente de se faire emprisonner ? De se faire détester par son dieu ?
Lyssa rétorqua fermement :
- Au moins elle aurait été en sécurité. Et si elle s'éveille, elle aussi ? S'ils lui font du mal comme ils m'en ont fait ?
Angela se leva et s'approcha doucement de Lyssa. Celle-ci s'assit et se décala gentiment pour laisser une place sur son lit à la jeune fille blonde qui arborait un regard plein de compassion.
- Lili, ce que je te propose pour l'instant, c'est d'apprendre. Profitons du temps qu'il nous est offert ici pour obtenir des réponses à nos questions. Après seulement, on pourra envisager de sauver Émilie. Mais il faut que tu gardes en tête qu'elle voudra probablement rester là-bas, même s'ils lui font du mal. Tu l'as mise en garde, et elle t'a quand même repoussée... Est-ce que tu es prête à nous mettre en danger pour un potentiel refus qui te briserait ?
Lyssa baissa la tête.
Son amie avait raison. Sa petite soeur était si pieuse qu'elle serait capable de considérer la torture comme un moyen d'expier ses péchés et de combattre sa nature monstrueuse.
Au-delà de la difficulté que les deux amies pourraient rencontrer pour retourner à Vesta, Émilie refuserait sûrement de les accompagner, comme elle l'avait déjà fait... Lyssa n'avait pas le droit de compter sur Angela pour un sauvetage dangereux et incertain. Il fallait accepter le choix de sa petite soeur.
Au fond d'elle, elle savait qu'elle retournerait chercher Émilie un jour, et qu'elle ferait tout son possible pour la convaincre. Mais pour l'instant, elle allait se concentrer sur son apprentissage.
***
Après deux jours de repos, les jeunes filles commencèrent à reprendre des forces et à croire en la bonne foi d'Irène.
Leur vie en ce lieu était paisible. L'inquiétude première d'être poursuivie avait progressivement laissé place à une confiance envers la vieille dame.
Personne n'était venu lui rendre visite, demander un renseignement, ou empiéter sur ses terres. Sa maison était comme hors du temps au milieu de la nature, où les vivres abondaient. Irène chassait pour se nourrir, et cultivait les féculents, légumes et fruits dont elle avait besoin au grès des saisons.
Lyssa fit de son mieux pour apporter le peu de connaissances qu'elle avait en aide à son hôte. En plus, les deux jeunes filles se chargeaient des tâches ingrates que Roby ne pouvait pas réaliser seul, rendant un fier service à la vieille dame qui en était très reconnaissante.
Les deux amies continuaient de poser des questions sur le monde, mais Irène répondait très peu leur répétant sans cesse de se reposer, qu'elle leur en parlerait en temps voulu.
Angela commençait à s'agacer, proposant même à Lyssa de partir : Elles étaient reposées, mais elles n'apprenaient pas grand-chose. Quel était l'objectif de cette femme au juste ?
Le soir au diner, le repas était succulent comme à son habitude. En fixant son assiette, Lyssa était nerveuse car elle savait que son amie voulait partir. Il fallait aller chercher Julian, et le temps entre ces murs restait du temps perdu.
Angela posa sa fourchette, et ouvrit la bouche pour parler, avant d'être immédiatement coupée par Irène :
- Roby, tu peux me lire l'état de santé de nos invitées s'il-te-plaît ?
Celui-ci arriva dans la pièce de sa démarche mécanique et se positionna à côté d'Angela :
- Pouvez-vous vous lever mademoiselle ?
Celle-ci regarda d'abord Lyssa puis Irène d'un coup d'oeil silencieux, et se leva doucement avec méfiance. L'androïde regarda la jeune fille de ses yeux ronds de bas en haut avant d'annoncer :
- État de santé optimal. Fatigue disparue. Taux de sucre bon. Taux de globule rouge normal. Bonne musculature.
L'humanoïde se retourna vers sa maitresse avant d'annoncer :
- Angela est en très bonne santé.
L'intéressée se rassit, jetant un regard interrogatif à la vieille dame qui souriait chaleureusement. Roby se retourna vers Lyssa qui se leva à son tour :
- Séquelles internes rétablies grâce à un métabolisme remarquable. Constantes optimales également.
Il pivota :
- Vos invitées sont en bonnes conditions, elles ont parfaitement récupéré ces deux derniers jours.
Irène s'esclaffa avec bonheur :
- Formidable ! On va enfin pouvoir passer aux choses sérieuses.
Elle marqua une pause avant de remarquer que les deux jeunes filles la regardaient avec interrogation :
- Je n'allais pas commencer à vous entraîner alors que vous n'aviez pas récupéré !
Les deux amies se regardèrent, étonnées.
Cela faisait deux jours qu'Irène attendait qu'elles récupèrent entièrement pour leur enseigner ?
La vieille dame continua :
- Demain, nous allons dans le côté Nord de la Forêt. C'est la zone la plus sûr. Je vous y apprendrai comment contrôler votre corps.
***
Le lendemain matin, les deux jeunes filles se levèrent à l'aube, impatientes d'en apprendre plus. et descendirent prendre le petit-déjeuner.
Irène et Roby étaient déjà prêts.
La bonne odeur de pancake et d'oeufs brouillés se répandait dans la pièce : Leurs assiettes les attendaient sur la table. Pendant un bref instant, Lyssa se fit la remarque qu'elle pouvait rester ici pour toujours dans ces conditions, et se jeta sur son repas.
Irène s'assit devant les jeunes filles et annonça :
- Avant d'aller dans la forêt, j'ai un petit quelque chose pour vous.
D'un signe de tête, elle indiqua à Roby de s'avancer. Celui-ci s'exécuta et tendit les bras vers les deux jeunes filles.
Entre ses doigts robotiques trônaient deux bracelets souples d'un bleu nacré. Leur armature en tissu très fin leur donnait une impression de grande fragilité. Au milieu, une petite pierre noire ovale parcourue d'inclusions bleutées brillait à la lumière. La matière était dans les mêmes coloris que la tenue d'Irène quelques jours plus tôt.
La vieille dame leur souriait comme à son habitude, et leur montra son poignet. Elle portait le même bracelet dont le tissu se prolongeait dans la manche et probablement tout le long du bras. Elle expliqua :
- Ce sont des Égides. Ces outils très pratiques ont été créés lors des anciennes guerres pour renforcer les compétences des Dioscures et leur permettre de se transformer sans inconvénients. Les biotechnologies de l'époque ont réussi à créer un matériel qui arrive à fusionner en partie à la surface de votre peau sans douleur. Portez-le comme une armure. Moi je le trouve confortable alors je le porte en permanence, mais je pense qu'il vous sera utile pour vous entraîner dans la forêt. Essayez-les. J'en ai encore quelques-uns de rechange au cas où le mien se casse.
Lyssa était subjuguée par le concentré de sciences qu'il y avait en ces objets.
Elle tendit la main timidement vers le bracelet avant de sentir sa texture veloutée. La matière était si douce, si agréable au toucher. Angela fit de même, remarquant également la qualité de la fabrication.
Elles en enfilèrent un chacune à leur poignet presque dans un même mouvement, mais rien ne se passa.
Irène ajouta :
- Si vous voulez les essayer, il faut appuyer sur la pierre centrale pour que les réactions chimiques se mettent en marche.
Les deux jeunes filles se regardèrent.
Avoir un habit qui les protège et les aide à se transformer en toute pudeur et sécurité, que rêver de mieux ?
Lyssa ne voulait pas être sous sa forme animale, mais si un outil pareil pouvait l'aider à se contrôler, elle le prenait sans hésiter.
Elle attendit quelques secondes, regardant le bracelet à son poignet comme un corps étranger dont elle déterminait encore la dangerosité. Doucement, elle exerça une pression sur la petite pierre noire, et sentit un léger picotement sur sa peau. Les inclusions bleutées dans la pierre se mirent à briller, et le bracelet à disperser une douce chaleur. La matière de celui-ci commença à se répandre cellule par cellule sur son avant-bras, son coude, son épaule... Elle sentit l'énergie de l'Égide qui recouvrait progressivement chaque parcelle de son corps sous ses vêtements. Son bras gauche se teinta à son tour de bleu suivit de ses jambes. Vers les poignets et le torse, la progression de l'étrange tissu s'arrêta assez nettement, laissant le cou et les extrémités des membres de la jeune fille à l'air libre.
Lyssa était stupéfaite : Elle ne faisait qu'un avec cet étrange objet.
Angela s'agitait tout en regardant les changements que subissait ses bras pendant qu'Irène les observait avec prévenance :
- Maintenant, ils sont totalement à vous. Ils ne peuvent s'adapter qu'à votre corps, car l'initiation est irréversible. Les Égides peuvent s'enlever quelques heures après utilisation, mais ils ne pourront fonctionner que sur vous désormais.
Les deux jeunes filles étaient stupéfaites. Leur corps était désormais recouvert d'une seconde peau qui, elles le savaient, allait les suivre pendant longtemps.
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