Chapitre 6 - 1 Irène

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Les deux jeunes filles face à cette vieille dame, ne savaient ni quoi faire ni quoi penser. Elles la regardaient, avec méfiance et questionnement, attendant de savoir si cette femme était une menace ou non. Celle-ci comprit très rapidement ce qu'il se passait dans la tête des deux adolescentes, et brisa le silence tendu : 

- Excusez-moi, je devrais me présenter. Je m'appelle Irène. Je suis une simple vieille femme qui reste paisiblement là où personne ne peut l'embêter. Je suis à quatre heures de marche de toute civilisation. Les seules personnes que je vois passer se rendent au domaine Vesta ou en repartent, ce qui est beaucoup plus rare. 

Angela regardait la femme face à elle, n'arrivant pas à savoir si elle avait une bonne ou une mauvaise intuition. Elle osa :

- Vous allez nous dénoncer, n'est-ce pas ? 

Irène se mit à rire chaleureusement : 

- Mais bien sûr que non trésor ! Même si je le voulais, je ne pourrais pas. Je n'ai aucune technologie au-delà de mon androïde de service. 

La vieille dame semblait avoir traversé les âges sans en subir les à-coups. Sa façon de parler était très engagée, lui donnant un côté excentrique et confiant. 

Lyssa décala gentiment son amie qui était encore devant elle, et s'avança : 

- Comment pouvons-nous vous croire avec certitude ? 

- Et bien, comme vous venez du domaine, vous ne devez pas être très bien informées. Je peux vous offrir mon savoir sur plein de sujets. Je sais des choses que même les androïdes les plus performants ne peuvent dire. Et puis, si vous avez réussi à vous enfuir de cette prison, ce n'est pas une vieille dame comme moi qui pourra vous en empêcher ! 

Les deux jeunes filles se regardèrent avec interrogation. 

Lyssa réagit par instinct et fit signe à Angela que ça devrait être bon. Il n'y avait que des bonnes ondes qui se dégageaient de cette femme, un mélange de chaleur et de lumière qui donnait envie de sourire. 

Irène le comprit et continua : 

- J'ai l'air de vous avoir convaincues. Venez mes chéries. Je m'apprêtais à faire une salade fraîche en cette saison chaude. 

La vieille dame emboîta le pas sur le petit chemin de terre qui amenait à sa demeure, suivie par son chien au pas de course. Les deux amies l'accompagnaient timidement, toujours sur leurs gardes. 

La petite maison de campagne se trouvait au milieu d'un champ de légumes : carottes, aubergines, choux, concombres ... Tant de ressources alimentaires qui étaient si appétissantes. 

Lyssa sentit son estomac se creuser. Malgré les quelques morceaux de pain que les deux amies avaient mangés depuis leur départ, elle percevait encore la faim lui tirailler le ventre. 

Les deux jeunes filles se rapprochèrent d'une charmante bâtisse au toit de couleur rouge, au-dessus duquel de la fumée s'échappait d'une cheminée en pierre.

Elles arrivèrent au niveau d'un petit escalier qui menait à la porte d'entrée en bois vernis, décorée par une couronne de branches coupées. Autour de l'escalier trônaient des petits nains de jardin, accompagnés de fleurs de forêt qui saluaient les rares visiteurs. 

Irène fit signe à son chien de rester dehors, avant de pousser la porte. 

Lorsqu'elles pénétrèrent dans le hall d'entrée, une senteur mélangeant arômes floraux et odeurs de cuisine enivra les deux jeunes filles. Cette atmosphère chaleureuse et protectrice détendit aussitôt Angela qui n'était toujours pas ravie de suivre cette dame. 

Mais au fond d'elle, il fallait l'admettre, la jeune fille reconnaissait qu'elles avaient besoin d'elle. Si cette dame pouvait leur apporter des réponses, il ne fallait pas passer à côté de l'occasion. La jeune fille savait qu'elle pouvait se transformer à tout moment et emporter Lyssa pour s'enfuir si elles en ressentaient le besoin. 

- Je suis vraiment désolée pour tout ce désordre ! Je suis en train de me remettre à la peinture, alors il y a un peu de matériel partout. Mais faites comme chez vous ! Si vous pouviez juste enlever vos chaussures ce serait adorable. 

Irène parlait avec énergie. Elle s'agitait dans tous les sens, rangeant quelques affaires qui traînaient un peu partout tout en s'activant. 

Les deux amies ne savaient pas trop comment se comporter. Elles avaient l'habitude d'un monde rangé où le protocole et les règles étaient stricts et définis. Elles enlevèrent leurs chaussures et restèrent un moment dans le hall d'entrée avant d'entendre :

- Roby ! Tu peux t'occuper de nos invitées s'il-te-plaît ? Elles sont beaucoup trop polies, c'est angoissant. 

Lyssa vit arriver depuis le salon, un androïde d'un modèle encore plus ancien que 038. 

La couleur argentée habituelle laissait place à des teintes cuivrées ponctuées de noir. Les articulations étaient plus définies et les angles moins arrondis. Les yeux se présentaient comme beaucoup moins dérangeants que d'ordinaire. Étrangement, elle trouva que cette version avait l'air bien plus vivante que celle qu'elle avait toujours connue. 

Le robot s'avança vers les jeunes filles et se présenta : 

- Bonjour chères invitées, je m'appelle Roby. Je suis le chanceux androïde personnel de madame Irène. 

Celle-ci se mit à rire depuis la cuisine, flattée : 

- Arrête avec tes compliments à tout va, Roby ! 

L'intéressé continua en ignorant la remarque de sa maîtresse : 

- En dépit de votre attirail, de votre âge et de votre état physique et psychologique, vous semblez provenir du domaine Vesta à quelques heures de marche d'ici. Cela fait au moins vingt terracycles que nous n'avions pas eu de nouvelles arrivantes, c'est pourquoi je suis ravi de vous voir ici. Laissez-moi prendre vos affaires, je vais vous montrer vos chambres. Elles seront prêtes pour ce soir. Je peux faire couler un bain si l'une de vous deux souhaite s'y détendre. En attendant, vous allez découvrir la vraie cuisine. 

Angela agita la tête et coupa le monologue explicatif du robot d'une main : 

- Attendez. On n'a nullement l'intention de loger ici cette nuit, ni de nous éterniser. Nous avons simplement accepté pour avoir des réponses, et des indications pour nous aider à nous diriger.

Irène revint de la cuisine en s'essuyant les mains avec un torchon. Elle s'avança vers les jeunes filles : 

- Écoute, je sais que tu as peur de te faire avoir ou que l'on vous dénonce. Mais ici, tu es en sécurité. Je ne sais pas comment te prouver que je suis de bonne foi, mais tant que je ne vous aurai pas expliqué quelques petites choses sur le monde qui vous attend, je vous déconseille très fortement d'avancer. Le secteur Mars est rempli de Sacrifiés armés jusqu'aux dents qui ne feront qu'une bouchée de vous. Je ne sais pas où vous voulez aller, mais il va vous falloir de l'ingéniosité pour vous en sortir. Alors laissez-moi vous offrir cette nuit d'hospitalité, et vous partirez demain si vous le souhaitez, ou plus tard encore. Je veux simplement vous aider du mieux que je le peux. Je ne pense pas que vous soyez à une nuit près. 

Lyssa répondit à la place de son amie qui s'apprêtait à rétorquer : 

- Mais ici, on est dans le premier endroit où ils vont venir nous chercher ! C'est beaucoup trop risqué. Une nuit c'est trop long, nous ne pouvons pas prendre ce risque. Et pourquoi tenez-vous tant que ça à nous aider ? 

Irène soupira, et annonça simplement : 

- Mangez avec moi, nous allons discuter. Après vous avoir expliqué quelques points, je suis certaine que vous allez vouloir rester, et ce pour plus d'une nuit.

***

Le repas fut animé de remarques chaleureuses d'Irène sur ses recettes de cuisine, d'anecdotes à propos de ses aventures en forêt, ou d'autres sujets sans but. Angela et Lyssa commencèrent à penser qu'elles perdaient leur temps, mais le repas était si bon que cela en valait largement la peine. 

Après avoir fini de dévorer le meilleur plat de leur vie, les deux jeunes filles suivirent Irène jusqu'à son salon. 

C'était une grande salle entourée de baies vitrées, donnant l'impression de vivre en harmonie avec l'extérieur. Deux fauteuils recouverts de draperies brodées faisaient face à la nature, tandis que deux autres se tenaient devant la cheminée. Un tapis bordeaux donnait de la chaleur à la pièce, qui mélangeait les couleurs chaudes et le bois. De nombreuses toiles de peinture disposées un peu partout, donnaient une impression de désordre créatif. 

Lyssa les remarqua, et s'approcha de quelques-unes en les admirant. Il y avait surtout des reproductions de paysages faites à l'acrylique ou à la peinture à l'huile. Le réalisme bluffant laissa la jeune fille sans voix, qui rêvait d'avoir le centième de ce talent. Elle complimenta Irène qui bégaya simplement : 

- Oh... Mais non, ce n'est pas si joli ... Tu sais quand on passe ses journées seule, même avec la présence de Roby, on finit par faire le tour des occupations. 

L'androïde tira une des chaises face à la baie vitrée pour la ramener devant la cheminée. Il invita les jeunes filles à s'asseoir, faisant face à Irène. Celle-ci sourit chaleureusement et soupira :

- Bon, je sais que j'ai plein de choses à vous dire, mais tout d'abord j'aimerais que vous m'expliquiez ce qu'il vous est arrivé que je puisse me situer. 

Angela commença à expliquer à Irène tout ce qu'elles avaient traversé. 

La vie au domaine Vesta, leur fuite et leur avancée dans la forêt. Elle arrangea l'histoire pour passer le moment où elle et Lyssa étaient des Chimères, et utilisa le plan qu'elles avaient élaboré comme alibi. 

La vieille dame soupira : 

- Vous vous êtes enfuies en sabotant votre androïde ? C'est fou. Et moi qui pensait que vous vous étiez éveillées sous une forme qui vous avait permis la fuite... 

Les deux jeunes filles n'en crurent pas leurs oreilles. Avaient-elles bien entendu ? La dame inconnue face à elles avait utilisé le mot "éveillées" ? 

Angela se leva d'un coup. Elle annonça d'une voix autoritaire et forte, tout en fixant Irène : 

- Viens Lyssa. On s'en va. 

L'intéressée ne réagit pas tellement. Elle était dubitative car elle ne sentait aucune méchanceté ni mauvaise intention émaner de cette femme. Cette dernière se rattrapa :

- Tu m'as mal comprise ma chérie ! Depuis le début je sais que vous êtes des Chimères, mon instinct ne me trompe jamais. Et puis qui vous dit que vous êtes seules ? 

Angela toujours debout ne bougea pas, sur ses gardes. Elle était prête à courir vers la porte et à s'enfuir avec son amie sur son dos. 

Irène commença à se lever assez péniblement, augmentant d'avantage l'angoisse de la jeune fille. Lyssa était toujours assise sur le fauteuil, avec une attitude plutôt calme. 

Comprenait-elle le danger dans lequel elles étaient ? 

Cette dernière était simplement en confiance. Elle était bien sûr étonnée des révélations de la vieille dame face à elle, mais elle ne ressentait ni peur, ni colère. La jeune fille voulait simplement en savoir plus. 

Irène était debout, et commençait à retirer son châle en dentelle. Elle poursuivit en soulevant le bas de sa robe pour s'en débarrasser également, entrainant comme réflexe un détournement de regard des jeunes filles. 

La vieille dame se mit à rire : 

-  Vous pensez vraiment que je me déshabillerais de cette façon si je n'avais rien en dessous ? 

Lyssa regarda à nouveau vers Irène.

Un habit d'une couleur bleue nacrée recouvrait son corps fin qui semblait avoir ignoré les âges. La lumière se reflétait sur chaque fibre de tissu, donnant une impression de seconde peau. Ses bras et ses jambes en étaient recouverts, laissant simplement les pieds et les mains à l'air libre. Jusqu'ici, la robe en laine longue et les cheveux blancs avaient caché cette combinaison bleutée, qui contrastait totalement avec l'ambiance naturelle et authentique de la maison.

Lorsqu'Irène eut fini d'enlever ce qui recouvrait cet habit étrange, elle ferma les yeux.

Quelques secondes s'écoulèrent, et sa peau commença à changer de couleur. 

La teinte beige et douce de l'épiderme fut remplacée par un revêtement écaillé d'un vert profond. Progressivement, la taille de ses bras diminua, son corps s'allongea pour se confondre avec ses jambes. Ses yeux se colorèrent de jaune, fendus en leur centre par un iris noir en forme de disque fin. Irène n'avait plus aucun membre apparent, seulement un long corps sinueux recouvert d'écailles brillantes. Son visage était devenu triangulaire avec des yeux perçants qui regardaient les deux jeunes filles et une petite langue fourchue sortait par à-coups de la mâchoire en V de l'animal. 

Angela comprit : un serpent. Irène s'était transformée en serpent et faisait la taille de deux hommes. 

Lyssa était pétrifiée de terreur : La vue de l'animal inconnu mélangée à la métamorphose d'Irène la faisait trembler. 

Elle se leva doucement, en fixant l'animal qui n'avait pas bougé de place et sentit son amie mettre la main sur son bras. Celle-ci fixait également Irène sous sa nouvelle forme et n'osait pas bouger. Angela savait que les serpents étaient dangereux, et que partir en courant ne ferait qu'aggraver les choses. 

La jeune fille retint simplement son souffle, et remarqua que Roby ne réagissait pas du tout à ce qu'il se passait, continuant simplement de nettoyer la table de la cuisine. Dans un silence de mort et d'angoisse, le serpent se déforma à nouveau, pour retrouver progressivement ses jambes, ses mains et son visage. L'habit bleu était toujours à sa place, et Irène était redevenue normale.

La vieille dame arborait un sourire satisfait et gêné : 

- On dirait bien que je vous ai fait peur ! Je suis désolée. Vous me faisiez si peu confiance que je ne savais plus quoi faire pour vous prouver mes bonnes intentions. 

La dame renfila sa robe en laine et son châle en dentelle, puis s'assit sur son fauteuil. Lyssa et Angela étaient toujours sous le choc, mais comprirent sans se parler qu'elles ne pouvaient pas partir : 

Cette femme avait beaucoup trop à leur apprendre. 

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