Chapitre 3 - 1 Préparation

Les deux jeunes filles passèrent le reste de l'heure à se questionner mutuellement sur leurs motivations, leurs expériences, leur gestion des évènements ...

Lyssa découvrit beaucoup de choses sur sa nouvelle amie, notamment la provenance des objets cachés sur le toit. 

Angela était arrivée à un âge assez tardif à la résidence, aux alentours de son dixième terracyle. Elle avait encore tous ses souvenirs d'avant son emménagement ici. 

Lyssa mit sa propre amnésie sur le compte du jeune âge auquel elle était arrivée à la résidence, mais enviait un petit peu son amie sur ce point.

Celle-ci avait grandi avec son frère ainé qui était parti comme Sacrifié juste avant qu'elle arrive à Vesta. Avant de s'en aller, il lui avait donné ces précieux objets. 

L'objet noir était d'après Angela un "téléphone". Il s'agissait d'un outil de l'Avant qu'utilisaient les gens pour communiquer, se voir à distance et s'envoyer des lettres numériques.

Lyssa était stupéfaite lorsque son amie lui expliqua la nature de l'objet mystérieux :

Toutes les traces de l'Avant sont interdites. 

Gabriel fixa cette règle et beaucoup d'autres après la mise en place de son Système. 

L'Avant était considéré comme un âge maudit qu'il fallait oublier. L'Homme avait appris de ses erreurs. Il fallait retenir seulement ce qui était bénéfique et éliminer ce qui empêchait l'harmonie. 

Angela avait toujours réussi à cacher ses objets. Lorsqu'elle était arrivée à la résidence, elle avait cherché dès le départ un endroit où personne n'aurait osé fouiller.

Elle avait trouvé le toit assez rapidement et était parvenue à faire croire aux androïdes qu'elle avait jeté ses affaires comme on lui avait demandé. 

La jeune fille avait pris l'habitude pendant plusieurs terracycles de venir à son refuge, mais avait dû se résoudre à changer de chambre à cause de certains problèmes d'entente avec sa colocataire.

À la suite de cette discussion, les deux jeunes filles élaborèrent une stratégie pour communiquer : il fallait trouver un plan.

Le jardin ne pouvait être utilisé qu'en dernier recours, pour éviter d'éveiller les soupçons et d'être privées de sorties. 

Le temps de tranquillité d'Angela était le mardi soir. Les deux complices décidèrent donc de communiquer principalement par écrit en se servant du toit comme intermédiaire.

Elles se voyaient également sur l'heure du déjeuner et profitaient de chaque seconde d'inattention des humanoïdes pour élaborer leur plan.

Pendant plusieurs semaines, les jeunes filles discutèrent secrètement de leur évasion et d'autres choses.

Angela expliqua notamment que le téléphone avait été caché en deux parties sur le toit, et que Lyssa n'avait trouvé que la moitié. Sous certaines tuiles, des fils reliés à un boîtier entouré de scotch étaient dissimulés. 

Les deux nouvelles amies n'avaient aucune idée de l'utilité de ce boîtier ou du moyen d'utilisation du téléphone car Angela n'avait gardé l'objet que dans un but sentimental. Elles n'y prêtèrent donc pas tellement attention, mais s'inquiétèrent plutôt des embûches qui se dressaient devant elles.

Le problème restait le même : il fallait ouvrir le portail et partir sans se faire prendre par les androïdes.

Après de longues journées de réflexion, le seul moyen qui leur était venu à l'esprit était celui de trafiquer un androïde ou d'atteindre la salle des serveurs.

Les impasses que rencontraient les jeunes filles étaient dues au fait qu'elles n'avaient aucune connaissance en robotique, qu'elles ne savaient pas où se trouvait le mécanisme qui contrôlait l'ouverture du portail, ou comment y parvenir sans éveiller de soupçons. 

Elles eurent en effet pleins d'idées pendant ces quelques semaines : 

Attendre que le portail s'ouvre lorsque les livraisons alimentaires arrivent ?

Trop risqué, il aurait fallu patienter dans le jardin et les androïdes de garde les auraient stoppées sur le champ. 

Accéder à la salle des serveurs pour bloquer les humanoïdes ?

C'était sans doute la meilleure option, mais la salle des serveurs était un bâtiment en béton, gardé par une porte blindée impossible d'accès. Le seul moyen d'y entrer était d'être un androïde pour y faire sa maintenance, même les gérantes ne pouvaient pas y aller.

Au cours des semaines, les idées s'essoufflèrent.

Les deux amies commencèrent à perdre espoir, lorsque Lyssa en se reposant sur le toit un dimanche, se mit à regarder le boîtier et le téléphone. 

Elle avait déjà compris que les fils pouvaient se relier grâce à une prise en bas de l'appareil noir, mais rien ne s'était passé. 

Lyssa connaissait la valeur de l'objet aux yeux de son amie, mais ne put s'empêcher de se demander ce qu'il y avait derrière tout ce scotch.

Elle gratta un peu avec ses ongles, et dévoila progressivement la véritable couleur du boîtier : il était noir lui aussi, fixé par des petites vis de fortune.

Une lueur d'espoir se propagea dans l'esprit de Lyssa : 

Il fallait trouver un moyen d'ouvrir l'objet. 

La seule chose qui pouvait permettre de tourner les vis, étaient les clés de sa porte, qui semblaient avoir pile la bonne largeur pour s'emboîter dans les crans. 

Ses clés étaient dans sa chambre. Il fallait faire vite, il était 21 heures 45 et 038 rentrait à 22 heures. Elle avait tout juste le temps de descendre récupérer ses clés, d'ouvrir le boîtier et de remonter le déposer. 

Lyssa ne perdit pas une seconde et se retrouva en deux mouvements devant son lit.

Les clés étaient sur la porte, pour l'alerter de l'arrivée de 038. 

La jeune fille lui avait expliqué qu'elle s'enfermait pour éviter toute intrusion lorsqu'elle dessinait. C'était bien sûr un mensonge qui permettait de prévenir l'entrée de l'androïde et de descendre au bon moment. 

Lyssa s'empara du trousseau et s'assit sur son lit en essayant tant bien que mal d'ouvrir le boîtier.

La clé était juste trop large.

Elle pesta et balaya la pièce du regard. Il n'y avait rien qui pouvait l'aider dans son champ de vision. 

La jeune fille essaya néanmoins avec un stylo : impossible, la vis était bien trop coincée. 

Elle se précipita pour prendre une de ses barrettes qu'elle ne mettait jamais.

Toujours rien. 

L'insigne de sa veste ?

Non plus.

Au moment où elle commença à envisager d'abandonner pour aller reposer le boîtier, elle entendit toquer :

- Mademoiselle, je suis de service à nouveau. Je m'excuse pour cette attente.

La jeune fille sentit des sueurs froides lui parcourir tout le corps.

Lyssa regarda sa montre rapidement : il était 22 h 05.

Elle avait été tellement concentrée sur le boîtier qu'elle n'avait pas vu l'heure passer !

- Euh... J'arrive ! Je ne suis pas présentable !

Elle regarda paniquée sa chambre à la recherche d'une cachette.

Sa fenêtre était ouverte !

Elle se précipita pour la fermer, et cacha l'objet sous son oreiller.

Lorsqu'elle eut fini de vérifier si tout était en ordre, elle ouvrit la porte, haletante :

- Excuse-moi, je me mettais en pyjama.

- Est-ce que le fait de mettre un pyjama est une activité sportive ? Votre coeur bat très vite et votre température corporelle est élevée. Ressentez-vous de la fatigue qui pourrait conduire à un état fiévreux ?

Lyssa inspira un bon coup pour se calmer :

- Non, tas de ferraille, ne t'en fais pas. J'ai simplement eu un peu de mal à m'habiller. J'ai dû prendre un peu de poids.

- Votre masse est la même, mademoiselle.

Lyssa soupira et se décala pour laisser entrer 038.

C'était impossible d'espérer jouer des tours à une machine qui peut lire tous vos signes vitaux. Heureusement que son androïde n'était pas conçu pour détecter les mensonges et pas assez intelligent pour tirer des conclusions. 

Lorsque celui-ci entra, il donna un coup non volontaire sur le pied du lit. Lyssa avait dû le décaler dans sa folle course contre la montre.

Elle bégaya :

- Oh ! Excuse-moi, mettre ce pyjama était vraiment sportif !

Elle avait un sourire crispé, et 038 semblait dubitatif face à cette explication.

Il fixait la jeune fille de ses deux sphères noires profondes.

- Eh soeurette ! Regarde ! C'est pas aussi beau que toi mais je suis plutôt contente !

Émilie déboula dans la pièce avec une feuille de papier à la main.

Elle avait fait un dessin, plutôt bien réalisé, et le montrait à bout de bras à sa soeur un énorme sourire aux lèvres.

Lyssa était encore secouée, mais répondit :

- Ah ouais c'est chouette ! Tu devrais rajouter un peu de contraste, mais sinon, j'aime beaucoup !

La jeune fille était soulagée que sa tempête de soeur débarque au moment parfait.

Avait-elle compris à quel point elle lui avait sauvé la mise ?

- Bon je te laisse tranquille. Excuse-moi, il est tard. Bonne nuit à tous les deux.

Lyssa sourit en guise de réponse et 038 remercia Émilie qui retourna dans sa chambre avant de fermer la porte.

L'androïde s'avança vers la fenêtre pour fermer les volets et préparer les conditions de sommeil, lorsque la jeune fille remarqua quelque chose d'étrange. 

Dans le bas du dos de 038, une petite trappe était ouverte. Elle faisait environ deux centimètres de large et de haut. C'était une toute petite ouverture que Lyssa n'avait jamais vue auparavant. 

Elle pencha la tête au pied de son lit.

Un petit morceau gris argenté de la couleur de son androïde personnel trônait par terre : il avait dû tomber lorsque 038 avait donné un coup dans le lit.

La jeune fille se rapprocha doucement :

- Tas de ferraille, tu as...

Elle s'arrêta net, stupéfaite.

La petite trappe laissait place à une prise qui ressemblait exactement à celle en bas du téléphone d'Angela, celle avec laquelle les fils coïncidaient. 

038 ne l'avait pas entendue. Il était occupé à faire tourner ses rouages pour atteindre les volets et les fermer.

Lyssa n'eut qu'une pensée :

C'est maintenant ou jamais. 

Elle se précipita vers son lit et attrapa le boîtier caché sous son oreiller. Le fil dans sa main, elle se positionna juste derrière l'androïde qui commençait à se redresser et brancha le fil sur la prise en fermant les yeux. 

Aucun bruit ne se fit entendre :

Les rouages de 038 s'étaient arrêtés.

Elle se figea. 

Mais qu'est-ce qu'elle avait fait ? 

Elle vit déjà la pire punition qui l'attendait. Des coups de fouets ? 

Non !

Le pire dans tout ça était le boîtier : ils allaient découvrir le toit, les échanges avec Angela, leur plan d'évasion...

Elle retira le fil et commença :

- Je suis désolée, je ne sais pas ce qu'il m'a pris. J'ai trouvé ce fil par terre dans le jardin et ça ressemblait à la prise alors je...

038 ne bougeait toujours pas.

- Tas de ferrailles ?

Un petit bruit informatique aigu résonna dans la pièce, avant de laisser place à un silence. 

Lyssa commença à paniquer, elle avait fait planter son androïde.

Horreur ! Elle allait certainement se faire tuer, cette fois.

- Démarrage.

038 se redressa et se retourna vers Lyssa. Elle avait le boîtier en main, pétrifiée par la peur.

Elle était fichue.

- Bonsoir mademoiselle. Je me présente, 038. Je suis un androïde domestique utilisé pour rendre votre quotidien plus facile dans les murs de notre charmante capitale. Laissez-moi vous demander votre nom, avant le paramétrage de mes fonctions.

Lyssa ne comprenait pas ce qu'il se passait :

- Tas de ferrailles, c'est moi, Lyssa. Je suis désolée si je t'ai fait un truc bizarre.

- Voulez-vous déterminer mon appellation par "tas de ferrailles", madame Lyssa ? Ne vous excusez pas, je suis à votre service. Auriez-vous des indications avant que je vous présente l'étendue de mes capacités ?

Lyssa commença à comprendre ce qu'il se passait.

Elle avait réussi, juste avec le petit boîtier noir, à rebooter son androïde. Entièrement.

- Oui, garde l'appellation "tas de ferrailles", s'il-te-plaît. Avant de commencer, j'ai quelques questions. Qui sers-tu ?

- Vous, madame Lyssa.

- Et où sommes-nous en ce moment ?

- Nous devrions être à Olympia. Mais en vue de mes données GPS et de mon inspection de la chambre et de sa précarité, nous semblons dans le secteur Mars juste à la limite de la Barrière Est.

La jeune fille n'en croyait pas ses oreilles.

Elle avait à sa disposition un androïde d'Olympia, qui pouvait répondre à toutes ses questions sur le monde. 

Lyssa eut un pincement au coeur en pensant que le 038 qu'elle avait toujours connu avait disparu, mais fut tellement heureuse de voir qu'elle avait enfin une possibilité de sortir d'ici.

***

Lyssa passa la fin de soirée et la nuit à briefer 038 sur où il était, ce qu'il devait faire et comment il devait se comporter pour ne pas éveiller les soupçons. 

La jeune fille comprit rapidement que la prise dans le dos de 038 permettait normalement les manoeuvres de maintenance de la machine et qu'en mettant le boîtier à cet endroit, elle avait remis l'appareil à ses paramètres d'usine. 

Elle alla en cours ce lundi totalement impatiente à l'idée de partager la nouvelle avec son amie. 

Emilie n'était pas au courant. Lyssa avait peur de la réaction de sa soeur, et n'avait pas envie de la mettre dans une mauvaise situation. 

Elle prit bien soin de mettre 038 en veille et de fermer la porte à clé pour éviter tout problème. 

La jeune fille était quand même fatiguée par sa nuit, mais l'excitation de la situation palliait tout le manque de sommeil. Au déjeuner, elle avait un sourire jusqu'aux oreilles, si bien qu'Angela lui demanda :

- Mais qu'est-ce qu'il t'arrive ? T'as encore vu Marie se casser la figure en cours de gym ?

- Non, mieux que ça. J'ai fait des superbes dessins hier, il faut absolument que je te montre mes créations ! En plus de ça, j'aurais bien besoin d'un peu d'aide en Littérature Sainte si tu veux bien m'aider.

Lyssa accompagna son annonce d'un clin d'oeil. Angela avait bien compris qu'elle devait trouver un moyen de venir le soir dans la chambre de Lyssa. 

Elles continuèrent de déjeuner en parlant de tout et de rien comme à leur habitude.

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