Chapitre 11 - 1 Rose

◾Merci @Lilyflower_00 pour ton soutien ! Chloé power◾

La ville était bien silencieuse le lendemain matin. Les rues désertes revêtaient un voile sombre, témoignant la présence des nuages épais qui recouvraient le ciel. Les rares personnes qui avaient pu être croisées la veille avait disparues, laissant place à une cité déserte. De la terre et de la poussière qui se soulevaient au gré du vent recouvraient la route principale qui semblait figée dans le temps. 

Hector marchait prudemment, comme s'il ne voulait pas perturber le calme qui régnait autour de lui. Les deux amies le suivaient, imitant leur guide tout en vérifiant aux alentours si une forme de vie ne souhaitait pas se montrer.

Angela espérait également revoir la petite fille pour savoir comment elle se portait depuis la veille. Où pouvait-elle bien passer la nuit ? Elle n'avait sûrement pas de toit pour dormir vu son état...

La jeune fille culpabilisa quelques instants d'avoir pu dormir à l'abri, même si elle n'avait pas tellement réussi à trouver le sommeil. La présence de son amie avait tenu chaque parcelle de son corps en éveil. Elle se sentait épuisée, moralement et physiquement, n'ayant pas assez récupéré. 

Angela avait conscience de la suite des évènements qui demandait de l'énergie. Elle essayait tant bien que mal de ressentir la brise fraîche du matin éveiller ses sens, de laisser entrer chaque rayon du soleil dans ses yeux pour stimuler son esprit. Mais rien n'y faisait. Elle mourrait d'envie de retourner dans son lit, seule, et de pouvoir se reposer sans distraction. 

Elle jeta un coup d'oeil à Lyssa. Celle-ci marchait doucement, tournant la tête comme un fauve en chasse à la recherche du moindre bruit suspect. Elle avait raison : il fallait rester prudent. 

Angela ne put s'empêcher d'être en colère contre elle-même et la fatigue qu'elle ressentait de cette longue nuit d'agonie sentimentale, se faisait violemment ressentir. 

Comment avait-elle pu se laisser aller de cette façon ? 

Il ne fallait surtout pas qu'elle oublie son objectif : Julian, le retrouver à tout prix, s'enfuir avec lui, être libre. Et alors seulement elle pourrait se permettre d'autres interrogations. Il ne fallait surtout pas être distraite par un autre paramètre, même si celui-ci était le plus difficile à combattre... 

Au fur et à mesure de ses pensées, elle remarqua que la grande rue principale se divisait en deux embranchements. Hector prit à droite, continuant de fouler la terre humide au sol laissant des traces de pas effacées par un coup de vent impatient. Il se rapprocha d'une petite maisonnette de bois comme il y en avait dans toute cette ville. Elle arborait un bois anciennement clair ayant subi les impacts du temps. De la moisissure et de la saleté noircissaient les planches au niveau du sol ce qui entraînait un dégradé de brun jusqu'au toit. Une grande porte assez ancienne complétait le tout, sur laquelle était accrochée une petite ardoise qui affichait d'une écriture délicate : 

Ouvert

Angela constata l'écriteau et se demanda qui pouvait bien venir ici, et pour quels services.  Elle continua son inspection de la façade et ne vit rien qui indiquait la fonction de ce commerce. 

Hector poussa la porte sans hésitation, suivi des deux jeunes amies qui entrèrent, incertaines. 

Le tavernier lança : 

- Dante ! T'ouvres ta boutique mais y'a personne. C'est quoi ce boulot ? 

La pièce était plutôt petite, remplie d'étagères sur lesquelles trônaient des articles en tout genre. Il y avait beaucoup de denrées alimentaires en pot et en sachet, qui semblaient attendre patiemment qu'on les achète. Un comptoir construit de vitrines derrière lesquelles on pouvait admirer quelques pâtisseries, empêchait les clients d'aller plus loin. Globalement, l'endroit ressemblait à la taverne d'Hector. Tout était fait de bois sombre dans cette ville. 

Lyssa explorait la pièce timidement, lorsqu'elle remarqua au fond de la salle un sublime bouquet coloré. Elle sourit à cette image, concentrant son odorat sur la senteur sucrée des roses qui se pavanaient dans un vase stylisé. Alors qu'elle canalisait ses sens sur les fleurs, elle discerna un pas lourd qui provenait de l'étage descendre vers eux. 

Elle entendit dans un râle grave : 

- Qu'est-ce que tu veux ? J'ai cru que t'étais un client. Du coup, je suis déçu. 

Un homme grand et chauve fit son apparition. Il présentait des bras si imposants qu'on aurait dit qu'ils pouvaient soulever des montagnes. Quelques tatouages abstraits ornaient ses biceps et la base de son cou : on pouvait deviner qu'ils continuaient sur le reste de son corps caché par des vêtements simples. Un pantalon de travail et des chaussures solides habillaient le vétéran qui portait un tee-shirt sali par des traces de rouille. Un torchon sur son épaule confirmait qu'il devait être en train de bricoler.

Face à la prestance de l'homme, Lyssa ne put s'empêcher de se sentir légèrement intimidée. En plus d'être grand, il paraissait particulièrement fort et solide. On sentait derrière lui les années de services et ce beaucoup plus que son ami Hector. 

Il jeta un regard dur et mauvais vers les deux jeunes filles, avant de demander sèchement : 

- C'est qui celles là ? Elles puent la sainteté.  

Hector lâcha un rire moqueur : 

- Détrompe-toi mon vieux ! C'est des fuyardes. Elles sont recherchées d'après ce qu'on dit. 

Angela examina la réaction de Dante à cette annonce. Il ne répondit pas tout de suite, jetant un regard suspicieux aux deux jeunes filles, avant de leur adresser la parole : 

- Alors c'est vous les princesses recherchées ? Pour retourner dans votre tour d'ivoire ? Je vous préviens : les capricieuses, je les fous à la porte. 

Hector ne répondit pas. Il attendait sûrement que ses invitées se justifient d'elles-mêmes. Lyssa osa : 

- Vous vous trompez à notre sujet. Nous cherchons un moyen pour infiltrer le camp d'entraînement de la zone 13. Hector nous a dit que vous aviez des armures de jeunes recrues. C'est pour ça que nous sommes là. 

Dante s'esclaffa : 

- Au moins t'es cash toi ! J'aime bien les gens qui vont à l'essentiel, contrairement à tous ces fourbes d'adulateurs. Vous êtes totalement barges, mais c'est pas mes affaires. Vous avez de quoi payer ? 

Hector l'arrêta d'un geste de la main : 

- Pas de ça avec moi, Dante. Tu veux que je te rappelle l'ardoise qui t'attend dans ma taverne ? 

L'interessé reprit son sérieux face à cette remarque et annonça doucement : 

- Bon venez. C'est au sous-sol. 

Hector poussa une petite porte battante à droite du comptoir et rejoignit son ami. Angela l'imita, suivie de Lyssa. 

L'épicier passa dans une autre pièce, baissant la tête, gêné par sa grande taille. Ils arrivèrent dans une grande pièce soigneusement décorée, totalement en contraste avec le reste de la ville. Beaucoup de bouquets de fleurs et de fabrications artisanales trônaient sur les meubles et les étagères. Lyssa se surprit à penser que Dante était beaucoup plus raffiné qu'il en avait l'air, lorsqu'une voix féminine contredit sa pensée : 

- On a des invités ? 

Une femme entra dans la pièce en poussant un rideau de fils en tissus. Elle revêtait une robe moulante dans les tons violets qui mettait en valeur ses formes généreuses. De grands yeux bleus rieurs illuminaient un sourire chaleureux. De longs cheveux noirs étaient attachés par un bandeau en tissu aux motifs floraux. 

- Oh Hector ! Je ne savais pas que tu venais ici ! 

Le tavernier répondit simplement avec un air réjoui : 

- C'était pas tellement prévu ! J'accompagne juste les rebelles derrière. 

La femme se tourna vers Angela et Lyssa qui venaient juste d'entrer dans la pièce. 

- Bonjour mesdemoiselles ! Vous n'êtes pas du coin vous. Qu'est ce qui vous amène ? 

Dante la coupa sèchement : 

- Mona, laisse-les. 

L'intéressée ne broncha pas, regardant les deux jeunes filles en l'attente d'une réponse. Celles-ci ne savaient pas tellement quoi dire ni quoi faire. Elles entendirent Hector répondre à leur place : 

- Elles sont cinglées au point de vouloir infiltrer le camp des Sacrifiés de la zone 13. Alors je leur ai dit au moins d'essayer d'prendre une armure ou quelque chose pour s'faire passer pour l'un d'eux. 

Mona lança un regard paniqué, les yeux écarquillés, avant d'assommer les arrivantes d'un flot de questions : 

- Mais enfin ! Des femmes si jeunes ! Vous allez vous faire tuer, ou pire encore ! Pourquoi voulez-vous vous jeter dans la gueule du loup de cette façon ? Vous avez-eu bien de la chance de vous en sortir jusqu'ici. Et comment est-ce que vous aller vous faire passer pour des jeunes hommes ? Le camp de la zone 13 ne forme pas de femmes Sacrifiés. 

Angela savait que ça allait être compliqué de se faire passer pour des jeunes garçons. Il allait donc falloir que leur déguisement soit convaincant et cela impliquait de se débarrasser de leurs longs cheveux. À cette pensée, elle passa une main dans ses mèches blondes, avant d'entendre son amie prendre la parole à sa place : 

- Nous avons de bonnes raisons d'infiltrer ce camp. Pensez-vous que nous n'y avons pas réfléchi ? Nous avons grandi sous leurs incessantes jérémiades en faveur de Gabriel. Nous savons ce que nous risquons et de quoi il en retourne. Nous avons besoin d'aide, mais nos motivations ne sont pas discutables. 

La jeune fille se tue, remarquant avec regret le ton autoritaire qu'elle avait pris. Elle vit du coin de l'oeil le regard reconnaissant de son amie. Après un bref silence, Mona prit la parole un peu nerveusement : 

- Tu as raison, excuse-moi. Ce ne sont pas mes affaires. Pour vous retrouver dans ce coin perdu, vous devez avoir un sacré vécu. 

Elle reprit son enthousiasme et dans un grand sourire annonça : 

- Bon les garçons ! Il faut qu'on s'y mette à trois pour les transformer en parfaites nouvelles recrues ! 

Dante s'était adossé au mur de la pièce devant une porte vernis. Il soupira : 

- C'est ce qu'on allait faire, mais tu parles trop. 

La femme s'excusa dans un rire sincère : 

- Pardon, chéri. C'est pas tous les jours qu'on voit des nouvelles têtes ! Mais laissez-moi vous aider. Je m'occuperai de la coiffure ! Je vais chercher ce qu'il faut. 

D'un pas énergique, elle repartit dans la direction d'où elle venait, agrippant sa robe pour éviter qu'elle ne traîne au sol. Hector soupira avec bienveillance : 

- Une vraie tornade ! Tu dois pas t'ennuyer avec elle mon Dante. 

Celui-ci répondit dans un soupir : 

- Ça, je te le fais pas dire. 

Le tavernier rit aux éclats, suivant son ami qui avait passé la porte menant à des escaliers en pierre. 

Ils descendirent plusieurs étages de cette façon, si bien que Lyssa se demanda s'ils ne se rendaient pas dans les enfers. En bas du dernier escalier, de longs couloirs menaient à différentes petites salles toujours taillées dans la pierre. Les deux amies s'étonnèrent de toute ces galeries souterraines dont elles ne se seraient jamais doutées. Elles suivaient avec méfiance les hommes devant elles. Dante avait saisi une lanterne en chemin qui éclairait faiblement les murs. 

Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent dans une salle gigantesque plafonnée d'une voûte qui renvoyait le bruit de chacun de leurs pas. 

Un mécanisme fut actionné, entraînant l'illumination progressive de la pièce par des lanternes murales. Dante s'expliqua : 

- Vu le peu d'électricité qu'on a dans cette ville, on doit revenir aux valeurs sûres.  

La faible lumière éclairait des alignements d'armes, d'armures et d'outils en tout genre, qui semblaient patienter depuis des années entre ces murs. Lyssa s'avança, subjuguée par la puissance qui régnait en ce lieu. Elle ressentait la violence en chaque arme qui présentait un lourd passé, fascinée par la barbarie et l'horreur de certaines. 

De son côté, Angela était mal à l'aise. Tous ces instruments de violence qu'étaient les haches, les épées, les couteaux, ou les sabres, rappelaient le contexte de guerre que le Système essayait de fuir depuis tout ce temps.  

Après de longues minutes d'admiration morbide, Lyssa demanda : 

- Mais comment avez-vous fait pour récolter toutes ces armes ? Le Paladin vous y autorise ? 

Dante laissa échapper un rire moqueur avant de répondre : 

- Tu crois vraiment que cet enfoiré d'Achos me laisserait avoir une réserve pareille ? Bien sûr que non. Le labyrinthe en-dessous de chez moi a ses avantages. Il a été formé au cours de l'Avant pendant la guerre. Aucun garde actuel qui est venu n'a osé fouiller plus loin que le bout de son nez. Et puis, faut croire que nous, les habitants de cette ville, on est des sacrés bons acteurs. Franchement t'y croirais toi ? Des anciens soldats qui sont contre le Système ? Personne n'y penserait jamais. Ils sont tellement obnubilés par leur dieu que pour eux c'est impossible qu'on soit contre. 

Il avança dans la grande salle vers un placard en bois qui trônait face à des mannequins en armure. 

- J'ai toujours été passionné par la guerre, donc ça me dérangeait pas d'être Sacrifié. Mais ils sont totalement fous. Je vous passe les détails, mais dès que j'ai pu me barrer je l'ai fait. J'ai suivi Hector dans le meilleur choix de ma vie. 

Il sortit des habits pliés et agrippa deux paires de bottes. 

- En plus de ce qui traînait déjà ici, j'ai récolté tout ce bazar en allant au marché noir. Et puis d'anciens Sacrifiés ont pas mal de choses à donner la plupart du temps. Je leur achète et avec ça, ils peuvent commencer leur nouvelle vie. Ensuite, je vends au marché à mon tour. 

Il tendit ses trouvailles aux deux amies : 

- Tenez, je les ai achetées il y a un mois. Je pensais pas que ça me serait utile si vite. 

Elles remercièrent l'épicier, tenant ce qui ressemblait à une tunique argentée assez lourde. Un pantalon plus sombre d'un tissu léger l'accompagnait, ainsi que des bottes de cuir serrées. Un ange en plein envol était brodé sur la tunique avec un fil doré. C'était le symbole de l'Armée Sainte. Lyssa le savait, car elle avait déjà vu plusieurs fois dans des ouvrages cet emblème qui était censé apporter le courage et la sainteté aux Sacrifiés. 

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