Chapitre 7 - Bavarde oiselle
Céleste se réveilla en sursaut, trempée de sueur. Elle était allongée dans son lit, chez elle, et transpirait sous ses draps bleuâtres. La jeune fille avait un mal de crâne terrible, aux limites du supportable. Elle se redressa en position assise, gémissant, et se prit la tête entre les mains.
C'est alors qu'elle découvrit un grand oiseau blanc posé sur son lit.
Céleste sourit, étonnée par l'absence de prudence de cet oiseau qui avait pénétré dans sa chambre.
— Coucou, toi !
— Bonjour. Te sens-tu bien ? fit le volatile.
Céleste poussa un cri de surprise mêlée à de l'horreur et à un soupçon d'incompréhension face à cet étrange animal ailé doté de... Parole ?!
— Tu n'as pas à t'inquiéter, poursuivit-il très sérieusement, je ne te ferais aucun mal. Mon nom est Élania, je suis une Prophète. Je t'ai trouvée hier, au sommet d'une falaise, tu avais perdu connaissance. Une larme coulait sur ta joue. Te sens-tu bien ? répéta Élania.
L'adolescente eut un mal fou à se contenir de partir en courant. Elle mit une trentaine de secondes à parvenir à articuler quelques mots.
— Ou... Oui, oui ! Mais que... ?
— Oh ! Je comprends, la coupa l'oiselle, tout cela doit être trèèèèès déroutant pour toi. Je vais te laisser le temps de digérer ces informations.
Et sans en dire d'avantage, Élania disparut dans un tourbillon de plumes. La jeune fille jeta un coup d'œil en direction du miroir qui trônait face à elle et qui lui renvoyait son reflet aux yeux cernés de violet. Suis-je en train de perdre la tête ? Son mal de crâne persistant, elle décida de mettre son hallucination — car un oiseau ne pouvait décemment pas lui avoir réellement adressé la parole... Si ? — sur le compte d'une fièvre violente doublée d'une fatigue mordante.
Se levant avec difficulté, Céleste eut l'impression que ses jambes avaient été remplacées par du plomb, et retomba aussitôt sur ses édredons. Son regard dériva alors en direction des plumes blanchâtres jonchant le sol de la chambre, et l'adolescente eut un sursaut de terreur. Elle comprit bien vite qu'elles appartenaient au même oiseau que celle trouvée dans la chambre de sa mère. Céleste fouilla dans son sac à dos, à la recherche de ses précieuses et uniques preuves, et en sortit l'étui contenant les deux plumes aux couleurs opposées, comme le Ying et le Yang. Elle voulut extraire la plume noire de "Roseline" afin de la contempler mais, à son contact, elle ressentit une vive brûlure dans sa paume, et l'objet glissa de sa main.
Un pentagone noir venait d'y apparaître.
***
La jeune fille tournait négligemment sa cuillère dans sa soupe sans parvenir à en avaler une bouchée.
— Je... Céleste... Tu es sûre que ça va ?
Elle soupira et ses yeux dérivèrent jusqu'au plafond.
— Papa ! Il ne s'est rien passé de grave ! Simplement, à la vue de cette falaise... Que je reconnaissais... Je... J'ai pris peur et... J'en ai perdu connaissance, mentit Céleste.
Elle ne voulait absolument pas inquiéter son père. Il en avait déjà tant fait pour elle, ces derniers temps ! Elle pouvait bien lui épargner des inquiétudes de plus.
— Et ton pouvoir ? Rien...
— Non. Rien de nouveau de ce côté là.
— Tu...
— Je suis fatiguée, le coupa-t-elle, je vais aller me coucher.
***
Céleste tournait et retournait dans son lit, ne parvenant à trouver le sommeil. Ses pensées se bousculaient dans sa tête sans qu'elle ne parvienne à leur donner un sens.
La pendule allait sonner minuit quand un homme apparut soudain dans la chambre. Il se précipita vers le lit, et l'adolescente se redressa vivement. Il plaqua une main sur sa bouche pour étouffer le cri de terreur qui naissait dans sa gorge.
— Céleste ? Céleste Wonderline ?
Au lieu de répondre, la jeune fille mordit la main qui la bâillonnait, et l'homme la lâcha en étranglant un hurlement de douleur qui se mua en un gargouillis étrange. Céleste sauta hors de son lit et se rua vers la porte. Elle allait poser la main sur la poignet qu'elle se retrouva plaquée au sol, le souffle coupé, face contre terre. Son agresseur la retourna sans ménagement tout en maintenant une main sur son torse pour l'empêcher de fuir.
— Réponds-moi. Céleste Wonderline ?
Contrainte, elle opina du chef, et son interlocuteur hocha à son tour la tête.
— Élania m'a prévenu.
Il tira violemment son bras afin d'examiner le symbole qui était apparu sur la paume de la jeune fille.
— C'est plus grave que ce que je pensais. Je dois t'emmener sur le champ !
À ces mots, sa victime retrouva l'usage de la parole, horrifiée.
— Que... Hein ? Tout de suite ? Mais... Où ?
Céleste n'avait rien trouvé de mieux pour riposter, trop ébahie qu'elle était. Elle ne comprenait aucun mot – ou presque – sortant de la bouche du jeune homme.
— Mon père...
— Pas le temps ! la coupa-t-il. Nous n'avons pas le temps !
Il la tira hors du lit et la jeune fille eut à peine le temps, mue par un instinct de préservation soudain, de saisir son duffle-coat pastel qui traînait sur le dossier d'une chaise, qu'ils disparaissaient déjà dans un éclair blanc surnaturel qui illumina la petite chambrée.
Tous deux réapparurent au milieu d'une rue bondée. Les maisons étaient de terre cuite, identiques à celle des premières ville, à celles de Catal huyuk*, comme elle s'en souvenait pour l'avoir étudié en histoire de l'architecture. La seule différence était que celles-ci possédaient une porte d'entrée et étaient bordées de luxuriants jardins. Les senteurs aigres-douces de la ville se mélangeaient aux odeurs bienfaitrices de la nature et des plantes qui encadraient la rue, une rue semblable à nulle autre, une rue sauvage et naturelle. La ville semblait avoir été envahie par la végétation ; des fleurs exotiques ornaient les façades des habitations, des oiseaux de mille et une couleurs gazouillaient joyeusement au sommet de la canopée qui formait une voûte végétale, splendide et luminescente au-dessus de la vaste rue. Le boulevard était baigné d'une douce lumière qui apaisait les regards et calmait les ardeurs du petit monde. C'était une ville à la fois façonnée par l'Homme et par la nature. Mais malgré cela, tout avait l'air d'avoir été calculé avec précision, la nature et l'humanité ne formaient qu'un tout qui cohabitait en une parfaite harmonie.
— Oh là là ! Tout ce monde ! s'exclama l'agresseur. Nous devons accéder à la rue Supérieure, ce sera plus rapide.
Il lui fit signe de le suivre et Céleste, perdue, n'eut d'autre choix que de monter à une échelle à sa suite. Mais où donc sommes-nous arrivés ?! La rue Supérieure représentait l'ensemble des toits terrasses creusés d'alcôves qui permettaient de descendre dans les habitations. Elle surplombait la rue inférieure, que l'on apercevait partiellement à travers l'épais feuillage. À l'inverse de la rue Inférieure, la rue Supérieure était peu empruntée, et la canopée isolait parfaitement le lieu, offrant un espace silencieux et paisible, dans lequel évoluait une population simple, vivant d'une vie simple, heureux de tout, n'ayant besoin de rien pour respirer la joie de vivre.
C'est à ce moment-là que Céleste découvrit le ciel.
— Incroyable ! s'écria-t-elle.
C'était un magnifique ciel nocturne empli d'étoiles et autres corps célestes. Célestes. Céleste. Cælestis*, «qui vient du ciel».
*Catal Huyuk : appelée aussi Çatal Höyük, était une ville du Néolithique. C'est aujourd'hui un site archéologique situé en Turquie.
*Cælestis : origine latine de "Céleste".
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