Chapitre 46 - Aux portes de la mort
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Céleste réprima un haut-le-cœur en percutant avec force la terre brute de la Nuit. Roulant sur le dos, elle entreprit de se relever lentement, troublée par tous ces subits changements trans-univers. Elle lança un regard alentour et constata avec soulagement que ses amis semblaient en un seul morceau. Malgré tout, leur teint était blême, et celui de Thomas carrément verdâtre. Il lança un regard apeuré en direction de Céleste :
— Tu es capable de tout pour parvenir à tes fins, hein ?! Oh, dites-moi que je rêve !
— Tu ne rêves pas ! hurla pratiquement Agathe. On est... Je n'arrive pas à y croire mais... On est bel et bien dans un monde parallèle !!!
Elle semblait se délecter de ce dernier mot, qui coulait sur sa langue comme de l'or.
— Oui, ben on est pas vraiment là pour faire du tourisme, grommela Émile en époussetant sa cape noire.
Ils se trouvaient aux abords d'une plage à l'eau sombre plongée dans l'obscurité nocturne, sur laquelle les étoiles se miraient en une myriade de pépites luminescentes. Un à-pic les séparait de l'étendue sombre.
— Je connais cet endroit, murmura Céleste.
— Cela m'étonnerait, rétorqua son père biologique. Nous sommes sur Seyna. L'île des Magiciens. Allez, nous n'avons pas de temps à perdre. Allons-y. La cité de Nacre est par là.
Et il s'engagea sur l'étroit sentier qui serpentait parmi la lande.
Plus Céleste avançait, plus l'appréhension lui nouait la gorge. Qu'allait-il advenir une fois qu'ils auraient pénétrer la forteresse ? Elle n'avait songé à aucun plan, et n'avait pas la moindre idée du lieu dans lequel étaient retenus ses amis. Elle regrettait déjà d'avoir entraînés ses camarades terriens dans cette histoire.
Qu'est-ce qui ne tourne pas rond, chez moi ?
Elle s'apprêtait tout juste à renoncer et à demander à ses amis de rebrousser chemin quand une main se posa sur son épaule. Avec surprise, elle figea son regard gris dans celui vert de Thomas.
— Quoi ? lança-t-elle sur la défensive. Si tu veux rentrer chez toi, libre à toi de partir.
— Eh oh ! Calme-toi ! Je voulais juste m'excuser de... Enfin, pour tout ça, quoi. Je... Je ne sais pas quoi dire. C'est juste... Complètement dingue. Mais si tu le prends comme ça...
Il cherchait ses mots, hésitant, perplexe, et Céleste le comprenait. Elle avait eu autant de mal que lui à s'accoutumer à l'idée de l'existence d'un autre univers que le sien – enfin, le sien...
— Non, Tom attends !
— Thomas.
— Thomas. C'est moi qui suis désolée de t'avoir embarqué là-dedans. Tu n'es pas obligé de rester.
— Tu plaisantes, j'espère ?! Je viens de pénétrer dans... (il déglutit.) Dans un monde parallèle à la Terre, et... Tu me demandes de partir ? Ah non, jeune fille ! Si tu crois que je vais m'en tenir au vulgaire souvenir d'une lande sous la Lune et les étoiles, tu te trompes ! Je veux en apprendre plus... Ce qui nous mène à une bonne centaine de questions.
— Je m'en doute, fit la jeune fille avec lassitude.
— Mais la plus importante est sans nul doute : qu'attends-tu de moi, exactement ?
Céleste se sentit défaillir. Comment lui présenter les choses sans qu'il ne s'enfuit en courant ? Elle n'avait pas prévu une question aussi abrupte.
— R-rien, tenta-t-elle sans grand succès.
— C'est ça ! railla le garçon. Alors tu vas me dire que tu m'as sorti de mon lit et kidnappé seulement pour m'emmener faire une petite balade nocturne sous un ciel étoilé ? J'admets que c'est assez romantique. Mais si c'était dans le but de me séduire, c'est bien tenté, mais ça ne fonctionne pas avec moi. Navré.
L'adolescente prit une délicate teinte écrevisse.
— Ah ah. Très drôle, Monsieur Je-Me-Crois-Drôle-Alors-Que-Je-Ne-Suis-Qu'un-Parfait-Imbécile.
— Sérieusement, Miss Je-Disparais-Et-Je-Réapparais-Comme-Par-Magie-Pour-Kidnapper-Un-Pauvre-Camarade-Sans-Défence.
— "Sérieusement" ? Toi ?
— Céleste. Arrête de m'esquiver.
Son sourire s'évanouit et elle ferma les yeux quelques secondes pour les rouvrir avec une profonde inspiration.
— Écoute, Thomas, je... J'ai des amis prisonniers, là-bas et... Et je ne suis pas capable de les libérer seule. Ce ne sont qu'une orde de psychopathes, sur cette île, crois-moi. Et... Je n'ai aucune idée de ce qu'il va se passer, de comment y parvenir.
— Et donc tu as décidé, toi une sorcière extraordinaire ou je-ne-sais-quoi, avec des pouvoirs magiques démentiels, d'engager un mec parfaitement banal avec qui tu ne partages absolument rien et qui est censé t'aider à vaincre les méchants qui ont enlever tes petits copains ?! Eh bah... C'est que tu as foi en moi...
— Non... Enfin, si... Je ne sais pas, je ne sais plus... Je ne sais plus quoi faire, Tom ! avoua-t-elle, la voix luisante de désespoir. Depuis que ma vie a pris ce tournant brutal, j'ai l'impression d'avoir été précipitée dans des abîmes et de ne plus jamais cesser de tomber. J'enchaîne erreur sur erreur, je ne peux jamais m'empêcher de sortir du lot, de me faire remarquer. Je n'avais rien demandé, moi ! Cela fait deux ans que j'espère chaque jour pouvoir remonter dans le temps et redevenir la petite fille naïve et innocente entourée de sa famille. Enfin, sa famille... Et désormais j'en suis là, sur cette île, me prenant pour Wonder Woman à vouloir me jeter droit dans la gueule du loup pour sauver le peu d'amis qui ont décidé de m'accorder leur confiance, ce qui leur a coûté leur liberté. Qu'est-ce que j'ai fait, Tom ? Je suis complètement perdue... Je... J'ai peur d'avoir entraîné des amis dans une quête impossible, peur de courir à notre perte, peur d'échouer, de... De ne pas être à la hauteur et...
Tremblante, Céleste ne s'était même pas rendue compte que ses épaules étaient agitées de soubresauts et que des larmes dévalaient silencieusement ses joues pâles. Thomas les essuya du revers de la main, sans mot dire. Il la laissait déballer tout ce qui lui pesait sur le cœur, se déchargeant sur les épaules du garçon, laissait jaillir toute sa frustration et sa fureur envers elle-même.
— Qu'est-ce qui ne tourne pas rond, chez moi ? répéta-t-elle à nouveau, à voix haute cette fois-ci.
À quoi bon continuer à cacher sa rancœur ? À quoi bon continuer à se cacher derrière ce masque ? À quoi bon continuer à se prendre pour quelqu'un d'autre ? Autant assumer le fond de ses pensées, assumer ce qu'elle était, ce qu'elle était vraiment, et non ce qu'elle donnait l'impression d'être en se camouflant derrière sa carapace.
— Rien.
Il avait dit cela dans un souffle, et le mot, si minuscule soit-il, sembla ressusciter le cœur de la jeune fille, avant de se laisser emporter par le vent.
— Q-quoi ? bégaya-t-elle sans y croire.
Thomas Marx aurait-il dit quelque chose de... gentil ?
L'adolescent se mordit la lèvre, sans oser jeter un regard à Céleste. Il soupira, se mordit à nouveau la lèvre inférieure, et dit tout en gardant ses yeux fixés sur la lande qui s'étendait, indescriptible :
— Il n'y a rien qui cloche chez toi, Céleste.
La jeune Pupille laissa échapper un petit rire.
— Ah oui ? Alors pourrais-tu m'expliquer pourquoi tu as refusé d'être lié à moi de près ou de loin depuis mon accident ?
— Céleste...
— Pourquoi tu m'as prise pour une folle lorsque j'ai pénétré ta maison ?
— S'il te plaît, Céleste...
— Pourquoi tu m'as traitée de cinglée alors que je te racontais mon histoire ?
— CÉLESTE !
Elle tourna ses yeux remplis de larmes vers le garçon.
— Tu ne comprends donc pas ? dit-il en l'attrapant par les épaules. C'est moi qui suis un idiot ! J'aurais du te faire confiance et te croire depuis le début, j'aurais du te soutenir pour tout ce que tu as enduré ! Alors c'est moi l'imbécile, ici ! Si je ne voulais plus avoir un quelconque rapport avec toi et ta vie après ton accident, c'est parce que je... Enfin je... J'ai eu peur, voilà tout... Je ne voulais pas me remémorer cette journée là...
Il paraissait étonnamment gêné, et Céleste était troublée par sa réponse.
— Attends attends... Tu... t'es inquiété pour moi ?
— Bah évidemment... À cette époque, je me souciais encore un minimum de toi...
— Thomas ! Tu veux dire que...
Le visage du garçon vira aussitôt au rouge tomate.
— ... Que tu étais amoureux de moi quand nous avions huit ans ?
Cette fois-ci, l'adolescent avait bel et bien pris une teinte pourpre.
— Oh, Tom, c'est trop mignon, fit Céleste en éclatant de rire, ravivant d'avantage la gêne de son acolyte.
— Eh ! C'est bon, ça va ! Et c'est Thomas, grommela-t-il en enfonçant ses mains dans ses poches.
Et il se lança à la poursuite des autres, qui les avaient d'ors et déjà devancés, suivi d'une Céleste hilare, quoiqu'un chouïa troublée.
***
Ils arrivèrent au levée du jour. Devant eux se dressait, imposant, un incommensurable mur blanc immaculé.
— Nous y voilà, murmura Éric en déglutissant, la face blême.
— La cité de Nacre, acheva Émile, le visage fermé, les yeux levés vers le ciel étincelant.
Céleste ferma les yeux quelques secondes, pressant ses paupières douloureuses, avant de les rouvrir pour les poser sur Agathe et Justine, qui avaient cessé de rire et de sourire, troquant leurs mines joyeuses pour un air grave et décidé, quoique légèrement apeuré. La jeune Pupille s'en voulait toujours d'avoir entraîné ses amis dans cette aventure, mais malgré tout, elle ne pouvait nier que Thomas était parvenu à lui remonter le moral. Elle inspira un bon coup, profondément, et se tourna vers son père biologique :
— Bon. Où est l'entrée ?
Le Magicien ne répondit rien et s'avança jusqu'à la frontière luisante. Il posa à plat ses paumes sur la forteresse nacrée et attendit, mais rien ne se produisit.
— Céleste...
— J'ai compris.
La jeune fille rejoignit son père et imprima à son tour ses deux mains sur la froide paroi. Le contact avec cette matière gelée fit courir un désagréable frisson sur sa peau, mais elle tint bond, et bientôt une onde se propagea le long du mur depuis les deux magiciens, comme à la surface d'un étang, et une porte à double battant en bois massif apparut à leurs yeux.
Émile Wonderline ayant été banni de la ville, son accès lui était refusé. Mais pour Céleste, dont le sang magique coulait dans ses veines, aucune mesure n'avait prévue de lui en interdire l'accès.
L'adolescente poussa les portes de chêne, sans succès. Elle répéta l'opération plusieurs fois, en vain. C'est alors qu'elle découvrit une serrure qui brillait sous le heurtoir de bronze.
— Ç'aurait été trop simple, murmura Justine, en attachant ses cheveux blonds en une queue de cheval.
— C'est maintenant que nous avons besoin de toi, Tom, conclut la magicienne. Tu te souviens lorsque tu m'as libérée du casier dans lequel ma sœur m'avait enfermée, en début d'année ? Eh bien nous dépendons à nouveau de ton talent pour crocheter des serrures !
Le garçon lui décocha un regard accablé.
— C'était. Un. Casier.
— Et alors ? Je suis sûre que tu peux le refaire !
Il lui jeta un regard indéchiffrable, oscillant entre l'effarement et la terreur. La terreur de quoi, au juste ? D'y parvenir et de pénétrer dans ce repère de meurtriers ? Ou bien d'échouer et de la décevoir ?
Il avança d'un pas de robot, comme monté sur des roulettes, et s'agenouilla pour se retrouver à hauteur d'yeux de la serrure. Il l'inspecta longuement, sous toutes les coutures, et nul ne pipait mot. Chacun retenait son souffle, et Céleste croisait les doigts pour qu'il y parvienne. Enfin, il extrait de sa poche une épingle à cheveux qu'il enfonça sans ménagement dans la serrure. De longues minutes passèrent durant lesquelles ne leur parvint que le cliquetis entêtant de la barrette contre le métal, sous l'expression concentrée de Thomas, le front en sueur, les lèvres serrées. Et enfin, enfin, le déclic tant attendu... Ou bien tant redouté ?
Et la porte s'ouvrit. Alors qu'ils en franchissaient le seuil, éblouis par la lumière qui en émanait, une voix glaciale, grinçante, les figea tous sur place et résonna dans l'embrasure du battant.
— Bienvenue à la capitale des Magiciens, très chers intrus !
🌔🌓🌒
Note de l'auteur :
Et voilà ! Que pensez-vous de ce chapitre ? Je suis curieuse de connaître votre impression.
Alors, d'après-vous, à qui appartient cette voix ?
Que va-t-il se passer dans l'enceinte de la forteresse ?
Et où peuvent donc se trouver Hugot, Roméo, Lætitia et Amælie ?
N'hésitez pas à voter, commenter, ajouter à votre/vos liste(s) de lecture, à vous abonner... Pour continuer à suivre les aventures de Céleste !
Merci beaucoup pour tous vos votes et commentaires, et à très bientôt j'espère !
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