Chapitre 43 - Méli-Mélo de Souvenirs
La vision débuta dans une vaste salle, illuminée de lustres éclatants. Des adolescentes étaient regroupés devant une estrade sur lequel un homme les appelait un à un.
— Wonderline, Émile !
Céleste vit surgir de la foule un beau jeune homme au sourire éclatant et à la tignasse brune. Ses yeux gris luisaient de bonheur et de fierté. Il vint se placer aux côtés de l'homme et de ses camarades. La jeune fille le vit adresser un discret signe de la main en direction d'une personne dans l'assistance. Se tournant vers le public amassé dans le fond de la pièce, la Pupille découvrit une jeune femme blonde aux prunelles souriantes. Sa mère répondit au salut de son père par un hochement de tête encourageant.
— Et voilà nos nominés ayant réussis la première épreuve avec brio ! annonça le présentateur.
L'image s'estompa et une nouvelle salle apparut. Elle était plus petite. Une chambre. Sur le double-lit étaient assis ses parents. Ils se regardaient avec des yeux emplis de douceur et d'amour, et Céleste ressentit un pincement au cœur en constatant à quel point ils se languissaient l'un de l'autre. Que serait-il advenu si les choses n'avaient dérapées de la sorte ? Elle cligna des paupières alors que l'image changeait encore.
Un mariage. Une salle de fête, et au milieu de tout ce joyeux capharnaüm, un couple aux anges. Ses parents s'étaient donc mariés. Mais la fête ne dura guère longtemps et disparut.
Cette fois-ci, les deux amants étaient à nouveau présents, mais dans un contexte différent. Émile était plié en deux, les épaules secouées de ce qui ressemblait à... Des sanglots ? Alors que Lise lui tapotait gentiment le dos, compatissante, le visage ruisselant de larmes. Que se passait-il donc ? Elle repéra alors une lettre froissée sur le sol. Avec horreur, elle eut un mouvement de recul en constatant qu'il s'agissait d'un avis de décès. Celui de son grand-père paternel. Mais un mot, un seul mot, attira son regard. Elle eut un haut-le-cœur. Homicide. Voilà ce que précisait le dossier du présumé assassiné. Mais qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir signifier ?
Elle n'eut pas le temps de s'interroger davantage qu'elle changea de décor. Elle se trouvait désormais dans un couloir étroit et mal-éclairé de ce qu'elle supposait être l'institut des Magiciens. Son père était plaqué contre le mur, à l'angle, et épiait une conversation entre deux femmes. À la vue de leurs riches et splendides accoutrements dorés, la jeune Pupille comprit qu'il s'agissait de deux des Trois Stellæ. Elle saisit des bribes d'informations alarmantes :
— ... Éliminer. C'est notre seule option. Nous n'avons pas d'autre choix ! Les aspirants magiciens qui échouent à l'Epreuve sont au courant de nos méthodes concernant les Pupilles. Nous ne pouvons nous permettre de commettre le risque de laisser cette information éclater au grand jour...
— Et pour leurs familles ? Elles seront bien au courant !
— Il nous suffira de faire un petit nettoyage dans leur mémoire...
Émile sursauta si fort qu'il en laissa tomber l'ouvrage qu'il tenait à la main. Les deux Magiciennes tournèrent la tête en un seul et même mouvement et l'aperçurent.
La vision se brouilla et se métamorphosa à nouveau. Cette fois-ci, les futurs Magiciens étaient rassemblés sur une estrade, et Telinæ leur remettait leurs diplômes. Mais alors qu'elle approchait d'Émile, une déflagration eut lieu et un éclair zébra le ciel pourtant azur.
— Hélas ! murmura la Stella. Je perçois en toi un danger... Je suis navrée. Tu fus un bon apprenti, Émile Wonderline. Mais il est tant de prendre un nouveau départ...
La stupéfaction se lisait dans les yeux du futur Homme Noir. Son regard passa de la surprise à la fureur, et de la fureur à la détresse en songeant à ce qui l'attendait. Les Magiciennes savaient qu'il avait écouté leur conversation. Elles ne pouvaient décemment pas le laisser répandre une telle information qui mettrait en jeu leur autorité.
En un éclair, l'homme s'enfuit.
— Non ! Attrapez-le ! hurla Telinæ.
Une armada d'étranges créatures de fumée âcre et bleuâtre se lança à sa poursuite. Avec un hoquet de stupeur, Céleste reconnut les Profundis, ces êtres singuliers qui, d'après la Grande Gardienne, habitaient le Puits des Oubliés...
Arrivé à un carrefour, Émile se retrouva encerclé. Un événement étrange se produisit alors. Il ferma les yeux et, s'élevant dans les airs, produisit une explosion d'une telle puissance que les êtres maléfiques disparurent, anéantis. Tous, sauf un. La créature s'enfuit sans un regard en arrière et se volatilisa.
Au pas de course, Émile se rendit à son logis. Il entra en trombe et ferma la porte derrière lui en la barricadant avec tous les objets qui lui tombaient sous la main. Lorsqu'il se retourna, il découvrit Lisæ assise sur leur lit.
— Lise, ma chérie, on doit...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que sa femme le saisit à la gorge et le plaqua contre un mur.
— Qu'est-ce... Qu'il... Te prend ? hoqueta-t-il en tentant vainement de se dégager de la poigne de fer de son amante.
— Conduis-moi à l'Oiseau ! ordonna-t-elle, son regard trahissant sa folie.
Mais ses yeux... Ses yeux étaient d'un rouge incandescent. Ils retrouvèrent subitement leur couleur normale et la jeune femme se laissa tomber au sol tel une poupée de chiffon. Elle leva son regard vers son mari, qui avait le visage dur, horrifié, terrifié, et pétillant de colère.
— Tu es avec eux.
Ces mots firent à Céleste l'effet d'un coup de poignard. Non... Pas elle ! Pas sa mère !
— Ce n'est pas ce que tu crois, Émile... commença-t-elle. Ils... Ils me l'ont fait boire. Ce sérum fait à base de souvenirs... Je... J'étais à leur solde... Mais je n'ai pas...
Elle se reprit et, se relevant, fixa l'homme droit dans les yeux.
— Tu dois me dire où est l'Oiseau.
— Tu n'es plus sous l'effet du poison, dit-il d'une voix sourde. Tu es avec eux. Tu aspires à posséder le sceptre.
— Non ! Non, Émile ! Nous... Je n'ai plus le choix ! J'ai conclu un accord !
— Pourquoi ?! hurla Émile. Pourquoi me trahis-tu ?
— Parce que c'est la meilleure chose à faire...
— Ils t'ont fait un lavage de cerveau... Ils ont tués mon père, Lise !
— Rien ne prouve que les Magiciens sont les coupables ! Je sais ce que tu prépares, je sais ce que tu trafiques avec ce groupe de dissidents ! Et je ne veux pas courir un tel risque !
— Parce que tu es lâche !
— Non ! Non Émile ! Parce que je vais avoir des enfants !
Un silence accueillit ses paroles. Visiblement, l'homme ignorait jusqu'à maintenant qu'il allait devenir père.
— Nous nous cacherons, fit-il. Et nous les protégerons.
— Tu ne m'as pas bien comprise, Émile, dit Lise d'une voix douce. Je n'ai pas le choix. Je n'ai plus rien à voir avec ça, désormais. C'est tout ou rien. Et j'ai déjà conclu un marché. Il garantira la sécurité de mes deux enfants. Je suis désolée, Émile...
Désormais, des larmes ruisselaient sur le visage de la jeune femme.
— J'ai promis de tout faire pour traquer les rebelles... Et tu es un rebelle. Un Magicien déchu qui refuse de se soumettre à la loi. Mais je ne peux pas te vendre à eux, Émile. Parce que je t'aime. Alors... Alors vas-t'en... Je t'en supplie, vas-t'en...
Mais l'homme ne bougeait pas d'un pouce. Il restait là, les bras ballants, estomaqué, choqué par ce qu'il venait d'entendre.
— Alors c'est moi qui partirais...
Et Lisæ Wonderline disparut.
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