Chapitre 41 - Les Contes Archaïques

La pièce suivante était vaste et lumineuse. La lumière émanait d'un orifice creusé dans la voûte qui laissait entrevoir un petit cercle de ciel rougeoyant, à une centaine de mètres au-dessus de leurs têtes.

Céleste avança prudemment jusqu'au centre de la salle, s'attendant presque à voir le sol s'écrouler sous ses pieds. Mais rien de tel n'arriva. Un craquement sec sous sa semelle gauche lui fit baisser les yeux. Soulevant son pied, elle découvrit une pierre à la forme singulière, longue d'une quarantaine de centimètres et large d'une dizaine. L'une de ses extrémités étaient arrondies tandis que l'autre était irrégulière et semblait avoir été brisée nette. Elle la ramassa et la détailla plus attentivement. La pierre était fissurée dans sa largeur à deux endroits espacés d'une vingtaine de centimètres.

Soudain, Roméo laissa échapper une exclamation et Céleste détourna les yeux de l'objet. Ceux-ci se posèrent sur une masse sombre et difforme qui se découpait à sa gauche. Plissant les yeux, elle s'approcha du roc et poussa un cri d'effroi.

Ce qu'elle avait pris pour un rocher possédait une tête ronde aux yeux clos, la bouche et les traits du visage figés dans une expression de terreur et de douleur profondes. Il était recroquevillé sur le sol, son dos arrondi vers le fond de la grotte, ses genoux repliés contre sa poitrine et ses deux énormes bras entourant ses jambes. L'une des mains du géant de pierre était sectionnée et reposait près de sa tête. Un doigt en moins.

Avec horreur, la jeune fille lâcha l'étrange rocher qui n'était autre qu'un index de pierre.

— Ce n'est qu'une sculpture, relativisa Amælie. Une très grande sculpture dans un état précaire.

— Étrange posture, pour une statue, répliqua Lætitia d'une petite voix aiguë.

— Qu'est-ce que tu veux que ça soit d'autre ? rétorqua la première.

— C'est bon, inutile de vous disputer, intervint le garçon. On a bien plus important à faire.

Céleste ne pipa mot mais recula tout de même de plusieurs pas.

— Il faut qu'on trouve la porte suivante, décida-t-elle en tentant de maîtriser sa voix.

Mais elle ne parvenait à détacher ses yeux du visage agonisant de la créature.

— Oh, rien de compliquer à cela, elle est juste derrière lui, dit Amælie d'une voix neutre.

Elle pointa du doigt un point derrière le géant statufié. Ses amis contournèrent silencieusement la singulière sculpture et aperçurent enfin un passage découpé dans la roche.

Céleste fronça les sourcils.

— C'est bien trop simple ! dit-elle avec appréhension.

— Eh bien, à mon humble avis, ce géant de pierre devait être là pour nous empêcher d'entrer. Il a simplement été mis hors d'état de nuire, commenta Amælie de sa voix atone.

— Es-tu totalement insensible et inébranlable ou juste totalement inconsciente et téméraire ? s'enquit Lætitia.

Son amie haussa les épaules, et se dirigea vers le battant suivie de Roméo puis des deux autres jeunes filles.

La grotte dans laquelle ils débouchèrent ensuite était bien plus petite que la précédente. Elle était basse de plafond et les parois incurvés semblaient vouloir se refermer sur eux. Un Quartz violacé d'une taille colossal illuminait la pièce juste au-dessus d'un petit pupitre sur lequel reposait un énorme volume à la couverture de cuir. Une odeur de vieux papier en émanait.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? s'étonne Amælie.

— C'est ce que nous allons voir...

Céleste souffla sur la couverture décrépite, et un nuage de poussière s'en échappa. Elle épousseta l'ouvrage du plat de la main et lut le titre s'y découpant en lettres capitales :

Les Contes Archaïques. On dirait... On dirait un livre d'Histoire... Qu'est-ce qu'il fait ici à votre avis ?

Elle fit basculer la première de couverture et ouvrit l'ouvrage à la page numéro une :

Le Temps des Archanges

Depuis que l'univers fut créé, depuis que le Big Bang bouleversa le néant, depuis que les ténèbres laissèrent place à la lumière, depuis que les premières galaxies naquirent, existe ce que l'on appelle, selon le terme scientifique, les Dimensions.

Ces Dimensions seraient nées de distorsions de l'univers, brisant, obstruant, et créant, des multivers. Des mondes parallèles les uns aux autres. Ils respecteraient tous les mêmes lois chronologiques, mais des lois gravitationnelles et des climats différents. Mais ces multivers seraient par de nombreux aspects identiques. Il s'y serait développé une civilisation, une faune et une flore presque identiques.

Le nombre de Dimensions existantes est indéfini et inconnu, sinon incommensurable. Il existerait pourtant un système quintuplé de multivers qui graviteraient les uns autour des autres dans le continuum espace-temps. Les deux Mondes Fondateurs en seraient Diem et Noctis. De ces deux dimensions jumelles naquirent Aurora et Crepusculum, et enfin, de l'association des quatre, serait née Terre.

Il naquit un jour un peuple qui bouleversera à jamais le court des choses, un peuple originaire de plusieurs multivers.
Un peuple sans monde auquel se rattacher.

Les Archanges. Que l'on appelait Peuple Migrateur ou Gitans des Mondes. Ils possédaient une capacité unique, mise à part leur taille : celle d'être capables de voyager à leur guise entre les Dimensions. Si tout se passa bien dans les premiers temps, ce fut ensuite que les complications arrivèrent.

De nombreux êtres humains devinrent jaloux des avantages du Peuple Migrateur. Ils devinrent agressifs, cruels, belliqueux, et déclenchèrent des guerres sanglantes. Les univers volèrent en éclats, sombrant dans des guerres civiles atroces. Alors, afin de rétablir la paix, les Archanges se rassemblèrent au sommet de la plus haute des montagnes d'Aurora, l'univers le plus valloné. Ils tinrent un conciliabule animé durant douze jours et douze nuits, et finirent par tomber d'accord sur une issue de secours.

Ils engagèrent les meilleurs artisans de Diem, et les plus puissants sorciers de Crepusculum. Ces élus travaillèrent sans relâche durant des semaines, peut-être des mois, jusqu'à pouvoir présenter aux Gitans du Monde l'objet convenu.
L'Oiseau permit aux  Archanges d'obtenir le contrôle des univers. Une lignée naquit bientôt du Peuple Migrateur, une lignée particulière parmi laquelle la magie du sceptre ne se résumait plus qu'à une particularité génétique. Les Wonders. De cette descendance dont les géants étaient les aïeuls, les branches de l'arbre se développèrent, jusqu'à ce que naisse une nouvelle espèce d'êtres humains : les Magiciens. Ils s'unirent dans le but de maintenir le climat de paix à Noctis, protégeant cet univers de toute arrivée étrangère.

Quant à l'Oiseau, les Wonders le cachèrent dans le plus sombre des lieux, dans l'objectif de camoufler son existence aux hommes. Car ils savaient ô combien un tel pouvoir détruirait l'univers.

Les Gitans du Monde, pour leur part, s'éteignirent peu à peu, laissant place à leurs descendants.

Céleste referma précipitamment le volume, le visage enflammé et le cœur battant à tout rompre. Ses amis la fixaient avec une inquiétude grandissante, mêlée à un soupçon d'émerveillement et... À du respect ?

— Céleste Wonderline..., commença Roméo.

— Tu descends des Archanges, acheva Lætitia.

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