Chapitre 22 - Retour à la case départ

NDA : Et voilà ! Court chapitre, pas mon préféré, mais avec enfin quelques révélations indispensables pour la suite ! N'hésitez pas à me faire part de votre avis ! Merci ! ❤️

Lorsqu'elle rentra chez elle, ce soir-là, Céleste était perplexe. Tout était si confus ! Un trop plein d'informations bouillonnait dans son esprit. Elle ne savait que dire, que penser de tout ce qu'elle venait d'entendre, mais elle comptait en toucher un mot à sa mère. Depuis qu'elles s'étaient retrouvée, la jeune fille pouvait sentir un fossé creusé dans une vérité incomplète installé entre elles deux, et elle en avait assez de l'ignorer, de reculer l'heure de nouvelles révélations, de reléguer les question à plus tard. Mais elle avait beau se creuser la tête, son quotidien était encore parsemé de nids-de-poule la faisant trébucher, et elle craignait d'un jour où l'autre ne plus parvenir à se relever.

Au dîner, Lisæ interrogea sa fille sur sa première journée de formation. Première question de mère parfaitement banale qui ne lui correspond pas..., énuméra sa fille sans mot dire.

« Allez Céleste, il faut te lancer ! Cesse de remettre cet instant à plus tard ! S'il faut que vous vous disputiez, vous vous disputerez, mais c'est maintenant ou jamais, et il n'y aura plus de nouvelles occasions. »

     Alors Céleste posa une main apaisante sur la tête de Minéa pour lui faire comprendre que le message était bien passé, et releva un regard froid et inexpressif sur le visage de sa génitrice.

— Tu comptes me cacher des choses encore longtemps ? demanda-t-elle d'un ton faisant écho à son expression du visage.

— Pa-pardon ? bredouilla Lisæ, qui sembla perdre le peu de couleurs qui demeuraient sur son pâle visage.

— Non mais, sérieusement, tu me prends pour un lapin de six semaines ? Tu as cru quoi, que j'étais totalement stupide ?!

— Que... Céleste, qu'est-ce que tu racontes ?

Elle était tellement ahurie qu'elle ne prit pas même la peine de relever le ton irrespectueux de sa fille qui, aussi loin qu'elle s'en souvenait, n'avait auparavant jamais osé lui parler de cette façon. Ou bien elle sait parfaitement que c'est elle qui est en tort..., ne put-elle s'empêcher de songer.

— Tu pensais que j'allais mettre combien de temps à réaliser que tout ce que tu m'as raconté était tout bonnement improbable, impossible ? Comment...

— Céleste...

Comment ta Prophète, Élania, aurait pu avoir un oisillon sans un autre Prophète ? À moins que Éric Wonderline ne soit lui aussi originaire de Noctis !

— Non, bien sûr, il est simplement terrien...

— Ce qui confirme donc mes hypothèses. Un nocturne et un terrien ne pourront pas avoir d'enfant rattachée à un Prophète. Alors pourquoi, s'il te plaît, moi si ? Et pitié, ne me dis pas que j... J'ai été adoptée ?!

Cette effroyable pensée fit grimper sa température interne en flèche, et elle comprima la main sur son front brûlant la faisant terriblement souffrir.

— Oh, ma chérie ! Bien sûr que non ! Je peux te jurer que je suis bien ta mère, je... je... Comment dire ? Éric n'est pas ton père, Céleste.

Un lourd silence tomba sur la petite salle à manger, seulement troublé par le cliquetis régulier de l'horloge à quarante-quatre chiffres. Céleste contempla longuement sa mère, avec méfiance, comme si elle s'attendait à ce que celle-ci éclate de rire et lui annonce que tout ceci n'était qu'une grande, une immense farce, rien de plus. Mais elle n'en fit rien et la jeune fille en resta sans voix. Elle déglutit et parvint enfin à balbutier à travers sa gorge nouée, elle-même troublée de parvenir à prononcer le moindre son :

— Mais alors... Qui... ?

Lisæ se mordit la lèvre et ferma les paupières.

— Émile Wonderline... En ces temps durs plus couramment surnommé l'Homme Noir, répondit-elle d'une voix sombre, les paupières toujours closes.

L'aveu lui fit l'effet d'une gifle. Céleste se cramponna à la table alors que le sol se dérobait sous elle. Le monde chavirait, tout n'était plus que mensonges. Comment était-ce possible ? Non, elle allait se réveiller, ce ne pouvait être qu'un mauvais rêve et rien d'autre. Cet homme qui avait enlevé sa sœur, l'avait manipulée, forcée à l'espionner, à la malmener, celui qui avait tenté de la tuer... Son père ? C'était ridicule, insensé, impensable. Et pourtant, sa génitrice avait rouvert les yeux et la contemplait avec de la gravité mêlée à la culpabilité de lui avoir camouflé un si lourd silence. Céleste se laissa couler sur une chaise, anéantie.

— Je vais tout t'expliquer, dit Lisæ, la voix tremblante. Tout a commencé cet été là, il y a désormais dix-huit ans... À l'époque, j'habitais une petite maison de l'autre côté de Titania. J'ai rencontré Émile lors d'une visite aux Archives. Nous avons beaucoup discuté et nous avons beaucoup appris l'un de l'autre. Il n'était pas un simple étudiant, mais un magicien qui se préparait à passer l'Épreuve qui déterminerait son devenir. C'était un doux rêveur, qui souhaitait un avenir meilleur. Nous nous sommes rapidement rapprochés et avons vécu plusieurs années ensemble. Jusqu'au jour décisif. Telinæ, l'une des Trois Stellæ gouvernant la Nuit, a décelé en Émile une once de noirceur, et lui a refusé le titre de Magicien. Son cœur est alors devenu aussi dur que de la pierre. Il est de coutume de donner un nouveau nom aux Magiciens, mais ceux qui échouent lors de l'Épreuve ne changent pas d'identité et perdent leurs pouvoirs. Mais le cas d'Émile était particulier. Lui n'avait pas échoué à cause d'un talent insuffisant, il n'a donc pas perdu ses pouvoirs et a reçu un nouveau nom, bien sombre : l'Homme Noir. Lorsque j'ai appris la triste nouvelle, j'ai... paniqué. Je me suis enfuie et cachée sur Terre. Quand j'ai rencontré Éric,  j'attendais déjà ta sœur et toi. Il ne m'a pas été très difficile de lui faire croire que vous étiez ses filles. Mais tout ne s'est pas passé comme prévu. L'Homme Noir a appris que j'avais donner naissances à deux enfants et qu'il était leur père biologique. Émile a retrouvé notre trace et enlevé Filæ, sans parvenir à te kidnapper à ton tour. Pendant de nombreuses années, il t'a cherchée, et te cherche aujourd'hui encore pour faire de toi ce qu'il a fait de ta sœur... Un monstre à son service, uniquement dressé à répandre le mal, la noirceur.

— Mais je croyais qu'il voulait me tuer !

— C'est ce que je croyais aussi, mais visiblement, ce n'était pas le cas.

Visiblement ? Oh, pardon, précipiter quelqu'un d'une falaise est sûrement le moyen d'enlèvement le plus répendu, répliqua sa fille d'un ton sarcastique.

— Il ne pensait pas que tu aurais cette réaction...

— Alors il pensait quoi ? Que j'allais soudainement m'envoler dans les cieux avec mes petites ailes ?

— Oui.

Céleste contempla Lisæ, bouche bée, puis éclata d'un rire dénué de joie. Un rire fou, dément, un rire issu du craquement brutal de ses nerfs.

— Mais c'est... c'est n'importe quoi ! balbutia-t-elle. C'est complètement n'importe quoi, répéta la jeune fille d'un ton plus assuré. Si je ne suis pas humaine, alors qu'est-ce que je suis ? Un monstre ?

— Écoute, je sais que tout cela est très perturbant...

— Perturbant ? Perturbant ? MAIS VOUS ÊTES TOUS FOUS ICI, MA PAROLE !

Elle se leva d'un bond et s'échappa dans la nuit noire. Elle eut juste le temps d'entendre sa mère et Minéa l'interpeller avant que la porte ne claque dans un bruit assourdissant. Céleste gravit une échelle pour se retrouver au-dessus du couvert des arbres, sur la chaussée de la Rue Supérieure. Elle marchait droit devant elle, poings serrés, fulminant de rage et de désespoir, allait là où ses pas la menait, tournant aux bifurcations sans savoir où se rendre. Une brise fraîche lui caressait le visage de ses mains créatrices, un air vivifiant se frayait un passage jusqu'à ses poumons, l'emplissant d'une sensation de quiétude déplacée qui éclipsa bien vite l'électricité statique d'émotions négatives.

Céleste rit alors dans la nuit, d'un rire franc et euphorique. Elle était libre, elle pouvait aller là où elle le souhaitait et oublier, tout oublier. Elle était libre de reprendre une existence normale ; elle se moquait de tout ce qu'elle venait d'apprendre en découvrant l'immensité du monde qui s'offrait à elle.

Alors la jeune fille se laissa tomber dans le néant avant de réapparaître sur la planète qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Cette action lui parût d'une simplicité enfantine. Sûrement car, au fond d'elle-même, elle s'en savait capable. Elle était allongée sur le sol de mousse d'une forêt déserte. Elle resta là à contempler le ciel nocturne étrangement dépourvu de lumière comparé à celui de Noctis. Mais elle sourit tout de même en retrouvant la simplicité de ces petits points lumineux qui constituaient la voûte céleste terrienne. Alors, doucement, bercée par le bruit du feuillage agité par le vent, elle s'endormit.

Le lendemain matin, elle se rendit à pied jusqu'au village le plus proche. Le chemin était long, aussi, lorsqu'elle arriva au bout de cinq heures de marche, ses chevilles et ses jambes étaient douloureuses et couvertes d'égratignures. Elle entra dans une cabine téléphonique, composa le numéro d'Agathe et attendit. Mais alors qu'elle se sentait étrangement vide, privée de toutes ses émotions, son amie décrocha, et Céleste fondit en larmes.

***

Assise dans la salle à manger, Céleste ne savait que dire, que répondre aux multiples questions posées par Agathe et ses parents. Lorsqu'ils étaient venus prendre des nouvelles de la jeune fille, quelques jours auparavant, ils avaient trouvés la maison vide et ravagée. Les tables et les chaises étaient renversées, des tas de cadavres d'objets brisés jonchaient le sol, comme si une lutte sanglante avait eu lieu dans la demeure. Ils avaient, bien sûr, averti la police, mais les Wonderline demeurèrent – et demeuraient encore – introuvables.

— La maison... commença Céleste. Je ne sais pas ce qu'il s'y est passé. J'avais déjà disparue.

— Mais où étais-tu ? insista Agathe.

— J'étais à... Sur... Avec...

Mais les mots s'étranglèrent dans la gorge de la jeune fille. Une multitude d'émotions la submergeait, l'empêchant de parler. Alors, lorsqu'elle vit tous les visages tournés vers elle, elle explosa.

— J'étais à Noctis, dit-elle en sanglotant. Ma mère... Pendant tout ce temps ! Elle était là-bas... Je l'ai retrouvée, mais... Mais Papa... Il a été enlevé par... Par mon père en fait ! (Elle laissa échapper un petit rire ironique. ) Roméo et Lætitia... je ne leur ai rien dit. Je ne leur ai pas dit que j'étais partie. Demain, quand ils verront que je ne suis pas à la Ruche... Ah, la Ruche, les ADM, les Archives ! Et puis... Mes Pupilles. Je suis la plus lamentable de tous les apprentis, incapable de les maîtriser, et désormais, plus personne ne pourra m'apprendre à le faire. Je vais encore faire des dégâts... Et puis j'ai trop peur de réessayer. Et si je prenais feu à nouveau, sans que personne cette fois-ci ne puisse me secourir ? Même dans cet autre monde, je ne suis pas à ma place. Je n'ai de place nul part, de toute façon !

Les parents d'Agathe et elle-même papillonnaient tous trois des paupières, ahuris, et passablement inquiets. Céleste avait parlé tellement rapidement que seul quelques brides de mots leur étaient parvenues. Enfin, le père de la jeune fille se décida à parler.

— Céleste, dit-il d'une voix ferme, je pense que tu as besoin de repos. Nous reparlerons de tout cela demain, tu veux bien ? Tu peux rester ici tout le temps que tu en auras besoin, d'accord ?

Céleste bafouilla quelques remerciements et se précipita à l'étage où un matelas lui avait installé au pied du lit de son amie. Comme son départ avait été précipité, elle n'avait emporté aucune affaire, aussi se laissa-t-elle tomber sur le duvet entièrement habillée. Cependant, elle ne pût trouver le sommeil, cette nuit-là. Elle ne cessait de se demander ce qu'elle ferait ensuite. Retourner à Noctis ? C'était hors de question. Retrouver son père ? Sans aucune piste, c'était comme chercher une aiguille dans une motte de foin.

Aucune piste...

Et si, au contraire, elle en avait une ?

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