9 - Où l'on se croirait chez Famous Dave's

Le repas se déroula calmement, ce qui surprit Tina : elle pensait que Ove aurait fait un scandale en raison du vote qu'elle avait proposé un peu plus tôt. Le Suédois avait gagné une place sur un hamac bien peu confortable. Raven et Boyd dormaient sur un énorme matelas à eau dans la chambre principale et la jeune femme avait droit à la « chambre d'ami », c'est-à-dire l'équivalent d'une suite royale. Puisqu'ils allaient traverser une zone de bas-fonds, Boyd déclara qu'ils pouvaient manger ensemble, à condition de bloquer la barre, ce qu'il ne savait pas du tout faire avec ce modèle de yacht-là. Il fallut à Raven et Ove une heure avant de trouver le moyen de sélectionner un cap et de lancer la conduite automatique. Nul besoin de préciser que ni l'officier de l'US Air Force ni la médecin-légiste fraîchement divorcée ne les avaient attendus pour commencer à goûter les crevettes cocktails.

— Sérieusement ?! J'me tanne le cul à trouver une solution et vous commencez sans...

— Un classique... soupira Raven Orlov en s'asseyant souplement dans un fauteuil en cuir qui devait coûter le prix de trois loyers pour Ove Rapp.

Il vola une crevette à son amant, qui lui saisit la main et posa un rapide baiser dessus :

— Tu me pardonnes ? Tu sais que je déteste mélanger le plaisir et le travail.

— Attends un peu, ça veut dire quoi, ça ?!

Ove surprit l'étincelle d'amusement dans les yeux de Tina, ce qui le mit encore plus en rogne. La jeune femme lui donna un petit coup de pied et rit :

— Boyd connaît la mécanique sur le bout des doigts, puisqu'il est pilote. Il m'a dit qu'il avait juste la flemme de vous aider. J'avoue que comme mon père était concepteur dans une grande boite automobile, je pense que j'aurais aussi pu tirer mon épingle du jeu, mais c'était tellement drôle de vous entendre galérer...

— Il est... et toi, tu...

— Allez, repose-toi, tu as beaucoup travaillé ! lança l'Américain, hilare. Ove, tiens, je t'ai préparé des ribs d'enfer. Nous non plus on n'a pas chômé !

La médecin-légiste et le militaire soulevèrent les dômes argentés qui trônaient sur la grande table ronde en bois vissée au sol. Un fumet alléchant vint mettre l'eau à la bouche de tous les voyageurs : ribs de porc, gravey, poulet frit et légumes croquants : Ove et Raven pardonnèrent aussitôt à leurs compagnons de traversée.

— J'ai sorti tous les dressings ! se félicita Boyd en faisant rouler une desserte recouverte d'une nappe blanche brodée et de toutes les sauces possibles et imaginables. Même la stupide bizarre sauce que les stupides fans de Rick and Morty ont fait la guerre pour avoir.

— Bon... grogna Raven en décalant la vasque à champagne qui se trouvait entre lui et l'Américain. Assez d'alcool pour ce soir. Non, pas la peine de me faire ces yeux-là...

— Oh, trop bien ! Lingonsylt ! C'est trop bon, ça ! s'exclama Ove en soulevant un petit pot rempli d'une sauce rouge.

— On ne mange pas de la confiture avec des côtes de porc, le sermonna Tina.

— J'suis juif, j'fais c'que j'veux, rétorqua Ove en étalant la confiture d'airelles sur ses ribs croustillants.

— Ce n'est pas une... tu n'es pas censé ne pas manger de porc ?!

— J'viens d'te dire que j'suis juif, t'as pas le droit d'me critiquer.

Ove afficha un immense sourire à l'adresse de la jeune médecin-légiste qui levait un sourcil, incrédule.

— Tous les cinquante ans, les autres peuples nous critiquent tellement qu'on perd la moitié d'nos effectifs. Entre temps, on fait c'qu'on veut. Mange tes carottes et lâche-moi la grappe.

Boyd soupira, des étoiles plein les yeux :

— Vous êtes trop mignons.

— On n'est pas ensemble !

Tina rougit : elle et Rapp avaient déclaré cela exactement en même temps.

— C'est ce qu'ils disent tous, murmura Raven en recouvrant ses côtelettes d'une sauce blanche. Tu penseras à t'essuyer d'ici une minute, Quigley ? Tu manges de la même manière que l'animal auquel appartenait ces muscles intercostaux.

— On se croirait chez Famous Dave's, non ? s'enthousiasmait Boyd, le menton ruisselant. J'adore trop.

Tina sourit : l'Américain mangeait à pleines mains, sans se soucier de se salir. Raven, à l'extrême inverse, se servait de la pointe de son couteau pour séparer l'os et la viande. C'est à peine s'il salissait ses couverts.

Le repas dura longtemps, ponctué de blagues, de plaisanteries légères, d'anecdotes de travail ou d'études. Plus personne ne songeait à la situation désastreuse. Après tout, sur un yacht de la taille d'une maison, la cavale pouvait être fort agréable.

Une fois la vaisselle lancée, Tina décida de prendre une douche. Le yacht était indépendant en eau potable grâce à un système de purification d'eau de mer par osmose : il était agréable de profiter de la chaleur de l'eau douce après une journée si longue. Elle chantonnait légèrement, se massant les cheveux avec un shampooing à l'huile d'ambre qui devait être hors-de-prix vu le packaging et le label « Imperial », lorsqu'elle entendit la porte s'ouvrir.

— Eh !

— C'est bon, ça va, y'a une vitre opacifiante et tu mets trois plombes. J'veux m'laver les dents.

— Va chez les mecs !

— J'ai pas envie d'les interrompre, ils ont l'air de tellement s'amuser...

Tina grogna et fronça les sourcils : depuis son histoire avec Maxim, elle s'était juré de ne plus laisser un autre homme l'approcher de sitôt. Quand bien même l'autre homme était torse nu, avait un postérieur à tomber par terre et des muscles sculptés par les anges. Elle entendit le robinet s'ouvrir et le Suédois commença à se brosser les dents.

— Raven a dit qu'il garderait le cap pour la première partie de la nuit. Après ça sera moi. Demain ça sera toi et Boyd.

— Déjà que tu viens m'embêter pendant ma douche, si tu pouvais t'abstenir de me parler, ça serait...

— Pourquoi, j't'ai interrompu juste avant l'orgasme ?

Ove plaisantait, comme toujours avec ses gros sabots, mais la jeune femme, qui repensait à son serment et à l'attitude de Maxim – qui, forcément était l'attitude de l'intégralité des hommes sur cette planète – vit rouge. Elle était fatiguée, de mauvaise humeur et, il fallait la comprendre, elle venait de divorcer pendant sa lune de miel d'un véritable maquereau. Ove Rapp et sa gouaille n'arrivaient pas au bon moment.

Aussi, le policier faillit avaler sa brosse à dents lorsque la porte opacifiée de la douche s'ouvrit avec fracas, révélant le corps menu mais tout en courbes de Tina Aveterco. Le Suédois détourna aussitôt la tête, l'air contrarié :

— Mais ça va pas, la tête ?! T'as été élevée où ?

— Je te retourne la question ! Dégage de là !

— J'ai pas fini d'me rincer la bouche !

— On est entourés d'eau ! Tu n'as qu'à te rincer la bouche à l'eau de mer, c'est bourré d'iode !

— Mais tu déconnes, j'esp...

— DÉGAAAAAAAAAAAGE !

Ove, qui tenait à garder les yeux fermés, sentit les mains mouillées de la jeune femme se plaquer contre sa peau nue. Il décida de sortir sans protester et sans se retourner. Sans admettre non plus que, malgré la gêne qu'il avait éprouvée, il avait ressenti une attirance quasi-animale envers la jeune femme. La voix de cette dernière lui parvint à travers la porte close de la chambre.

— Ça parle, ça parle, mais ça fait pas grand-chose !

— J't'emmerde, la Schtroumpfette !

En se couchant dans le hamac, après s'être rincé la bouche à l'eau pétillante, Ove décida d'admettre qu'il avait poussé le bouchon un peu loin et qu'il n'aurait pas dû entrer dans la salle de bains sans demander l'autorisation. Mais que, quand même, cette fille était plutôt sexy. Surtout quand elle s'énervait comme ça.

Tina Aveterco, elle, s'allongea sur le matelas à mémoire de forme du lit King Size de sa suite en regrettant d'avoir réagi aussi violemment. Ove lui avait, après tout, sauvé la vie plusieurs fois aujourd'hui, et il se retrouvait manifestement dans le pétrin à cause d'une kabbale menée contre elle. Cette réflexion, qui dura longtemps malgré le moelleux des coussins, la fraîcheur de l'air conditionné et la légèreté de l'édredon, amena à la suivante : pourquoi avait-on tenté de la tuer, puis de la piéger ?! Maxim ? Il aurait attendu qu'elle rentre en France et il était plus du genre lâche – coucher avec des mineures... – que planificateur diabolique. Il devait déjà être dans les ennuis jusqu'aux cou en France. Son métier à elle n'était pas toujours simple, mais elle était protégée par un certain secret professionnel et les menaces au cours de procès visaient plus les juges. Alors pour quelle raison viendrait-on jusqu'aux îles Caïmans pour essayer de la tuer ?

Vers quatre heures du matin, bercée par le ronronnement du moteur et par le bruit des vagues contre la coque, elle commençait à sentir la fatigue avoir raison de ses angoisses lorsque sa porte s'entrouvrit lentement. Elle eut le réflexe animal de s'immobiliser et de faire semblant de dormir. Ce qui est un réflexe stupide. Au beau milieu de l'océan, un voleur s'introduira difficilement dans votre yacht lancé à pleine vitesse. Tina, en songeant à ce détail, faillit se redresser pour hurler lorsqu'elle sentit un corps lourd tomber sur elle et une large main se plaquer sur sa bouche, étouffant son cri d'alerte...

*

Voilà !!! J'espère que ça vous plaît (sinon je pleure, parce que je suis crevée)... 

Merci beaucoup pour votre lecture, merci tout spécialement à ceux qui votent et qui m'ont laissé tant de commentaires. 

Maintenant, je crois que je vais devoir regarder La Planète au Trésor. J'espère que c'est bien ^^"

Bisous, 

Season.

PS : la musique, c'est parce que je la SURKIFFE, déjà, qu'ils sont dans les îles, ensuite et enfin parce que, bon, tension sexual, quoi. 

PPS : oui, il y aura des scènes olé, olé. Par contre, comme je n'aime pas contrevenir aux règles et que Wattpad est - malgré le contenu souvent salace qui s'y trouve - hyper strict vis-à-vis de ça - notamment en raison du large public mineur qui s'y trouve - je respecterai la règle instauré et la version non censurée sera dispo sur Amazon. Mais ici, ça restera en PG-18 ;-)

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