10 - Où l'on reparle des fesses d'un certain Suédois

Je crois que les hommes ne sont pas faits pour moi.

Non, franchement, mon copain de lycée avait la personnalité d'une boîte de thon, mon mec de la fac de médecine était un menteur et un lâche fini et le nec plus ultra, Maxim Terence James Edgecliff. Grandes études, soirées dans les lieux les plus select, moyens quasi illimités. Maxim vous semble être le parti idéal ? Eh bien je vous le laisse ! Je ne voyais sans doute pas ses petits défauts irritants, comme sa volonté d'être en compétition en permanence – oui, même avec moi, sa fiancée –, son désir d'être toujours le premier partout, son léger machisme qui pointait le nez petit à petit, ses mensonges blancs, sa malhonnêteté, son goût de sauver les apparences coûte que coûte.

Sa mère, aussi, tiens. Quelle vieille seringue.

Ah, oui, et son côté tête en l'air. Insupportable. Par exemple, une fois, il a fait un aller-retour en Suisse pour aller chercher une montre hors de prix et a acheté tout sauf sa stupide montre. Ou alors la fois où il a oublié de me souhaiter mon anniversaire. J'oubliais la dernière en date – vous allez rire ! – : Maxim a complètement oublié qu'on venait de se marier lorsqu'il a décidé de plonger dans le lit d'une prostituée de quinze ans.

Et là ? Oh, jeune divorcée d'un connard millionnaire, je viens de me faire sauter dessus en pleine nuit par un inconnu.

Sur un yacht.

Au milieu des Caraïbes.

En fuite pour le Mexique.

Non, parce que dans tout ça, le dernier mec plus ou moins potable que j'ai croisé, c'est une espèce de surfeur blanc comme... eh bien, comme la Lune, macho au possible, provocateur et mal élevé ! Ove Rapp ! Pitié, si Dieu existe : perds le moule, un comme lui ça suffit amplement. Ce type, je ne sais pas comment, s'est arrangé pour me mettre dans une situation invraisemblable. Je vous explique : je me suis fait tirer dessus – moi ou lui, franchement il a bien la tête à s'attirer des ennuis – et ma chambre a été saccagée pour faire croire que j'avais tué un homme. Pas Maxim, non, même si j'aurais bien aimé. Un inconnu que Ove Rapp aurait blessé dans sa chambre à lui. Les flics des Îles Caïmans nous recherchent sous quinze mille chefs d'accusation et la seule chose intelligente que monsieur Rapp ait trouvé à faire, ça a été prendre en otage un officier de l'US Air Force et son yacht – ça a beaucoup amusé l'officier en question –, mais également le copain du dit-officier.

Vous voyez un peu le tableau ?

Et donc, là, dans ma chambre, dans le yacht, un homme vient de me tomber dessus pour me bâillonner avec sa main. Je trouve personnellement que ça commence à faire beaucoup.

— Chut, chut, chut ! souffle l'inconnu dans mon oreille.

Je le sens qui s'allonge sur le lit, contre moi. Il soulève lentement sa main de ma bouche, un doigt après l'autre.

— C'est bon, t'es calmée ?!

Ove Rapp. L'imbécile qui m'a sans aucun doute possible fichue dans cette galère. Je le déteste.

— Je vais te dire une bonne chose ! je fuse en me tournant brusquement vers lui.

Oulà. D'une il est vraiment très près de moi et de deux il est torse nu. D'accord, il fait chaud – moite, je dirais même, malgré l'air marin –, mais ça n'explique pas pourquoi je sens mon corps prendre subitement deux degrés Celsius. À nouveau, il pose sa main sur ma bouche pour m'empêcher de râler.

— Chut, j'te dis ! T'as quoi dans les oreilles ?! chuchote-t-il. Bon, ça va, j'peux en placer une ?

— Si tu me promets de dégager de mon lit dans la minute... je grogne.

Bon sang, il sent super bon. Vous savez, quand un homme sort de la douche avec les cheveux mouillés et la peau imprégnée du parfum du savon ? C'est exactement ça.

— Qu'est-ce que tu r'gardes ? Mes pecs ?

— Tu viens pour me dire un truc de la plus haute importance ou pour faire un concours de muscu ? Parce que tu gagnes sans conteste, merci d'être passé, bonne nuit.

— Attends, il faut que j'te dise un truc, j'pouvais pas t'en parler devant les deux autres.

— Quoi, tu as élucidé la raison pour laquelle tout un peuple semble en vouloir à ma vie ? j'ironise.

— Sachant que tu as fait un black-out de plus de vingt-quatre heures, me rétorque cet imbécile de flic suédois, je me la ramènerais pas trop, à ta place.

Ah, oui, parce qu'il se pourrait que j'aie pris une monstrueuse cuite lorsque Maxim Edgecliff a été arrêté et renvoyé en France. Après que je l'aie forcé à se rendre à la police. C'est bon, ça arrive à tout le monde.

— Qu'est-ce que tu voudrais que j'aie fait, pendant vingt-quatre heures ?! je crache tout en gardant un ton de voix bas. Démantelé un cartel de drogue ?

— Démantelé je sais pas, mais en tout cas, j'peux t'assurer que ce yacht contient sans doute pas que quatre connards en fuite !

— Qu'est-ce que ça veut dire ?!

— Ça veut dire que Raven Orlov, le serveur, c'est le fils aîné de Ivan Orlov, l'un des parrains de la pègre moscovite !

— Et alors ?!

— T'es sûre que t'es médecin-légiste ? me fait le Suédois en fronçant les sourcils. Parce que t'as pas la déduction facile, j'crois bien.

— Raven est ici en... il est ici pour un job d'été !

— Oh, pitié, à d'autres !

— Il bosse douze heures par jour, je l'ai vu depuis que je suis arrivée ! Tu crois qu'il aurait le temps de refourguer de la coke à quelqu'un ?!

— Tu crois quoi, toi, que les îles Caïmans sont visitées par des Bisounours ?! S'il est serveur, c'est encore mieux ! Il a accès à tous les clients friqués de cette putain d'île !

— Ne manque pas de respect aux Îles Caïmans !

Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça. Sans doute parce que ce type a raison de A à Z, qu'il est actuellement en train de me faire passer pour une abrutie finie et que j'ai besoin d'avoir le dernier mot sur quelque chose.

— Qu'est-ce qu'on fait, alors ? je murmure en soutenant le regard furieux de Ove.

— Je sais pas, miss je-sais-tout. On est dans la merde, c'est tout ce que je sais ! Demain, je vais essayer de voir s'il y a des armes à bord. Ou de quoi en faire.

— Mais rassure-moi, tu es flic ou...

— J'étais dans l'unité amphibie de la Marine suédoise.

— Tu étais marin ?

Je me l'imagine avec une pipe et un chapeau à la Popeye, mais son regard noir me dissuade de tout commentaire.

— J'étais dans les Marines suédois, si tu préfères.

— Et tu as choisi de faire flic en France parce que... ?

— Arrête avec ton petit air narquois. Ça te regarde pas.

Ah, j'ai touché une corde sensible. Non, ça ne m'amuse pas plus que ça, en fait. S'il y a bien une chose que je déteste, c'est profiter du chagrin d'une personne. J'ai vu trop de salopards, dans mon boulot, qui faisaient ça. Des criminels. Parfois des proches d'une personne décédée. Qui se délectaient de la mort de quelqu'un. C'est glauque, je sais. Mais j'en ai vu.

— Désolée, je dis.

Rapp hausse les sourcils :

— Ah ouais ?

— Quoi ?

— Toi qui t'excuses ?

— Eh bien quoi ?

— Tu voudrais pas m'faire un bisou, tant qu't'y es ? se moque aussitôt ce grand imbécile.

D'un solide coup de genou, je le pousse en arrière. Je n'avais pas réalisé qu'il était en équilibre sur le bord du lit et il s'étale par terre en jurant copieusement.

Il finit par quitter la chambre en m'ordonnant vertement de ne pas rester seule avec Raven. Voire ne pas rester seule du tout. Qu'il m'agace !

Le lendemain matin, au petit déjeuner, la première chose que je remarque, c'est l'air malicieux de Boyd Quigley, capitaine honoraire du navire. Il me lance un clin d'œil :

— Alors ? me fait-il avec son accent californien. Finalement, tout le monde a dormi accompagné, cette nuit ?

Ove arrive juste derrière moi et me glisse la main de façon très osée sur les épaules – dois-je préciser que je suis en débardeur et paréo ? –, avant de me poser un baiser au creux du cou.

— Oui, Tina, je leur ai dit. On est entre nous, pas la peine de se cacher le matin, je pourrai dormir avec toi maintenant.

Dans ma liste de ce qui m'énerve le plus, ce matin, il y a :

- Ove Sven Rapp

- Ove Sven Rapp qui s'allonge torse nu sur une chaise longue pour prendre son petit déjeuner

- la chair de poule qui est apparue sur mes bras lorsqu'il m'a embrassée et qui ne veut pas disparaître malgré la chaleur ambiante

- Ove Sven Rapp

- la possibilité que Raven Orlov (qui vient d'émerger de sa cabine en grognant que si quelqu'un criait, il le passait par-dessus bord) soit un mafieux revendeur de drogue que j'aurais contrarié

- les abdos d'acier d'Ove Sven Rapp

- le type qu'on a retrouvé mort à l'hôtel

- les fesses d'Ove Sven Rapp

- le flic que Ove a assommé dans ma chambre

- l'éventualité que notre bateau soit en fait bourré de cocaïne ou de méthamphétamine

- Ove Sven Rapp

Je crois qu'on a fait le tour. 

*

Aloooooooooooooooors que pensez-vous de ce passage ? Oui, moui, bof, à jeter ??? Rayez la mention inutile. 

Et à très vite pour - certainement - une confrontation au sommet avec un jeune Russe ( à voir pour la mafia ^^). 

N'hésitez pas à m'inonder de commentaires : vous êtes les lecteurs les plus bavards entre toutes mes fictions, et j'adore ça !!! <3

Bisous 

Sea

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top