Chapitre 1

Sophie éteignit son réveil et soupira : elle aurait préféré prolonger son rêve. Il lui avait semblé si réel ! Mais aujourd'hui était un jour de cours. Elle allait devoir supporter ses camarades de classe une fois de plus. Comme tous les jours, elle serait leur souffre-douleur, elle subirait leur jalousie, et surtout, elle devrait supporter leurs pensées. De tous ses problèmes, celui-ci était de loin le pire. En effet, elle ne pouvait en parler à personne sans risquer de se faire interner dans un hôpital psychiatrique ou pire, dans un laboratoire dans le cas improbable où on croirait son histoire. La seule personne à qui elle pourrait en parler serait Amy, sa sœur. Elle lui apporterait son soutien. D'ailleurs, Sophie avait déjà envisagé de lui parler de son anomalie ; cependant, Amy avait tendance à parler de tout à tord et à travers, surtout de ce qui doit rester secret. Mais malgré ça, Amy restait la seule personne à qui Sophie pourrait s'adresser si elle en éprouvait le besoin.

Sophie finit de se préparer et quitta sa chambre en traînant les pieds. Quand elle était chez elle, c'était son refuge : les murs épais permettaient d'atténuer le brouhaha incessant des pensées de sa famille.

« Sophie ? Dépêche-toi ! J'ai pas envie d'être en retard ! cria soudain Amy.

- C'est bon, j'arrive, pas besoin de réveiller tout le quartier ! Et puis, il n'est pas si tard !» répondit Sophie.

Elle vérifia une dernière fois qu'elle avait bien pris tous ses livres de cours et rejoignit Amy à la porte. Dix minutes plus tard, le portail en fer forgé de l'école se dressait devant elles. Bien qu'elle soit dans cet établissement depuis le primaire, Sophie le trouvait toujours aussi splendide. Presque chaque élément le composant symbolisait quelque chose. La partie la plus imposante de la porte était un arbre sur lequel était suspendu un blason. Représentés à l'intérieur de ce dernier, un griffon et une licorne se faisaient face. On lui avait expliqué que l'arbre symbolisait la connaissance, purifiée par la licorne et dont le griffon était le gardien. Au-dessus du blason, la devise de l'école attirait tous les regards à elle. Elle montrait que les deux espaces séparés par le portail étaient indubitablement liés : l'école et la ville, l'apprentissage et la vie. En effet, on pouvait lire en latin «Vitae non scholae discimus», c'est-à-dire, «C'est pour la vie et non pour l'école que nous apprenons». Surplombant le portail, deux cornes d'abondance entouraient une couronne de lauriers, symbole de victoire et de génie. En-dessous se tenaient deux dragons. Ils paraissaient attendre tous les bienfaits des cornes d'abondance remplies par le savoir, avant de pouvoir prendre leur envol. De part et d'autres du portail, les grilles mettaient en scènes les divinités grecques au travers de leurs attributs. Sur les grilles à droite du portail, on pouvait reconnaître les déesses — un paon pour Héra, une chouette pour Athéna, un cygne pour Aphrodite, une flamme pour Hestia, une biche pour Artémis — tandis que les dieux étaient représentés à gauche — un aigle pour Zeus, un trident pour Poséidon, Cerbère pour Hadès, un casque pour Arès...

Tout à sa contemplation de la majestueuse clôture, Sophie fut étonnée lorsqu'elle se retrouva face à la petite porte d'entrée du collège. Elle ne ressemblait en rien au portail principal de l'établissement. En effet, il s'agissait là d'un portillon à peine assez large pour laisser entrer deux vélos côte à côte. Sophie espéra ne croiser personne jusqu'à sa classe : elle éviterait de se faire traiter «d'Anomalie» dès le matin. Quelle galère d'être en 5° à seulement 9 ans ! C'est pourquoi elle partait le plus tard possible afin de croiser le moins de monde possible.

Comme elle l'avait espéré, la quasi totalité de la cour et des couloirs était vide. Elle pu ainsi arriver sans encombre jusqu'à sa classe. Cependant, alors qu'elle allait rejoindre sa place habituelle (c'est-à-dire tout au fond de la salle), elle se fit violemment bousculer et tomba sur la personne qui se tenait derrière elle. Il s'agissait de Swan, une peste qu'elle essayait généralement d'éviter. Malheureusement pour Sophie, elle était en train de montrer à ses amies son nouveau miroir de poche, qui tomba et se cassa suite à la collision. Sophie tenta en vain de s'excuser :

«Je suis vraiment désolée... Je ne voulais pas ...

- Une maladroite pareille, ça ne devrait même pas exister ! la coupa Swan. Surveille tes arrières, tu en auras besoin.»

Sophie se dépêcha d'aller à sa place en attendant le début du cours. Au moins, les autres la laisseraient alors tranquille... Jusque là, ils n'avaient rien tentés devant les profs ; mais Sophie savait que ce n'était qu'une question de temps : personne ne supporte les petits génies... Les deux heures de cours passèrent beaucoup trop vite pour Sophie, non à cause des notions abordées, mais parce que Sophie savait que Swan comptait se venger pendant la pause. Même si Sophie savait ce qui l'attendait, elle ne savait pas comment s'en sortir sans mal : maladroite comme elle était, elle avait peu de chance de pouvoir courir sans tomber ou provoquer une nouvelle catastrophe...

Lorsque la cloche sonna la fin du cours de sciences (qui parlait de champignons bio-luminescents), Sophie se sauva dans la cour dans le but d'échapper à la colère de Swan. Malheureusement, Swan et ses amies la suivirent, bien décidées à lui faire payer la mésaventure du miroir. Souhaitant semer ses poursuivantes, Sophie tourna dans un passage sombre et étroit qui se révéla être un passage sans issue. Elle espéra, sans vraiment y croire, que Swan ne l'ait pas vu tourner et se réfugia au fond de l'impasse.

Malheureusement, son maigre espoir se brisa quand elle aperçut leurs quatre silhouettes familières à l'entrée de la ruelle. Portant des couleurs sombres, Sophie essaya de se fondre dans le mur au bout de l'impasse et ferma les yeux. Elle aurait voulu disparaître complètement ! 

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