salomé


« — elle a perdu la tête », se dit José en regardant sa dulcinée se jeter par la fenêtre ouverte.

Il soupire, pose sa bière à demi entamée et se traîne jusqu'aux rideaux qu'il ferme d'un geste las. En se penchant un peu contre le tissus rapiécé il entend Salomé en bas qui rit à gorge déployée. La fenêtre ainsi dissimulée, il retourne vers le canapé qui grince quand il s'y laisse tomber.
Il gigote, attrape un mégot dans le cendrier et entreprend de l'allumer. La fumée monte et ondule jusqu'au plafond avant de s'évaporer dans l'air. L'odeur âpre de la cigarette se répand bien vite, bien trop vite même, et en quelques secondes le parfum fruité de Salomé a disparu de la pièce.

« — merde, grogne-t-il. »

Il va bien falloir qu'il aille la chercher, à un moment où un autre. Il sait très bien qu'elle n'arrivera pas toute seule à remontrer les escaliers. Un étage, c'est très haut, surtout quand on a sauté d'une fenêtre. Et puis de toute manière, même si les escaliers n'étaient pas un problème, il y a celui de la porte d'entrée, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celle du voisin. 

« quelle idée, de faire des portes identiques dans un immeuble où chaque coin se ressemble déjà ? » se demande-t-il en jetant le mégot - bien terminé cette fois - vers la table basse. Malheureusement, ses réflexes sont un peu fatigués et il rate le cendrier pour s'écraser sur le tapis déjà plein de trous. 

— un de plus, un de moins, je ne vois pas où et le problème, réplique José a l'attention du grand portrait 19ème cloué au mur d'en face qui lui jette un regard de réprimande. 

Se levant tant bien que mal, il saisit son chapeau, le pose en équilibre sur ses cheveux aplati - un bon shampoing ne leur ferait pas de mal - et traverse le salon jusqu'à la porte d'entrée qu'il ouvre en chantonnant. Il fourre les clés dans la poche de son épais short en jean et claque la porte derrière lui en s'élançant dans les escaliers. 

« — J'ARRIVE, SALOMÉ ! » hurle-t-il en arrivant au ré de chaussé. 

Il a du crier un peu trop fort car la concierge de l'immeuble - que Salomé appelle Minette, même quand José s'efforce de lui expliquer qu'il s'agit de son chat et non d'elle même - glapit et s'écarte d'un bond précipité.

« — doucement ! Je vous prie ! » s'écrit-elle de sa petite voix aiguë.

Et José rigole tout en continuant à courir. Bientôt il atteint la petite cour où poussent quelques fleurs que le ciel parisien domine de son gris nuageux. Et là, couchée à plat ventre entre deux buissons de roses, Salomé l'attend. Sa jolie petite robe blanche est posée à quelques mètres de là ; elle est nue comme un verre avec seulement aux pieds son escarpin droit qui se dresse comme une flèche en direction de José.

Elle tourne les yeux vers lui en l'étendant arriver. 

« — mon amour ! lance-t-elle. 

— ma chérie ! répond José en se jetant près d'elle. »

Il se plante sur son coude et l'observe ; sa frimousse pâlotte parsemée de taches de rousseur et ses immenses yeux lagunes qui l'observent en silence. Il la trouve très jolie, comme ça, allongée au milieu des pétales fuchsias. Et elle doit le trouver très beau aussi, alors elle tend la main - sa toute petite main aux doigts si fins - et caresse tendrement la barbe naissante sur son menton. 

« — l'oiseau m'a promis que je savais voler, s'excuse-t-elle avec une moue désolée. 

— mais les oiseaux de parlent pas, ma Salomé.

Son visage d'ange se tord, ses yeux s'emplissent de larmes :

— il m'aurait donc menti ? souffle-t-elle, il entend son cœur se déchirer entre ses mots.

— non ! comment aurait-il pu te mentir, s'il ne peut même pas te parler ? »

Se suffisant de cette explication, les larmes disparaissent et le sourire de Salomé revient sur ses lèvres molles.

« — et puis je ne pouvais pas rentrer, les roses m'ont volé ma robe... 

José ouvre de grands yeux étonnés et se redresse un peu plus pour dévorer du regard le corps nu de sa belle qui attend sans rien dire. Après un instant de réflexion il lance en lui souriant :

— qu'elle la garde donc, tu es bien plus jolie sans. Je te porterai entre mes bras, personne ne verra quoi que ce soit. »

Elle hoche avidement la tête, ravie de cette idée. Ils se lèvent d'un même mouvement, se regardent quelques secondes, puis José ouvre les bras et elle se jette dedans. Il part en courant, manquant à chaque pas de s'étaler par terre, le poids de Salomé blotti contre son torse. Il l'entend rire dans son oreille et il rit avec elle.

Son souffle chaud à la base de son cou le fait frémir d'envie et il se penche pour poser un baiser sur ses lèvres. Les escaliers gravis en vitesse, il pousse la porte de l'appartement et s'élance jusqu'à la chambre pour y jeter son paquet qui s'écrase sur le lit avec un hurlement heureux. 

« — mon José ! Mon amour ! Viens, viens vite, je vais t'apprendre à voler. 

Et il se jette à son tour, atterrissant directement entre ses jambes qui enlacent sa taille dans une étreinte chaleureuse.

— oh ma Salomé, soupire-t-elle après être entré en elle, ton sourire est si beau, je m'y noierai presque. »

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Tags: #amour#folie