Chapitre 3 -Retrouvailles divines

Richa se retourna vivement à cette voix, qui invectiva Aïonn sur un ton méprisant, en se mettant instinctivement sur ses gardes sans savoir pourquoi, et elle découvrit à qui elle appartenait.
Le dernier des sept dieux principaux venait de les rejoindre, apparemment en retard, et il ne s'agissait pas de n'importe qui mais d'Earön'd, dieu du feu et de l'ordre, protecteur des forgerons, père d'Elië'll et souverain du panthéon elfique.
Toute trace de malaise avait quitté Richa à son apparition en faveur de ses sens en alerte grâce à l'éveil de son instinct de combattante qui prenait le contrôle de sa personne pour une raison inconnue.
Par réflexe, elle recula d'un pas pour avoir une meilleure vue d'ensemble sur la situation et jouir de plus grandes possibilités de réactions au besoin mais également pour se placer devant Aïonn, qui paraissait effrayé, en une attitude protectrice. Le remarquant, le dieu inférieur demeura stupéfait.
Le corps particulièrement tendu face à lui, Richa le détailla.
Si il n'était pas aussi grand qu'Akkar'ïll, il semblait dominer toute l'assemblée et dépassait tous ceux qui n'atteignaient pas le mètre quatre-vingts cinq, comme Richa. Ses épaules larges et sa musculature développée lui conféraient une apparence parfaitement proportionnée.
Son visage possédait la finesse et la stupéfiante beauté typiques des elfes mais ils étaient également imprégnés d'une certaine dureté, avec ses mâchoires fortes, ses lèvres fines, son nez droit, son front étroit, ses pommettes hautes et ses yeux étirés. Leur iris était d'un rouge flamboyant, évoquant davantage les flammes ardentes d'un brasier que le sang, à l'inverse de celles des vampires, que Richa avait pris coutume de fréquenter.
Ses cheveux étaient d'un blond incroyablement clair, tirant sur le blanc, bien qu'ils n'étaient pas aussi incolores que ceux d'Akkar'ïll, et noués en catogan à l'arrière de son crâne, exposant ses longues oreilles.
Sa tunique dorée était confectionnée dans un tissu inconnu à Richa dont les plis du drapés reflétaient la lumière. La poignée d'un sabre elfique dépassait de son épaule gauche.
Il se dégageait de lui un sentiment d'ordre et d'organisation, ce qui n'était guère surprenant d'après ses attributions. Aucune mèche ne dépassait de sa coiffure tirée en arrière, sa tenue était impeccable, tous ses vêtements parfaitement ajustés, ses bottes cirées. Rien ne semblait laissé au hasard.
Aucun doute, il était une personne carrée, droite, rigide, ce qui déplaisait à Richa. Avec son caractère imprévisible, elle ne pouvait certainement pas s'entendre avec quelqu'un de pareil.
Plus que ce sentiment d'ordre, il émanait de lui une aura impressionnante, écrasante, qui envahissait toute la salle en la remplissant. Aucun doute, il s'agissait bien d'un souverain et d'un dirigeant. Quelque chose laissait supposer à Richa qu'il n'acceptait que difficilement qu'on s'oppose à lui or, c'était la seule envie qu'elle avait : lui résister.
Quelque chose ne lui plaisait absolument pas en Earön'd mais certainement car tous deux semblaient représenter deux parfaits inverses pourtant, elle demeurait sur ses gardes, comme prête au combat. D'ailleurs, l'une de ses mains se dirigea par réflexe vers l'une de ses dagues, presque inconsciemment, mais elle ne les trouva pas, les ayant retirées et laissées sous son oreiller pour se coucher avant de rejoindre Aïonn dans la salle de musique du palais.
Avisant son mouvement et devinant qu'il avait pour but initial de dégainer une arme, Earön'd secoua la tête de gauche à droite et commenta avec un sourire qui se voulait amusé mais qui parut peu naturel à Richa :

« Ah Kaëv'ah, toujours fidèle à toi-même mais calme-toi. Inutile d'impliquer tous nos compagnons dans un quelconque malentendu.

- Fidèle à moi-même, releva Richa sur la défensive, je pourrais pas vraiment vous le dire.

- Comment ça ? S'étonna Sirëno'el.

- Je suis amnésique. Déclara Richa, feignant d'avoir retrouvé ses moyens, refusant de paraître faible et bouleversée devant Earön'd.

- Quelle horreur ! S'émut Hirillëë.

- Amnésique ? Répéta Earönd'. Que veux-tu dire ? Aurais-tu donc oublié ce qui t'as amené à disparaître dans les dimensions des mortels ?

- Ça et tout le reste, précisa Richa. Je reconnais les dieux en vous mais je ne me souviens pas de vous. En ce qui me concerne, vous êtes tous de parfaits inconnus.

- Et tu n'as pas cru bon de nous en informer, toi. Accusa Ydraëlle en se tournant vers Aïonn, qui écarquilla les yeux en ouvrant la bouche mais il fut incapable d'émettre le moindre son.

- Et quand aurait-il pu le faire entre le moment où vous avez tous débarqué et où on a commencé à parler ? Le défendit Richa. En plus, je n'ai besoin de personne pour faire les annonces à ma place.

- Surtout pas de lui. Ajouta Earön'd.

- Si, contredit Richa. Si j'avais eu besoin de quelqu'un pour parler à ma place, je le lui aurait demandé à lui.

- Effectivement, il semble bien que tu aies perdu la mémoire pour dire de telles absurdités. Commenta Ydraëlle.

- Que...que veux-tu dire par ''tous de parfaits inconnus'' ? S'inquiéta Elië'll.

- Rien de plus que ça, répondit Richa. Ma mémoire est vide de tous souvenirs antérieurs à quelques années, quand je me suis réveillée sur Terre et j'ai réussi à en retrouver aucun, malgré mes efforts, expliqua Richa. Je vous connais pas, aucun d'entre vous, personnellement du moins. Aïonn a eu beaucoup de mal à me convaincre que j'étais Kaëv'ah. J'ai encore de la peine à y croire d'ailleurs mais...les preuves sont là, pas vrai.

- Tu...es restée sans savoir qui tu étais durant tout le temps où tu avais disparu ? Compatit Hirillëë. Tu as dû être tellement perdue, ma pauvre sœur.

- J'ai fait avec. Répondit sobrement Richa.

- Mais...mais comment est-ce possible ? Balbutia Elië'll. Tous tes souvenirs...

- C'est le mystère qu'il reste à éclaircir. Mais Aïonn pense que c'est d'avoir quitté la dimension divine qui a effacé ma mémoire, pour une raison ou une autre.

- Comme si nous pouvions nous fier à l'avis de ce misérable. Se moqua Earön'd.

- E...être ici ne ravive pas tes souvenirs ? Même...même pas un peu ? Demanda timidement Aïonn, se sentant encouragé à s'exprimer par la manière dont Richa paraissait se ranger de son côté.

- Nous ne t'avons pas donné la parole. Le tança Ydraëlle.

- Non, aucun. Répondit Richa à Aïonn en ignorant les paroles d'Ydraëlle.

- Mais tu es rentrée maintenant, les choses vont s'arranger. L'encouragea Hirillëë avec un sourire.

- Cet endroit m'est familier et vos présences aussi, vaguement, mais rien de plus. Constata Richa. Mes souvenirs ne se réveillent toujours pas.

- Mais c'est seulement temporaire ! Insista Elië'll. Il faut un peu de temps pour que ta mémoire revienne et que tes souvenirs soient stimulés par ton environnement, ça va revenir, tout va rentrer dans l'ordre, c'est obligé !

- De toute manière, nous ne pouvons pas faire autre chose que d'attendre de voir comment la situation évolue. Raisonna Sirëon'el.

- La situation est ainsi, nous ne pouvons pas faire autre chose. Déclara Akkar'ïll d'une voix profonde.

- Donc, on reste juste comme ça ? On espère que les souvenirs vont revenir en croisant les doigts pour que ça arrive ? Lança Richa, plutôt dubitative.

- As-tu autre chose à proposer ? S'enquit Sirëon'el.

- Non, pas vraiment... Reconnut Richa. Donc on va rester là, à attendre ?

- Nous n'allons pas demeurer ainsi mais chacun va retourner à ses activités dans l'attente du retour de ta mémoire. Précisa Akkar'ïll.

- Et moi, je fais quoi ? Demanda Richa.

- Quelle question ! Tu reprends ta place, c'est pour cela que nous avons envoyé ce moins que rien te chercher. Répondit Earön'd.

- Aïonn, il s'appelle Aïonn, signala Richa avec les poings serrés. Et, sinon, je peux donner mon avis et dire ce que je veux ?

- Ce que tu veux ? Tu ne veux pas rester avec tes proches ? Paniqua légèrement Elië'll.

- Je vous l'ai dit : pour moi, vous êtes des inconnus, pas des proches, désolée.

- Ce n'est pas la question, d'ailleurs, la question ne se pose pas, l'interrompit Earön'd. Tu es une déesse, l'une des sept divinités principales du panthéon elfique. Ta place est ici, parmi les autres dieux. Sans toi, l'équilibre du panthéon est menacé. Tu dois être ici. Par ailleurs, ton propre corps doit bien te faire comprendre que tu dois reprendre ta place. Je suis sûr que tu n'as pas accès à tous tes pouvoirs, que tes blessures ne se soignes pas d'elles-mêmes, que certaines ont déjà manqué de t'être fatales, tu as besoin de dormir et de manger. Tout ça, c'est parce que tu es coupée de la dimension divine.

- Aïonn me l'a déjà dit. Grogna Richa.

- Ce n'est pas cette erreur qui te le dis, c'est moi, ton souverain. Insista Earön'd.

- Ça change rien à la valeur de l'info, c'est toujours la même. Rétorqua Richa, faisant grincer des dents à Earön'd.

- Tu dois rester ici, c'est ta place. Répéta Earön'd.

- De toute manière, que vas-tu faire si tu ne restes pas ici ? Retourner chez les mortels ? Ne sois pas ridicule, ma fille. Argumenta Ydraëlle.

- Oui, par exemple, la contredit Richa. Je pense à retourner auprès de mon père pour ne pas qu'il se sente abandonné, encore. Je suppose que tu vois de qui je parle, Ellaëdry. Pardon, Ydraëlle.

- Qu'est-ce que... Souffla Ydraëlle, les yeux écarquillés, particulièrement déstabilisée par cette remarque.

- Tu dois te souvenir de lui, poursuivit Richa, Sarrion Vervaïl, le roi des Terres de Sang, certainement la personne qui méritait le moins de se faire briser le cœur et abandonner de tout ce putain d'univers. Tu sais quoi ? Il s'est jamais remis de ton départ. En même temps, voir la personne dont tu es follement tombé amoureux t'abandonner, ça doit être dur, mais j'imagine que tu savais ce que tu faisais en le séduisant comme tu l'as fait.

- Tu es allée à la rencontre de ton géniteur mortel ? C'est une plaisanterie ! S'emporta Earön'd.

- Et alors ?

- C'est interdit, tu n'as pas à t'intéresser à lui, c'est un mortel. Son importance est secondaire. Expliqua Sirëon'el mais une ombre habitait son regard.

- L'importance d'une personne se mesure à celle qu'on veut bien lui accorder. Sa nature a pas de rapport avec sa valeur, déclara Richa. En ce qui me concerne, Sarrion est important !

- Arrête de parler de lui ! S'écria Ydraëlle.

- On dirait que ta mémoire vide t'a rendue encore plus irrespectueuse et insensée qu'auparavant. Je n'aurais pas cru cela possible. Commenta Earön'd, les mâchoires contractées.

- S'il vous plaît, sommes-nous réellement obligés de nous énerver et de crier, tempéra Akkar'ïll. La situation est complexe et inédite, chacun réagit avec ses moyens, mais, justement, nous devons nous soutenir les uns les autres pour trouver comment la surmonter. Evitons de nous entre-déchirer. N'est-ce pas Kaëv'ah ? (Richa demeura sans réaction). Kaëv'ah ?

- Ah oui, c'est moi ! Se rappela la jeune fille.

- C'est vrai que, si tu ignores ta véritable identité, tu ne pouvais pas utiliser ton vrai nom, réfléchit Hirillëë. Comment te faisais-tu appeler ? Si nous utilisons ce nom, la transition sera certainement plus simple pour toi.

- Je sens que ça ne va pas vous plaire... Murmura Aïonn, replié sur lui-même, pensant que personne ne capterait ses mots mais ils furent entendus.

- Personne ne t'a demandé ton avis à toi ! Le tança Earön'd. Tu ne devrais même pas avoir le droit à la parole. J'ai l'impression que ton séjour parmi les mortels t'a fait oublier comment les choses fonctionnent ici et quelle est ta place. A moins que tu ne penses qu'avoir réussir à ramener Kaëv'ah te donne le droit de passer outre le respect que tu nous dois à tous ?

- N...non, bien sûr que non ! S'affola Aïonn. J'ai seulement fait ce que je devais...

- Foutez lui un peu la paix ! Ordonna Richa. On parlait de mon nom, y a aucune raison de t'en prendre à Aïonn.

- Oui, ton nom, dis-nous. Recentra Hirillëë.

- C'est ridicule. Pourquoi chercher d'autres noms et t'appeler autrement maintenant que tu sais que tu es Kaëv'ah ? Tu as déjà un nom. Lança Earön'd.

- C'est Richa.

- Quoi ? S'exclama Ydraëlle. Mais...

- Ouais, je sais. Mais c'est tout ce dont je me suis jamais souvenu et puis, si je me suis rappelé qu'on m'appelait souvent comme ça, c'est sûrement à cause de vous. Et puis je suis une sang-mêlé, pourquoi chercher à le nier ou à le dissimuler. Expliqua Richa avec un sourire, satisfaite de lire la contrariété sur les visages de ses interlocuteurs.

- Et moi qui pensais que tu ne pourrais jamais devenir pire, je me fourvoyais. Se désespéra Earön'd.

- Moi, je vous emmerde. Répliqua Richa.

- Bon, maintenant que la situation est éclaircie, peut-être qu'il est inutile de prolonger encore la conversation, intervint Akkar'ïll alors que la discussion dégénérait à nouveau. Nous savons que Kaëv'ah est amnésique et que tout ce que nous pouvons faire pour remédier à cela est d'attendre en espérant que le temps l'aide à retrouver ses souvenirs à présent qu'elle est à nouveau parmi nous. Il me semble donc inutile de nous attarder encore sur le sujet. Il risque d'y avoir un incident sinon.

- La voix de la raison. Approuva Earön'd dans un soupir.

- Revoir ton domaine devrait t'aider à stimuler ta mémoire. Souhaita Hirillëë en s'adressant à Richa avec toujours son sourire bienveillant.

- Peut-être. Acquiesça Richa sans y croire réellement.

- Bien alors disons que cette réunion informelle est levée.

Déclara Earön'd et les autres acquiescèrent, excepté Aïonn, qui savait que ces paroles ne s'adressaient pas à lui, et Richa, qui leva les yeux au ciel, jugeant que les manières que faisait Earön'd étaient bien trop formelles et solennelles, surtout pour une simple conversation comme celle-ci.
Son mouvement oculaire n'échappa pas à Earön'd, qui vrilla un regard réprobateur furieux sur la jeune fille.
Cette dernière devinait sans la moindre peine que tous les deux ne s'entendaient guère avant son amnésie mais elle s'en moquait assez. Elle se doutait que l'aide dont elle aurait pu avoir besoin ne viendrait pas de lui.
Ayant donc la permission de se disperser, les autres dieux commencèrent à vaquer à leurs occupations. Aïonn serait certainement parti immédiatement si Richa ne l'avait pas prié de rester d'un regard éloquent et si il n'avait pas choisi d'obéir à sa jumelle.
A la place, ce fut Sirëon'el qui disparut de la salle du conseil la première. Pour elle, qui appréciait tout particulièrement le calme, le silence et la solitude, cette conversation aux accents houleux avait été bien trop mouvementée et elle avait donc besoin de se retrouver seule durant quelques temps. Avant de rejoindre son domaine, elle adressa un hochement du menton à Richa pour lui souhaiter un bon retour et la jeune fille le lui rendit.
Earön'd et Ydraëlle s'isolèrent entre eux pour converser de façon plus privée,certainement au sujet du retour de Richa et de son comportement déplorable. De son côté, Akkar'ïll ne se mêla pas à la discussion mais il resta non loin des deux autres pour s'assurer qu'elle ne dégrénerait pas comme la précédente. Visiblement, si Earön'd était le souverain du panthéon elfique, Akkar'ïll en était le grand frère qui s'efforçait d'apaiser les conflits en vérifiant que tout le monde cohabitait au mieux, ce qui n'était probablement pas une mince affaire entre Kaëv'ah et Earön'd.
Alors que la jeune fille s'attendait à ce que Elië'll se précipite à nouveau vers elle comme lors de son arrivée, elle demeura en retrait, ses yeux bleus baissés en s'agitant en tous sens. De toute évidence, elle était fortement troublée d'apprendre l'amnésie de Richa et encore plus par le fait qu'elle n'était plus rien qu'une inconnue pour elle.
Elle qui avait tant espéré et souhaité le retour de Kaëv'ah, qui avait rêvé de la serrer à nouveau dans ses bras, elle n'était plus qu'une inconnue qui ne se différenciait pas des autres. Aux yeux de Richa, elle n'était personne de particulier. Sans compter qu'elle ne la laissait pas s'approcher, gênée par ses gestes entreprenants envers elle.
Elië'll se tenant en retrait, Hirillëë la dépassa pour venir à la hauteur de Richa et prendre cette dernière dans ses bras en une étreinte fraternelle.
Surprise et déstabilisée, la jeune fille ne sut comment réagir. Après tout, c'était de sa sœur dont il s'agissait et également la seule personne qui semblait lui manifester de l'attachement dans toute cette assemblée, à l'exception d'Elië'll, qui l'incommodait plus qu'autre chose.
Se détachant d'elle, Hirillëë lui saisit le visage entre ses paumes pour l'observer en souriant :

- Je suis tellement contente de te revoir, petite sœur. Je te promets que tout ira bien, tu verras.

- Merci.

Souffla Richa, ignorant que dire d'autre, mais ce fut suffisant pour que le sourire d'Hirillëë s'élargisse davantage.
Ayant constaté que la jeune fille n'avait pas repoussé Hirillëë et qu'elle s'était même laissé enlacer, Elië'll se sentit encouragée et décida de tenter sa chance. De toute manière, elle n'aurait pas supporté de se tenir à distance de Richa alors qu'elle venait enfin de la retrouver après une trop longue absence et tant de temps.
La voyant s'approcher à son tour, Hirillëë s'écarta pour lui céder sa place auprès de Richa en adressant un clin d'œil complice à cette dernière,connaissant bien évidemment la relation qu'entretenaient les deux divinités, puis elle quitta la salle du conseil. La jeune fille aurait pourtant souhaité qu'elle reste, sa présence créant une barrière entre elle et Elië'll dont elle était gênée par les attentes et l'empressement, qu'elle ne pouvait satisfaire, pas alors qu'elle ne conservait pas le moindre souvenir d'elle.
La main d'Elië'll se tendit vers son visage pour se poser sur sa joue mais Richa l'esquiva en reculant, mue par un réflexe. Elië'll camoufla sa peine sous un sourire tiré et ramena sa main vers elle.
Tout en dévorant Richa du regard, elle constata :

- Au moins, tu n'as pas changé. J'ai bien cru que mon père et toi alliez en venir aux mains.

- C'est déjà arrivé ? S'enquit Richa, curieuse.

- Tu ne te souviens p... Pardon, c'est vrai que tu ne te souviens pas, tu ne le peux pas. Excuse-moi.

- C'est bon, l'excusa Richa. Faut bien que vous l'avaliez, vous aussi de votre côté. C'est simple pour personne, cette histoire.

- Pour répondre à ta question, peut-être vous seriez-vous battu physiquement si mon père n'aimait pas tant l'ordre. Une bagarre aurait risqué de provoquer trop de désordre.

- Je vois le genre. On dirait que l'amnésie n'a pas affecté mon caractère.

- J'en ai bien l'impression. Sourit Elië'll.

- Bon, on va pas rester là pendant des heures... Hirillëë disait qu'aller dans mon...domaine pouvait m'aider à faire remonter certains souvenirs alors...euh...je fais comment pour y aller ?

- Même ça tu l'as oublié. C'en est effrayant.

- Ouais, je sais, pas besoin de me le rappeler.

- Excuse-moi, c'est que...c'est perturbant de t'avoir face à moi, comme d'habitude, mais que tu ne puisses pas être entièrement considérée comme la même qu'avant... Pour ton domaine, il te suffit d'utiliser ta magie. Ferme les paupières, concentre-toi sur ton domaine et tu y seras. Peut-être sera t-il plus simple que quelqu'un vienne avec toi. Je vais t'accom...

- Je vais y aller avec Aïonn. »

Décréta Richa et, si personne n'écoutait particulièrement la conversation des deux déesses, tous ceux encore présents dans la salle du conseil entendirent sa déclaration.
Ydraëlle et Earön'd se tournèrent vivement la jeune fille en ouvrant la bouche,désapprouvant visiblement hautement cette annonce, et Akkar'ïll haussa simplement un sourcil. Quant au principal intéressé, Aïonn,il écarquilla les yeux et se pointa du doigt, ne pouvant croire que c'était de lui dont Richa parlait.
Normalement, tous deux n'auraient jamais dû entrer en contact et, à présent, elle exigeait qu'il l'accompagne, même si ils étaient de retour dans la dimension divine.
Les autres ne parviendraient probablement pas à la faire changer d'avis.
De toute manière, elle ne leur accorda pas l'occasion d'argumenter pour la dissuader ou de lui ordonner de ne rien en faire. Les ignorant, elle se dirigea vers Aïonn, toujours tassé sur lui-même dans un recoin et paniquant de devenir ainsi le centre de l'attention, et lui tendit la main.
Son regard violet toujours plus agrandi de stupéfaction, il fixa cette paume ouverte vers lui en une invitation sans savoir que faire. Il ne croyait pas quelqu'un ait un jour fait un tel geste en sa direction et il souhaitait y répondre.
Les larmes lui montèrent aux yeux.
Les retenant, il tendit timidement le bras vers Richa, incertain, mais il perçut soudainement le regard des autres, notamment ceux d'Earön'd et Ydraëlle, qui lui signifiait qu'il n'avait pas intérêt à saisir la main de Richa. Sensible à la menace, il préféra donc laisser retomber son bras et détourner la tête.
Richa ne l'entendait cependant pas de cette oreille et ne comptait pas céder à ses aînés pour si peu.
Elle saisit Aïonn par le poignet, le forçant à se relever, ferma les paupières, se concentra et disparut vers son domaine.

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