Chapitre 7 - Chasse au Pùca

Richa aurait souhaité écourter cette fête de bienvenue mais elle ne put qu'attendre qu'elle s'achève.
Elle était touchée de voir les attentions de ses proches, les efforts qu'ils avaient fournis pour fêter dignement son retour et lui montrer à quel point ils tenaient à elle, par leur joie et leur soulagement mais tout cela ne faisait que renforcer sa culpabilité car son malaise ne cessait de grandir.
Sur Terre, parmi des gens ordinaires qui vivaient des vies ordinaires loin de toutes les préoccupations qui animaient l'Enclave, elle ne se sentait pas à sa place. La sensation qu'elle n'avait absolument rien à faire ici l'obsédait de plus en plus.
Heureusement, la réception prit fin après deux longues heures et Richa prétexta un besoin de prendre l'air et de s'aérer l'esprit pour quitter le restaurant. Jonah n'en fut pas particulièrement surpris. Avant se disparition, la jeune fille avait déjà coutume de s'égarer volontairement dans les bois sur les hauteurs de la ville, même en pleine nuit. Aujourd'hui cependant, elle ne s'y rendait pas pour réfléchir ou se retrouver, bien qu'elle en aurait eu besoin en ces circonstances, mais pour chasser.
Comme elle l'avait dit, elle comptait traquer Mikhail.
Son désir de comprendre n'était peut-être pas aussi impérieux et ne nécessitait probablement pas qu'elle se lance dans ces recherches aussi rapidement mais c'était surtout pour se concentrer sur quelque chose et occuper son esprit, ainsi, elle ne se tourmentait pas avec son sentiment de décalage. Elle souhaitait également confronter Mikhail et savoir pourquoi il avait rejoint les Chasseurs alorsqu'ils étaient, en un sens, ses ennemis héréditaires, pourquoi il l'avait condamnée et détestée uniquement à cause de sa nature alors qu'il n'était pas plus humain qu'elle.
Etait-ce sa propre image qu'il haïssait à travers les Humcréas qu'il chassait ?
En tout cas, Richa comptait bien le lui demander et le lui faire payer, quelle que soit sa réponse.
Retrouver le jeune homme au milieu de ces bois ne lui semblait pas être difficile. Cette forêt n'était pas aussi dense que celles de l'Enclave, qu'elle avait souvent arpentées durant ces trois dernières années. D'ailleurs, on ne pouvait même pas réellement qualifier cette étendue boisée de forêt. Sans compter qu'un étalon de la taille de Mikhail sous sa forme animale laissait des traces, de nombreuses traces, qu'il suffisait de remonter en une piste amenant jusqu'à lui. Il paraissait également évident que, dans l'état mental qui semblait être le sien, il n'aurait pas songé à dissimuler ses traces.
Certainement était-ce encore une surestime de ses compétences, comme souvent,mais elle évaluait que ce ne serait qu'une question d'heures. Avant la fin de la journée, elle aurait mis la main sur Mikhail.
Le seul véritable problème qu'elle entrevoyait était que Vinciane, Elio et Albane avaient absolument tenu à l'accompagner. Ce n'étai tpas leur présence à ses côtés qui la dérangeait. Au contraire, elle appréciait de retrouver ses deux anciens amis auprès de qui les choses lui semblaient un peu moins graves que dans l'Enclave.
Ce qu'elle leur reprochait était qu'ils se déplaçaient trop bruyamment à son goût et qu'ils ne maîtrisaient pas l'art du pistage. Ils risquaient de manquer ou de détruire des traces qui les auraient conduits jusqu'à Mikhail.
Par ailleurs, Richa s'inquiétait également beaucoup pour Vinciane, ce qui l'empêchait de se concentrer pleinement sur son environnement.Malgré la terreur qu'elle éprouvait à la simple mention de Mikhail, la jeune fille avais insisté pour participer à cette traque. Elle espérait que, en affrontant sa peur, elle pourrait la chasser et faire cesser ses cauchemars. C'était l'unique moyen qu'elle entrevoyait pour s'en libérer.
En attendant cependant, l'angoisse la rongeait, comprimant sa poitrine,alourdissant son estomac et affolant son cœur dans sa cage thoracique. Richa la voyait trembler alors qu'elle progressait entre les arbres non loin d'elle.
Si Elio avait souhaité se joindre aux recherches, c'était pour elle, pour s'assurer que Vinciane allait tenir le coup, pour la rassurer et la protéger de Mikhail. Il se focalisait donc davantage sur elle que sur d'éventuels indices qui auraient trahis le passage de Mikhail.
La seule qui aurait eu quelques compétences pour retrouver Mikhail dans ces bois était Albane. Grâce à sa formation de Chasseur, entamée il y avait quelques semaines, elle avait gagné quelques connaissances sur comment traquer les ennemis en fuite.
C'était pourtant la seule parmi les trois que Richa aurait vraiment souhaité ne pas avoir à ses côtés.
Au fond d'elle, elle savait qu'il était ridicule de s'accrocher avec tant de hargne à cette rancœur qu'elle ressentait à l'égard d'Albane. Après tout, pour elle, trois ans s'étaient écoulé, la douleur de son cœur brisé avait été remplacée par l'amour passionné qu'elle ressentait pour Yennaël, elle avait à présent vingt ans et avait vécu tellement de choses dans l'Enclave. S'entêter dans des reproches paraissait absurdes et puéril.
Sans compter qu'il était évident qu'Albane s'en voulait terriblement et qu'elle culpabilisait pour la façon dont elle avait réagi, pour les paroles qu'elle lui avait adressées. Même sans avoir la capacité de lire dans les esprits, Richa aurait pu s'en apercevoir sans peine pourtant, elle refusait de lui pardonner.
Albane avait été l'une des premières personnes à la condamner et à la juger uniquement à cause de sa nature alors qu'elle avait pourtant confiance en elle et Richa en avait été furieuse, or, c'était cette colère qui lui avait donné la force de s'opposer à tous ceux qui avaient tenté de la juger au seul motif de ce qu'elle était, la force de prouver à tous ce dont elle était capable.
Richa savait, comme tous les membres de son entourage, à quel point elle pouvait se montrer obstinée et orgueilleuse, souvent à cause d'une fierté mal placée, mais elle ne parvenait pas à pardonner à Albane. L'occasion de lui dire ce qu'elle ressentait, toute l'étendue de la blessure qu'elle lui avait causée, ne s'était jamais présenté et Richa n'avait pas encore pu extérioriser ces sentiments de rage stagnante qui sommeillaient au fond d'elle.
Elle continuait donc à être furieuse contre Albane et à le faire comprendre à cette dernière.
Secouant la tête de gauche à droite, Richa s'efforça de chasser ces pensées pour se concentrer sur son environnement.
Vinciane et Elio n'étaient certainement pas capables de repérer les traces de Mikhail alors, si elle se focalisait sur ces réflexions intérieures et non sur les bois environnants, ils n'auraient aucune chance de retrouver le jeune homme.
Se sermonnant mentalement, la jeune fille se concentra donc plus attentivement sur la forêt.
Yennaël avait précisé que Mikhail appartenait à la race des Pùca. Richa n'avait jamais réellement rencontré de ressortissants de cette espèce, excepté Mikhail mais, avant la veille, elle ignorait tout de sa nature.
D'après ce qu'elle avait pu apprendre sur eux dans l'Enclave, ils pouvaient être considérés comme des cousins des lutins et possédaient une capacité de métamorphose, comme Yennaël l'avait précisé. Elle n'avait pourtant pas remarqué la moindre caractéristique animale chez Mikhail. Il s'agissait là aussi d'un détail qu'elle serait ravie d'éclairer en questionnant le principal intéressé, lorsqu'ils l'auraient trouvé.
Avisant soudainement quelque chose du coin de l'oeil, Richa retint Elio, qui avançait à côté d'elle, en tendant un bras en travers de sa poitrine. Le jeune homme stoppa vivement en effectuant un léger bon en arrière par réflexe. A côté de lui, Vinciane réagit en paniquant, craignant un danger et particulièrement anxieuse alors qu'il était sujet de Mikhail. Retenant difficilement un cri, elle s'agrippa au bras d'Elio, se réfugiant auprès de ce dernier pour se sentir rassurée et en sécurité.

L'apaisantd'un geste de la main, Richa lui signala qu'elle n'avait pas às'inquiéter. Mikhail n'était pas en vue.

Ecartantses deux amis, elle s'approcha de l'arbuste broussailleux qu'elleavait repéré. S'agenouillant à sa hauteur, elle examina lesquelques branches brisées qu'il y avait sur le côté gauche. Ellessemblaient l'avoir été par le passage précipité de quelque chosed'imposant et récemment. Les animaux les plus grands qu'abritaientces bois étaient des chevreuils. L'un d'entre eux n'aurait paslaissé une trace aussi flagrante.

S'enassurant néanmoins, elle examina les alentours du buisson. Sanstarder, elle avisa un endroit où la terre paraissait avoir étéretournée.

Repérantainsi un élément après l'autre, une empreinte partielle dansl'humus, des feuilles arrachées, une mèche de crins ou des branchesbrisées, elle commença à remonter une piste suffisamment nettepour son regard entraîné, qui, elle en était certaine, l'amenait àMikhail, entraînant les trois autres à sa suite.

Lapiste devint plus fraîche, plus récente, et Richa stoppa, forçantles trois autres à en faire de même puisqu'elle se trouvait en têtede leur groupe.

D'undoigt sur les lèvres, elle leur intima le silence puis elle leurordonna de faire le moins de bruit possible.

Ilsse rapprochaient de Mikhail.

Lepressentant, elle se pencha à l'oreille de Vinciane pour ne pasqu'on risque de l'entendre mais se doutant que la jeune fille auraitpaniqué en entendant sa voix résonner directement dans son esprit,Richa lui glissa que Mikhail ne se trouvait probablement plus trèsloin.

Acette information, Vinciane tressaillit et ses yeux s'écarquillèrentalors qu'elle serrait le bras d'Elio toujours plus fort. Richa avaitpris le temps de le lui annoncer pour qu'elle puisse se préparerpsychologiquement mais également pour lui proposer de demeurer enretrait si elle le préférait.

Lajeune fille se mordilla la lèvre inférieure et ses yeux regardèrenten tous sens alors qu'elle hésitait. Sa peur la retenait et laparalysait davantage qu'elle ne le pensait en s'engageant dans cettetraque mais elle abandonner lui coûtait. Elle ne voulait pas céderà sa terreur et paraître lâche.

L'aidantà trancher, Elio posa une main rassurante sur son épaule en lapressant doucement, lui signifiant en silence qu'elle pouvait sepermettre de renoncer maintenant et qu'il resterait avec elle.

Comprenantgrâce à Elio que les autres ne lui reprocheraient pas son abandon,elle s'écarta légèrement pour s'appuyer contre un tronc, sepréparant à attendre la fin de cette chasse, et Elio vint patienteravec elle.

Richahocha le menton, satisfaite de cette décision. Si Vinciane avaitfait une crise de panique face à Mikhail, ça aurait offert unediversion à ce dernier et Richa voulait également épargner sonamie, qu'elle ne soit pas davantage traumatisée en se confrontant aujeune homme.

Accompagnéeuniquement par Albane, la jeune fille reprit sa progression,s'enfonçant davantage entre les arbres, tous les sens en alerte etle corps tendu. A côté d'elle, Albane paraissait aussi prête àl'action. Une chose que Richa devait reconnaître aux Chasseurs étaitque leur formation portait ses fruits.

Ellesne s'éloignèrent pas de beaucoup de Vinciane et Elio. En tendantson oreille allongée de demi-elfe, Richa pouvait vaguement capterleurs murmures mais elle les ignora.

Lapiste d'indices se déroulait toujours devant elles et les conduisitrapidement à un empilement de troncs au bois partiellementdécomposé. Certainement était-ce dans cet endroit reculé des boisque la municipalité évacuait les arbres tombés ou coupés pour desraisons de sécurité mais la fine couche de mousse vert foncéindiquait qu'aucun n'avait été apporté récemment.

Cen'était cependant pas l'entretien ou l'aménagement du parc qui lesintéressait mais bien les quelques mèches de cheveux blonds saleset décoiffés qui dépassaient des troncs. Quelqu'un était assis del'autre côté, appuyé contre le bois.

Richan'eut pas à le signaler à Albane car cette dernière l'avait elleaussi repéré et elle le confirma d'un hochement du menton.

Pargestes simples, elle ordonna à Albane de contourner le tas par lagauche alors qu'elle en faisait de même par la droite pour prendreMikhail à revers sans lui permettre de leur échapper.

Avançantlentement pour rendre leurs pas aussi silencieux que possible, elless'approchèrent du jeune homme, qui semblait somnoler à cause dumanque de nourriture.

Ilne leur restait plus qu'un ou deux mètres avant d'être sur Mikhail,qui ne paraissait pas les avoir remarquées, plongé dans unesemi-conscience.

Soudainement,un fort son retentit dans tous les environs boisés. Il fallutquelques secondes à Richa pour identifier une musique qu'ellereconnut comme la sonnerie du portable de Vinciane à plusieursmètres d'eux.

Ouvrantimmédiatement les yeux, Mikhail bondit sur ses pieds. Un rapideregard autour de lui lui suffit pour comprendre ce que Richa etAlbane préparaient et saisir la situation.

Poussépar l'instinct et ses réflexes, Mikhail s'élança vers l'avant.Albane et Richa ne s'étaient pas encore rejointes sur lui et ilavait une ouverture.

Dansun juron, la demi-elfe se jeta sur lui pour l'intercepter, profitantde sa vélocité de sang-mêlé et d'être en bien meilleure formeque lui, mais, alors qu'elle allait l'atteindre et ses mains serefermer sur lui, ce ne fut plus Mikhail face à elle.

Aune vitesse incroyable, ses os s'allongèrent dans des craquements,sa peau se couvrit d'un fin pelage noir lustré.

Pouréviter le coup de sabot susceptible de lui briser le crâne, portépar la jambe équine sur laquelle elle bondissait à présent, ellese jeta vivement en arrière, chutant parmi les feuilles mortes.

Deson côté, Albane ne sut comment réagir, tout s'étant déroulétrop rapidement pour elle.

N'ayantplus aucun obstacle qui freinait sa fuite, l'étalon partit au galopentre les troncs.

Refusantde le laisser s'échapper, Richa se lança à sa poursuite. Gagnantde l'élan, elle bondit sur le dos de l'étalon. S'agrippant commeelle le put à son encolure alors que ses jambes ballottaient contreson flanc à cause de sa course, elle grogna en tentant de monter encroupe cependant, la vitesse et les mouvements brusques de Mikhaill'en empêchaient.

Ladouleur et la fatigue de ses muscles recommencèrent à se fairesentir, lui compliquant davantage la tâche.

Sesongles s'enfoncèrent dans la peau du cheval, lui arrachant unhennissement de douleur.

Brutalement,Mikhaïl stoppa en se cambrant.

N'ayantpu prévoir ce soudain mouvement, Richa ne put s'y préparer et ellefut éjectée. La jeune fille roula au sol jusqu'à heurter un troncqui la stoppa et expulsa tout l'oxygène de ses poumons.

Lescôtes pulsant de douleur, elle se redressa sur ses bras pour voirMikhail disparaître entre les arbres.

Necomptant pas s'avouer vaincue pour autant, elle se releva pourreprendre sa course derrière Mikhail mais la voix d'Albane quil'invectiva la retint :


« Richa !

Quoi ? »


Rugità moitié Richa en se retournant vers Albane, furieuse et frustréeque Mikhail vienne de lui échapper aussi stupidement.

Acôté de la jeune fille se tenaient Vinciane et Elio, qui lesavaient probablement rejointes alors qu'elle s'accrochait encore àMikhail.

Vincianeavait son portable, dont la sonnerie les avait faites échouer, àl'oreille. Une voix étouffée et intelligible en sortait et la jeunefille acquiesçait à ce qu'elle entendait, le visage grave.

Cetappel semblait particulièrement important.

Lavéhémence de Richa retomba à cette constatation et elle fronçales sourcils en une question silencieuse. En réponse, Vincianedésigna son téléphone puis Richa pour lui signifier que l'appellui était initialement destiné. Le froncement de sourcils de lasang-mêlé s'accentua. Qui aurait pu chercher à la joindre ?Jonah savait où elle se trouvait et qu'elle avait besoin d'un peu detranquillité.

Luiapportant davantage de précisions, Vinciane montra à nouveau sonportable en articulant silencieusement le nom d'Aciari.

Lesoulagement passa sur Richa. L'inspectrice souhaitait certainementseulement s'assurer de son état ou vérifier quelques détails de sadéposition, rien de particulièrement alarmant.

Vincianelui tendit son téléphone, qu'elle plaqua à son oreille, à traverslequel le timbre légèrement déformé de l'inspecteur Aciaris'exprima :


« MademoiselleTodh ?

Oui. Y a un problème ? Demanda Richa.


On peut dire ça, en quelques sortes, confirma l'inspectrice et son ton apparut légèrement gêné à Richa. Je pense que vous allez m'en vouloir mais ça changera pas de d'habitude. On retrouvera une routine rassurante comme ça.


Tournez pas autour du pot. Grogna Richa.


J'ai pris la décision de placer votre ami en garde-à-vue.


Quoi ? Hurla Richa à travers le téléphone. Vous vous foutez de moi, j'espère !


Je me doutez que vous réagiriez comme ça.


Mais ce matin, vous aviez dit que vous croyiez pas ces rumeurs à la con !


J'ai dit que j'étudiais toutes les possibilités et Monsieur Lanwil en est une.


Vous pensez vraiment que je souffre d'un syndrome de Stockholm ?


Je pense que c'est bien plus compliqué que ça. Bref, c'était surtout par courtoisie que je vous ai prévenu. J'ai proposé à Monsieur Lanwil de vous appeler mais il a refusé.


J'arrive. »


Richan'attendit pas une réaction de l'inspecteur Aciari et raccrocha sansplus de cérémonie.

Cathleensoupira en quittant l'écran d'appel de son téléphone. Exactementcomme elle s'y attendait. Au moins, ces semaines durant lesquelleselle avait disparu n'avaient pas transformé Richa. C'étaitrassurant.

Glissantson téléphone dans la poche arrière de son pantalon de tailleur,elle regagna la chambre dans laquelle se trouvait Yennaël Lanwil.

L'étatde ce dernier nécessitant toujours une hospitalisation, sagarde-à-vue se déroulait dans sa chambre d'hôpital. L'inspectricel'avait néanmoins menotté à son lit mais c'était davantage pourqu'il comprenne la gravité de la situation. Elle doutait qu'ilaurait pu aller quelque part.

Ason entrée, le jeune homme dressa la main mais pas plus haut que dequelques centimètres, retenu par les menottes à son poignet, qui setendirent dans un claquement métallique, et il demanda :


« Toutceci est-il réellement nécessaire ?

Vous êtes techniquement en garde-à-vue mais en-dehors du poste alors on fait comme on peut.


Je suppose que vous connaissez votre emploie mieux que moi, soupira t-il, mais tentons d'en terminer le plus rapidement possible.


Vous êtes sûr de pas vouloir appeler quelqu'un ?


Et pourrais-je bien appeler ?


Mademoiselle Todh, par exemple.


Il me semble que vous l'avez déjà fait pour moi. Qu'a t-elle dit, d'ailleurs ?


Elle m'a percé le tympan en hurlant et a dit qu'elle arrivait.


Ça lui ressemble bien. Commenta Yennaël alors qu'une ombre de sourire passait sur son visage.


Là-dessus, nous sommes d'accord.


Et si vous cessiez de tourner autour du sujet sans l'aborder et que vous m'expliquiez pourquoi vous avez jugé nécessaire de me surveiller à ce point.


Votre cas m'intrigue, Monsieur Lanwil.


Sans vouloir me vanter, vous n'êtes pas la seule. Puis-je savoir pourquoi ?


J'ai eu beau chercher, j'ai rien trouvé sur vous, même pas un extrait de naissance. Vous avez l'air de sortir de nulle part.


Que voulez-vous que je vous dise ? Je ne suis pas responsable des registres de cette cité.


Y a pas que ça. Votre personnalité aussi m'intrigue.


Tiens donc ?


Je suis pas psy et j'attends encore l'évaluation que l'un d'entre eux pourrait faire mais je peux quand même voir une ou deux choses. Pour commencer, vous êtes particulièrement intelligent.


Merci du compliment, c'est flatteur.


Vous répondez aux questions de façon détournée. Comme ça, vous en dites pas trop. Et, même si c'est moi qui dois poser les questions, c'est plus vous qui menez la conversation depuis le début. Il y a aussi votre façon de parler. Vous vous exprimez très bien, plus que la grande majorité des gens. Ça veut dire que vous avez reçu une excellente éducation. Quelqu'un a dû s'en charger.


Ouais, on peut dire ça... Souffla Yennaël. C'est ça qui vous intrigue ?


Ça en fait partie. Je trouve votre profil atypique et je me demande comment vous utilisez cette intelligence. Est-ce que vous manipulez les gens ou pas ?


Qu'est-ce que cela ferait-il si je les manipulais ?


Ça serait faire un gros raccourci mais votre profil se rapprocherait de celui d'un sociopathe.


Ce qui serait une mauvaise chose ?


Voilà qui est...surprenant comme réaction... Enfin, je voulais vous parler de vos blessures.


Les médecins m'ont dit qu'elles guérissaient bien, bien qu'il va falloir encore un peu de temps.


J'évoquais surtout vos cicatrices (Yennaël se contracta encore davantage, s'arrachant lui-même une grimace de douleur). D'après les médecins, elles ont été causées par le même type de tortures que celles qu'on soigne en ce moment mais elles remontent à plus longtemps. Vous avez reçu des blessures durant plusieurs années. Ça remonte surtout à des années.


Et donc ?


Mademoiselle Todh a aussi des cicatrices qui ont été causées par le même genre de tortures.


Et donc ? Répéta Yennaël.


Vous avez déjà entendu des histoires de personnes qui se font séquestrer et qui subissent des choses horribles pendant des années ? Parfois, quand leur tortionnaire leur donne l'occasion d'alléger un peu leur calvaire, elles acceptent. C'est normal, c'est un mécanisme de survie. Elles vont se sentir très mal de voir quelqu'un d'autre souffrir comme elles mais elles vont aussi être soulagée de plus endurer autant de douleur et puis c'est leur ravisseur qui les y aura forcées. C'est le cas de la victime-complice.


Y a t-il un rapport avec moi ?


Je pense que c'est ce qu'il s'est passé.


Comment cela ? J'ai du mal à saisir où vous cherchez à en venir.


Quelqu'un vous a fait du mal, pendant des années et vous avez laissé cette personne en faire aussi à Mademoiselle Todh pour que ça s'arrête. Mais ça s'est pas arrêté. Au final, vous vous êtes échappé ensemble. Vous êtes à la fois victime et complice.


Je suppose que c'est une théorie. Qu'est-ce que cela changerait si c'était la vérité ?


Vous seriez la clé pour nous apprendre ce qu'il s'est vraiment passé et qui est coupable. Vous êtes le seul à pouvoir tout nous dire.


Aciari !


Rugitla voix de Richa depuis le couloir. Tout l'étage l'avaitcertainement entendue.

L'inspectricese tourna vers la porte de la chambre, attendant qu'elle soitviolemment ouverte. La jeune fille n'avait pas perdu de temps.

Lebattant alla cogner contre le mur lorsque Richa le poussa brutalementen entrant. Elle semblait furieuse.

Sesyeux s'étrécirent en avisant les menottes qui retenaient Yennaël àson lit. Le jeune homme détourna le regard, fuyant le sien si vert.

Laconcentration de Richa dévia rapidement sur l'inspecteur Aciariqu'elle invectiva :


Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?


Mademoiselle Todh, vous tombez bien. Je venais juste de finir avec Monsieur Lanwil.


Sérieusement, qu'est-ce que vous essayez de faire ?


De trouver la vérité. La garde-à-vue va se prolonger durant quelques temps et nous verrons où ça mène.


C'est n'importe quoi ! Je...


Richa, c'est bon. Je n'ai pas besoin de toi. L'interrompit Yennaël sans la regarder.


Yen...


C'est bon, je t'ai dit. Rentre chez toi. Il me semble que tu y es attendue.


Yen, c'est quoi ton problème en ce moment ?


Inspecteur, pourriez-vous reconduire Richa chez elle ? J'ai besoin de me reposer.


Richaouvrit la bouche pour s'opposer et insister mais Yennaël ne laregardait même pas, tout comme il ne s'était pas adressédirectement à elle.

Unfroid profond se répandit dans la poitrine de la jeune fille ettoute sa véhémence retomba. Elle serra les poings en détournantles yeux.

Sansplus protester, elle se laissa entraîner hors de la chambre parl'inspecteur Aciari.

Elless'éloignèrent de plusieurs mètres dans le couloir puis la jeunefemme stoppa et s'enquit auprès de Richa :


Tout va bien ?


En-dehors du fait que j'ai l'impression de plus réussir à assembler les morceaux de ma vie, tout va bien.


Je suis navrée.


Ouais, ouais, vous faites juste votre travail, c'est bon.


En tout cas, il faut que vous sachiez que Monsieur Lanwil est maintenant mon principal suspect. »

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