Chapitre 5 - De retour à la maison [2/2]
A cause de ce sentiment, la jeune fille se montrait plutôt maussade, une expression fermée sur ses traits.
Sans compter que, pour ne pas effacer son malaise, le visage de Sarrion continuait à flotter dans son esprit et elle commençait à éprouvait la même culpabilité qu'elle ressentait à propos de Jonah dans l'Enclave.
Jonah s'aperçut de l'humeur morose de Richa mais il la mit sur le compte du choc qu'elle avait certainement vécu et il ne la questionna pas, lui laissant du temps et de l'espace pour se remettre.
Une bouffée de joie nostalgique saisit néanmoins la jeune fille lorsqu'ils arrivèrent devant le restaurant.
Tout avait été plus simple et plus paisible dans cet endroit avant qu'elle ne constate toutes les anomalies qui parsemaient son existence.
Passant devant elle, Jonah lui ouvrit la porte vers le petit vestibule puis, alors que Richa s'attendait à ce qu'il gagne l'espace habitation au premier étage, il se dirigea directement dans la salle de restauration en l'enjoignant à le suivre.
Les sourcils froncés, la jeune fille lui emboîta le pas en ouvrant la bouche pour lui demander ce qu'il faisait mais sa question mourut dans sa gorge à cause du sursaut que lui provoqua la vive exclamation de bienvenue qui l'accueillit dans la salle.
Dans le même réflexe que celui qu'elle avait eu à l'hôpital, la jeune fille porta la main à l'emplacement coutumier de ses dagues avant de comprendre qu'il s'agissait de son entourage plus ou moins proche qui lui avait organisé une petite fête surprise de retour.
Légèrement crispée, elle se força à sourire alors qu'on venait la saluer, la serrer dans ses bras, lui souhaitant un bon retour, lui demander comment elle allait ou lui dire à quel point on était soulagé de la revoir en bonne santé. Elle ne pouvait s'empêcher d'avoir la sensation que tout ceci n'était qu'une mascarade qu'il allait lui falloir supporter.
Après les premières salutations, elle put s'en défaire pour s'approcher du comptoir où étaient disposées des boissons et différents hors-d'œuvre. Pensant qu'un peu d'alcool l'aurait aidé à appréhender un peu mieux la situation, elle tendit la main vers une coupe de vin blanc mais elle suspendit son geste en se souvenant que, étant censée n'avoir que dix-sept ans, elle ne pouvait pas en boire. Un soupir gonfla sa poitrine. Elle en avait déjà assez de tout ça.
Un verre de jus de pomme entra dans son champ de vision. Se tournant vers sa provenance, elle tomba face à Manuela.
Cette dernière n'osait pas réellement la regarder directement, gardant les yeux baissés, et elle semblait particulièrement gênée, les joues légèrement empourprées et trépignant sur place.
Se raclant la gorge, elle prit la parole, incertaine de ses mots :
« Je...euh...Je suis contente que tu ailles bien, vraiment. Je sais que...qu'on s'est jamais bien entendu, que je t'appréciais pas et que...que j'ai tout faire pour te le faire comprendre mais je...j'ai jamais voulu qu'il t'arrive quelque chose. Je suis vraiment désolée de tout ça...
- C'est bon. Dans un lycée, le plus important, c'est de savoir qui est le plus populaire, alors forcément, on se déteste pour rien mais, en général, les gens ont pas réellement mauvais fond. Répondit Richa dans un haussement d'épaules en prenant le verre.
- Oui, c'est vrai. En tout cas, j'espère que tout sera bientôt réglé. Sourit Manuela, visiblement soulagée que Richa ne lui tienne pas rigueur de leur inimitié passée.
- Ouais... »
Soupira Richa en portant son verre à ses lèvres.
Restant néanmoins mal-à-l'aise face à la jeune fille, Manuela la salua d'un hochement du menton avec un sourire tiré puis elle s'éloigna dans la salle, laissant Richa seule.
Cette dernière avisa Vinciane, Elio et Albane, qui se tenaient dans un coin, légèrement en retrait, et discutaient à voix basse, certainement de ce qu'il s'était produit la veille. Des spasmes nerveux agitaient parfois leurs mains ou le coin de leurs lèvres, encore sous le choc.
Richa leur adressa un signe et elle alla pour les rejoindre mais quelqu'un la retint en s'interposant entre elle et les trois adolescents, surgissant soudainement sur son chemin.
Lui posant une main sur l'épaule, Ludovic lui offrit un large sourire lumineux en s'exclamant :
« Je suis tellement content de te revoir ! Sérieusement, ça fait trop plaisir ! Tu nous a manqué à tous !
- Ouais, moi aussi, je suis...contente d'être rentrée, même si je me sens encore pas mal déboussolée.
- C'est normal après tout ça mais t'en fais pas, on est tous là pour t'aider.
- Merci, ça me touche beaucoup.
- Eh mais...c'est moi ou t'as quelque chose de changé ?
- J'ai pas beaucoup dormi. Je dois avoir une sale gueule, surtout que j'ai pas pu me maquiller ! Prétendit Richa.
- Non, on dirait que...t'as grandi...
- Ah toujours les blagues sur ma taille, ça m'avait presque manqué, Ludo !
- Ouais, enfin, bref... Je peux te poser une question sinon ?
- Je te dirais bien que c'est déjà une question mais vas-y.
- Qui est ce type avec qui on t'a retrouvée ? C'est quoi cette histoire ?
- Ça fait deux questions.
- Richa, tu crois vraiment que c'est le moment de jouer à la plus maline ?
- J'ai rien de plus à dire que ce que j'ai déjà raconté à la police.
- Eh c'est bon, t'es en sécurité ici, tu risques plus rien. Tu peux parler sans avoir peur, tu sais. Personne saura ce que tu m'as dit.
- Attend, qu'est-ce que t'essayes de dire exactement, là ?
- Que ce mec t'a enlevée ! Que c'est à cause de lui que tout ça est arrivé !
- Pardon ? T'es complètement dingue ! Si c'était la vérité, pourquoi je le défendrais ?
- T'as entendu parler du syndrome de Stockholm comme moi.
- J'arrive pas à croire que j'entends des conneries pareilles !
- Je suis pas le seul à penser ça, n'est-ce pas, inspecteur ?
Ludovic haussa le ton sur la fin de sa phrase en une invective adressée à l'inspecteur Aciari, qui se tenait non loin à quelques pas.
L ajeune femme se retourna, verre en main, et elle fronça les sourcils en constatant l'attitude de Richa et Ludovic. La première gardait les bras croisés sur sa poitrine et ses mâchoires se contractaient sous la contrariété. Quant au second, il paraissait se montrer trop insistant sur un sujet qu'elle ne pouvait deviner.
Terminant son verre d'une traite, ce qui n'était pas forcément une bonne idée car l'alcool conjugué à la fatigue lui fit tourner la tête quelques secondes, l'inspecteur Aciari vint à leur hauteur et s'enquit en lançant à Ludovic :
- Quelle est la chose que je suis censée approuver ?
- Vous soupçonnez ce type d'être responsable de la disparition de Richa. Déclara Ludovic et la jeune fille grinça des dents.
- Quel type ? Demanda Aciari. Lanwil ?
- Ouais, enfin si c'est son vrai nom.
- Mais ferme la ! S'agaça Richa à l'encontre de Ludovic.
- J'étudie toutes les possibilités sans en privilégier aucune mais, pour le moment, j'ai pas vraiment de suspect en particulier. Répondit calmement l'inspecteur Aciari.
- Arrêtez votre baratin de flic. Exigea Richa.
- J'avoue que le cas de Monsieur Lanwil m'intrigue, reconnut l'inspectrice. J'ai eu beau chercher, j'ai rien trouvé sur lui, même pas un extrait de naissance.
- Ça fait pas de lui un coupable ! Défendit Richa.
- Arrête, ça devient ridicule, lança Ludovic. C'est évident que c'est lui ! C'est ce que tout le monde pense. Et je pense que la presse sera d'accord.
- La presse ? Releva Richa.
- Ta disparition a quand même été assez médiatisée. On peut pas cacher ton retour aux journalistes. Expliqua Ludovic.
- Je veux pas leur parler ! Paniqua légèrement Richa.
- Je ferai mon possible pour les tenir à distance. Lui promit l'inspecteur Aciari.
- Ça change pas le sujet ! Reprit Ludovic.
- Monsieur Alhama, l'interrompit la jeune femme. Vous croyez pas que vous en avez déjà trop dit ? Richa a besoin de temps. Evitez de la harceler avec vos opinions.
- Bon retour parmi nous, Richa. Grogna Ludovic, contrarié que son avis soit si peu considéré, avant de s'éloigner dans la salle.
- Tout va bien ? S'enquit l'inspecteur Aciari auprès de Richa.
- Ouais, je survivrai. Euh...merci.
- Un remerciement de Richa Todh, je n'aurais jamais cru que c'était possible ! Plaisanta l'enquêtrice. Je fais juste mon travail. Allez, allez rejoindre vos amis et pensez pas à tout ça, ignorez les commentaires autour de vous. »
Tout en achevant son conseil, l'inspecteur Aciari poussa Richa dans le dos, presque gentiment, en direction de Vinciane, Elio et Albane pour l'encourager à les rejoindre.
La jeune fille la remercia à nouveau d'un hochement du menton, surprise et déstabilisée. Sa relation avec l'inspectrice avait toujours été particulièrement tendue et Richa lui avait toujours montré un certain mépris. Elle ne s'attendait donc pas à la trouver si compatissante et soucieuse à son égard. D'ailleurs, la jeune femme semblait sincèrement réjouie de la revoir en bonne santé.
Cet étonnement n'était cependant pas la seule cause de son malaise qui continuait à croître.
L'inspecteur Aciari l'avait appelée par son nom complet, Richa Todh, du nom de famille de Jonah. Même si elle-même l'avait parfois utilisé pour se présenter dans l'Enclave, aujourd'hui, l'entendre dans la bouche de quelqu'un lui faisait un effet étrange sans qu'elle ne parvienne réellement à l'expliquer. Peut-être était-ce car ce nom appartenait à l'adolescente anormale qu'elle avait été lors de son existence sur Terre, et non à la sang-mêlé elfe-vampire qui avait survécu à de nombreux périls dans l'Enclave, celle qu'elle était devenue, qu'elle était réellement.
Mais renier ce nom n'aurait-il pas été comme nier tout ce que Jonah avait fait pour elle et l'amour parental qu'il lui avait toujours apporté ? Ça aurait été vraiment injuste et des plus cruels pour lui.
Et qu'en était-il du nom de Vervaïl alors ? C'était également le sien et un lègue de son autre père.
Tous ces questionnements et ces incertitudes firent légèrement tourner la tête de Richa. Elle se sentait de plus en plus perdue et dépassée alors que son temps passé sur Terre ne se comptait pas encore en jours.
« Ça va ? S'enquit Vinciane en tirant la jeune fille de ses pensées. T'es toute blanche.
- Ouais, juste de la fatigue, prétendit Richa. Et vous, comment ça va ?
- Va encore me falloir un peu de temps pour accepter toute une nouvelle conception du monde. Répondit Elio avec un rire nerveux.
- J'ai presque pas dormi... Souffla Vinciane. J'arrête pas de penser à Mikhail... ça me fait trop peur de savoir qu'il est en liberté ! Je sais qu'il a plus de raison de s'en prendre à moi mais...mais quand même...
- Calme-toi, ça va aller. La réconforta Elio en passant un bras tendre autour de ses épaules.
- C'est vrai qu'il faudrait s'occuper de ça... Réfléchit Richa, trouvant dans le cas de Mikhail un moyen d'occuper son esprit pour fuir son malaise grandissant.
- Comment on peut faire ? Demanda Elio. On va voir la police ?
- Je crois pas qu'on puisse aller raconter toutes ces histoires d'Humcréas. Signala Vinciane. Même si l'inspecteur Aciari a vu tous les...les corps, elle nous croira jamais...
- Je pense pas que les Chasseurs soient une option non plus. Fit remarquer Albane, osant prendre la parole pour la première depuis l'arrivée de Richa.
- Donc, on est seul ? Conclut Vinciane avec appréhension.
- Ouais, confirma Richa, et qu'est-ce qu'on fait quand on a personne vers qui se tourner ? On gère seul. J'ai hâte de poser des questions à Mikhail. »
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