Chapitre 5 - De retour à la maison [1/2]
Avant que Richa ou Yennaël ne s'interroge sur ce qu'il se passait ou ne formule une hypothèse expliquant cette soudaine agitation, la porte de la chambre s'ouvrit.
Quelqu'un se précipita immédiatement sur Richa, toujours assise sur le bord du lit. Sans réellement comprendre, la jeune fille se retrouva entourée par deux bras et pressée contre un torse. Quelque chose d'humide et chaud goutta dans sa nuque à travers ses cheveux.
Il lui fallut encore quelques secondes, saisie par la surprise de cette soudaine arrivée, pour comprendre qu'il s'agissait de Jonah qui sanglotait de joie et de soulagement en l'étreignant.
Après ces quelques secondes de flottement, causées par l'étonnement, Richa rendit son étreinte à Jonah en enlaçant son dos de ses bras, enfouissant son visage contre sa poitrine.
Elle ouvrit la bouche pour prononcer un mot, un simple salut, seulement une syllabe, mais elle n'y parvint pas. Sa gorge s'avéra soudainement nouée, trop pour lui permettre de formuler une parole. Des sanglots emprisonnaient sa voix et elle ne leur résista pas longtemps avant de commencer à pleurer à son tour.
Les larmes roulèrent sur ses joues et elle lâcha plusieurs gémissements. Contrairement à Jonah, elle ne pleurait pas de soulagement en retrouvant ses proches. C'était en majorité la culpabilité qui s'exprimait, celle d'avoir abandonné son père sans le moindre mot, de l'avoir laissé s'angoisser dans l'incertitude de son sort.
Dans l'Enclave, elle avait souvent songé à Jonah et au calvaire qu'il endurait certainement à cause de son départ et se l'était régulièrement reproché mais, aujourd'hui, ces sentiments s'exacerbaient car elle constatait directement de ses propres yeux l'état de son père adoptif.
Elle le découvrait amaigri contre elle et il tremblait, sous le choc de la nouvelle de son retour. La jeune fille n'avait même pas besoin d'user des pouvoirs conférés par la pierre à son cou pour deviner que Jonah ne vivait plus depuis sa disparition et que sa pire crainte avait été de la retrouver morte, ce qui l'avait tenu éveillé toutes ces dernières nuits. La seule chose qui rassurait un peu Richa était que le temps s'était écoulé plus lentement sur Terre que dans l'Enclave et que Jonah ne supportait toute cette situation que depuis quelques semaines et non presque trois ans.
Elle s'en voulait tellement de s'apercevoir à quel point sa décision prise sur un coup de tête avait plongé son père dans le désarroi et de ne jamais avoir véritablement songé à rentrer auprès de lui, même si elle se doutait de sa détresse. Actuellement, elle se haïssait profondément.
Ses pleurs redoublèrent et elle sanglota contre Jonah, la voix hachée de pleurs :
« Je...je suis...dé...désolée...
- Oh, ma chérie, t'as pas à l'être. Je suis tellement heureux de te revoir !
Jonah resserra encore davantage son étreinte autour de Richa, une main sur son crâne à travers ses longues mèches noires.
La jeune fille ne lui répondit pas car les larmes brisèrent sa voix en l'empêchant à nouveau de formuler une syllabe. Heureusement, en un sens, car, sous le coup de la colère dirigée contre elle-même, Richa aurait certainement été capable de crier à Jonah qu'il ne connaissait pas la vérité sur l'histoire et qu'il ne pouvait donc pas affirmer qu'elle n'avait aucun reproche à s'adresser, que tout était de sa faute.
Si elle avait craqué de la sorte, le mensonge qu'elle s'était efforcé d'élaborer en laissant l'inspecteur Aciari le construire se serait effondré et elle aurait eu beaucoup de difficulté à s'expliquer.
Elle se sentait comme piégée face à la peine de son père, dont elle était entièrement responsable mais dont elle ne pouvait s'excuser sans trahir le secret qui lui paraissait impossible à révéler.
Ses sanglots de culpabilité se muèrent en larmes de rage envers elle-même.
Contrairement à la jeune fille, qui s'abîmait dans sa colère et ses auto-flagellation mentales, Jonah s'apaisa après encore quelques minutes.
A gestes doux et lents, paternels, il détacha Richa de lui pour la tenir par les épaules à bout de bras et l'observer, comme si il cherchait à s'assurer qu'elle se tenait bien devant lui, qu'elle n'était pas une rêverie ou une illusion de son esprit vaincu par la détresse.
Avec toujours la même attitude purement paternelle, il posa une main dans la chevelure de la jeune fille avant de descendre sa paume sur sa joue pour y essuyer ses larmes, qui continuaient à couler en abondance depuis ses yeux.
Un sourire triste passa sur les lèvres de Richa alors que ses sanglots la reprenaient avec encore plus de force. Ces simples gestes pleins d'affection de la part de Jonah faisaient encore davantage croître sa culpabilité car ils lui prouvaient qu'il ne méritait pas l'abandon qu'elle lui avait fait subir. Par sa faute, à cause de son égoïsme, il avait souffert alors qu'il avait toujours été présent pour elle.
Elle explosa de nouveau en pleurs en se jetant contre Jonah. Ce dernier l'enlaça en la berçant doucement.
A voix basse, il lui promit que tout irait pour le mieux, que tout était terminé pour la réconforter.
Même si Richa savait que son père ne prononçait ces paroles que pour l'apaiser sans posséder la moindre certitude sur l'avenir, elles fonctionnèrent et elle se calma quelque peu.
Peut-être également que, après tout ce qu'il lui avait fallu surmonter dans l'Enclave, les épreuves et les découvertes qu'il lui avait fallu affronter, elle avait besoin de simplement redevenir une petite fille qui se réfugiait contre son père pour que ce dernier lui assure que tout irait bien.
A cette pensée, le visage de Sarrion s'imposa dans son esprit malgré elle et une nouvelle montée de culpabilité la saisit mais celle-ci lui sembla différente de celle qu'elle ressentait lorsqu'elle pensait à la manière dont elle avait délaissé Jonah. Gênée parles traits du souverain vampirique qui s'attardaient dans ses pensées, elle s'efforça de les en chasser mais ils lui laissèrent un sentiment désagréable qu'elle peinait à qualifier.
Tentant de s'en défaire, la jeune fille se blottit contre Jonah.
Après quelques minutes de cette étreinte père-fille, qui commençait à s'éterniser, Yennaël perçut un certain malaise poindre. Ce n'était pas tant car sa présence avait été totalement occultée et ignorée mais plutôt qu'il était dérangé d'assister à ces retrouvailles larmoyantes et pleines d'émotions, surtout alors qu'il venait de fuir sa propre famille. Les douleurs qui le tourmentaient toujours malgré les soins des guérisseurs terriens lui rappelaient quelle relation il entretenait avec ses parents.
Malgré sa gêne, il n'interrompit pas l'échange entre Richa et son père. Du moins, il ne compta pas le faire intentionnellement.
Eprouvé par les derniers événements et la fatigue due à l'heure pesant sur son crâne, le jeune homme commença à somnoler sans le remarquer. En percevant sa tête ployer vers l'arrière, il revint brusquement à lui dans un sursaut, qui lui arracha un glapissement de douleur.
Son subit mouvement fit se tourner Richa et Jonah vers lui. Ignorant comment se comporter sous le regard du père de Richa alors qu'il n'était nullement dans son élément sur Terre, le jeune homme baissa les yeux en se tordant les mains.
De son côté, Richa pinça les lèvres, se demandant comment introduire Yennaël auprès de Jonah et comment lui présenter leur relation mais ce dernier n'avait pas besoin qu'elle trouve une réponse à ces questions.
Lâchant Richa pour quelques instants, il se leva pour s'approcher de Yennaël en lui posant une main amicale sur l'épaule et, sourire aux lèvres, il s'adressa à lui :
- Yennaël, je crois ? (le jeune homme acquiesça). L'inspecteur Aciari m'a expliqué rapidement la situation. Je sais que vous n'avez pas pu raconter ce qu'il s'est passé exactement mais je pense que c'est en partie grâce à vous que ma fille a pu rentrer chez elle aujourd'hui.
- Vous savez, Monsieur, j'ai appris que votre fille n'avait besoin de personne, quelles que soient les circonstances. Répondit Yennaël avec un léger sourire teinté de peine.
- Je vous en prie, appelez-moi Jonah et tutoyons-nous.
- Avec plaisir. Accepta Yennaël.
- Bon, je devrais vous laisser vous reposer. Désolé, mais quand j'ai reçu l'appel de l'inspecteur Aciari, j'ai pas pu m'empêcher de venir ici tout de suite. Je pouvais pas attendre. S'excusa Jonah.
- C'est normal, Papa. Sourit Richa en serrant sa main sur la sienne.
- Du coup, je vais y aller, annonça Jonah. Richa, les médecins ont dit que tu pourrais rentrer dès demain. Je viendrai te chercher. Pour toi, Yennaël, y aura aussi une place quand tu iras mieux.
- Merci beaucoup. Souffla le jeune homme.
- Oh une dernière chose, se souvint Jonah. Richa, tu devrais aller parler à tes amis. Ils sont encore là et ils n'ont pas l'air de vouloir partir. »
Il fallut plusieurs secondes à Richa pour comprendre de qui parlait Jonah. Après ces trois ans dans l'Enclave, ses repères avaient changé et du temps lui serait certainement nécessaire pour se réhabituer à son environnement terrien. Les amis vers qui elle avait pris coutume de se tourner n'étaient plus ceux qu'elle avait abandonnés sur Terre.
A nouveau en phase avec son décors terrien, la jeune fille alla pour emboîter le pas à Jonah hors de la chambre de Yennaël mais, avant de franchir la porte, elle revint auprès du jeune homme et se pencha vers lui pour l'embrasser en une manière de le saluer et de se transmettre mutuellement du soutien.
Avant que ses lèvres ne se posent sur les siennes, Yennaël se détourna subitement, les poings serrés sur les draps du lit et les yeux bas. La jeune fille entrouvrit la bouche en fixant son amant du regard, à la fois surprise et blessée, mais elle n'insista finalement pas.
Sans un mot, elle rejoignit Jonah dans le couloir. Tous deux échangèrent à nouveau une longue étreinte puis Jonah se dirigea vers la sortie de l'hôpital.
Richa poussa un long soupir. Ces dernières minutes ne lui avaient pas permis de se débarrasser du sentiment de malaise qui pesait sur sa poitrine depuis que le visage de Sarrion s'était imposé dans son esprit et qui s'était intensifié lorsque Yennaël avait fuit son baiser.
Ne demeurant cependant pas à se morfondre, immobile au milieu du couloir seulement éclairée par les veilleuses au plafond, la jeune fille gagna la salle commune du service, d'où émanait la lumière crue de néons.
Vinciane, Elio et Albane s'y trouvaient bien.
La première était installée sur l'un des fauteuils, les genoux remontés contre sa poitrine entourée par ses bras, et elle se balançait doucement d'avant en arrière, le regard noyé dans le vague.
Le jeune homme arpentait la pièce en tous sens, les mains s'agitant contre ses jambes. Un spasme nerveux contractait régulièrement le coin de ses lèvres et il semblait marmonner d'un ton bas.
Quant à Albane, elle était installée à côté de Vinciane. Sa posture paraissait particulièrement droite, tous ses muscles tendus à l'extrême, et ses yeux restaient fixes dans son visage sans expression.
Tous avaient le même teint blême.
Visiblement, l'adrénaline leur avait permis de gérer la situation face aux autorités mais, à présent qu'elle s'estompait, c'était le choc qui tombait sur leurs épaules.
Une nouvelle vague de culpabilité submergea Richa. C'était de sa faute si ils se sentaient si mal et elle ne savait même pas que leur dire pour les apaiser.
Ne pouvant néanmoins pas garder le silence, elle invectiva tous trois d'un simple :
« Hé (Vinciane, Albane et Elio se tournèrent vers elle). Qu'est-ce que vous faites encore là ?
- On...on sait pas trop... Souffla Vinciane.
- On peut pas juste rentrer chez nous après un truc pareil ! S'emporta Elio. Comment... Qu'est-ce que...
- Je sais pas trop quoi vous dire, avoua Richa. Oui, y a d'autres espèces que les humains et les mondes parallèles existent. Mais est-ce que ça sert vraiment que je vous donne plus de détails alors que vous avez pas encore digéré l'intro ?
- Peut-être pas... Reconnut Vinciane dans un souffle.
- Mais qu'est-ce qu'on fait pour tout ça ? Demanda Elio, le corps tremblant.
- Vous, vous vous en tenez à votre version des faits, pas besoin de faire plus, répondit Richa. Je gérerai le reste.
- T'es sûre que tu vas y arriver ? S'enquit Vinciane.
- Ouais, je me débrouillerai, assura Richa. Allez, rentrez vous reposer, vous en avez besoin. Et je serai pas non plus contre dormir un peu. »
Les trois adolescents acquiescèrent, effectivement épuisés par le choc et les émotions de la nuit.
Vinciane étreignit Richa avec force pour la saluer. Elle aussi avait craint de découvrir le cadavre de son amie, comme tout le monde, et était immensément soulagée de pouvoir à nouveau la serrer dans ses bras.
Sous le coup des mêmes sentiments, Elio se joignit à l'étreinte. Seule Albane demeura en retrait, le regard détourné, mal-à-l'aise.
Se détachant de Richa, Vinciane et Elio se dirigèrent vers la sortie de l'hôpital, comme Jonah quelques minutes auparavant, en adressant des signes de la main à la jeune fille et Albane les suivit sans oser regarder Richa.
Cette dernière attendit quelques minutes pour s'assurer qu'ils quittaient bien l'enceinte de l'hôpital et ne revenaient pas sur leurs pas pour une raison ou une autre puis elle retourna dans la chambre qu'on lui avait attribuée où elle s'écroula sur le lit.
Elle s'endormit presque immédiatement avant même d'avoir le temps de formuler une seule pensée.
Son sommeil ne dura cependant pas longtemps et ne fut absolument pas réparateur.
Richa se redressa subitement sur son lit, en sueur, le cœur s'affolant dans sa cage thoracique qu'il paraissait tenter de briser, les membres tremblants et le souffle court.
Ne reconnaissant pas immédiatement la pièce dans laquelle elle se trouvait, elle paniqua durant quelques secondes avant de se souvenir de tous les événements de la veille et de reconnaître la chambre de l'hôpital.
Dans un soupir las, elle se laissa retomber contre l'oreiller en se passant une main sur le visage.
Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas fait de cauchemars qu'elle en avait presque oublié l'effet qu'ils avaient sur elle. Du moins, de cauchemars du genre de celui-ci car les images du massacre de sa famille d'adoption de l'Enclave étaient régulièrement revenues la tourmenter lors de nuits troublées.
Cette nuit, il ne s'était pas agi d'un songe puisant sa source dans ses traumatismes mais d'une de ces visions de l'Enclave dans lesquelles des Humcréas, surtout des elfes ou des vampires, subissaient des supplices atroces, le plus souvent du fait de la Flamme Blanche. C'était l'un de ces cauchemars qui l'avaient hantée durant les quelques années qu'elle avait passé sur Terre.
Durant ces trois ans dans l'Enclave, elle n'en avait plus fait mais ils revenaient dès sa première nuit sur Terre. Etait-ce l'appel de l'Enclave qui lui signalait que sa place ne se trouvait pas sur Terre et qu'elle devait regagner son monde d'origine ?
Peut-être mais pourquoi voyait-elle des Humcréas agoniser en appelant les dieux au secours pour les délivrer de ces horribles calvaires ? D'ailleurs, pour la première fois, Richa avait remarqué que ces prières désespérées étaient adressées à Kaëv'ah. Probablement ne l'avait-elle jamais relevé auparavant car, avant ses pérégrinations dans l'Enclave, elle ne possédait pas les connaissances nécessaires pour s'en apercevoir.
Même si l'explication qu'il s'agissait de l'Enclave qui cherchait à la ramener convainquait Richa, elle ne trouvait pas de réponse à la question qui se posait.
Bien qu'elle haïssait la Flamme Blanche, qui la terrifiait également depuis les tortures de Blanche, et qu'elle détestait le fait qu'une nature, qu'on ne choisissait pas, soit un motif de condamnation immédiate, elle n'avait jamais réellement eu l'ambition de sauver tous les Humcréas en changeant le fonctionnement de l'Enclave. Celui qui souffrait du syndrome du messie, c'était Yennaël, pas elle, alors pourquoi était-ce à elle que ces visions venaient rappeler le sort terrible des Humcréas, qu'elle connaissait déjà ? Peut-être justement car elle n'avait jamais véritablement adopté la croisade de Yennaël comme la sienne alors qu'elle l'aurait dû ?
Toutes ces interrogations et ces incertitudes dès son réveil la fatiguaient alors qu'elle était déjà épuisée par ce cauchemar. Elle s'efforça donc de les chasser de son esprit, sans grand succès, en se concentrant sur autre chose.
D'après la lumière qui filtrait à travers les stores, le jour était déjà levé depuis certainement quelques heures. Jonah n'allait probablement pas tarder à venir la chercher.
Elle avait hâte de quitter l'hôpital mais elle ignorait ce qui l'attendait exactement et ce qu'elle pourrait faire une fois sortie. Même si elle maîtrisait son environnement terrien, elle se sentait aussi perdue et déstabilisée par toute cette situation que Yennaël.
Préférant ne pas rester seule dans cette chambre avec ces pensées qui ne lui apportaient pas davantage de réponse que la veille, Richa repoussa les draps et se leva. Elle s'aperçut alors que des vêtements l'attendaient sur la table à côté du lit. C'était une tenue qui lui appartenait, provenant de son armoire au restaurant. Certainement était-ce Jonah qui l'avait amenée.
Se débarrassant de son pyjama d'hôpital, elle revêtit le jeans déchiré aux genoux, le haut parme au décolleté rond et le blouson en cuir gris. Il s'agissait typiquement du style vestimentaire qu'elle adoptait avant de se rendre dans l'Enclave et qu'elle appréciait pourtant, aujourd'hui, elle ne se sentait pas à l'aise dedans. Elle ne pouvait cependant pas s'habiller avec ses vêtements de l'Enclave, dissimulés dans les bois, et elle se résigna donc à garder cette tenue dans laquelle elle se sentait déguisée.
Ne s'attardant pas davantage dans cette chambre vide, elle sortit dans le couloir et elle découvrit l'aile de l'hôpital bien plus animée que durant la nuit, ce qui paraissait logique.
Se dirigeant vers la chambre de Yennaël, elle croisant plusieurs patients et membres du personnel hospitalier. D'après les regards qui l'accompagnèrent et les paroles qui s'échangèrent sur son passage, tous savaient qu'elle était la jeune disparue finalement retrouvée. De toute évidence, l'histoire s'était répandu à travers toute la région et peut-être même le pays. Les choses s'avéreraient encore plus difficiles à gérer qu'elle ne le pensait.
Atteignant la chambre de Yennaël, elle trouva ce dernier encore profondément endormi. D'après ses constantes vitales mesurées par le moniteur à côté de lui, il se portait bien et tout était normal.
Rassurée par ce constat, Richa s'installa sur la chaise pliable, qu'elle trouva dans un coin de la pièce, à côté du lit et saisit la main de Yennaël. Après le comportement qu'avait eu le jeune homme à son égard dernièrement, elle se doutait qu'il n'aurait pas apprécié mais elle s'en moquait. Elle était inquiète de sa santé, même si il était en de bonnes mains, et, après tout ce qu'il était survenu sur l'île de Mirévoyk, elle s'en faisait pour son état psychologique et elle avait besoin de se raccrocher à lui dans cette situation où elle ignorait que faire.
Le temps passa sans que Yennaël ne se réveille. Il remuait ou soupirait parfois mais rien d'alarmant. Richa aurait bien souhaité pouvoir en faire de même, fatiguée par sa nuit mouvementée, et elle commença d'ailleurs à somnoler, le menton ployant sur sa poitrine, mais l'entrée d'une infirmière la fit sursauter. Par réflexe, elle porta la main à son dos, là où s'entrecroisaient habituellement ses dagues, mais elle se pressa de se calmer.
L'infirmière lui sourit en lui demandant comment elle se sentait, question à laquelle Richa répondit d'un haussement d'épaules, puis elle l'informa que son père l'attendait.
Au mot ''père'', le visage de Sarrion s'imposa à nouveau avant d'être chassé par celui de Jonah, renforçant son trouble et son sentiment de malaise qui perdurait depuis la veille.
S'efforçant de se reprendre, la jeune fille acquiesça à l'annonce de l'infirmière puis se pencha vers Yennaël pour déposer un baiser rapide sur ses lèvres pour le saluer, même si il dormait encore, et suivit la femme jusqu'à l'accueil où Jonah venait de terminer de remplir son formulaire de sortie.
Les épaules de la jeune fille s'abaissèrent lorsqu'elle avisa le document.
Dans l'Enclave, trois ans s'étaient écoulé, elle avait atteint la vingtaine et elle s'était débrouillé seule sans requérir de quelconque permission, mais, sur Terre, elle était officiellement toujours mineure et dépendait donc de son père pour de nombreuses choses. Cette idée lui déplaisait.
Jonah l'étreignit longuement avec force. Il peinait encore à croire qu'il avait vraiment retrouvé sa fille.
La tenant tendrement par les épaules, il la conduisit à l'extérieur sur le parking visiteur jusqu'à la voiture familiale.
Durant le trajet, Jonah sélectionna les chansons que Richa préférait et discuta joyeusement de banalités, profitant simplement de la présence de la jeune fille à ses côtés.
Cette dernière ne partagea cependant guère la bonne humeur de son père et elle resta majoritairement silencieuse.
Pour commencer, elle était toujours préoccupée par l'état et l'attitude de Yennaël et, alors qu'elle regardait le paysage défiler à travers la vitre de la portière, un sentiment de décalage avec son environnement monta en elle en augmentant de plus en plus.
Elle reconnaissait cette sensation, cette impression de ne pas posséder la même couleur que tout ce qui l'entourait ou d'entrer dans un Picasso alors qu'elle était peinte dans le style d'un Le Caravage.Ce sentiment la suivait depuis son réveil dans cette ruelle et ne l'avait abandonnée que lors de son arrivée dans l'Enclave, là où se trouvait sa véritable place.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top