Chapitre 12 - Révélations
Encore plus qu'à moitié endormie, blottie dans la chaleur des bras de Yennaël, Richa entendit vaguement la sonnerie du téléphone de la maisonnée dans le vestibule à l'étage inférieur. A travers les brumes du sommeil, il lui sembla que Jonah décrocha.
Ne s'en préoccupant guère, la jeune fille se retourna dans un grognement et se prépara à se replonger profondément dans le sommeil mais ce ne fut que pour quelques minutes.
Une présence à l'entrée du salon et un raclement de gorge gêné la réveillèrent totalement.
Se redressant vivement, elle eut le réflexe de dissimuler sa poitrine dénudée avec un morceau de draps pour éviter de l'exposer.
Contrairement à ce à quoi elle s'attendait et qui la faisait déjà s'empourprer, ce n'était pas Jonah qui se tenait dans l'embrasure vers le couloir mais Vinciane.
Restant légèrement tournée sur le côté pour éviter que son regard ne se pose sur le couple nu allongé sur le divan et les joues colorées de rouge, la jeune fille indiqua en balbutiant avec gêne :
« Y...y a l'inspecteur Aciari au téléphone et elle veut parler à...enfin...C'est pour Y...Yennaël...
A cette annonce, Richa jura et grommela contre l'enquêtrice.
Visiblement, la levée de la garde-à-vue ne signifiait pas que l'inspectrice allait laisser Yennaël en paix. Au contraire, elle semblait se faire de plus en plus insistante en appelant si tôt dans la matinée.
Sa première envie fut de répondre à Vinciane qu'elle n'avait qu'à dire à Aciari d'aller se faire foutre mais elle s'en abstint, ne voulant pas diriger sa véhémence contre Vinciane, qui ne la méritait aucunement, et car la décision sur la manière de réagir appartenait à Yennaël, puisque c'était à lui que s'adressait cet appel.
Se tournant vers le jeune homme étendu à ses côtés, elle alla pour le secouer doucement mais il s'avéra être déjà réveillé.
Repoussant la main de Richa, qui allait se poser sur son épaule, il s'assit sur le bord du divan en prenant garde à se couvrir des draps. Terminant de chasser les dernières traces de sommeil de son esprit, il se passa une main sur le visage puis il salua Vinciane d'un sourire incertain auquel elle répondit timidement avant de les laisser.
Ramassant ses vêtements gisant au sol au pied du divan, Yennaël jeta un regard en biais par-dessus son épaule à Richa avant de se presser de se détourner, les lèvres pincées. La jeune fille ouvrit la bouche mais elle la referma après seulement quelques secondes, ignorant que dire et, surtout, vaincue par le sentiment de résignation et d'abandon qui l'avait saisie la veille.
Sans échanger le moindre mot avec Yennaël, elle retourna dans sa chambre, après s'être assuré que personne ne se trouvait dans le couloir qu'elle traversa nue alors que le jeune homme descendait répondre au téléphone.
Plusieurs minutes lui furent nécessaires pour s'habiller et se coiffer avant de se rendre à son tour à l'étage inférieur.
Avant de gagner la cuisine, elle s'attarda un instant sur le palier des escaliers pour écouter la conversation que Yennaël menait avec l'inspecteur Aciari. Ses longues oreilles d'elfe captaient la voix de cette dernière mais lointaine et peu claire.
Ce fut néanmoins suffisant pour que la jeune fille comprenne qu'elle revenait à la charge en questionnant Yennaël sur ce qu'il savait, répétant toujours les mêmes interrogations dans l'espoir de le forcer à dévoiler ses mensonges. Elle menaça également le jeune homme en lui signalant que, même si la Justice ne pourrait peut-être pas prouver son implication dans l'affaire, ce qui n'était pas dit, tout le monde l'avait déjà condamné et ne lui accorderait jamais de répit et que le seul moyen de s'épargner cela était de révéler toute la vérité.
De toute évidence, l'inspectrice était persuadée que Yennaël détenait la clé de toute cette histoire et elle ne comptait pas abandonner cette piste, quitte à harceler Yennaël.
L'écoutant d'une oreille distrait, ce dernier se contentait d'acquiescer à ses propos sporadiquement, la laissant parler sans chercher à débattre.
L'insistance de l'inspecteur Aciari agaçait de plus en plus Richa mais elle pouvait comprendre son impérieux désir de découvrir ce qu'il s'était passé et Yennaël n'aurait certainement pas apprécié qu'elle lui arrache le combiné des mains pour hurler à sa pénible interlocutrice de leur lâcher la grappe.
Par ailleurs, cette forte contrariété était probablement la manifestation de la frustration qu'elle ressentait par rapport à l'attitude de Yennaël à son égard et non entièrement causée par l'obstination d'Aciari.
Les poings serrés, elle entra dans la cuisine sans se mêler de la discussion téléphonique.
Dès qu'elle le rejoignit, Jonah délaissa ses préparations pour venir la serrer dans ses bras avec force. C'était comme si il avait peiné à croire qu'elle avait dormi ici et qu'elle allait réellement franchir les portes de la cuisine. Avec un sourire, Richa lui rendit son étreinte avant de s'installer à table face à Vinciane où l'attendaient une assiette de pancakes et une tasse de thé fumante.
Comme les petits-déjeuners de son père lui avaient manqués !
Et dire qu'elle ne pensait qu'à l'instant où elle pourrait retourner dans l'Enclave pour ne plus souffrir de ce sentiment de ne pas être à sa place et dans l'espoir que Yennaël retrouve son comportement antérieur. Quelle situation complexe.
Alors que la jeune fille attaquait son repas avec une satisfaction teintée de nostalgie et de tristesse, un éclat de voix leur parvint depuis le couloir. Il semblait que Yennaël perdait son sang-froid face à l'insistance de l'inspecteur Aciari et il commençait à s'en agacer.
- On dirait qu'elle lui fichera pas la paix. Commenta Vinciane.
- Ouais, quelle sale sangsue, grogna Richa, mais on peut pas trop lui reprocher de vouloir comprendre.
- T'as pas peur que ça finisse mal ?
- Si. comme c'est parti, on dirait que Yen va finir en tôle à cause de toute cette histoire.
- Faudrait un moyen d'empêcher ça...
- J'arrête pas de chercher comment se sortir de toute cette situation mais j'en trouve pas. Quelle merde !
- Tu crois pas que... (Vinciane vérifia que Jonah était trop occupé par sa mise en place pour prêter attention à ce qu'elles disaient avant de poursuivre d'un ton bas :) le seul moyen d'éviter ça serait de dire toute la vérité à l'inspecteur Aciari.
- T'es folle ou quoi ? On va se retrouver enfermé si je fais ça, Yen en tôle et moi à l'asile.
- Je pense pas... Nous, on vous a bien crus.
- Vous étiez prêts à accepter la vérité. Vous aviez déjà vu pas mal de preuves. Et ça vous a pas empêché d'être traumatisés.
- En fait, Cathleen a déjà vu pas mal de choses... J'allais même lui dire ce que je pensais savoir mais j'en ai pas eu l'occasion...
- Alors tu lui fais vraiment confiance et tu penses qu'elle est capable d'entendre la vérité ?
- Je crois, oui, et je vois pas comment la convaincre que Yennaël t'a pas enlevée autrement...
- Alors je vais me fier à ton avis. On va aller parler à Aciari. Tu peux dire à Elio et...Albane de nous retrouver devant le commissariat ? Ils pourront nous appuyer (Richa éleva la voix, faisant sursauter Jonah et Vinciane). Eh, Yen, dis à cette emmerdeuse qu'on arrive, on a des choses à lui dire ! »
Yennaël ne questionna pas Richa sur les raisons de cet ordre et il se chargea de faire passer le message à l'inspecteur Aciari.
Se détournant de ses fourneaux, Jonah fixa Richa, les yeux écarquillés, se demandant ce qu'il prenait à sa fille pour décider quelque chose de pareil. Avec un sourire, elle lui assura néanmoins que tout allait bien puis elle se pressa de quitter la cuisine avant que Jonah ne cherche à la questionner.
Dans le couloir, Yennaël venait de raccrocher dans un soupir. Il paraissait agacé et lassé de cette conversation.
Venant à sa hauteur, Richa l'informa de sa décision d'aller tout révéler à l'inspecteur Aciari. Le jeune homme sembla surpris mais il ne s'opposa pas et haussa les épaules. La façon dont Richa gérait ses affaires sur Terre ne le concernait pas, comme ce n'était pas son monde, il n'avait pas vraiment son mot à dire.
Ne lui permettant cependant pas de totalement s'en désintéresser,surtout alors que c'était pour lui qu'elle s'apprêtait à tout révéler, elle le saisit par le poignet et le traîna à sa suite, bien décidée à le forcer à l'accompagner.
Pour qu'Aciari la croie, il allait lui falloir un maximum de personnes pour appuyer ses dires et témoigner en sa faveur.
Les rejoignant, Vinciane confirma à Richa que Elio et Albane les retrouveraient directement sur place.
Ne pouvant monter à trois sur la moto de Richa, au grand damne de cette dernière, ils traversèrent une partie de la ville à pied jusqu'au poste de police. Durant le trajet, Yennaël continua à manifester une grande curiosité pour les différences entre la Terre et l'Enclave, s'en étonnant, s'interrogeant ou même s'en effrayant.
Comme prévu, Albane et Elio les attendaient devant le commissariat.
Tout comme Vinciane, ils semblaient encore éprouvés par les derniers événements, les traits tirés, le teint pâle et des cernes sous les yeux.
Si Elio tenta de dissuader Richa en lui faisant remarquer que c'était une folie insensée, Albane demeura silencieuse, le regard détourné sur le côté. Elle n'osait toujours pas prendre la parole en présence de Richa à cause de la culpabilité que la jeune fille faisait augmenter avec ses remarques et l'animosité qu'elle dirigeait contre elle.
Les arguments d'Elio ne fonctionnant pas, le jeune homme s'inclina finalement face à la détermination des autres et il se résigna à les suivre sans s'opposer. Il fut également partiellement convaincu par le fait que l'idée de tout raconter à l'inspecteur Aciari venait de Vinciane.
Tout comme Richa, il se fiait entièrement à la jeune fille à qui il accordait toute sa confiance et qu'il aurait certainement suivie les yeux fermés.
Leur entrée à cinq dans le poste ne passa pas inaperçu et les regards de plusieurs policiers se tournèrent vers leur groupe mais aucun ne vint les accueillir. A la place, un homme en uniforme se rendit dans l'espace de travail des affaires en cours, qu'on apercevait depuis l'entrée, pour prévenir l'inspecteur Aciari de cette arrivée.
La jeune femme releva la tête de son bureau en fronçant les sourcils, se demandant ce qu'il se passait pour recevoir une telle visite,question qu'elle se posait depuis que Yennaël l'avait avertie par téléphone de leur venue. Même si elle s'attendait donc à les voir se présenter au poste, elle ne pensait pas que Vinciane, Albane et Elio se joindraient à Richa et Yennaël.
Qu'est-ce que tout cela signifiait ?
Comptant bien obtenir des réponses à ces interrogations, l'enquêtrice se dirigea directement vers le petit groupe autour duquel quelques officiers s'étaient agglutiné pour parler avec Richa. Eux aussi avaient participé aux recherches pour la retrouver et se sentaient soulagés de la revoir en bonne santé. Avec sollicitude, ils s'enquéraient de son état mais de nombreux regards suspicieux s'attardaient sur Yennaël.
Cette manière dont ces policiers dévisageaient son amant confortait Richa dans sa décision de tout révéler. Protéger Yennaël lui importait bien plus que l'avis qu'Aciari aurait pu formuler sur sa santé mentale.
Se postant face à eux cinq, l'inspecteur Aciari dispersa ses collègues puis croisa les bras sur sa poitrine en les détaillant un à un en continuant à se demander ce qu'il se passait exactement.
Ses yeux allant davantage vers Vinciane, avec qui elle avait pris coutume de converser et à qui elle accordait une grande confiance, comme si elle préférait que ce soit elle qui lui réponde, elle s'enquit :
« Alors,que vous arrive t-il ? Vous êtes bien nombreux.
- Vous voulez savoir ce qu'il s'est passé, non ? Lança Richa en réponse à la question.
- Qu...quoi ? S'étonna l'inspecteur Aciari, stupéfaite et tombant des nues.
- Je veux vous expliquer ce qu'il m'est arrivé mais à quelques conditions.
- Quoi ?
- Vous allez trouver ça exagéré mais vous me donnerez raison quand on vous aura tout dit. Pour commencer, on veut que la conversation qu'on va avoir soit strictement privée, pas d'observateur extérieur et aucune trace non plus, pas d'enregistrement, audio ou visuel, pas de retranscription, pas de notes, rien.
- C'est insensé, enfin ! S'exclama l'inspecteur Aciari.
- On dira rien sans ces conditions. De toute façon, y a pas de témoins, vous pourrez pas prouver qu'on a sous-entendu savoir ce qu'il s'est passé et donc d'avoir menti, fit remarquer Richa. A vous de décider à quel point vous tenez à apprendre la vérité.
- Vous êtes redoutable, Mademoiselle Todh, reconnut l'inspectrice. Vous savez que je veux absolument découvrir ce qu'il s'est passé. Venez, allons trouver un endroit tranquille.
Prenant la tête de leur groupe, l'inspecteur Aciari les enjoignit à la suivre et elle les conduisit hors du poste pour s'installer dans un recoin de parking. Personne ne s'y trouvait. Il n'y avait pas même de passant dans la rue.
Ce n'était pas aussi intime et isolé que Richa l'aurait espéré mais aucune oreille indiscrète ne se trouvait dans les parages et les possibilités pour Aciari d'enregistrer leur échange étaient fortement réduites. Ça ferait l'affaire.
Richa s'installa directement sur l'asphalte et commença à tout raconter,sans réfléchir ni s'attarder sur les détails de tout ce qu'elle avait surmonté dans l'Enclave, comment elle avait découvert sa nature d'Humcréa, les véritables activités des occupants de l'ancien couvent, les autres mondes qui composaient leur univers et comment les atteindre, comment elle avait gagné l'Enclave en quête de ses origines, comment fonctionnait la magie, ce qu'était l'existence des Humcréas dans ce monde, comment elle avait dû fuir et se cacher tout en recherchant une piste sur ses origines, comment elle avait rencontré Yennaël et comment leurs deux destins semblaient s'être entremêlé, comment il leur avait fallu regagner la Terre et comment ils se retrouvaient à présent dans cette situation.
Le résumé de sa vie dans l'Enclave fut très succinct et elle n'évoqua pas Sarrion, la Meute, tous ceux qu'elle avait rencontrés, les traumatismes qu'elle avait subis. Que ce soit car elle estimait que tous ces détails ne concernaient pas ses interlocuteurs, qu'elle ne souhaitait pas en parler ou que l'instant ne semblait pas s'y prêter, elle se contenta d'un exposé sur ce qu'était l'Enclave et sur comment elle avait dû y survivre.
Les précisions sur sa relation avec Yennaël furent également passés sous silence. Personne n'avait besoin de les connaître.
Avant de conclure, elle ajouta à l'attention de l'inspecteur Aciari que Mikhail était en réalité également un Humcréa et qu'il se dissimulait dans la forêt sous la forme d'un étalon noir.
Durant ses explications, Albane et Vinciane formulèrent quelques commentaires en apportant des précisions au sujet des Chasseurs ou de Mikhail. En revanche, Yennaël ne prononça pas le moindre mot. Il demeura légèrement en retrait, les bras croisés sur la poitrine.
Lorsque Richa referma la bouche, l'inspecteur Aciari les dévisagea un à un en s'attardant plus longuement sur Richa et Yennaël puis elle secoua la tête de gauche à droite.
Richa n'eut pas besoin de demander une confirmation à l'enquêtrice pour deviner qu'elle ne croyait pas un mot de ce qu'elle venait d'entendre.
Dans un soupir, la jeune fille constata :
- Vous nous prenez pour des fous.
- Non, je dirais pas ça, nuança Aciari, mais je pense que les derniers événements ont été très durs pour vous tous que vous avez eu besoin d'une dérivation.
- Vinciane, t'avais dit qu'elle nous croirait ! Rappela Richa en se tournant vers son amie.
- Cathleen, vous avez bien vu ces corps, vous devez bien vous douter au fond de vous qu'ils sont pas humains ! Insista Vinciane.
- Y a beaucoup d'autres explications à ces déformations, s'entêta l'enquêtrice. On aurait pu les trouver si ils avaient pas été détruits.
- Et pour ça, quelle explication trouvez-vous ?
En terminant de formuler sa question à destination de l'inspecteur Aciari, Yennaël claqua ses paumes l'une contre l'autre puis entrecroisa ses doigts en une position spécifique bien précise.
Une sphère incandescente apparut au-dessus de sa main en lévitation. Lejeune homme maintint son sort durant quelques secondes avant de l erompre et la sphère disparut aussi soudainement qu'elle avait surgi au-dessus de ses doigts.
Sachant de quel sort il s'était apprêté à user car elle avait reconnu la position de ses mains et ayant à présent coutume d'assister à des actes de magie, Richa ne manifesta aucune surprise. Elle félicita même mentalement Yennaël car cette petite démonstration était certainement le meilleur moyen de prouver leurs dires et de convaincre Aciari.
Vinciane, Elio et Albane sursautèrent violemment et eurent un vif mouvement de recul, stupéfaits et effrayés. Même si ils avaient accepté l'existence de la magie, qu'ils savaient que Yennaël était un magicien et qu'ils avaient vu le jeune homme et Richa apparaître de nulle part, ils n'avaient jamais réellement directement observé les effets d'un sort.
De son côté, l'inspecteur Aciari écarquilla les yeux et son esprit sembla se paralyser. Elle fixa les doigts de Yennaël en se demandant si elle venait d'halluciner ou non.
Normalement, Yennaël n'avait pas à claquer des mains pour réaliser ce sortilège. Ça avait simplement été un effet de mise en scène, qui avait fonctionné à en juger par les réactions des quatre autres.
L'inspecteur Aciari eut besoin de plusieurs secondes pour retrouver l'usage de sa langue et articuler :
- M...mais...co...comment...que...qu'est-ce que...
- C'est de la magie. Lança Yennaël.
- Ce...c'est...c'est vrai alors ? Balbutia l'enquêtrice.
- C'est ce qu'on essaye de vous faire comprendre depuis tout à l'heure. Acquiesça Richa.
- Vous en faites pas, perso, j'ai encore du mal à m'y faire.
Lança Elio pour tenter de détendre l'atmosphère mais son sourire tremblait au niveau des commissures.
Ne relevant même pas cette remarque, l'inspecteur Aciari continua à dévisager ses interlocuteurs en se focalisant plus particulièrement sur Richa et Yennaël. Elle cligna des paupières à plusieurs reprises, comme si son esprit ne pouvait accepter ce qu'il se passait actuellement.
Son expression demeura inchangée durant plusieurs secondes, la bouche entrouverte, les pupilles tremblantes, le teint légèrement blême puis elle secoua la tête de gauche à droite.
Même si elle avait eu les preuves devant son regard, que les révélations de Richa concordaient avec ce qu'elle avait pu constater et qu'elle ne pouvait que difficilement prétendre le contraire sans s'enfoncer profondément dans le déni, son esprit rationnel peinait néanmoins à l'admettre. S'accrochant encore à ce qu'elle croyait être le fonctionnement du monde en refusant la réalité qu'on venait de lui présenter, elle secoua encore la tête.
Sans un mot, elle écarta ses interlocuteurs pour se diriger vers le poste avec visiblement l'intention d'y retourner. Richa la rappela mais la jeune femme ne l'écouta pas et s'engouffra dans le commissariat.
Les épaules de la jeune fille s'abaissèrent dans un soupir. Elle se doutait que faire accepter cette vérité à l'inspecteur Aciari n'aurait pas été évident malgré ce qu'avait affirmé Vinciane mais elle ne pensait pas que ça aurait été à ce point.
Elle échangea des regards avec les autres avant de se presser d'emboîter le pas à l'inspecteur Aciari.
Ne se souciant pas des policiers en uniforme, qui ne cherchèrent de toute manière pas à la stopper, elle rejoignit la jeune femme.
A nouveau à son bureau, elle organisait différents documents, ayant besoin de se concentrer sur quelque chose d'ordinaire et de banal après de telles révélations.
L'interrompant dans son travail, Richa posa une paume sur son bureau et lui demanda :
- Qu'est-ce que vous comptez faire par rapport à ce qu'on vient de vous dire ?
- Que voulez-vous que je dise ? Et à qui ?
- Vous nous croyez ou pas ?
- Après ce que j'ai vu, nier est compliqué mais je peux pas me résoudre à accepter toute cette histoire sans broncher. C'est quelque chose à quoi je suis pas prête. Mais y a quelque chose que je peux quand même faire et vérifier, quelque chose que je peux faire dans toute cette situation, la seule chose.
- C'est à dire ?
- Si il y a vraiment une organisation dans l'ancien couvent qui séquestre et tue des gens, il faut l'arrêter.
-Mais...leurs victimes sont pas humaines. Je croyais que vous l'aviez compris.
- Ce genre de détails entre pas dans ma conception du monde. Je m'arrête au fait qu'ils commettent des crimes, des meurtres. Enfin, il va falloir que je commence par enquêter.
- Vous voulez aller au couvent et réunir des preuves pour arrêter les Chasseurs ? C'est une idée de fou ! C'est pas une enquête normale.
- Peut-être mais je suis pas encore capable de l'accepter alors je vais faire comme si. C'est soit ça, soit hurler en apprenant que le monde est pas comme je l'ai toujours cru.
- Va pour l'enquête alors. J'ai aucune envie de vous entendre hurler.
- Bien évidemment, vous venez pas avec moi. C'est une affaire de police.
- Quoi ? Ce serait trop dangereux ! Connaissant ce genre de types, ils tuent sûrement tous ceux qui viennent se mêler de leurs affaires.
- Peut-être mais c'est à moi, à la police, de régler ça.
- Alors demandez à des collègues de vous accompagner.
- Et comment je pourrais justifier le fait que je soupçonne l'existence d'une secte criminelle dans l'ancien couvent sans leur parler de ce que vous m'avez dit ? Mais je crois pas que je peux parler de ça, n'est-ce pas ? »
Richa ne put que donner raison à l'inspecteur Aciari et elle serra les poings en se résignant mais ce n'était pas pour autant qu'elle comptait la laisser faire.
L'enquêtrice refusait peut-être qu'elle l'accompagne mais il suffisait qu'elle ignore qu'elle la suivait.
Aciari se fourvoyait. Ce n'était pas une affaire de police. C'était une affaire entre Chasseurs et Humcréas.
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