Chapitre 6 - Gris
Les douze bûchers allumés dans la soirée terminaient lentement de se consumer, ne produisant pas uniquement une odeur de fumée de bois mais également celle de la chair brûlée, continuant à évoquer comme un écho l'agonie horrible qu'avaient connue les Humcréas ligotés à leur sommet, dont les hurlements s'étaient éteint il y avait quelques minutes, en même temps que leur vie.
Si les autorités avaient cherché à maîtriser la quinzaine d'incendies s'étant subitement et spontanément déclaré à travers toute la ville, même si certains continuaient encore à s'attaquer aux bâtiments de la cité, dont la blancheur se trouvait noircie par le contact des flammes, personne n'avait ne serait-ce que songé à s'attaquer à ces bûchers, les laissant élever leurs langues ardentes vers le ciel obscure.
Si on avait éteint les flammes de la Flamme Blanche, la symbolique aurait été pire pour l'organisation que si toute l'île était tombée en cendres.
Pendant que de véritables chaines humaines se construisaient à travers les quartiers pour acheminer de quoi circonscrire les incendies, eau ou terre, les hauts gradés de la Flamme Blanche avaient décidé qu'il était absolument hors de question d'éteindre les bûchers. Ça aurait été reconnaître qu'on pouvait freiner et stopper l'organisation, or, c'était justement le message opposé que la Flamme Blanche tenait à transmettre à ses ennemis.
Jamais elle ne reculerait, même lorsqu'un groupe, certainement composé d'Humcréas, profitait d'une exécution massive pour s'infiltrer dans l'un des édifices normalement les plus surveillés de la Flamme Blanche et s'en échappait en bondissant parmi les bûchers depuis une fenêtre en déclenchant des incendies pour couvrir sa fuite.
Les bûchers se consumeraient donc jusqu'à ce qu'il ne subsiste plus que des braises tièdes des condamnés. Les cendres seraient ensuite ramassées et jetées directement dans les eaux de la Grande Mer Intérieure, sans sépulture, sans une parole ni un autre souvenir que les rapport de la Flamme Blanche, comme à chaque fois.
Par mesure de précaution, pour s'assurer que la situation, relativement sous-contrôle, ne dégénérait pas encore davantage, plusieurs Hommes Blancs avaient été placés en surveillance sur la place, ne se joignant donc pas aux recherches, encore désorganisées et désordonnées, lancées dans les rues à la poursuite des fuyards, même si il aurait sûrement été plus indiqué de réfléchir à comment déployer leurs moyens plus efficacement plutôt que d'agir dans l'urgence sans la moindre réflexion.
Dix soldats vêtus de blanc se tenaient sur la place principale de l'île, désertée à cause de la panique provoquée par l'acte de magie s'y était déroulé il n'y avait pas encore une heure ou tout simplement car le spectacle de l'agonie de la douzaine de condamnés s'était terminé il y avait déjà un moment.
Milo était l'un de ces dix hommes repartis sur l'esplanade. A une distance égale de son collègue de droite et de celui de gauche dans une posture rigide, les épaules parfaitement alignées, les pieds légèrement écartés pour ancrer solidement ses appuis au sol et les bras croisés dans le dos, avec la sensation que son épée pendant contre sa hanche dans son fourreau teinté de blanc avait rarement pesé aussi lourd, il demeurait immobile, comme on le lui avait enseigné durant son entrainement. Seuls ses yeux noirs se déplaçaient, vérifiant les lieux avant de revenir devant lui, sur l'un des bûchers.
Ne s'en trouvant qu'à quelques mètres, il percevait la chaleur des flammes, heureusement nettement moins hautes et vivaces que précédemment sinon, s'en tenir aussi proche aurait été difficilement supportable. Sa peau ainsi que son uniforme blanc étaient colorés des lueurs rougeoyantes qu'elles projetaient aux alentours.
Les combustibles alimentant le feu n'étaient plus que du charbon noirci et craquelé abritant des braises toujours ardentes qu'on devinait susceptibles de tomber en cendres épaisses au moindre contact, aussi bien les boisseaux de bois que le cadavre de l'Humcréa.
Légèrement affaissé vers l'avant, maintenu debout uniquement par les liens qui l'attachaient au poteau planté au sommet du bûcher, il ne s'agissait plus que d'une silhouette vaguement humanoïde, identifiable seulement par ses quatre membres, bien qu'ils soient tordus et déformés à cause de la douleur et comme les os avaient éclaté sous l'effet de la chaleur du brasier. Ce n'était plus qu'une enveloppe vide, juste une coquille charbonneuse dépourvue de tout trait, plus de vêtements, plus de cheveux, de peau, de nez, d'oreille, juste ce charbon de chair qui formait encore un corps mais qui ne tarderait certainement pas à s'écrouler.
Rien ne différenciait cette carcasse des onze autres alignées autour, les flammes et la mort les ayant toutes rendu identiques.
Même si Milo ne cessait de l'observer à la recherche du moindre signe distinctif qui lui aurait permis de l'identifier, en vain. Il aurait pourtant dû pouvoir reconnaître ce condamné, ainsi que les autres, comme il avait été présent lors de leur capture. Il avait fait partie de ce détachement de soldats qui avait découvert et neutralisé ce groupe d'Humcréas aux Terres Intérieures, il s'était trouvé sur le navire qui les avaient conduits jusqu'aux Iles Blanches, il les avait surveillés, il avait entendu leurs lamentations, leurs supplications et leurs menaces, il les avait combattus avec ses compagnons, comme le lui rappelait sa blessure au flanc que lui avait infligé l'ekhidna.
La dépouille de cette dernière était la seule encore reconnaissable de part son apparence partiellement serpentoïde.
Il les avait vus se faire amener sur les lieux de leur exécution et les bûchers s'embraser.
Pourquoi était-il donc incapable de les identifier, même si il n'aurait pu les nommer que par leur espèce ?
Dans un lourd soupir, Milo se passa une main sur le visage. En cette nuit illuminée par les flammes, il se sentait étrangement et particulièrement fatigué, même si sa posture parfaitement droite ne laissait pas supposer la tension pesant sur ses épaules.
Peut-être que son humeur n'était finalement cependant pas aussi étrange et inexplicable qu'elle n'y paraissait au premier abord.
Après tout, face à la mort simultanée de douze personnes, il y avait de quoi éprouver un sentiment de vide et d'absurdité, même si ces personnes en question étaient des Humcréas, même si il était un Homme Blanc et que ce qu'il ressentait semblait paradoxal avec son statu.
Au fond, il éprouvait de la peine pour les Humcréas. Être traqué dès la naissance, devoir se cacher chaque jour de son existence pour finalement terminer sa vie sur un bûcher pour le plaisir d'une foule survoltée, il y avait quelque chose de pitoyablement tragique dans cette destinée.
Les Humcréas étaient cependant les ennemis de l'Humanité, qu'ils la menacent réellement ou seulement car quelqu'un en avait décidé ainsi, et son rôle à lui était de les chasser, c'était ainsi. Si il avait rejoint les rangs de la Flamme Blanche, ce n'était pourtant pas car il partageait cette idéologie d'extermination des Humcréas, mais uniquement car il fallait bien gagner sa vie, surtout lorsque trois bouches à nourrir dépendaient de ce travail.
Evidemment, il aurait pu se tourner vers une autre profession mais personne n'avait voulu de lui lorsque sa famille avait quitté les Terres de Forêt et l'avantage de la Flamme Blanche était que l'organisation ne refusait jamais un recrutement, ayant toujours besoin de davantage de membres pour lutter contre les Humcréas.
C'était donc par défaut et non par passion ou vocation qu'il avait revêtu cet uniforme immaculé. Certains coupaient du bois, commerçaient, cultivaient la terre, pêchaient ou encore commandaient, lui, il chassait des Humcréas. C'était la tâche qu'il effectuait dans la société, c'était tout, ni plus ni moins, il accomplissait sa tâche comme tous les autres travailleurs de l'Enclave.
Personnellement, il ne reprochait rien de spécifique aux Humcréas, n'ayant jamais subi ni réellement constaté la désolation qu'ils avaient la réputation de semer dans leur sillage.
Après tout, ce n'était pas des Humcréas mais bien des humains, ces propriétaires terriens qui avaient exploité son père jusqu'à ce qu'il se tue à la tâche dans les étendues de la Forêt Vermeille, qui composaient l'ouest des Terres de Forêt, et qui avait chassé sa famille lorsqu'elle leur était devenue inutile. C'était également des humains qui avaient violé sa sœur et des humains qui la méprisaient en la marquant d'un sceau d'infamie, comme si elle était responsable de ce qu'elle avait dû endurer. Encore des humains ceux qui le dévisageaient et le jugeaient à cause de ses traits atypiques, qu'on ne rencontrait que fort rarement hors des Terres de Forêt.
Pas des Humcréas.
Ce n'était pourtant pas des humains qu'on menait aux bûchers et il devait bien se conformer à la règle, surtout, qu'il s'agissait de son rôle, même si, pour lui, les Humcréas n'étaient que des individus comme les autres, comme il n'avait pas encore eu l'occasion de constater le contraire.
De son point de vue, l'exécution d'un Humcréa équivalait à la mort d'une personne et, avec douze condamnations simultanément appliquées, il y avait de quoi percevoir le poids d'une certaine lassitude sur ses épaules.
Certainement était-ce pour cela qu'il avait préféré permettre aux trois individus qu'il avait surpris dans la bibliothèque de s'enfuir plutôt que d'appeler ses collègues, estimant inutile de rajouter trois décès supplémentaires. Douze, c'était suffisant.
Sans compter qu'il avait déjà assisté à l'interrogatoire des exécutés. Heureusement que Blanche la Pure n'avait pas encore regagné les Iles Blanches, sinon, cela aurait été bien pire. Milo savait parfaitement, trop parfaitement probablement, de quoi la jeune femme était capable et il devait bien avouer qu'elle le terrifiait, même après quelques années sous ses ordres directes.
Il ne s'était cependant pas attendu à ce que ces trois fuyards provoquent une telle panique à travers toute la ville et il avait été bien obligé de se lancer à leur poursuite, suivant le mouvement de la patrouille dont il faisait partie, pour assister à l'apparition des différents brasiers dans toute la cité.
N'ayant pas été affecté aux recherches en ville mais à la surveillance de la place, après avoir livré son rapport sur l'incident à son supérieur, comme les autres membres de sa patrouille, il demeurait face à ce bûcher à s'égarer dans ses pensées depuis presque plus d'une heure maintenant.
Visiblement, les fuyards n'avaient pas encore été retrouvés mais il ne devait pas être difficile pour eux d'exploiter la désorganisation dont souffraient les recherches organisées dans l'urgence.
Le lui confirmant, un groupe de quelques Hommes Blancs regagna la place, apparemment sans le moindre résultat, à en juger par leur expression déconfite ou tout simplement car ils ne ramenaient aucun prisonnier avec eux.
« Greydoubter !
Réagissant à son nom, duquel l'invectiva l'adjudant à la tête de ce groupe, Milo se raidit encore davantage avant de se presser de venir à la hauteur de son supérieur qu'il salua en se posant au garde-à-vous, délaissant son poste.
L'autorisant à se détendre en adoptant une posture plus décontractée, moins tendue, l'homme lui demanda si il s'était produit quelque chose à signaler durant cette dernière heure. Obligé de répondre par la négative, Milo secoua la tête de gauche à droite sans apporter davantage de détails. Après tout, il n'allait tout de même pas préciser que la seule chose à relever était la danse des flammes, qui baissaient en intensité, autour des cadavres carbonisés.
De toute manière, son supérieur n'exigea pas d'en savoir davantage et il se contenta de hocher le menton à la réponse de Milo puis il annonça au jeune homme qu'il était plus que temps qu'il rentre chez lui, mettant fin à son service après de longues heures.
Même si sa seule envie était effectivement de regagner son foyer, Milo s'assura que sa présence n'aurait pas manqué – avec les recherches déployées sur l'île, tous les renforts disponibles étaient les bienvenus – mais l'adjudant lui répondit qu'il préférait pouvoir compter sur des hommes reposés et alertes après une nuit de sommeil que sur des hommes épuisés par une trop longue veille.
En accord avec cette réflexion, Milo acquiesça sans s'opposer davantage et il quitta la place, avec les autres membres de sa patrouilles, également libérés de leurs obligations d'Homme Blanc pour les prochaines heures, laissant les bûchers terminer de se consumer derrière lui.
S'éloignant du centre de la ville, là où se situaient les bâtiments officiels de la Flamme Blanche, ainsi que les résidences des membres les plus gradés de l'organisation sur cette île et celles d'habitants puissants, il se rendit dans un quartier modeste à quelques rues du port, dans lequel un incendie de moindre envergure avait déjà été maîtrisé, marquant son passage de traces noires, jusqu'à une chaumière modeste, légèrement isolée des autres habitations par une coure de terre battue partiellement boueuse.
Ne comptant qu'un rez-de-chaussée, la masure n'avait qu'un unique mur construit en pierres de taille irrégulière et les autres étaient un assemblage de planches, le tout peint de blanc. Les fenêtres ne comportaient pas de vitres, seulement des peaux huilées épaisses teintées de blanc qui obstruaient les ouvertures étroites. Quant à la porte, elle ne correspondait pas parfaitement au chambranle, ayant une différence de quelques millimètres, et l'ouvrir comme la fermer s'avérait difficile.
Si bien que Milo dut donner un coup d'épaule contre le battant pour le forcer à pivoter sur ses charnières usées.
Son retour étant annoncé par cette entrée quelque peu fracassante, à peine eût-il pénétré dans la masure que deux garçonnets vinrent s'accrocher à ses jambes en un accueil plutôt mouvementé.
Se penchant vers les deux petits, chacun âgé de sept ans, Milo les souleva, les appuyant chacun sur l'un de ses bras, alors que tous deux lui racontaient simultanément le déroulement de leur journée en une description imprécise et partiellement incompréhensible où leurs voix se superposaient.
Les laissant joyeusement babiller dans ses oreilles, Milo se tourna vers la jeune femme, qui venait de se redresser de l'âtre, dont la peinture blanche des pierres disparaissait sous une couche de suie noire, auprès duquel elle s'affairait, Milo s'enquit :
« Ils ne sont pas encore couchés ?
- Avec les incendies, j'ai préféré les réveiller, au cas où il aurait fallu partir, mais ça a l'air de s'être calmé. Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ?
- Un imprévu. Répondit Milo sans rien préciser, éludant la question tant que les deux petits pouvaient capter la conversation.
- Allez, les garçons, on va se coucher ! Annonça leur mère aux deux garçonnets, comprenant la réserve de Milo sans qu'il n'ait besoin de la lui expliquer.
- Tu as besoin d'aide, Naomi ? »
En réponse à la question de Milo, la jeune femme, Naomi, secoua négativement la tête tout en le remerciant. Elle avait l'habitude de s'occuper seule de ses deux enfants, n'ayant aucun père pour l'aider dans sa tâche de parent, même si Milo l'aidait autant que possible, notamment en partageant avec eux l'argent qu'il recevait pour son travail d'Homme Blanc, bien qu'il s'agissait d'un salaire modeste.
Récupérant les deux petits des bras de Milo, elle les emmena dans la seconde pièce, séparée du reste de la masure par des tentures usées pendant du plafond, et qui servait de chambre à Naomi et aux jumeaux, Milo se contentant d'une paillasse placée dans l'angle de l'âtre, pour trouver un peu de chaleur, comme l'une des fenêtres s'ouvrait juste au-dessus.
Evidemment, avec un revenu d'Homme Blanc, même en bas de la hiérarchie, il aurait pu prétendre à mieux, mais quatre bouches à nourrir et à soigner représentaient une lourde charge cependant, il ne pouvait pas abandonner sa sœur, pas alors que personne d'autre ne lui tendrait la main à cause de sa situation qu'elle n'avait nullement choisie, d'aucune façon que ce soit.
Le rejoignant en adressant un dernier souhait de bonne nuit à ses enfants, Naomi s'assit en face de lui à la vieille table quelque peu bancale, où Milo s'était installé avec les restes de soupe qu'il avait trouvés au-dessus de l'âtre, gardés au chaud par Naomi à son attention. Il n'avala cependant pas plus de quelques cuillerées avant d'être écœuré, l'appétit coupé alors qu'il s'apercevait qu'il portait sur lui l'odeur de fumée des bûchers.
Naomi insista pourtant pour qu'il se nourrisse davantage, comme elle se doutait que le jeune homme allait devoir repartir dans quelques courtes heures, avec la panique s'étant emparé de la ville, même si elle ne connaissait pas les détails de la situation actuelle. Se pliant à l'argument de sa sœur, Milo se força donc à reprendre son repas, même si déglutir lui était difficile à cause de sa gorge nouée.
En même temps, il résuma les événements de cette soirée mouvementées à Naomi, en s'efforçant de la rassurer, se doutant que savoir des Humcréas en liberté sur l'île l'aurait faite craindre pour la sécurité de ses enfants, même si Milo ne pensait pas qu'il y ait véritablement de raison de s'inquiéter.
Ayant été rassurée par les paroles de son frère, Naomi se retira, allant se coucher dans la ''chambre'' qu'elle partageait avec les deux garçonnets en étouffant un bâillement, presque uniquement car Milo la força à le faire, lui assurant qu'il se chargeait de s'occuper des quelques corvées qu'il restait à accomplir, sachant que les journées de la jeune femme étaient fatigantes.
De toute manière, Milo se sentait incapable de dormir, même après les longues heures qu'il venait de passer durant la journée, alors autant se montrer utile.
Dans ses pensées, il effectua quelques tâches rapidement avant de s'adosser au mur contre l'une des fenêtres dont il souleva la peau huilée pour observer l'extérieur.
A cause de l'emplacement de la masure et de l'obscurité de la nuit, il ne pouvait pas distinguer grand chose, à part le ciel sombre. Du moins, seulement partiellement sombre puisqu'il était parcouru de larges reflets orangés créés par les flammes des bûchers sur la place principale ainsi que par celles des incendies à travers la ville.
D'un côté, des flammes qu'on avait allumées pour tuer ce qu'on considérait comme des ennemis et, de l'autre, des flammes qu'on avait allumées pour survivre. Lesquelles étaient le reflet déformés des autres et inversement ?
La réponse à cette question n'existait probablement pas.
Dans un soupir, Milo se passa une main sur le visage.
Peut-être aurait-il dû cesser de réfléchir de la sorte à des sujets auxquels la réflexion ne changeait rien alors que sa concentration aurait probablement été plus utile ailleurs.
Pour le moment, le mieux à faire était d'aller chercher le sommeil. Après tout, il ne lui restait que quelques heures avant de reprendre son travail.
Un travail comme tous les autres, qu'il fallait bien faire.
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