Chapitre 4 - Fuite

La chute fut tellement courte que Richa n'eut même pas le temps de réaliser ou de se demander ce qu'il se passait ni même de crier par réflexe. Après tout, le premier étage, cela ne représentait qu'une faible hauteur.
Heureusement, car l'impact fut suffisamment dur sans rajouter des mètres supplémentaires.
Probablement également le choc fut-il si violent car Richa atterrit directement sur l'un des bûchers. Rebondissant parmi les braises aux pieds du corps de l'Humcréa, déjà mort bien que sa chair continuait à se consumer, partant en lambeaux sanguinolents dont certains tombèrent sur la jeune fille, elle roula jusqu'au sol depuis le monticule enflammé, qui lui laissa quelques marques de brûlures, sur la peau et les vêtements.
Son premier réflexe fut donc d'éteindre les flammèches allumées sur les bords de ses vêtements de quelques coups puis Yennaël lui lança la longue écharpe grise qu'il portait habituellement.
Se saisissant de l'étoffe légèrement rêche, comprenant la raison pour laquelle Yennaël avait jugé bon de la lui remettre, elle s'en servit pour camoufler le bas de son visage et entoura son crâne avec la longueur restante, se dissimulant du mieux possible en s'efforçant d'ignorer l'odeur de Yennaël imprégnée dans le tissu, qui lui donnait l'illusion de se blottir contre le jeune homme.
L'imitant, Yennaël et Esadd cachèrent également leur visage, capuche profondément rabattue et cols aussi remontés que possible.
Autour d'eux, la foule avait commencé à se disperser, les Humcréas ayant cessé de hurler leur douleur dans une lente agonie et il n'y avait plus que quelques dizaines de témoins pour assister à leur chute, et un bon tiers était des Hommes Blancs.
L'effet de surprise fut suffisant pour que personne ne sache comment réagir, tous demeurant les bras ballants à fixer les trois nouveaux arrivants, comme escompté par Esadd.
S'assurant qu'on ne les approche pas même une fois que tous se seraient repris, Yennaël s'empara des flammes des bûchers par magie pour tracer un cercle autour d'eux. Il ne se contenta pas d'en user uniquement comme de barrière mais également comme diversion en allumant plusieurs incendies dans les alentours en s'excusant mentalement auprès des personnes dont ils venaient de sacrifier l'habitation pour leur survie à tous trois, même si, quelque part au fond de lui, une conscience endormie en jubilait.
La panique se répandit rapidement dans la ville, dont le blanc reflétait les couleurs des flammes qui coloraient les bâtiments d'or, de sang et d'orangée, le point de départ étant bien évidemment la place principale.
Profitant du chaos ainsi créé, Yennaël, Esadd et Richa s'élancèrent dans les rues en proie à l'affolement et au désordre, tellement de désordre que personne ne releva la direction que les trois fuyards empruntèrent. Même Richa ignorait totalement où ils se dirigeaient et elle emboîta le pas à Yennaël et Esadd par instinct, se retrouvant à nouveau alliés face à l'adversité, mais, connaissant un peu la manière dont Yennaël fonctionnait pour mener ses manœuvres, elle se doutait qu'ils n'allaient probablement pas tarder à se retrouver face à une maison close.
Fuyant loin de la place, ils s'enfoncèrent dans un quartier résidentiel épargné par la confusion effrayée que Yennaël avait provoquée pour couvrir leur fuite, non loin du port de l'île. Ils atteignirent un bâtiment s'élevant sur quatre étages aux fenêtres obstruées par des voilages rouges chatoyants, à la façade décorée de lanternes de papiers colorés et dont des lettres dorées se détachant de la peinture blanche des pierres annonçaient La Coupe du Guerrier Blanc.
Bien moins discret que le Cygne Noir de Plainiore.
Connaissant visiblement parfaitement les lieux, Yennaël et Esadd contournèrent le bâtiment par une ruelle, servant probablement à l'évacuation des ordures, jusqu'à une porte plus discrète que celle sous les lampions. Sans s'annoncer, ils la franchirent et Richa les suivit toujours.
Dès que le battant claqua dans son dos, la jeune fille soupira de soulagement. Elle n'avait pas cru qu'ils pourraient s'en tirer, surtout si aisément. A l'abri, elle s'empressa de retirer l'écharpe de son visage, plus gênée par l'odeur de Yennaël, toujours trop présente sur le tissu, que par celle de la fumée des bûchers qui les avait accompagnés.
La pièce où ils venaient d'entrer ne ressemblait guère à ce à quoi Richa s'attendait depuis l'extérieur.
L'endroit s'approchait d'un cellier ou d'une réserve meublé d'étagères chargées de bouteilles d'alcool de toutes sortes, de quoi désaltérer tous les clients de l'établissement, dont Richa captait les échos des présences de l'autre côté d'une seconde porte.
S'emparant d'une bouteille de liqueur au hasard parmi les dizaines d'autres, Esadd fit sauter le bouchon et la tendit à Richa sans en prendre une gorgée. Bien qu'elle fut surprise qu'il ne touche pas à l'alcool, la jeune fille ne s'interrogea pas bien longtemps sur le sujet et elle prit la bouteille en remerciant Esadd d'un hochement du menton pour en avaler une longue lampée.
Exactement ce dont elle avait besoin, non pas tant pour se remettre de ce qu'il venait de se produire qu'à cause de ce qu'il allait lui falloir affronter par la suite.
Alors qu'elle s'essuyait les lèvres d'un revers de la manche en commentant la qualité de la liqueur, Yennaël entrouvrit la porte pour vérifier de l'autre côté si la voie était libre, ce qui signifiait dans les circonstances actuelles, s'assurer que les clients étaient suffisamment enivrés par l'alcool et les filles de joie pour ne pas remarquer leur passage. Il la referma cependant en indiquant qu'elle arrivait
Les sourcils froncés, Richa alla pour exiger quelques précisions sur qui ce ''elle'' désignait exactement, mais elle fut prise de vitesse par la porte qui s'ouvrit à nouveau, en grand cette fois, sur une petite femme rondelette aux joues aussi roses que rebondies et dont le chignon désordonné dans lequel étaient réunis ses cheveux blond lui conférait paradoxalement une certaine élégance.
Prenant à peine le temps d'observer ses interlocuteurs, comme si elle savait déjà parfaitement de qui il s'agissait avant même d'entrer, elle s'exclama sur le ton d'une mère sermonnant ses enfants :

« Yennaël, Esadd ! Vous êtes responsables de tout ce bazar en ville ? Mais que s'est-il passé ?
- Nous avons eu...des imprévus. Soupira Yennaël.
- Et je suppose que tu me classes dans les dits imprévus. Lança Richa en prenant une nouvelle gorgée de liqueur.
- Oh vous me ramenez une nouvelle employée ? Pas la peine de s'offusquer, je plaisante. Montez là-haut, vous devriez être tranquilles (acquiesçant, Yennaël et Esadd allèrent pour quitter la réserve mais la tenancière les rappela à l'ordre:) et la galanterie, messieurs ? Qu'est-ce que ces manières ? Les dames d'abord, enfin !
- Oui, les dames d'abord ! Surtout que Yennaël préférera sûrement m'avoir dans son champ de vision.

Lança Richa et difficile de savoir si elle plaisantait ou si il s'agissait d'une menace dissimulée. Cette incertitude rassura encore moins Yennaël, qui approuva avant de laisser passer la jeune fille devant lui, imité par Esadd, qui paraissait plutôt s'amuser de la situation.
Suivant les indications de la tenancière, comme elle ne connaissait pas aussi bien les lieux que Yennaël, elle emprunta les escaliers séparés du reste de la pièce par des fines planches de bois peintes en blanc et ajourées avec des motifs de lys. Plutôt classieux.
S'orientant aisément dans le bâtiment, dont l'organisation ressemblait beaucoup à celle de l'autre maison close qu'elle avait déjà visitée, elle monta à l'étage. En revanche, la pièce dans laquelle elle entra, désignée par Yennaël, ne ressemblait aucunement à la chambre au parquet craquant et aux murs dénudés modestement meublée sous les combles où elle avait fait l'amour avec Yennaël.
Elle pénétra dans un salon rectangulaire aux murs lambrissés de bois clair où un divan, deux fauteuils, un tapis épais à dominante prune et un buffet à alcool se partageaient l'espace. Deux portes perçaient les murs de gauche et de droite, se faisant face, quatre en tout.
Si on omettait les différents sacs de voyage, quatre, plus ou moins rangés avec des affaires plus ou moins éparpillées autour, ainsi que les coussins désordonnés du divan, l'endroit aurait pu sembler inoccupé, comme aucune présence n'était visible.
Du moins, jusqu'à ce qu'Esadd lance à la cantonade qu'ils étaient de retour en claquant le battant dans leur dos. Presque instantanément, l'une des quatre portes s'ouvrit et une silhouette se précipita sur Esadd qui ébouriffa affectueusement les cheveux du garçon qui venait de surgir.
Après cette accolade familiale à Esadd, le garçon salua Yennaël d'une manière légèrement plus formelle puis il avisa Richa, qui se tenait actuellement sur la défensive, et il la détailla avec une expression impénétrable. De son côté, la jeune fille en fit de même avec lui.
Son entrée dans l'adolescence paraissait récent et son visage possédait encore quelques unes des rondeurs de l'enfance, bien qu'il soit déjà emprunt d'une maturité et d'une gravité que même certains adultes ne pouvaient se vanter d'avoir. L'ombre dans son regard traduisait surtout la traversée d'épreuves.
Plusieurs tresses fines parcouraient son épaisse chevelure crépue brun chocolat mais son signe le plus distinctif était les tatouages en volutes tribales tracés avec une encre rouge tirant sur le bordeaux foisonnant depuis son crâne puis descendant sur sa tempe gauche jusqu'à son œil.
Quelque part, c'était comme si Richa avait face à elle un adulte dans le corps d'un jeune adolescent, une sensation étrange, quelque peu perturbante.
Avant qu'Esadd ne puisse faire les présentations, comme Yennaël ne comptait visiblement pas s'en charger, se tenant prudemment en retrait, une autre des quatre portes s'ouvrit, cette fois sur une personne connue.

- Non mais qu'est-ce qu'elle fout là ? Demanda Liam en désignant Richa avec véhémence.
- Elle, elle est aussi ravie que toi de te revoir et elle préférerait être ailleurs mais elle a pas trop le choix, répliqua Richa. A mon avis, je suis plus en sécurité ici pour l'instant. Essayer de quitter l'île maintenant serait trop dangereux avec le bordel qu'on a mis. Vaut mieux essayer demain, quand tout se sera calmé. Je suppose qu'on est tranquille au moins pour ce soir, personne va venir vérifier dans le coin en premier. Je comprends pourquoi vous apprécier les maisons closes pour vous planquer.
- Donc...tu vas rester ici ce soir ? Demanda Yennaël.
- Ça pose un problème ? Peut-être que t'as peur de te sentir en danger avec moi dans les parages, grinça Richa. C'est vrai que t'as de la chance que tes bijoux de famille soient toujours intacts, ça va peut-être pas durer.
- Et ben, au moins, on va pas s'ennuyer jusqu'à demain, lança Esadd, mais attendez que Alerrin soit parti avant de vous entretuer.
- Alerrin ? Releva Richa en posant les yeux sur le garçon.
- Alerrin du clan Defritt, enchanté, se présenta le garçon. Tu es Richa, n'est-ce pas ? J'ai entendu parler de toi de bien des façons et je suis ravi de pouvoir me faire mon propre avis. Tu n'as pas l'air aussi folle ni aussi légère que Liam le décrivait. Vous avez été blessés ?
- Quelques brûlures superficielles, rien de grave, répondit Esadd, ne t'inquiète pas. On aura pas besoin de tes services aujourd'hui, mon grand.
- Bon, et sinon, les résultats de l'opération ? Je suppose que ça n'a pas été un franc succès parce qu'on ne peut pas considérer que ramener celle-là soit une victoire.
- Va te faire foutre, Liam. Tu crois vraiment que j'ai envie de me retrouver avec le type que j'ai fait tout mon possible pour éviter pendant deux mois à me coltiner tes remarques de sale con ? De toute l'Enclave, c'est sûrement le dernier endroit où je voudrais être mais on contrôle pas tout dans la vie et je suis là donc ferme la un peu, ça soulagera tout le monde !
- Nous avons pu poser les sorts, c'était le principal. La visite à la bibliothèque était juste un bonus, résuma Esadd. Je sais même pas si on y aurait trouvé quelque chose de toute façon. D'ailleurs, Richa, qu'est-ce que tu cherchais là-bas ?
- Vous avez qu'à demander à Yen puisqu'il a l'air d'aimer parler de moi.
- Croyais-tu vraiment pouvoir trouver des informations sur tes parents sur ces étagères ? Demanda Yennaël sans regarder Richa, à qui s'adressait pourtant la question, évitant son regard.
- Non, je ne m'attendais à rien mais j'avais nulle part d'autre où chercher. Et, non, j'allais pas te demander ton aide parce que je veux juste que tu crèves dans un coin, espèce de salaud ! S'emporta Richa.
- Comme si on en avait quelque chose à faire de ce que tu veux ! Réagit Liam, aussi agressif que la jeune fille.
- Parce que tu crois que ce que je dis te concerne, peut-être ? Je parle qu'aux personnes avec suffisamment d'intelligence pour comprendre ce que je dis. Et t'es quoi, d'abord ? Le chien de garde de Yennaël ? Il est pas capable de se défendre tout seul ? Allez, va trouver une baballe après courir et fous-moi la paix.
- Ah on va passer une bonne soirée ! Commenta Esadd avec ironie et également un large sourire.
- Je vais voir avec Dréa si elle peut nous trouver de quoi manger nous préparer un bain.

Annonça Yennaël en se levant du divan dans lequel il s'était installé, d'un ton neutre, sans réagir ni intervenir dans la conversation qui se déroulait devant lui, qui le concernait pourtant, comme si il était extérieur à tout cela.
Richa avait remarqué qu'il se tenait plutôt en retrait depuis leurs retrouvailles dans la bibliothèque, prenant à peine la parole et ne regardant pas la jeune fille ou alors pas directement, comme si il cherchait à faire oublier son existence.
Visiblement, les menaces qu'elle avait proférées à l'encontre du jeune homme se révélaient efficaces, pourtant, Richa n'était pas certaine de s'en satisfaire. Elle ne voulait pas voir Yennaël, pas lui parler, pas le regarder, pas entendre le son de sa voix et encore moins qu'il l'approche, pourtant, la manière dont il demeurait sans rien tenter vers elle l'irritait profondément en lui donnant envie de le secouer pour obtenir une réaction de sa part, n'importe laquelle.
D'ailleurs, elle dû résister à l'impulsion de le saisir par sa chemise lorsqu'il passa à côté d'elle pour quitter la pièce, le regard soigneusement détourné sur le côté pour ne pas risquer de le poser sur elle. Elle laissa le battant de bois claquer derrière le jeune homme, accompagné par Liam, qui lui emboîta le pas sans manquer de fixer Richa avec une intense animosité.
Si un regard avait pu tuer, Richa ne doutait pas un instant qu'elle se serait immédiatement écroulé.
Un soupir échappa à la jeune fille alors qu'elle se passait une main sur le visage. Elle se sentait particulièrement perdue lorsqu'il s'agissait de Yennaël, sans qu'elle ne puisse réellement se l'expliquer, mais elle se sentait également profondément fatiguée, trop pour y réfléchir.
Peut-être que la situation lui aurait paru plus facilement supportable si Yennaël s'était comporté comme à l'accoutumée. Parler de l'accoutumée de Yennaël était cependant probablement présomptueux de sa part. Après tout, elle ne le connaissait pas réellement, elle ignorait à quoi correspondait le quotidien du jeune homme, ne l'ayant fréquenté que dans des circonstances exceptionnelles.
Peut-être que ces manières qui perturbaient tant Richa représentaient l'attitude habituelle de Yennaël.
La détrompant cependant sur ce point en confirmant son intuition que Yennaël ne se conduisait pas comme il en avait coutume, Alerrin constata en se tournant vers Esadd :

- Yennaël est toujours aussi étrange...
- Ça fait des semaines qu'il est d'une sale humeur, et j'ai l'impression que nous pouvons pas y faire grand chose, malheureusement. Que veux-tu ? C'est comme ça, parfois. C'est compliqué, les adultes.
- Pas besoin de me parler comme ça, je ne suis plus un enfant. Mais c'est vrai que vous faites souvent des complications pour rien, soupira Alerrin. Quand une blessure est douloureuse, on la soigne et on parle plus. C'est pareil quand quelque chose ne va pas : on le dit.
- Et oui, mais on le fait pas.
- Je crois que je ne comprendrai jamais... (le garçon étouffa un bâillement). Peut-être devrais-je aller me coucher si vous n'avez pas besoin de moi. Bonne nuit. A toi aussi, Richa.
- Oh merci, bonne nuit, répondit la jeune fille avec quelques secondes de retard comme elle ne s'attendait pas à une telle attention de courtoisie alors qu'elle n'avait pas participé à la conversation pendant qu'Alerrin quittait le salon par l'une des quatre portes pour rejoindre ce qui était probablement sa chambre. C'est un garçon...surprenant, mais il a raison : on se complique trop la vie pour rien.
- Oui, c'est un garçon très mature, sourit Esadd avec tendresse. Il n'a que quatorze ans mais je pense qu'il est bien plus intelligent et raisonnable que moi.
- C'est ton fils ? Enfin, je vois bien que vous vous ressemblez pas mais vous avez l'air d'avoir ce genre de relations.
- Non, ce n'est pas mon fils. Je n'ai eu qu'une fille. Mais c'est vrai que je me comporte comme un parent avec lui, il en a besoin. Il vient d'un clan de la Forêt Claire qui se transmet un savoir chamanique depuis des générations, mais la Flamme Blanche l'a décimé... Nous n'avons sauvé Alerrin que de justesse. Il n'avait que onze ans. Je crois que des survivants de son clan se sont réfugié à l'Archipel de Sang, mais il a préféré rester avec nous. Et c'est une très bonne chose. Malgré son jeune âge, c'est un excellent guérisseur.
- Et donc, vous formez la bande de Yennaël contre la Flamme Blanche ?
- En quelques sortes, oui, c'est l'idée.
- Donc, tu es...
- Humain, même pas magicien. Ça t'étonne ?
- Un peu mais ce sont tes choix, j'ai pas vraiment à les juger. Et puis, c'est même assez noble de te mettre en danger avec ça alors que la Flamme Blanche a rien contre toi.
- Ce n'est pas ce que tu me dis à moi. Fit remarquer Yennaël en revenant, un plateau de nourriture entre les mains.
- Laisse tomber, c'est une hypocrite. Cracha Liam en entrant à la suite de Yennaël.
- Liam, j'essaye de faire de grands efforts pour ne pas te frapper, parce que j'apprécie Esadd et Alerrin. Je veux juste que la nuit passe avec le moins de désagréments possible pour pouvoir me tirer demain matin. Donc, je vais me coucher.
- Tu n'as qu'à prendre ma chambre, je vais retirer mes affaires. »

Proposa Yennaël et, si la seule envie de Richa fut de refuser sans la moindre douceur, plutôt quelques insultes, ne voulant rien de la part du jeune homme, elle se résigna à accepter.
Se montrer aussi puérile aurait été parfaitement stupide et aurait seulement contribué à prouver son immaturité alors qu'elle admirait justement la maturité d'Alerrin il y avait quelques minutes. Par ailleurs ça aurait été également dangereux.
Après leur coup d'éclat involontaire et leur fuite, les rues allaient grouiller d'Hommes Blancs, encore plus qu'à l'ordinaire sur les Iles Blanches et sortir aurait équivalu à se constituer prisonnière d'elle-même, de se rendre, et il était hors de question qu'elle facilite ainsi la tâche à l'organisation. L'ayant dit elle-même, les choses seraient probablement plus calmes le lendemain et elle aurait l'occasion de s'enfuir de l'île, entre le chaos soudain et l'organisation que la Flamme Blanche allait mettre en place pour retrouver trois fuyards.
Pour l'instant, elle devait seulement trouver un endroit où rester la nuit en sécurité et il lui semblait qu'elle ne pourrait pas être davantage en sécurité qu'à la Coupe du Guerrier Blanc, au moins pour les prochaines heures. En effet, comme Yennaël le lui avait expliqué, les maisons closes n'étaient pas les premiers endroits où on cherchait des fugitifs et les autorités préféraient ne pas s'en approcher, craignant bien trop quoi, ou qui, elles auraient pu y trouver.
Jusqu'au lendemain, c'était le meilleur endroit où rester.
Sans compter que, après une telle soirée, tout ce qu'elle souhaitait était de s'allonger et de prendre un peu de repos dans l'espoir que ses pensées et ses émotions embrouillés, dans lesquelles elle ne parvenait pas à faire le tris, lui accordent un peu du répit dont elle avait besoin. Dès qu'elle avait posé les yeux sur Yennaël dans la bibliothèque, une migraine avait commencé à poindre et elle atteignait son paroxysme, comme si une barre chauffée à blanc était passée dans son front.
S'efforçant donc d'ignorer toutes les pensées et les sensations que le fait qu'elle accompagnait Yennaël dans une chambre réveillait en elle, accentuant la pression dans son crâne, elle suivit le rouquin de l'autre côté de la porte la plus à droite.
L'ordre ne semblait décidément pas être une qualité que possédait Yennaël. Quelques vêtements, certainement initialement entassés au pied du lit trônant au milieu de la pièce, étaient tombés sur le parquet, et une dizaine de volumes était au sol, comme il n'y avait pas de bureau dans la chambre, seulement le lit et une banquette, ouverts et marqués à certaines pages, évoquant le travail acharné auquel se livrait quotidiennement Yennaël. Même si elle refusait de trouver du positif dans la conduite du jeune homme, se cramponnant uniquement à la rancoeur qu'elle éprouvait envers lui, Richa devait reconnaître être impressionnée.
Cherchant probablement à rendre les lieux plus accueillants et agréables pour Richa, Yennaël ramassa les volumes qu'il poussa dans un coin, à côté de la banquette, soigneusement refermés et classés, un soin qu'il ne reproduisit pas avec ses vêtements qu'il se contenta de rouler en boule pour les ranger dans son sac, qu'il avait ramené du salon.
Face à tant de manières, Richa échappa un sourire, ne pouvant s'empêcher de le trouver attendrissant. Dès qu'elle s'aperçut que cette pensée venait d'effleurer son esprit, elle s'empressa de la chasser en secouant la tête de gauche à droite en grommelant tout bas.
Ayant terminé son rangement sommaire, Yennaël alla pour sortir, laissant la chambre à la disposition de Richa, qui soupira lourdement en se demandant comment elle allait pouvoir supporter une pièce ainsi saturée de la présence du jeune homme, mais, avant de franchir la porte, il se retourna en annonçant :

« J'ai besoin de te parler. »

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