Chapitre 14 - Poste Blanc

Finalement, personne n'avait eu le courage d'asséner le moindre coup à Richa et chacun s'était désisté en invoquant des prétextes : Yennaël avait craint pour la solidité de ses points de suture, Esadd avait prétendu qu'il risquait davantage de l'assommer et Liam s'était contenté de farouchement refuser alors que la jeune fille aurait pensé qu'il se serait empressé de saisir l'occasion. Il fallait pourtant bien qu'elle semble avoir été malmenée pour que leur mensonge de capture d'Humcréa soit vraisemblable auprès des Hommes Blancs locaux.
S'étant donc résigné à se passer de ses compagnons temporaires, Richa s'était chargé elle-même de son ''costume'' en s'ouvrant la lèvre inférieure sur l'une de ses longues canines acérées, en imitant des hématomes avec le maquillage avec lequel elle soulignait habituellement ses grands yeux verts, et en enfilant la tenue qu'elle portait lorsqu'elle avait soigné Yennaël et qui était encore couverte du sang du jeune homme, comme elle n'avait pas encore eu l'occasion de la nettoyer.
Pour terminer, ses poignets solidement attachés dans son dos par une corde, dont Esadd tenait l'extrémité, ses cheveux désordonnés et son jeu de comédie feignant la douleur et l'épuisement, lui conférèrent l'apparence d'une captive plutôt mal en point. Evidemment, elle avait dû retirer la médaille à l'effigie de Kaëv'ah qu'elle arborait autour de son cou pour faire cesser le sort gravé dans l'argent de façon à rendre ses caractéristiques d'Humcréa parfaitement visibles pour que personne ne puisse émettre le moindre doute quant à sa non-humanité.
L'accompagnant, Esadd n'avait eu qu'à se composer un visage dur pour se glisser dans le rôle d'un chasseur d'Humcréas.
S'étant également accordé sur l'histoire de la ''capture'' de Richa, ils étaient parfaitement prêts et se tenaient devant le poste de la Flamme Blanche qui se dressait fièrement au centre d'Inteliore, étincelant de blanc.
Même si elle connaissait le plan, qu'elle l'avait soutenu, qu'elle savait qu'Esadd respecterait au mieux les directives de Yennaël et que Liam se tenait non loin, prêt à leur prêter main forte au besoin, Richa éprouvait une sourde appréhension au creux de la poitrine.
Après tout, c'était la première fois qu'elle allait pénétrer dans un des postes de l'organisation. Il s'agissait d'endroits qu'elle s'était efforcé d'éviter autant que possible depuis son arrivée dans l'Enclave, que les autres Humcréas qu'elle avait rencontrés lui avaient appris à craindre en lui en inculquant la peur. Normalement, pour les Humcréas, on n'en ressortait pas une fois qu'on y entrait. Elle s'apprêtait pourtant à y pénétrer volontairement, pour une simple histoire de dette morale à rembourser.
A moins que, au fond d'elle, elle croyait en l'objectif de Yennaël, tout comme Liam et Esadd, et qu'elle souhaitait le voir s'accomplir. Après tout, une Enclave sans Flamme Blanche aurait probablement été un meilleur monde, pour les Humcréas en tout cas, un monde où il lui aurait été plus simple de mener ses recherches, où ses semblables n'auraient plus eu à craindre de subir de représailles à cause de leur nature.
Elle préféra cependant repousser cette idée au fond de son esprit, où elle rejetait tous les éléments qu'elle s'acharnait à nier, pour plutôt se concentrer.
Se tournant vers elle, Esadd s'enquit de si elle se sentait prête d'un discret regard auquel elle répondit d'un imperceptible hochement du menton.
Prenant une profonde inspiration durant laquelle il se composa un visage dur vide de toute pitié, Esadd poussa la porte du poste de la Flamme Blanche en trainant brutalement Richa à sa suite, dans son rôle.
Dans un hall étincelant de blanc, trois Hommes Blancs vinrent immédiatement vers eux, une main sur le pommeau de leur épée, alors que trois autres se tenaient également prêts à dégainer à proximité des issus : la porte qu'ils venaient de franchir, un couloir situé en face et des escaliers montant à l'étage sur leur gauche.
Avant que l'un d'entre eux ne prenne la parole, Esadd annonça, le corps soudainement entièrement crispé :

« Je viens vous livrer cette chose. Je l'ai capturée aux abords de la côte, à quelques kilomètres.
- C'est une Humcréa ? Demanda l'un des Hommes Blancs.
- Evidemment.

Répondit Esadd avec un ton méprisant et, pour prouver ses dires, il tira la tête de Richa en arrière, une pleine poignée de ses longs cheveux noirs serrée entre ses doigts, dévoilant ses canines acérées et ses oreilles allongées en lui arrachant un gémissement de douleur. La jeune fille savait que cela faisait partie de leur mise en scène, qui en devenait ainsi plus crédible, mais elle trouvait qu'il en faisait trop.
Prenant cependant sur elle en jouant les pauvres choses affaiblies, elle laissa son menton ployer sur sa poitrine en geignant.
Convaincus par ces preuves de sa nature, les Hommes Blancs acquiescèrent puis celui qui semblait diriger déclara :

- Merci pour l'aide que vous nous avez apportée. Vous pouvez nous la remettre à présent.
- Stop, s'opposa Esadd en repoussant la main de l'Homme Blanc s'approchant de Richa. La Flamme Blanche récompense bien ce genre d'actions citoyennes, non ?
- Oui, bien sûr. Confirma l'un des Hommes Blancs.
- Donc, je ne vous la remettrai que lorsque j'aurai ma récompense. Je dois bien gagner ma vie et, la dernière fois, je me suis fait avoir, je n'ai jamais vu la couleur de cet argent.
- Bon, très bien. Venez, je...
- Et je traite pas avec les sous-fifres. Je veux m'entretenir avec le dirigeant de ce poste, c'est le seul moyen de ne pas me faire léser. Exigea Esadd.
- Désolé mais il n'est pas disponible pour l'instant.
- Qu'importe, j'attendrai dans son bureau qu'il ait un peu de temps à m'accorder.

A côté de lui, Richa dut se contenir pour ne pas se tourner vers lui avec un regard où se mêlaient surprise et incertitude, demeurant dans son rôle de captive à bout de forces, les propos d'Esadd la laissant plutôt perplexe.
Avec cette intransigeance, il risquait de provoquer la contrariété des Hommes Blancs plutôt que de parvenir à ses fins. Rien ne les empêchaient de passer outre ses exigences, comme, après tout, ils représentaient l'autorité suprême régnant sur l'Enclave.
Sans compter que, avec son ton dur et tranchant, manifestation de son animosité qu'il luttait pour ravaler, il ne plaidait pas en sa faveur face aux Hommes Blancs, leur manquant de respect. Avec ce comportement, il risquait de faire échouer leur plan.
Richa ne pouvait cependant pas le lui signaler sans briser leur mensonge encore plus efficacement. Par ailleurs, elle ne pouvait guère reprocher à quelqu'un de se laisser dominer par ses émotions, ça aurait été totalement hypocrite, elle qui avait une impulsivité naturelle.
Cette maîtrise difficile de son émotivité se traduisit également par le poing qu'Esadd referma autour du bras de Richa en serrant si brutalement qu'il arracha un grognement de douleur à la jeune fille, qui se mordit l'intérieur des joues pour s'empêcher de lui dire d'en faire un peu moins.
Les Hommes Blancs y virent cependant plutôt le signe de la détermination d'Esadd, de son refus de céder.
Qu'il n'ait pas le courage de se lancer dans des négociations, qui se seraient révélées probablement ardues, ou qu'il comprenne la prétendue position d'Esadd, celui qui semblait être le plus gradé, se résigna dans un soupir :

- Bon très bien, suivez-moi. »

Passant devant eux, l'Homme Blanc s'engagea dans les escaliers, enjoignant Esadd à lui emboiter le pas, ce qu'il fit après avoir raffermi sa prise sur le bras de Richa, la tirant à sa suite, bien que ce ne soit pas réellement nécessaire.
Montant au dernier étage, guidés par l'Homme Blanc, ils atteignirent un bureau à la décoration tout aussi immaculée que le reste du poste. Les y introduisant, l'Homme Blanc somma Esadd, ne considérant aucunement Richa, de ne toucher à rien et d'attendre le dirigeant des lieux avant de sortir en refermant la porte derrière, mais, d'après les bruits de pas que Richa n'entendit pas s'éloigner, il se posta dans le couloir.
Etant à présent seule à seul, Richa quitta sa posture de pauvre petite chose maltraitée, se redressant, mais Esadd ne la lâcha pas, toujours fortement tendu. Au contraire, il resserra encore davantage sa poigne autour du bras de Richa et cette dernière crut entendre ses os craquer.
Maitrisant sa voix, malgré sa forte envie de s'exclamer, elle signala à Esadd dans un sifflement bas, les traits tordus en une grimace qui se partageait entre douleur et colère :

« Eh, il est parti alors tu peux arrêter maintenant. Et tu me fais mal.
- Oh, pardon. S'excusa Esadd en la libérant, semblant subitement reprendre conscience de la réalité immédiate.
- C'est quoi ton problème ? Lança Richa en massant son bras, la douleur supprimant le peu de tact qu'elle possédait de base. T'es pas un Humcréa, tu pourrais vivre ta vie tranquillement sans être menacé par la Flamme Blanche alors pourquoi tu la détestes à ce point ? Au point de me faire mal. Sans déc', faut que tu te calmes.
- Y a certaines colères qui sont impossibles à calmer. »

Déclara durement Esadd, les poings serrés à s'en briser une phalange, le corps tendu à se rompre une veine et tous ses membres tremblants de rage pourtant, c'était un chagrin incommensurable qui embuait son regard qu'il détourna. Face à lui, Richa baissa les yeux en se mordillant la lèvre inférieure, s'en voulant d'avoir appuyé sur un point visiblement particulièrement sensible en faisant ressurgir toute cette souffrance chez l'homme avenant, seulement pour se plaindre de quelque chose qui lui laisserait à peine davantage qu'un hématome.
Culpabilisant, elle murmura des excuses du bout des lèvres, une expression désolée sur le visage. Balayant ses excuses d'un geste, Esadd haussa les épaules, lui signifiant que cela n'avait guère d'importance, de toute évidence un mensonge, puis il se passa une main sur le visage en soupirant lourdement, toute l'affliction de l'Enclave paraissant peser sur son dos.
Secouant la tête de gauche à droite, il s'efforça de chasser ces pensées qui continuaient à s'accrocher à son esprit, que Richa n'allait certainement pas se permettre de déchiffrer, puis déclara qu'il était temps de s'atteler à la tâche.
Opinant, Richa ouvrit le sac qu'Esadd posa au sol, qui n'était pas un sac de voyage comme il l'avait laissé croire aux Hommes Blancs, mais qui contenait les sorts de destruction confectionnés par Yennaël.
De ce que la jeune fille en avait compris, cette élaboration se rapprochait de la fabrication de potion, art que n'importe quel possesseur de magie, voire même des personnes en étant dépourvues si les effets de la potions demeuraient simples, pouvait pratiquer, mais à laquelle Yennaël avait ajouté une bonne dose de ses pouvoirs, un peu à la manière des objets ensorcelés chez le collectionneur. Un alliage de techniques magiques apparemment élaboré par un ancêtre du jeune homme, d'après ce que Liam avait laissé échapper.
Le résultat était une dizaine de sachets en toile épaisse solidement fermés par une ficelle et contenant divers ingrédients, que Richa sentait bouger sous la pression de ses doigts.
Se les répartissant, ils en prirent chacun cinq, les enfonçant dans leurs poches pour avoir les mains libres, puis, s'aidant de la large lame du coutelas qu'il portait à la ceinture, Esadd souleva l'une des lattes du parquet vernie de blanc, de façon à ce que Richa puisse laisser tomber l'un des sachets dans l'espace ainsi dégagé.
Pendant qu'Esadd réinstallait soigneusement la planche pour qu'on ne puisse soupçonner quoi ce soit, Richa entrouvrit la porte devant laquelle était effectivement posté l'Homme Blanc qui les avait accompagnés.
Ayant remarqué le mouvement du battant, l'homme s'approcha, la main sur le pommeau de son épée. Dès qu'il fut suffisamment proche, Richa ouvrit brutalement la porte d'un coup d'épaule, l'envoyant au visage de l'homme, qui tituba de quelques pas en arrière en se tenant le nez. Surgissant du bureau, Richa se rua sur lui, la jetant au sol où elle le neutralisa en quelques secondes, jouissant, en plus de ses capacités de demie-elfe, d'un fort effet de surprise.
En se retournant, elle découvrit un autre Homme Blanc, ayant visiblement débouché des escaliers au bout du couloir. Si il prévenait des renforts, Esadd et elle allaient se faire découvrir, sans avoir la possibilité d'accomplir leur tâche ou de s'échapper. Même avec sa vélocité, jamais elle n'aurait pu aller plus vite que sa voix lorsqu'elle s'élèverait en avertissant des renforts. Jamais elle n'aurait pu combler les quelques mètres qui les séparaient avant qu'il ne prévienne ses collègues. D'ailleurs, il ouvrait déjà la bouche pour le faire.
Ne se résignant pourtant pas, même si elle avait conscience que c'était inutile, Richa s'élança vers l'Homme Blanc, qui s'affaissa soudainement avant d'avoir prononcé une syllabe et avant qu'elle ne le rejoigne. S'écroulant sans connaissance, il dévoila celui l'ayant assommé : Liam, vêtu d'un uniforme immaculé.
Visiblement, le jeune homme n'avait pu suivre les directives de Yennaël en se contentant de demeurer en retrait. Heureusement, car il venait de sauver toute l'opération.
Habillé d'une tenue d'Homme Blanc, qu'il avait certainement subtilisée à un véritable membre de l'organisation qui devait gésir à quelques rues de là, il avait pu aisément pénétrer dans le poste. Tant que personne n'avait détaillé son visage, qu'il camouflait sous la capuche blanche rabattue sur son crâne, il pouvait évoluer tranquillement dans ces couloirs.
Le remerciant pour son intervention, Richa hocha le menton, s'attendant à recevoir un sermon de Liam, lui reprochant de ne pas être suffisamment attentive ou prudente. Au lieu de cela, le jeune homme lui adressa un sourire, expression que Richa ne pensait pas voir sur ses traits balafrés, surtout alors qu'elle lui était destinée. Apparemment, sa satisfaction d'avoir empêcher la mission de prendre une tournure particulièrement fâcheuse lui faisait oublier qu'il détestait la jeune fille.
Ne perdant pas davantage de temps, en interrogation ou en remerciement, ils retournèrent à leur tâche. Richa lança deux des sachets remplis de sorts à Liam, qui les réceptionna habilement, puis tous deux se répartirent dans le couloir à la recherche d'emplacements pour les sortilèges.
Esadd les rejoignit bientôt et il ne parut guère surpris de trouver Liam, comme si il s'attendait à ce que le jeune homme désobéisse à Yennaël dès le départ, et il n'exprima donc pas la moindre remarque. A l'inverse de Liam qui vint immédiatement à sa hauteur pour s'enquérir d'un sujet avec lui, d'un ton trop bas pour que Richa puisse en capter le propos, même avec ses longues oreilles, une main réconfortante posée sur l'épaule du colosse à la peau d'ébène, visiblement soucieux pour lui.
Ne s'en préoccupant pas davantage, bien qu'elle se posait de nombreuses questions, Richa se détourna pour s'éloigner dans le couloir, les doigts serrés autour d'un des sachets.
A trois, ils eurent rapidement terminé, plaçant les sachets derrière une pierre du mur, sous une dalle du sol, dans le fond d'un meuble, dans le tissage d'une tapisserie et dans toute autre cachette qui ne risquait pas d'être repérée avant que Yennaël ne choisisse de déclencher ces sortilèges.
Richa enfonça le dernier sachet derrière une plinthe du mur puis, alors que Liam et Esadd cherchaient un ultime emplacement, elle retourna dans le bureau du dirigeant de ce poste.
Si, en acceptant d'accomplir cette opération pour Yennaël, Richa n'avait pas d'autre but que de la réussir pour rembourser la dette qu'elle avait contractée auprès du rouquin, une autre idée lui était venue alors qu'elle observait tous les documents présents dans la pièce. Pour la plupart, il s'agissait de rapports d'arrestations, d'interrogatoires ou d'exécutions d'Humcréas transmis par les différents Hommes Blancs locaux. La jeune fille croyait également avoir aperçu quelque chose ressemblant fortement à un registre, dans lequel elle imaginait qu'étaient consignées les informations sur les condamnés.
Si elle pouvait se renseigner pour sa propre quête, elle n'allait pas manquer cette occasion sous prétexte qu'elle n'était initialement par là pour ça.
Revenant donc dans le bureau, elle s'empara de l'épais volume relié de cuir teinté de blanc. Cela devait valoir une petite fortune mais, en tant qu'organisation la plus puissante de l'Enclave, la Flamme Blanche disposait d'immenses moyens de toutes sortes, qu'elle ne se privait pas pour utiliser.
Ouvrant l'ouvrage, Richa constata qu'il s'agissait effectivement d'un registre qui répertoriait les Humcréas découverts dans la région, en précisant le jour, le lieu, leur nature, les révélations leur ayant été arrachées ainsi que la date de l'exécution.
Elle n'eut cependant pas le temps de l'étudier davantage. La rejoignant, Liam lança :

- Qu'est-ce que tu fais ? Faut pas trainer. Maintenant qu'on a fini, on dégage.
- Je veux juste vérifier quelque chose.

Répondit Richa sans relever le regard sur Liam, lisant en diagonale le registre qu'elle continuait à feuilleter.
Avisant le volume, Liam fronça les sourcils puis leva les yeux au ciel. Il n'était pas difficile de deviner qu'elle espérait dénicher une piste au sujet de ses parents. Ne lui accordant pas le loisir de s'y consacrer, il lui arrache le registre des mains.
Si Richa retint l'exclamation indignée qui lui monta aux lèvres ce fut seulement car elle savait qu'ils devaient demeurer aussi discrets que possible. Elle se contenta donc d'un regard furieux sur Liam, alors qu'elle s'apprêtait à lui ordonner de lui rendre l'ouvrage, mais, à sa grande surprise, il rangea le volume dans le sac d'Esadd, toujours à leurs pieds, avant de le passer sur ses épaules.
D'un geste du menton, il enjoignit Richa à le suivre en répétant qu'ils devaient quitter les lieux au plus vite.
Lui emboîtant le pas, Richa fixa le dos du jeune homme, la tête penchée sur le côté en une attitude interrogative.
Dès leur rencontre, Liam lui avait fait comprendre qu'il la détestait, pour une raison ou pour une autre, pourtant, il venait de se montrer compréhensif, bien que distant. Quelque chose lui échappait au sujet du jeune homme.
Ne s'attardant pas davantage dans ce poste, où ils se trouvaient depuis trop longtemps déjà, ils entreprirent de s'extirper de ce piège à Humcréas. Depuis le départ, avant même le lancement de ce plan, ils savaient que ce serait une étape délicate.
Grâce à l'intervention de Liam, la seule difficulté à laquelle ils se confrontèrent fut seulement la profonde appréhension, qui leur comprima la poitrine alors qu'ils franchissaient les portes du poste.
Adoptant toujours le rôle d'un Homme Blanc, le jeune homme feignit d'escorter Richa, à nouveau ligotée, en prétextant un transfert vers un autre poste pour une quelconque raison. Quant à Esadd, il n'y avait rien de surprenant à ce que le chasseur qu'il était supposé être quitte les lieux après avoir remis sa prise à la Flamme Blanche.
Ce qui ne les empêcha pas d'avoir le cœur tambourinant d'angoisse alors qu'ils traversaient le hall, craignant qu'on ne les arrête. Il suffisait qu'un des Hommes Blancs aperçoive les traits de Liam sous la capuche de ce dernier ou qu'un autre s'interroge sur ce prétendu transfert pour qu'ils soient découverts.
Heureusement pour eux, les Hommes Blancs présents semblaient bien trop occupés pour leur accorder une attention excédant les quelques secondes.
Depuis la visite de Blanche la Pure, il y avait quelques mois, la branche des Terres Intérieures de la Flamme Blanche était en pleine effervescence, subissant un remaniement dans son fonctionnement. Ce qui expliquait d'ailleurs pourquoi Yennaël avait choisi cette période pour s'en prendre au poste d'Inteliore.
Le soulagement ne fut réel que lorsqu'ils furent à plusieurs mètres du bâtiment blanc, suffisamment éloignés pour ne pas être remarqués. Les épaules de Richa s'allégèrent d'un poids lorsqu'elle se défit de ses liens et qu'elle s'élança dans un réseau de ruelles à la suite d'Esadd et Liam.
Après quelques minutes de courses, ils ralentirent et Richa lança, à peine essoufflée, contrairement à ses deux camarades :

- Je comprends pas pourquoi vous en faisiez toute une histoire, surtout Yen. C'était facile.
- Crois-moi, ça ne l'est pas toujours. »

L'avertit sombrement Esadd. Le ton de sa voix laissait supposer qu'ils avaient déjà rencontré des difficultés bien plus importantes lors d'autres missions.
Cette réflexion en tête, Richa se demanda comment la prochaine allait bien pouvoir se dérouler. Surprise par sa propre pensée, elle stoppa un court instant avant de reprendre sa marche. Pourquoi cette question s'était-elle glissé dans son esprit ?
En ce qui la concernait, il n'y aurait pas de prochaine fois. Celle-ci serait la seule et l'unique. A présent, elle avait remboursé sa dette auprès de Yennaël, elle n'avait plus aucune raison de se mêler de ces manœuvres.
Sans s'attarder, ils rejoignirent la maison close, où les attendait Yennaël, fortement agité.
Laissant Liam et Esadd rapporter le déroulement des événements au rouquin, Richa récupéra le registre. S'installant dans un recoin, elle l'ouvrit, les mains tremblantes, non pas tant de la hâte de découvrir quelque chose que de l'appréhension de ne rien trouver. Après tout, il aurait fallu une bienheureuse coïncidence.
Les différents rapports défilèrent sous ses yeux et elle s'efforça de ne pas songer aux sorts de ces Humcréas cités dans ces pages.
Soudainement, elle poussa une exclamation de surprise.

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