Chapitre 9 - Les trois femmes elfes [2/2]
Se plongeant dans ses réflexions, Richa conclut aisément que le seul à pouvoir lui apporter une certitude sur cette question était Jonathan, qu'elle devait confronter pour le forcer à lui répondre.
Etudier cette éventuelle paternité sous cet angle, uniquement celui qui se concentrait sur son besoin de réponses sur ses origines sans y attacher d'émotion particulière, l'aida à rationaliser cette interrogation et donc à repousser le violent malaise qui l'avait gagnée.
Elle devait trouver un moyen d'atteindre Jonathan pour l'obliger à un petit face à face explicatif. Y songeant, son regard se posa sur les escaliers qu'elle apercevait à travers les murs de dentelles de pierre, qu'elle se demandait comment franchir. Semblant deviner ses pensées, la blonde lui assura qu'elle n'avait aucunement besoin d'élaborer un plan pour retrouver Jonathan dans la demeure car ce dernier ne tarderait pas à lui-même la faire venir à lui.
La nausée de Richa revint soudainement en un subit haut le cœur à cause de la raison pour laquelle Jonathan comptait l'amener à lui mais elle s'efforça de la maîtriser en se focalisant seulement sur l'aspect pratique de cette prochaine rencontre. Après tout, elle souhaitait faire face à Jonathan pour lui soutirer des réponses et il lui en offrait l'occasion.
Il ne se plierait certainement pas à une pareille conversation mais il suffirait de l'y forcer, même si ''suffire'' semblait être bien optimiste puisque, comme Richa l'avait expérimenté il y avait peu, le vampire était un redoutable adversaire.
A présent, elle connaissait l'ampleur de ses capacités et elle ne se laisserait donc pas surprendre. Par ailleurs, lorsqu'elle s'était retrouvé à la merci de Mikhail, ligotée et affaiblie par la drogue, elle était parvenue à renverser la situation en sa faveur, alors, elle aurait parfaitement pu reproduire l'exploit aujourd'hui, sans tomber dans un excès de confiance.
De toute manière, elle n'avait guère d'autre choix si elle voulait exploiter cette piste, ce qui était évidemment le cas. Elle ne comptait pas quitter cette demeure troglodyte avant d'avoir confirmer ou infirmer l'hypothèse avec une certitude infaillible.
Sans compter que, pour s'échapper des entrailles de la falaise, sortir de cette cage était essentiel et il paraissait stupide de s'épuiser à rechercher une issue alors qu'on allait se charger de la déverrouiller pour elle. Bien que risqué et probablement inconscient, ce plan lui convenait et lui semblait être le plus indiqué dans cette situation pour obtenir ce qu'elle souhaitait. De toute manière, Jonathan n'allait certainement pas lui demander de l'accompagner en lui proposant comme alternative de rester avec les autres elfes, alors autant tirer le meilleur possible de ces circonstances désastreuses.
Lorsqu'elle y réfléchissait, les choses lui paraissaient fort simples, qui ne nécessitaient pas d'hésiter ou d'y songer durant des heures. Il fallait seulement qu'elle occulte le fait que Jonathan était possiblement son père et que son intention était d'abuser d'elle, car cette idée la paralysait de dégoût, la rendant impuissante, or, elle devait absolument conserver tous ses moyens pour la suite.
Sachant à présent ce qu'elle avait à faire et apaisée, elle adressa un hochement du menton aux trois femmes elfes pour les rassurer tout en affirmant que tout allait bien se dérouler, ce qui les surprit. Premièrement car Richa se remettait bien vite de ce choc et deuxièmement car elle ne semblait pas effrayée par ce qui l'attendait. Au contraire, son regard luisait de détermination.
Certainement qu'elle-même aurait pu s'en étonner, mais, depuis son arrivée dans l'Enclave, elle avait constaté que céder à la peur était parfaitement inutile et risquait même plutôt de permettre à la menace de s'abattre sur elle avec encore davantage de facilité. En revanche, demeurer alerte et prudente lui donnait bien plus de chances de triompher d'un danger quelconque.
Visiblement, elle avait déjà appris à canaliser ses émotions pour qu'elles ne la submergent pas tant qu'elle avait besoin de rester au maximum de ses capacités et à réagir en situation extrême. A moins que tout cela n'aient déjà été ancré en elle depuis longtemps, provenant d'un passé qu'elle ignorait, comme tant d'autres choses qu'elle ne s'expliquait pas et que tout cela se réveillait à présent qu'elle en avait l'utilité. Peut-être également que ses émotions avaient moins de prise sur elle car elle les évacuait via ses pouvoirs, mais elle n'y croyait pas réellement.
C'était juste qu'elle était douée pour encaisser, car il lui fallait continuer à avancer.
De toute manière, ses émotions restaient bien présentes puisqu'elle ressentait actuellement une froide et profonde colère à l'encontre de Jonathan, et qu'elle prévoyait également cette entrevue dans l'espoir de prendre sa revanche tout en lui faisant payer ce soir qu'il avait infligé à ces femmes.
Dans tout les cas, pour mettre son plan à exécution, elle devait attendre que Jonathan vienne la quérir et, pour l'instant, elle ne pouvait que patienter.
Cherchant comment s'occuper, son regard se posa sur le bassin dont l'eau semblait toujours chaude. Quitte à être prisonnière dans ce genre de cage dorée, autant en profiter pour faire un peu de toilette, véritablement, ce qu'elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de faire depuis son départ du temple de Kaëv'ah. Comme elle l'avait supposé en quittant la Terre, l'hygiène lui manquait.
Suivant son regard, l'elfe aux cheveux blonds vénitien l'invita à faire comme chez elle, non sans une certaine ironie et la blonde ajouta que Jonathan avait justement exigé qu'elles la préparent, qu'elle soit présentable pour lui.
Un rictus tordit les lèvres de Richa à cette précision, la répulsion la saisissant encore, mais elle la repoussa à une nouvelle reprise, évitant tout parasitage de son esprit.
Les jambes encore légèrement tremblantes, elle se dirigea jusqu'au bassin alors que ses compagnes d'infortune retournaient à leurs occupations.
Se déshabillant, après avoir vérifié qu'aucune des trois elfes ne la regardait, mais elles paraissaient parfaitement s'en moquer, devant probablement en avoir coutume, elle retira ses vêtements, qui exhalèrent une forte odeur de sueur qui la prit à la gorge alors qu'elle s'y était pourtant habitué ces derniers jours, puis dénoua ses cheveux, ce qu'elle n'avait pas fait depuis des jours, et elle pénétra dans le bassin.
Comme elle le pensait, l'eau était toujours chaude et elle lui fit du bien, plus que par ce qu'elle nettoyait sa peau. Elle l'apaisait et la détendait, ce qui la mettait en de bonnes dispositions avant d'affronter Jonathan.
Ne perdant cependant pas trop de temps en ablutions, préférant être prête lorsque Jonathan se présenterait pour lui ordonner de l'accompagner, elle choisit de se contenter de se laver et s'immergea entièrement, laissant ses longues mèches noires flotter à la surface en s'y répandant, donnant l'impression qu'une profonde obscurité s'était soudainement emparé du bassin.
Restant totalement immergée aussi longtemps que le manque d'oxygène le lui permit, elle ne remonta qu'après plusieurs secondes pour s'appuyer contre le rebord avec un soupir, mais elle-même ignorait si il était d'aise ou de lassitude.
Avec surprise, car elle l'avait vue s'intéresser aux volumes contenus dans la bibliothèque alors qu'elle plongeait dans l'eau, elle découvrit l'elfe à la chevelure châtain assise non loin d'elle, les jambes trempant dans le bassin. Avec un sourire quelque peu gêné, sentant Richa sur la défensive avec l'étonnement, elle lui tendit un savon que la jeune fille accepta en la remerciant d'un hochement timide du menton avant de commencer à énergiquement nettoyer sa peau, quitte à ce qu'elle soit rougie, pour être certaine qu'elle était propre.
A côté d'elle, l'elfe lui proposa de l'aider à lui laver les cheveux mais Richa refusa et s'en chargea elle-même, plutôt gênée.
Elle culpabilisa cependant lorsqu'elle avisa l'expression de déception qui descendit sur son visage et qu'elle la vit contracter les mains sur son ventre par-dessus le voilage de sa robe.
Visiblement, elle retrouvait en Richa, certainement à cause de son sang-mêlé, l'enfant avorté qu'elle aurait probablement souhaité élever et voir grandir en d'autres circonstances, et elle devait donc éprouver une certaine tendresse maternelle instinctive envers Richa.
Peinée pour elle, compatissante et également curieuse de goûter à un arrière-goût de cette douceur maternelle, la jeune fille lui proposa avec un sourire incertain de la coiffer lorsqu'elle aurait terminé. Touchée, l'elfe acquiesça vivement en souriant largement mais son enthousiasme ne remplaçait pas entièrement l'ombre dans ses yeux.
Ne la faisant pas s'impatienter, Richa se pressa de se rincer puis de se sécher dans le long peignoir que lui tendit l'elfe pour ensuite s'installer devant le miroir de la coiffeuse. Un peigne ouvragé à la main, l'elfe passa dans son dos et entreprit de démêler sa chevelure humide, qui en avait grandement besoin même en étant restée emprisonnée dans sa natte.
Lorsqu'elle eût fait disparaître le dernier nœud sous les dents du peigne, elle coiffa ses cheveux en trois tresses plaquées sur ses tempes qui se réunissaient ensuite en une natte plus épaisse à l'arrière du crâne et retombait dans le reste de sa chevelure.
Continuant sur sa lancée, elle sortit quelques produits de maquillage mais Richa se contenta de seulement un trait de khôl noir sous les yeux sans trop en faire.
Ensuite, l'elfe ouvrit les coffres qui, comme Richa l'avait deviné, contenaient des vêtements, et plus particulièrement des sous-vêtements dans le premier. Y fouillant, Richa tira un ensemble noir, un corset se laçant dans le dos aux côtés tout de dentelles et une culotte échancrée assortie.
En revanche, elle ne piocha pas parmi les robes légères entreposées dans les autres coffres pour le reste de sa tenue mais dans le dernier, plus petit, presque discret, qui recelait des vêtements plus dans son style et plus indiqués pour ses déplacements.
Un pantalon en cuir brun foncé avec des empiècements de tissu noir le long des jambes sur lesquels s'entrecroisaient des lacets dans le même cuir qui permettaient d'adapter la largeur du vêtement, qu'elle resserra au maximum autour de ses jambes, un haut vert épinard moulant en tissu fin à manches longues se terminant par des mitaines sur lequel elle passa un autre haut, assorti au pantalon, dépourvu de manche et au col montant fermé par un cordon de cuir passant par deux œillets perçant le col.
Pour terminer, elle referma une ceinture en cuir plus clair que l'ensemble. Double, elle passait sur sa taille avant de retomber sur ses hanches en se croisant sur le devant. Elle la portait plus pour pouvoir y accrocher des choses, comme les fourreaux de ses dagues, que Jonathan lui avait évidemment retirés. Au fond du coffre, elle dénicha également une protection de cuir pour les articulations, pour les coudes, comme ses genoux étaient déjà protégés par le cuir du pantalon, mais impossible d'en trouver une seconde, et elle n'en équipa que son bras droit.
Avec quelques mouvements d'échauffements, elle assouplit le cuir de ses nouveaux vêtements et s'y habitua.
A présent, elle se sentait parfaitement apte à affronter Jonathan.
Elle n'eut cependant pas le temps de se préparer davantage à cette entrevue car des pas résonnèrent dans les escaliers de pierres du couloir.
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