Chapitre 8 - "Perdez tout espoir vous qui entrez ici" [2/2]
Refoulant son appréhension, Richa passa dans le salon où elle se laissa lourdement tomber sur l'un des divans en croisant les jambes et s'appuyant contre l'accoudoir, prenant possession des lieux sans grande vergogne. Quelque chose la dérangeait dans le comportement de son hôte, ce qui la poussait à se mettre sur la défensive en manifestant un certain irrespect.
D'un regard circulaire, elle étudia la pièce au sol de marqueterie brillant. Toute en longueur, l'élément le plus impressionnant de la pièce était probablement la cheminée sculptée directement dans la roche de la falaise en motifs de roses et dans l'âtre de laquelle Richa aurait pu se tenir allongée. Sur le manteau étaient exposés deux longs sabres à l'extrémité légèrement recourbées, à la lame décorées d'un liseré rouge sang et dont la seule différence se trouvait au niveau de leurs poignées, l'une entourée de cuir noir et l'autre de rouge carmin, installés sur un râtelier horizontal en bois noir vernis. A sa droite s'ouvrait une porte de bois close et impossible pour Richa de deviner ce qui se trouvait derrière.
A l'opposée, du côté gauche, devant la cheminé, étaient disposés deux divans dans un style proche de ce qu'on appelait Louis XVIII sur Terre, sur l'un desquels Richa s'était assise, où s'alliaient bois foncé et velours rouge profond, séparés par une table basse dans le même genre et accompagnés par un fauteuil assorti. Non loin se situait un plateau roulant de bois laqué transportant plusieurs verres à pied en cristal et une carafe, également de cristal, contenant une boisson que Richa jugeait trop rouge pour être seulement du vin. Une banquette, toujours dans le même ensemble de meubles, était poussée contre le mur ouest, qui était entièrement sculpté de bas-reliefs représentant des scènes qui paraissaient semblables à celles tissées dans les tapisseries du hall.
Pour terminer, deux portraits étaient accrochés à côté de la cheminée, tous deux représentant Jonathan dans deux postures différentes.
L'endroit semblait clairement avoir été aménagé pour impressionner les visiteurs qu'il recevait. Par ailleurs, Jonathan était le premier Humcréa que Richa rencontrait à être si bien lotis, peut-être car sa demeure était ainsi ingénieusement camouflée. On plongeait cependant encore davantage dans le stéréotype vampirique avec ce grand salon.
Après avoir rapidement détaillé son environnement, Richa commença rapidement à s'impatienter, se demandant ce qu'attendaient le cyclope et son hôte pour la rejoindre, surtout alors que ce dernier avait paru tant tenir à ce qu'ils prennent place au salon.
Se levant, elle alla vérifier ce qui justifiait de la faire patienter de la sorte par l'arche pour découvrir les deux Humcréas qui échangeaient à voix basses. Même avec ses longues oreilles d'elfe, elle ne parvint pas à capter le sens de leurs murmures mais elle put déterminer, par leur gestuelle et leur attitude, que le cyclope insistait à propos de quelque chose alors que Jonathan paraissait se montrer assez méprisant, et tous deux désignaient le salon or, le seul élément présent dans la pièce susceptible de susciter une conversation si agitée était Richa, ce qui ne rassurait nullement cette dernière.
Cette fois, questions ayant besoin de réponses ou non, elle décidait de quitter cette demeure, mais, alors qu'elle s'apprêtait à franchir l'arche, elle se heurta à Jonathan qui pénétrait dans le salon.
Saisissant la jeune fille par la main avec son même sourire trop mielleux, il la ramena vers l'un des divans où il la força à s'installer à nouveau en s'y asseyant avec elle.
Les suivant en retrait, le cyclope se posta non loin, les bras croisés sur la poitrine, et il se racla la gorge pour rappeler sa présence alors que Jonathan lançait à Richa qu'elle ne comptait tout de même s'en aller si rapidement. Se tournant vers son second hôte, qui semblait nettement moins l'intéresser que Richa, qui en profita d'ailleurs pour retirer sa main de celle du vampire, il soupira lourdement, paraissant se souvenir de quelque chose qui l'importunait alors que leur échange venait juste de s'achever.
Délaissant la jeune fille, Jonathan se leva pour décrocher l'un des portrait et en soulever le cadre de sous lequel il tira une feuille de papier au grain épais et une plume taillée teintée de noire.
Richa arqua un sourcil, trouvant l'endroit fort insolite pour ranger un nécessaire d'écriture, mais Jonathan devait probablement avoir ses raisons pour le dissimuler de la sorte, ou alors cela faisait tout simplement partie de sa mise en scène de vampire gothique mystérieux. Certainement comme le fait de ne pas utiliser d'encre mais de s'entailler le poignet de ses canines acérées pour tremper la pointe de la plume dans le sang affluant paresseusement à la plaie et rédiger une missive avec son propre sang.
Les yeux écarquillés, Richa le regarda signer, après qu'il ait inscrit quelques phrases, que son angle de vue par-dessus l'épaule de Jonathan ne lui permettait pas de déchiffrer discrètement. Il souffla sur le papier pour faire sécher le sang plus rapidement avant de le rouler pour ensuite le tendre au cyclope.
Ce dernier le rangea précieusement dans l'une des poches de sa tunique usée et s'enquit :
- Ça suffira ?
- Bien sûr, le rassura Jonathan, une recommandation de ma part, écrite, est plus que suffisante. Tu la donneras à Wolramf et il t'amènera aux Terres de Sang.
- C'est toute l'aide que vous m'apportez ?
- Il me semble que ta survie est un payement plus que suffisant.
- Un payement pour quoi ? S'alarma Richa, sentant son mauvais pressentiment se confirmer.
- Pour vous, ma chère. Répondit Jonathan avec son sourire qui fit remonter des frissons le long de l'échine de la jeune fille.
- Tu m'as vendue, sale enfoiré !
Hurla Richa, accusant le cyclope, qui se raidit, effrayé par sa rage.
Bondissant du divan, elle alla pour se jeter sur le cyclope tout en esquivant Jonathan, qui, depuis sa positon, ne pourrait pas intervenir, surtout avec la vélocité de demie-elfe de la jeune fille.
Du moins, ce fut ce qu'elle crut jusqu'à ce qu'une poigne d'acier se referme autour de son poignet et qu'elle se retrouve avec un bras douloureusement tordu dans le dos.
Comment Jonathan avait-il pu se déplacer si rapidement ?
Visiblement, elle venait de tomber sur un adversaire redoutable. Elle se pensait cependant capable de la vaincre, ayant encore une main de libre, ce qui était amplement suffisant.
Sentant Jonathan se pencher sur elle par derrière sans la lâcher, peut-être pour lui glisser quelque chose à l'oreille, elle rejeta violemment la tête en arrière et le craquement de cartilage qu'elle entendit lui indiqua que le coup avait été efficace.
La poigne du vampire sur son poignet faiblit légèrement et elle profita que son agresseur soit en une posture quelque peu désavantageuse pour dégainer l'une de ses dagues passées dans sa ceinture de la main gauche, la libre. D'un vif mouvement, elle enfonça la lame entre les côtes de Jonathan, la zone qu'elle pouvait le plus aisément atteindre dans cette position. Le vampire émit un râle étouffé et son poids sur Richa s'allégea.
Se courbant encore davantage avec un mouvement d'épaules, elle le jeta au sol, sous l'oeil du cyclope qui demeurait en retrait en se gardant soigneusement d'intervenir.
D'ailleurs, la seule raison pour laquelle il n'avait pas encore quitté la demeure troglodyte était que Jonathan avait roulé dans le passage, l'empêchant d'emprunter l'arche vers le hall et la sortie, ce qui, en revanche, ne freina pas Richa.
D'un bond souple, elle enjamba Jonathan gisant à terre et se tordant de douleur pour s'élancer vers la porte, se résignant à abandonner la majorité de ses affaires, ayant laissé son sac dans le grand salon.
Se ruant dessus sans plus se soucier de ce qu'il se passait derrière elle, elle ouvrit brusquement la porte, prête à se précipiter à l'extérieur mais, dès que le battant pivota, avant même qu'elle n'aperçoive l'autre côté, une poigne glacée se referma autour de sa gorge.
Ses ongles perçant sa peau, Jonathan avança, la forçant à reculer et la ramena à l'intérieur de sa demeure en claquant la porte dans son dos.
Apparemment doté d'une force largement surhumaine, il souleva Richa du sol, la tenant à bout de bras tout en serrant lentement la gorge de la jeune fille, qui s'agrippa à ses avant-bras, le griffant, et chercha à l'atteindre de ses coups de pieds, se débattant, alors que sa vision se brouillait, que ses forces la quittaient et que sa poitrine commençait à réclamer de l'oxygène.
- D'où sors-tu pour croire qu'un alliage ordinaire, certes elfique, pourrait blesser un vampire ? (Jonathan retira la dague, qu'il jeta sur le sol de pierre où sa lame tinta, de sa plaie qui se referma presque instantanément). Visiblement, tu ignores aussi que certains vampires ont la capacité de se transformer en brume. Très pratique pour se glisser aisément hors d'un lieu et rattraper une petite souris qui cherche à s'échapper. »
Concluant son petit discours en insistant plus particulièrement sur la dernière syllabe qu'il prononça, Jonathan lança Richa à travers la pièce, comme si elle ne pesait pas davantage qu'un fétus de paille dont il se serait débarrassé. Atterrissant durement au sol, où elle roula sur les tapis jusqu'à heurter les premières marches de l'escalier, Richa tenta de reprendre son souffle en toussant.
Sachant parfaitement qu'elle ne pouvait se permettre de prendre le temps de retrouver sa respiration, elle se releva difficilement en prenant appuie sur la marche à côté d'elle, bien que ses jambes tremblantes la soutiennent à peine, que la tête lui tourne et que sa vision demeure floue.
Si bien qu'elle ne put esquiver le coup que lui porta Jonathan, qui la frappa avec une vitesse et une force vampiriques, la faisant à nouveau immédiatement chuter, le manque d'air l'ayant privée de toute résistance.
Paumes en avant, elle se rattrapa aux marches avant que son front n'aille en percuter le rebord mais elle n'eut pas le temps de se retourner, littéralement ou dans sa stratégie de défense, car le poids de Jonathan s'abattit sur elle.
Saisissant sa longue tresse qu'il enroula autour de son bras, il lui tira la tête en arrière, lui arrachant un râle de douleur alors qu'elle ruait pour tenter de fragiliser sa position au-dessus d'elle pour se libérer, sans grand succès, que ce soit à cause de sa force physique de vampire ou de la faiblesse qui gagnait la jeune fille à cause de la privation d'oxygène précédente, qui continuait à se faire sentir.
Avec un ton supérieur mais également suave, Jonathan lui murmura quelque chose à l'oreille, prononcé dans une langue aux accents râpeux et sifflants, qu'elle n'avait encore jamais entendu depuis son arrivée dans l'Enclave mais qu'elle identifia comme du vampirique et qu'elle traduisit sans difficulté, saisissant le sens de la phrase où il lui assurait qu'elle lui appartenait, puis il rejeta violemment son crâne vers l'avant, l'envoyant heurter durement l'escalier de pierre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top