Chapitre 6 - La Gloire du passé

La majorité du paysage était dévorée par les flammes, si bien que le ciel en rougeoyait et que l'atmosphère en était saturée de cendres noires, qui donnaient presque l'impression que la nuit était tombée depuis quelques heures, alors que l'horaire était davantage proche du milieu de la journée.
Ce qui n'était pas encore consumé par ce feu vorace le subissait pourtant déjà, que ce soit à cause de la chaleur qui craquelait le sol et par les cris effrayés de la population qui s'affolait de se voir menacer de la sorte par ces hautes flammes, qui commençaient à s'attaquer à leur habitation sans sembler leur offrir d'échappatoire. Quel que soit l'endroit où on regardait en quête d'une issue, tous les alentours étaient envahis par les flammes qui se dressaient en de véritables murs infranchissables et ce sur des kilomètres et des kilomètres, jusqu'à bloquer l'horizon en produisant des effets d'ondulation de l'air sous la chaleur.
Un véritable champ de flammes, un piège incandescent qui se refermait sans laisser à personne la possibilité d'y échapper.
Cela pouvait sembler être exagéré, beaucoup trop de déchainement de flammes, mais il avait toujours apprécié d'user des flammes lors de ses démonstrations de force.
Pour commencer, car cela impressionnait toujours particulièrement avec l'antique peur du feu qui s'éveillait en remontant des tréfonds de l'âme, et ensuite car il jugeait que c'était l'élément qui lui correspondait le mieux, certainement à cause de sa chevelure flamboyante qui évoquait tant le feu.
Sans compter que, avec la puissance magique dont il était doté, générer une telle quantité de flammes et la maintenir n'exigeait comme effort qu'à peine davantage qu'un froncement de sourcils.
Obéissant à sa volonté, les flammes se répandirent dans la ville, enflammant les charpentes et les toits de chaume ou bien noircissant les murs de pierres.
Les éléments les plus fins, comme les tissus des rideaux ou les plantes, celles aux fenêtres ou dans les jardins, n'avaient même pas besoin d'être léchés par les flammes pour s'embraser, seulement sous l'effet de la chaleur qui augmentait de seconde en seconde, en même temps que les flammes prenaient possession de la ville, remontant les rues, dont les pavés éclataient, sans épargner la moindre chose, s'élevant jusqu'aux tours, certes modestes, de la résidence royale. La seule échappatoire, le seul espoir se survie pour la population était la rive, sur laquelle le port avait été construit, l'eau étant l'unique protection face à la fureur du brasier qui gonflait dans la cité.
Abandonnant tout derrière eux, des richesses à la plus maigre des possessions, ne prenant pas le risque de perdre ainsi du temps, les flammes gagnant du terrain de seconde en seconde, les habitants se déversaient dans les rues, hurlant, sanglotant, se lamentant, priant, invoquant les dieux, appelant leurs proches, paniquant, des enfants aux vieillards, pour se diriger vers le nord-ouest de la ville, vers le port.
Evidemment, les personnes se trouvant à proximité des quais, pour travailler ou pour y vivre, eurent le plus de chances, n'ayant pas à parcourir de nombreux mètres avant d'atteindre l'océan salvateur, poursuivies par une fournaise plus rapide qu'elles.
Dès que l'incendie s'était révélé impossible à maîtriser ou à circonscrire – le premier réflexe de beaucoup de citoyens, guidés par les autorités, avait été de créer une chaine pour acheminer de l'eau jusqu'au brasier, qui avait redoublé d'intensité, comme courroucé de cette tentative pour l'éliminer – les plus proches des quais avaient embarqué sur les navires préparés à un départ rapide et avaient quitté la cité incendié en mettant le cape sur Kiple, sur la côte des Terres de Plaines, ou bien ils s'étaient contenté de s'immerger, plongeant dans l'eau stagnante du port depuis les quais en espérant ainsi être en sécurité le temps que l'incendie s'achève, ce qu'il ne paraissait nullement disposé à faire.
Suivant cet exemple, les habitants des autres quartiers, plus éloignés, se précipitaient vers le port.
La distance à parcourir s'avérait cependant bien trop importante, en particulier pour ceux résidant au sud-est de la ville, au total opposé du port, et le temps jouait également contre certains des fuyards, le feu se déplaçant plus rapidement qu'eux en se déployant de tous côtés à la fois.
Les gens se trouvaient souvent encerclés par les flammes qui s'étaient étendu en différents sens avant de se refermer sur eux, lorsque ce n'était pas tout simplement des murs de feu qui se dressaient subitement sur leur chemin, annihilant tout espoir de fuite, alors que certains  n'avaient même pas l'occasion de quitter leur maison qui les piégeait en s'enflammant soudainement. D'autres se voyaient couper la route par des débris embrasés chutant devant eux lorsqu'ils ne s'écrasaient pas directement sur eux, les tuant sur le coup, ou, pire, les empêchant de se déplacer en les laissant à la merci du brasier.
Même en courant de toutes leurs forces, poussés par l'énergie du désespoir, peu furent ceux qui parvinrent à échapper aux flammes en s'extrayant des bâtiments pour déboucher sur le port.
Comme les premiers rescapés, tous se jetèrent dans les flots, toujours poursuivis par la chaleur du brasier, l'odeur de fumée ainsi que les pleurs et les hurlements de ceux n'ayant pu s'échapper.
Le maigre flux de fuyards se déversant sur les quais fut subitement interrompu par une muraille de flammes qui surgit du néant en bouchant l'accès au port et, surtout, à l'eau salvatrice, en se communiquant aux constructions alentours.
Ceux coincés de l'autre côté n'avaient plus la moindre chance de survie.
Le port était à présent totalement coupé du reste de la cité qui continuait à se consumer, dévoré par les flammes qui ne s'apaisèrent que lorsque les derniers hurlements de douleur mêlés de désarroi cessèrent de résonner dans les rues dévastées de la ville, sans pourtant s'éteindre complètement, continuant à rougeoyer en brasiers épars dans tous les quartiers, encore terriblement vivaces, terminant de se nourrir des corps et des bâtiments calcinés, moins sauvages mais toujours aussi brûlantes et insatiables, demeurant sur place sans plus se déployer le long des rues.
Toujours plus de cendres noircissaient l'atmosphère irrespirable, d'autant plus par les odeurs de chair brûlée et de fumée. Les murs de flammes se dressaient toujours entre certaines des constructions, empêchant tout éventuel survivant de s'échapper, de se soustraire à cet incendie qui brûlait toujours, par endroit du moins.
Au milieu de tout ce chaos de destruction, de désolation, de mort et d'orangé, un homme se tenait pourtant debout, indemne, se déplaçant dans les rues dévastées d'une démarche tranquille, les mains dans les poches de son long manteau blanc sali par les cendres grises, et les flammes alentours semblant couler dans sa nuque à cause de sa chevelure flamboyante.
Lorsque le feu se montrait trop agressif, trop proche ou lui compliquait le passage, les flammes s'écartaient sans qu'il n'ait besoin d'effectuer le moindre geste, obéissant à sa volonté, comme précédemment lorsqu'elles s'étaient déversé dans la ville.
Franchissant l'un des murs de feu, qui se referma immédiatement derrière lui, il avisa une personne gémissant au sol, les jambes coincées sous une lourde poutre qui n'était plus qu'une immense braise incandescente.
S'approchant, il constata qu'il s'agissait d'une harpie dont les plumes des ailes n'étaient plus qu'un lointain souvenir duquel il ne subsistait que quelques rémiges roussies. Sur la moitié de son visage, la chair était comme fondue, dévoilant le haut de la pommette, ses cheveux n'étaient plus quelques mèches mêlées de cendres et ses serres étaient brisés, certainement à force d'avoir désespérément tenté de libérer la partie inférieure de son corps.
L'avisant qui s'avançait vers elle, elle tendit lourdement et difficilement le bras dans sa direction et elle l'implora de l'aider d'une voix rauque, la gorge desséchée et brûlée par la chaleur du brasier.
Le rouquin s'agenouilla à côté d'elle et il positionna ses doigts d'une façon spécifique.
Le cou de la harpie se tordit brutalement dans un craquement sonore.
Se relevant, l'homme reprit paisiblement son chemin à travers la ville désolée, jusqu'au port. Sur les quais, il observa les survivants flottant dans l'eau ainsi que les navires qui s'éloignaient lentement vers l'horizon, mais il leur permit de s'enfuir. Après tout, provoquer un tel désastre aurait été inutile sans personne pour le rapporter.
A la place, il se retourna pour contempler les flammes qui consumaient une bonne partie du pays, même les marais s'en trouvaient asséchés. Il y avait quelque chose de particulièrement poétique à voir brûler les Terres d'Eaux.
A présent, on devrait le prendre au sérieux.
Après tout, cela, l'incendie, n'avait été qu'une simple démonstration où il avait offert un aperçu de sa force et, si la sueur coulait à son front, c'était uniquement à cause de la chaleur et non pas de l'effort, étant fort loin d'avoir déchainé toute sa puissance et d'avoir montré ce dont il était capable lorsqu'il s'en donnait réellement la peine.
Lorsqu'il avait contacté les régents de ce monde pour les avertir de son intention de bouleverser la stabilité de la balance, de rajouter un troisième camp dans la partie d'échecs, car il jugeait tout cela trop injuste et simple, avec l'Humanité d'un côté, et les Humcréas de l'autre, qui se mêlaient, s'unissaient, partageaient et se déchiraient lorsque leurs différences se faisaient trop importantes, et qu'il estimait donc nécessaire de transformer quelque peu cet équilibre qui s'était instauré, on ne l'avait considéré que comme un déséquilibré et on l'avait ignoré.
Cette vision première allait probablement changer à présent.

Yennaël ouvrit subitement les paupières, s'arrachant à ces images pour plutôt fixer le plafond de bois de la chambre qu'il occupait de ses yeux écarquillés.
Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas fait de cauchemars, du moins, ce genre de cauchemars, ou plutôt aurait-il dû les qualifier de souvenirs.
Le corps frissonnant couvert de sueur et découvert, ses draps gisant au sol à côté du lit, comme il s'était probablement agité durant son sommeil, la respiration haletante, le rythme cardiaque désordonné et les membres tremblants, il se sentait mal, une nausée dans la gorge.
C'était à chaque fois la même chose. Avec le temps, il aurait pensé qu'il s'y serait habitué mais, au contraire, chaque fois lui semblait pire que la précédente.
Il voulut porter une main à son front, n'aurait-ce été que pour rejeter en arrière ses longues mèches rousses poissées de sueur, mais son bras demeura inerte le long de son corps.
Pensant, espérant, qu'il ne s'agissait que d'un effet de la faiblesse qui l'alourdissait suite à ce violent songe, il insista et tenta à nouveau de bouger mais seulement pour constater que ses membres ne lui répondaient pas, comme si ils ne lui appartenaient plus, ce qui, en un certain sens, était quelques peu le cas.
Les dents serrées et le front creusé d'une ride d'effort, il s'efforça de lutter de toutes ses forces, bandant ses muscles pour résister sans pour autant parvenir à leur faire effectuer l'un des mouvements qu'il leur dictait.
Avant de prolonger ses efforts pour reprendre le contrôle de son corps, il prit de longues inspirations de façon à conserver son calme, ne cédant pas à la panique, ayant maintenant coutume de traverser ce genre de ''crises'', et également pour se concentrer, se focalisant sur chaque partie de son corps, cherchant à les ressentir par son esprit, mais sa concentration à peine établie fut soudainement brisée par une voix qui résonna directement à l'intérieur de son crâne.
S'y appliquant de toutes ses forces, de toute la faible énergie qui subsistait dans son corps inerte, il l'ignora pour tenter de lui résister, et il ne saisit pas les paroles qu'elle lui adressait, ne relevant que son ton impérieux. De toute manière, il se doutait déjà du propos et n'avait pas besoin de l'entendre encore à une reprise supplémentaire.
Visiblement frustrée qu'il ne l'écoute pas, la voix hurla, lui donnant la sensation que son crâne allait exploser, et, si il avait eu la moindre maîtrise de son corps, Yennaël aurait hurlé à son tour, de douleur.
Les tremblements qui s'étaient emparé de ses membres à son réveil à cause de ce cauchemar se nourrissant de souvenirs, redoublèrent d'intensité et il se retrouva totalement agité sur le matelas, sans pouvoir y remédier ni pouvoir rien y faire.
Au prix d'un immense effort qui consuma la majorité de ses forces, il tourna son regard gris vers l'opposée de la chambre qu'il occupait, sur les deux matelas vides. Personne n'était là pour l'aider, ni Liam, ni Esadd, il était totalement seul pour affronter, et surtout surmonter, cette crise.
Peut-être aurait-il pu appeler au secours, si seulement sa voix ne refusait pas de jaillir de sa gorge.
De toute manière, personne qu'il aurait pu avertir n'aurait compris ce qu'il lui arrivait et donc n'aurait pu lui porter assistance. Il était seul face à ces assauts psychiques.
Il s'agissait d'une véritable lutte mentale qui s'engageait dans son esprit. Ses tremblements se faisaient de plus en plus violents, la sueur roulait sur son visage et il voyait sa poitrine se creuser et se soulever à un rythme alarmant.
Cette tentative était vraiment particulièrement agressive et il peinait de plus en plus à repousser cette présence agressive qui pesait de plus en plus dans son esprit.
Sa vision commençait à se brouiller et le plafond de la chambre, qu'il fixait involontairement, fut remplacé par d'autres de ces images, d'autres de ces souvenirs qui se rejouaient devant ses yeux sans qu'il n'exerce le moindre contrôle dessus, des scènes de domination violente.
Ses sens lui échappaient de plus en plus. C'était mauvais signe, extrêmement mauvais signe.
Se pourrait-il qu'il soit en train de perdre ?
Comme pour confirmer cette crainte, son bras gauche se souleva, sans que ce mouvement ne soit de son fait. Cette fois, il pouvait en être certain, son corps cessait de lui appartenir.
Apparemment, sa volonté seule ne suffisait pas.
Si il souhaitait éviter la possession totale et que les rôles ne soient inversés, ce qu'il tenait effectivement absolument à éviter, et pas uniquement pour lui, il ne lui restait plus que le dernier recours qu'il avait instauré il y avait quelques années déjà.
N'ayant heureusement pas besoin de bouger pour activer le sort qu'il avait ancré en lui, il se concentra pour faire remonter cette poche de magie de façon à ce qu'elle déploie son effet, ce qui n'exigea que quelques secondes durant lesquelles la présence invasive gagna du terrain dans son esprit. Il perçut son cœur stopper et cet arrêt soudain fut douloureux.
Son corps s'immobilisa enfin et son regard devint fixe, mais, surtout, le silence se fit dans ses pensées.
Le sort se prolongea durant encore quelques secondes puis Yennaël revint subitement à lui en ouvrant largement la bouche pour aspirer autant d'oxygène que possible, emplissant ses poumons brûlants.
Respirant bruyamment à grandes inspirations et expirations, il roula de son lit pour chuter lourdement sur le sol.
Encore affaibli, il se redressa sur ses bras qui, bien que tremblants, lui obéirent.
Rassuré de constater qu'il était à présent à nouveau seul dans son esprit et maître de son corps, il se laissa gésir sur le dos en soupirant de soulagement. D'un revers de la manche, il essuya son visage humide de sueur.
C'était la première fois qu'il avait été si proche de céder le contrôle et qu'il devait user d'une telle méthode pour résister. Heureusement, il avait parfaitement calibré le sort pour que l'arrêt de son cœur ne dure pas suffisamment longtemps pour lui provoquer de séquelles, mais il ne comprenait pas pourquoi il avait été nécessaire qu'il en use.
Peut-être était-ce le cauchemar qu'il venait de faire qui avait fragilisé son esprit en le rendant vulnérable à ce genre d'attaques ?
Dans tout les cas, cela se révélait particulièrement alarmant.
A tâtons, les membres encore tremblants, il s'empara de sa pierre de communication, qui se trouvait parmi ses affaires à moitié rangées dans son sac et à moitié éparpillées à terre autour.
Il s'agissait d'une pierre d'une teinte entre le gris et le vert foncé taillée en forme de disque plat et fin de la taille d'une paume environ et polie de façon à rendre sa surface parfaitement lisse et brillante.
S'adossant contre le sommier du lit pour se maintenir en position assise, se sentant trop faible pour y parvenir seul, il tint sa pierre sur laquelle il utilisa un sort pré-existant pour la synchroniser avec une autre pierre du même type, celle de Liam.
Lorsque la magie eût lié les deux artefacts, il traça des lettres sur sa surface luisante, uniquement éclairé par la lumière de la lune et des lueurs de la ville entrant par la fenêtre, du bout du doigt pour avertir son compagnon qu'il allait être en retard à leur entrevue.
Normalement, il devait rejoindre Liam d'ici quelques minutes pour le relever à son poste d'observation à proximité de la résidence royale des Terres de Plaine, une résidence royale qui lui rappela l'ancienne des Terres d'Eaux qu'il avait vue se faire dévorer par les flammes dans ce songe – dans ces souvenirs ?
Secouant la tête de gauche à droite, il s'efforça de chasser ces images de ses pensées pour plutôt déchiffrer la réponse de Liam qui apparut sur sa pierre en lettres blanchâtres avant de s'estomper.
Le jeune homme lui demandait ce que signifiait cet empêchement et, d'après la manière dont il avait formulé sa question, Yennaël comprit qu'il craignait qu'il ne se soit fait repérer. Le détrompant, il lui répondit qu'il ne s'agissait pas d'une situation aussi critique mais qu'il avait seulement besoin de quelques minutes supplémentaires pour se remettre.
Ces quelques mots suffirent à Liam pour deviner ce que Yennaël venait de subir, ayant assisté à sa première crise, ainsi qu'à de nombreuses de ses suivantes.
Comme il s'enquérait de son état, Yennaël hésita à lui confier qu'il avait de peu manqué de perdre le contrôle mais il préféra se contenter de répondre qu'il tenait le coup, ne voulant pas que Liam se préoccupe d'autre chose que de la mission dont ils devaient se charger. Si ils réussissaient, comme il l'espérait, ils pourraient ajouter une nouvelle pierre à l'édifice qu'ils bâtissaient contrela Flamme Blanche.
Après s'être reposé durant ces quelques minutes que Liam lui avait accordées, lui conseillant de se reposer, il réunit toute son énergie pour se relever puis il retira la chemise qu'il portait pour dormir, imprégnée de sueur, pour en revêtir une propre sous sa longue veste au buste de cuir brun dont il rabattit la capuche sur son visage pour le camoufler, dissimulation renforcée par une écharpe qu'il remonta sur son nez, puis il noua sur sa nuque ses cheveux roux, aussi flamboyants que les flammes de ces souvenirs.

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