Chapitre 3 - Humcréas de galerie [1/2]
Etourdie, non pas tant à cause de la chute, qui avait été courte de seulement quelques mètres, que par le dur impact avec le sol et le brutal changement d'environnement, Richa se demanda comment elle avait pu si soudainement se retrouver entourée d'une obscurité repoussée par la lueur de plusieurs torches, ce qui ne changeait pas grand chose pour elle qui était nyctalope, alors que, il y avait quelques secondes, elle se tenait sur la pente rocailleuse d'une des montagnes formant la chaîne des Monts de Fer.
Se redressant sur ses coudes avec un gémissement, elle avisa l'ouverture irrégulière crevant le plafond juste au-dessus d'elle par laquelle pénétrait la lumière de l'extérieur ainsi que quelques filets de terre qu'elle recevait sur le visage et dans les cheveux.
Visiblement, ce sol meuble n'avait pas supporté son poids, traduisant une grande fragilité puisqu'elle n'était nullement ce qu'on pouvait qualifier d'imposante. Elle était dans une mine.
Percevant des présences qui se rapprochaient d'elle, elle réagit immédiatement, n'offrant pas aux mineurs la possibilité de l'encercler pour s'en prendre à elle, et elle dressa brutalement sa jambe en avant, frappant violemment la personne la plus proche de sa semelle au niveau de la mâchoire, ce qui l'étonna car il ne lui semblait pas avoir lancé sa jambe suffisamment haut pour l'atteindre, mais elle ne se questionna guère à ce propos.
Le cri de douleur étouffé suivi du son mou d'un corps tombant à terre lui indiquèrent qu'elle avait bien touché sa cible et donc gagné un peu de répit.
Bondissant sur ses pieds en brandissant ses poings devant elle, adoptant une position de combat d'instinct, elle se prépara à se défendre sans permettre à quiconque d'approcher, mais la découverte de ce qu'elle imaginait être des adversaires calma quelque peu ses velléités guerrières.
Face à elle, pas de mineurs véhéments prêts à la lapider à l'aide des déchets de la mine. Du moins, pas de mineurs comme ceux dont elle avait précédemment croisé le chemin. Pas d'humains.
Devant elle, se tenaient sept individus de petites tailles, non pas qu'il s'agisse d'enfants puisque leurs traits appartenaient indéniablement à des adultes, tout comme leur musculature noueuse et sèche bien que développée, qui apparaissaient sur leurs bras que leurs tuniques sans manches au col montant dénudaient. Ils devaient tout juste lui arriver à la taille alors qu'on ne se privait jamais de lui faire remarquer qu'elle était petite.
Leur taille n'était cependant pas le plus intriguant dans leur physique. Sur leur front, juste entre leurs deux yeux, couleur charbon, saphir, topaze, cuivre, fer, émeraude ou même argent, se trouvait une pierre enchâssée dans leur peau, ovale et s'étirant légèrement vers le haut, avec des couleurs ressortant particulièrement sur leur peau foncée. Aucune ne possédait un aspect identique, et, bien qu'elle ne puisse les identifier, Richa pressentait qu'elles étaient précieuses.
Quant à leurs chevelures, toutes de même longueur, tombant sous leurs omoplates, leurs teintes évoquaient la terre, de la terre noire fertile, à celle sèche de l'été en passant par celle ocre riche en fer ou bien encore le sable orangé, et elles comportaient de nombreuses tresses épaisses dans lesquelles étaient passés plusieurs anneaux de métal.
Soutenu par un autre, l'un d'entre eux se relevait en se frottant le bas du visage, probablement celui que Richa avait frappé alors que les autres l'observaient à distance, prudents, le poing serré autour des manches ouvragés et taillés en forme de plantes ou d'animaux de leur pioche, se demandant si ils devaient les utiliser comme arme.
Menant ces observations, Richa abaissa ses bras, quittant sa posture belliqueuse, pour plutôt demander, bien que ce soit peut-être davantage déjà une affirmation :
« Vous êtes des Humcréas ?
- Et toi, tu frappes avant de poser les questions. Lança l'un de ces êtres, celui que Richa avait touché, avec une grimace de douleur, dans une langue que la jeune fille ne connaissait pas mais qu'elle comprit pourtant immédiatement.
- Arrêtez de parler et tuons la avant qu'elle ne s'échappe ! Je ne veux pas voir la Flamme Blanche arriver ! Ordonna un autre en pointant Richa de sa pioche.
- Si vous voulez vous battre, très bien, rétorqua Richa en usant naturellement de la même langue, ou alors, on peut respirer un grand coup et parler cinq minutes. Je suis aussi une Humcréa, je viens du temple, plus haut.
- Une demie-elfe, hein ? Devina une femme.
- C'est si évident que ça ? S'étonna Richa, craignant qu'on ne la repère trop aisément malgré le sort de Cyrï'ell.
- Vous ressemblez à une elfe, mais les elfes n'ont pas les cheveux noirs. Expliqua un autre dans un haussement d'épaules.
- Donc, vous connaissez des elfes ? S'enquit Richa, intéressée.
- Et pourquoi on vous le dirait ? On a autre chose à faire que de s'occuper de vous, comme réparer le plafond, encore. On l'a fait y a seulement quelques semaines.
- Ouais, bah si je suis passée à travers, c'est que vos premières réparations étaient pas hyper solides, fit remarquer Richa. Et moi, je vous demande pas de vous occuper de moi, je suis assez grande pour le faire toute seule, plus ou moins. Je veux juste trouver un village d'elfes alors, si vous savez où il est, vous me le dîtes, comme ça, je dégage et vous pouvez réparer tranquillement votre plafond, en espérant que ça tienne cette fois.
- Il y a effectivement un village d'elfes, pas très loin. Confirma l'un de ses interlocuteurs en montrant la galerie qui continuait vers l'est.
- Parfait, sur ce, je vais donc vous laisser réparer votre plafond, mais laissez-moi ressortir d'abord.
- Ou tu peux y aller en suivant les galeries, ce sera plus sûr. Elles rejoignent celles où vivent ces elfes.
- J'avais cru comprendre que vous vouliez que je dégage.
- On veut travailler. Chez nous, on respecte beaucoup les mineurs, mais, pour cela, il faut qu'ils minent. C'est pas pour autant qu'on souhaite que vous vous fassiez prendre par les humains du coin, ceux qui se prétendent mineurs.
- Donc c'est vrai : un grand danger qui peut frapper n'importe qui sans distinction force les gens à s'allier et à s'aider.
- C'est bien naïf. C'est vrai, beaucoup d'Humcréas cherchent à s'entraider, cette situation crée une solidarité, mais faut pas non plus croire qu'on peut faire aveuglément confiance à quelqu'un juste parce que c'est un Humcréa, ce serait une grosse erreur. Y en a pas mal qui en profitent pour sévir. Y a quelques mois tout juste, plusieurs d'entre nous ont disparu. Alors, on a d'abord pensé qu'ils avaient perdu une affrontement avec des villageois, ça arrive quand deux galeries se rencontrent, mais ils avaient disparu l'un après l'autre et on a découvert que c'était un dragon qui avait enlevé les nôtres pour leur arracher leurs pierres pour ses potions de malheur ! »
Celui qui racontait cette histoire la termina en crachant au sol avec mépris.
Face à lui, Richa fronça les sourcils, s'interrogeant quant au rôle qu'avait tenu le dragon dans cet incident puisque, dans son esprit, l'image qui s'associait à cette appellation correspondait à celle connue sur Terre, un imposant reptile ailé crachant le feu, et, si elle voyait parfaitement comment il avait pu enlever plusieurs de ces petits êtres farouches, elle peinait nettement plus à imaginer comment une pareille créature aurait pu confectionner de quelconques préparations.
Elle n'osait cependant pas vraiment questionner ses interlocuteurs, comme elle aurait certainement dû connaître les spécificités des dragons en tant qu'habitante de l'Enclave et elle craignait que manifester son ignorance à ce sujet aurait été avouer qu'elle avait grandi sur Terre. Du moins, que c'était de là que provenaient les uniques souvenirs qu'elle possédait, or, bien que la solidarité entre Humcréas s'appliquait, elle préférait garder ce détail de son existence pour elle autant que possible. Personne n'avait besoin de savoir qu'elle avait en elle la puissance nécessaire pour franchir les frontières entre les dimensions.
Sans compter qu'elle allait soigneusement retenir le conseil que venait de lui livrer son interlocuteur et ne pas leur faire entièrement confiance seulement car ils partageaient la nature d'Humcréa.
Par ailleurs, la façon dont les petits individus serraient rageusement leur pioche n'encourageait pas la jeune fille à insister au sujet de la disparition de leurs camarades, en plus de lui fournir une indication très claire sur la manière dont les forfaits du dragon s'étaient achevé.
Le silence se prolongea donc durant quelques secondes sans que Richa ne sache que dire ou que faire.
Devait-elle reprendre sa progression vers ce village d'elfes en s'engageant dans les galeries, comme le lui avait proposé l'un de ses interlocuteurs sans plus s'attarder en paroles ni autre chose ou bien devait-elle attendre un signale l'y autorisant de la part de ses interlocuteurs ?
Avant qu'elle ne se décide, l'un des sept, celui aux cheveux couleur de terre ocre, aux yeux de charbon et à la pierre frontale d'un orangé translucide, lui fit signe de le suivre d'un geste de la main alors que les autres se détournaient, se concentrant certainement à nouveau sur leur besogne.
Emboîtant donc le pas à l'homme, qui semblait donc s'improviser guide, au moins sur quelques mètres, à travers le couloir souterrain, Richa s'enfonça plus profondément dans la galerie et, à peine se fut-elle éloignée que le son des outils s'abattant contre la roche résonna. Elle fut surprise par la force des coups, qu'elle parvenait à appréhender même à distance par les vibrations qui se répercutaient le long des parois ainsi que par le bruit sonnant qu'ils produisaient.
Son attention se porta ensuite ailleurs alors qu'elle arpentait la galerie à la suite de son guide car elle observait son environnement.
Se déplacer sous terre lui rappelait une partie du périple qui l'avait conduite jusqu'au temple mais l'aspect souterrain du chemin était le seul point commun entre ces deux galeries qu'elle avait ainsi eu l'occasion de visiter.
Ici, pas de poutres ou de fondations de pierres pour consolider l'endroit, ni de traces des outils ayant servi à creuser le passage. La galerie formait un arrondi aux parois parfaitement lisses, comme si elle n'avait pas été taillée dans le ventre de la montagne, ce qui semblait improbable puisqu'il y avait forcément eu excavation pour créer cette mine et que Richa entendait encore le son des pioches derrière elle.
D'autres galeries partaient de celle qu'ils remontaient et, si Richa n'aurait pu s'y tenir que courbée, leur taille était parfaitement adaptée à celle des occupants des lieux. Il s'en échappaient des rumeurs d'activités de vie quotidienne. Ainsi, il ne s'agissait pas uniquement d'une mine mais de toute une cité souterraine.
Tout en avançant, la jeune fille posa distraitement la main sur l'une des parois, fascinée et intriguée par leur perfection.
Se retournant vers elle, comme elle avait ralenti, son guide lança en un commentaire neutre qu'il était bien pratique pour des mineurs de posséder le pouvoir de modeler terre et roche selon leur volonté.
A cette information, Richa ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux sous la surprise. Face à cette manifestation d'étonnement, son interlocuteur pencha la tête sur le côté, les bras croisés sur la poitrine, et lui fit remarquer qu'elle semblait totalement ignorer que les nains étaient des élémentaires de terre.
Se reprenant en dissimulant son ignorance, qu'elle n'aurait pu justifier que par la vérité qu'elle ne comptait toujours pas dévoiler, la jeune fille haussa les épaules en prétendant que c'était seulement qu'elle ne s'était jamais posé la question, mentant avec tellement d'aplomb que son interlocuteur ne douta pas un seul instant de sa sincérité, se remettant en route, mais un sourire étira les lèvres de Richa, satisfaite d'en apprendre davantage sur ce monde, même si ce n'était qu'un peu.
Suite à cette brève conversation, ils progressèrent dans le silence alors que Richa regardait en tous sens de plus en plus anxieusement et impatiemment autour d'elle à la recherche d'une issu, se sentant de plus en plus oppressée dans cette galerie. La sensation n'était pas aussi terrible que lors de son premier trajet souterrain, l'atmosphère plus respirable y étant pour beaucoup.
Heureusement que l'obscurité régnant, percée sporadiquement par la lumière de quelques torches fixées aux murs sans la moindre régularité, ne la dérangeait nullement, sinon, elle se serait sentie encore davantage enfermée. Ce grand manque de luminosité permettait à la jeune fille de supposer que le peuple des nains était tout aussi nyctalope qu'elle.
Au moins, la rareté des torches limitait le dégagement de fumée qui rendait l'air lourd et difficilement respirable et, bien que ce soit nettement plus agréable pour ses poumons, ce n'était pas pour autant qu'elle souhaitait encore s'y attarder durant des heures.
Heureusement, le nain stoppa après encore quelques minutes de marche supplémentaires, sauf qu'il le fit pour faire face à la paroi alors qu'il n'y avait pas plus d'issu que précédemment et que la galerie continuait à s'enfoncer plus profondément dans les entrailles de la montagne.
Ne laissant pas à Richa le temps de se questionner sur cet arrêt soudain, le nain posa sa paume contre la pierre qui commença peu à peu à s'effondrer sur elle-même pour tomber en poussière qui se répandit à leurs pieds, créant peu à peu un passage.
L'observant, Richa ne pensa même pas à lui demander ce qu'il faisait, fascinée.
Ainsi, c'était donc cela de la magie élémentaire, autre que celle de l'air.
Peu à peu, de la lumière et une odeur prenante de plantes filtrèrent dans la galerie jusqu'à Richa. Ce n'était pas vers l'extérieur que le nain aménageait cet accès mais visiblement vers d'autres galeries.
Suspendant un instant l'effet de ses pouvoirs tout en maugréant contre des personnes indéterminées qui auraient rebouché un passage normalement préexistant, il se tourna vers Richa auprès de qui il s'assura qu'elle comptait bien aller à la rencontre de ces elfes.
En réponse, la jeune fille acquiesça, quelque peu déstabilisée par cette interrogation.
Pourquoi aurait-elle subitement changé d'avis alors qu'elle était venue justement pour trouver ces elfes ?
Par ailleurs, il n'y avait pas réellement de raison pour que les choses se déroulent mal, comme ils partageaient leur nature et leur situation.
Elle comprit qu'elle faisait erreur lorsque, le nain achevant sa besogne et le rideau de poussière se dissipant, elle découvrit plusieurs flèches pointées sur eux, ce qui n'était pas sans lui rappeler son arrivée au temple, et elle réagit d'une manière identique : en frappant avant de poser les questions. Invoquant sa magie sans difficulté, elle envoya une violente bourrasque par l'ouverture, déséquilibrant leur commité d'accueil, et, profitant de l'effet de surprise ainsi créé, elle s'engouffra dans le passage d'une impulsion, arrachant une partie de la roche fragilisée par les pouvoirs du nain, qui demeura en retrait.
Atterrissant brutalement, elle bouscula l'un des attaquants et roula sur son épaule pour maîtriser sa chute. Au sol, elle faucha les jambes de la personne la plus proche et s'empara de l'arc qu'elle laissa échapper pour en menacer ceux lui faisant face.
Ces derniers semblaient s'être bien rapidement repris malgré l'entrée fracassante de la jeune fille, s'étant éloigné de quelque pas pour ne pas que ses coups les atteignent et la visant à nouveau, le regard dur.
Les examinant rapidement, elle leur reconnut aisément des caractéristiques elfiques, avec leurs longues oreilles effilées et leur chevelure claire tressée.
Bien, elle les avait trouvés.
Elle n'abaissa cependant pas son arc car ils continuaient eux-mêmes à la menacer et que leur attitude apparaissait comme belliqueuse à son égard. Ils semblèrent même encore plus agressifs alors qu'ils terminaient de la détailler.
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