Chapitre 21 - Le village de l'horreur [1/2]

 /!\ Chapitre très violent, avec des morts, du sang, de la torture, bref, du bon gros gore ! Si vous êtes sensibles à ça, je vous encourage à sauter le chapitre !!! Pas la peine de vous traumatiser ! C'est pas une blague ! Et pour les autres gros psychopathes comme moi, bonne lecture ! ;) /!\

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La faible lumière bleutée de la nuit était remplacée, dans le secteur du bourg, par une lueur rougeoyante que projetait encore le bois calciné, à l'intérieur duquel couvaient encore de nombreuses braises ardentes, qui formait les cabanes du village il y avait encore peu de temps. L'odeur de fumée provenait de la combustion des habitations.
Durant plusieurs secondes, Richa demeura paralysée, ne respirant plus et les yeux écarquillés face à cette terrible vision, tellement que son esprit semblait incapable de réaliser pleinement ce qu'elle contemplait, puis, dans un état second, comme enveloppée dans une bulle qui la coupait partiellement de son environnement, le seul son parvenant à ses oreilles étant celui de son cœur battant à crever sa poitrine, elle se rua dans le village, écrasant sous sa semelle les morceaux d'un des carillons de Viviane, brisé au sol.
Bien que les flammes se soient éteintes depuis certainement une heure ou deux environ, ne laissant que cendres et traces noircies, la chaleur des tisons  balaya le visage de Richa, telle l'haleine chaude d'une créature monstrueuse qui s'apprêtait à refermer ses mâchoires sur elle. Aucune des cabanes n'avait été épargnée, pas même celle de Pilwick suspendue dans les branchages, celle d'Hëphos, de Viviane, de Cobralta, la sienne, celle que partageaient Sdania et Endam, celle d'Aymerikk sur la falaise, et même celles inhabitées.
Toussant à cause de l'odeur de fumée, qui persistait bien que la fumée se soit dissipée, la jeune fille se précipita dans la plus proche, celle de Sdania et Endam, qu'elle ouvrit d'un coup d'épaule. Fragilisé par les flammes qui l'avaient partiellement consumé et sommairement réparé depuis la crise d'Endam, le battant se décrocha de la paroi pour s'abattre sur le sol, dans un nuage de cendres, et la jeune fille manqua de chuter à sa suite.
La chaleur à l'intérieur était encore plus intense qu'à l'extérieur et tout ce que contenait l'habitation était brûlé. Le bol de bois qu'elle prit entre ses mains tomba en charbons entre ses doigts et les cendres encore chaudes lui brûlèrent les paumes. Avec une grimace, elle les essuya sur son pantalon en regardant en tous sens à la recherche d'un indice sur l'endroit où s'étaient réfugié ses compagnons, car elle ne les avait vus nulle part, ce qui pouvait sembler rassurant au milieu de ce chaos rougeoyant.
Un  bruit de pas se rapprochant l'alerta, sur ses gardes, car les cabanes ne s'étaient pas enflammé spontanément et elle ne reconnaissait aucune des démarches de ses compagnons dans ces pas synchronisés, et elle se plaqua contre l'angle du mur du fond, pour ne pas être visible depuis l'ouverture laissée par la porte.
Un léger craquement émana du mur. Les planches calcinées se désagrégèrent soudainement contre son dos et elle passa à travers sans trouver quoi que soit à se raccrocher, la portion de bois à laquelle elle se rattrapa se morcelant également en cendres sous ses doigts.
Roulant sur le dos, elle atterrit sur la terre craquelée sous l'effet de la chaleur. Quelque peu déstabilisée par cette soudaine chute à laquelle elle ne s'attendait absolument pas, elle regarda autour d'elle, cherchant à retrouver ses repères, mais ce qu'elle découvrit à sa droite la tira immédiatement de cet état étourdi de la manière la plus horrible qui soit.
Bondissant en arrière, reculant en poussant avec ses jambes en les agitant sans aucune coordination, toujours en position assise, elle s'éloigna du corps, les deux mains plaquées sur la bouche pour s'empêcher de hurler, les yeux écarquillés et tremblants.
Devant elle, gisant face contre terre, se trouvait Cobralta, ou, plutôt, ce qu'il restait d'elle.
Maîtrisant comme elle le pouvait sa violente émotion, qui menaçait de faire jaillir son cœur de sa cage thoracique, et retenant les larmes qui embuaient sa vision, elle s'approcha de la jeune femme, et, tendant des bras tremblants vers elle, elle la retourna, révélant ses traits crispés éclaboussés de projections de sang.
Sa chevelure de serpents se déroulait librement sur ses épaules, son turban lui ayant été arraché, mais elle avait été raccourcie. Chacune des têtes des serpents composant ses cheveux avaient été méticuleusement tranchées et elles étaient à présent éparpillées tout autour d'elle, imbibant le sol de sang. Il continuait à en couler des corps décapités des serpents, tachant les mains de Richa.
A en juger par la quantité d'hémoglobine, les muscles raidis de Cobralta, la terre sous ses ongles, qui avaient vraisemblablement laissé les profondes griffures balafrant le sol à côté d'elle, cette torture lui avait été infligée alors qu'elle avait pleinement conscience de ce qu'il lui arrivait.
Ne pouvant accepter l'évidence, malgré ce qu'elle était, Richa la secoua en l'appelant, espérant une réaction de la jeune femme, mais cette dernière demeurait inerte entre ses bras.
Sa respiration se faisant erratique et hachée, entrecoupée des sanglots qu'elle retenait, Richa secoua la tête de gauche à droite. Elle refusait de reconnaître la réalité, elle ne le pouvait pas. D'ailleurs, elle se sentait même incapable de formuler, ne serait-ce que mentalement, le mot qui qualifiait l'état de Cobralta.
Soudainement, deux mains se posèrent sur ses épaules.
Dans un violent sursaut, elle se retourna vivement en lançant son bras en avant, prête à frapper, mais Aymerikk le bloqua en la saisissant par le poignet.
En état de choc, elle fixa le vampire d'un regard écarquillé. Comme les siens, ses yeux étaient embués et ses mâchoires contractées, tout aussi bouleversé que la jeune fille mais contrôlant davantage ses réactions qu'elle, ayant certainement, et malheureusement, coutume de ce genre de scènes et de perdre des proches.
Serrant ses bras bien plus qu'il n'en était nécessaire, manifestation de son profond désarroi, Aymerikk la fit se relever en la ramenant contre lui.
Ouvrant la bouche, la jeune fille tendit la main en direction de Cobralta, bien qu'elle ignorait dans quelle intention c'était, mais Aymerikk secoua négativement la tête, lui faisant comprendre qu'il n'y avait plus rien à faire. A présent, tout ce qu'ils pouvaient encore faire était seulement fuir pour ne pas subir le même sort.
Saisissant Richa par la main, le vampire l'entraina à sa suite, la guidant à travers les débris rougeoyants du village, dont la lumière des braises traçaient les contours de longues ombres aux formes grotesques, se doutant qu'elle n'en aurait probablement pas été capable seule, assommée par le choc, comme isolée du reste du monde par l'horreur. Sans la lâcher, il essuya ses yeux de sa manche, laissant des traces rouges sur le tissu, des larmes de sang perlant sur ses cils.
Exploitant ses sens vampiriques, il esquiva les individus dont ils entendaient les pas à travers le village, les responsables de ce véritable massacre, se dissimulant partout où il le pouvait sans manquer de tirer Richa à sa suite.
Captant une démarche se rapprochant, Aymerikk raffermit sa prise autour des doigts de la jeune fille et il l'emmena à vitesse vampirique derrière l'arbre le plus proche, la plaquant contre le tronc en la couvrant de son corps, de façon à la protéger si une attaque surprise les visait.
Richa appuya l'arrière de son crâne contre l'écorce, cherchant à dompter ses rythmes cardiaque et respiratoire, en reprenant le contrôle de ses réactions, du moins, tenta de le faire, sans grand succès.
Quelque chose de chaud goutta sur ses joues, brisant ses efforts. Portant deux doigts à sa joue pour vérifier ce dont il s'agissait, elle pensa d'abord qu'elle avait été éclaboussée par les larmes sanglantes qu'Aymerikk échappait, bien qu'il luttait pour les retenir, et qu'elle apercevait, éclairées par la lueur rougeoyantes des braises qui s'y reflétaient, mais elle constata rapidement que l'inclination du vampire vers elle rendait cela impossible.
Recherchant l'origine de ces gouttes, qui étaient bien du sang, plus épais que celui tombant des yeux d'Aymerikk, elle observa les alentours, levant notamment le visage vers la frondaison de l'arbre les camouflant, puisque c'était de là que le sang semblait avoir chuté.
Là, l'horreur la saisit avec encore plus de force que précédemment.
Cette fois, pas besoin de s'empêcher de pousser un hurlement, incapable d'émettre le moindre son tant son effroi était intense.
Au-dessus d'elle, suspendu à l'écorce du tronc par un stylet au métal teint de blanc, comme un papillon épinglé sur une vitrine, pendait le cadavre de Pilwick duquel le sang s'écoulait lentement. Le petit corps ressemblait à celui d'un pantin désarticulé, ses os paraissant avoir été brisés. Son menton ployait sur sa poitrine et, si il n'y avait pas eu ce sang, ses petits membres tordus et ses traits livides, il aurait presque pu sembler dormir.
Suivant le regard horrifié de la jeune fille, Aymerikk le découvrit à son tour et il ne put que se mordre profondément l'intérieur des joues alors qu'il était parcouru de longs frissons.
Se détournant de cette macabre vision, Richa ferma les paupières avec force. Elle ne voulait plus rien voir, et certainement pas les cadavres de ses amis, de sa famille, ainsi suppliciés.
Elle fut cependant bien obligée de les rouvrir lorsqu'ils reprirent leur course, ou, plutôt, lorsque Aymerikk la tira à nouveau derrière lui, quittant leur cachette sommaire, pour espérer atteindre l'orée du village avant de se faire repérer.
Jamais le modeste bourg ne leur avait paru si grand et long à quitter. Sans compter que leur fuite fut subitement freinée lorsque Aymerikk trébucha sur quelque chose et qu'il tituba vers l'avant, déséquilibré, en lâchant Richa, qui demeura figée, les bras ballants et le regard fixe, incapable de pleurer.
Ce sur quoi Aymerikk avait perdu l'équilibre était un cadavre, encore un, qu'il n'avait pas remarqué, pris dans l'urgence, la panique et bouleversé, mais, cette fois, il ne s'agissait pas de celui d'un de leurs compagnons, à leur grand soulagement.
Le corps était entièrement carbonisé, recouvert de cloques et de brûlures. La chair avait partiellement fondue, rendant tout trait distinctif indiscernable, tout ce qu'il restait à remarquer était la forme du crâne qu'on devinait sous la peau carbonisée et noircie, mais l'épée, dont le motif de flamme du pommeau s'était imprimé dans l'épiderme de sa paume, gisant à côté de lui et le morceau d'étoffe blanche qui avait été épargné par le feu ayant dévoré l'homme, néanmoins roussi, indiquaient qu'il s'agissait d'un Homme Blanc, ou de ce qu'il en subsistait. D'ailleurs, il y en avait deux autres non loin, dans un état identique.
L'odeur de chair brûlée ne s'était pas encore dissipée et les saisit tous deux à la gorge. Visiblement, contrairement à Cobralta et Pilwick, certains des habitants du village avaient eu l'occasion de se défendre, mais cela n'avait apparemment pas suffi, puisque deux autres dépouilles gisaient non loin de celles calcinées des hommes de la Flamme Blanche.
De toute évidence, le feu produit par Hëphos, si il avait emporté trois Hommes Blancs, ne lui avait pas permis d'échapper à l'attaque.
Vraisemblablement, on s'en était pris à lui par derrière et ses adversaires n'avaient certainement pas apprécié la mort de trois de leurs compagnons, à en juger par la manière dont on s'était acharné sur lui.
Même si ses muscles ne le soutenaient plus, il se tenait toujours redressé à genoux, maintenu dans cette position par ses poignets autour desquels s'enroulait une solide corde dont les extrémités étaient attachées aux branches des arbres à proximité, les bras largement écartés.
De nombreuses blessures de toutes sortes couvraient son torse dénudé, brûlures, entailles, fractures ouvertes, hématomes. Seul son visage avait été épargné, pour ainsi dire, pour la simple raison qu'il ne se trouvait plus au sommet de ses épaules.
Sa tête avait été tranchée net et abandonnée plus loin. La trace de semelle sur sa joue semblait indiquer qu'on avait donné un coup de pieds dedans, comme si il ne s'était agit que d'un déchet.
Devant lui, à moins d'un mètre, comme si on avait fait en sorte qu'il assiste à cette scène, gisait Viviane. Ses doigts étaient encore crispés autour du lien noué autour de sa gorge, qui l'avait très probablement étranglée. Du moins, Richa crut d'abord qu'il s'agissait d'un lien avant de reconnaître la queue féline de la jeune femme, en accord avec l'arrière de sa jupe et le bas de sa tunique imbibés de sang.
Que ce soit à cause de l'horreur et de la cruauté de la scène, ou du choc, Richa eut soudainement la sensation de ne plus rien ressentir, les yeux fixes et écarquillés, les bras ballants et le visage inexpressif.
Subitement, il lui semblait qu'elle n'entendait plus rien, exceptés les acouphènes résonnant dans son crâne et le sang battant trop fort à ses oreilles, et qu'elle ne voyait plus rien non plus, sa vision se faisant distante et lointaine, son esprit ne réalisant plus pleinement ce qu'elle avait face à elle, amorphe et immobile.
Reprenant son équilibre en jurant à voix basse tout en s'efforçant de ne pas s'attarder sur les dépouilles de leurs deux compagnons non loin, Aymerikk se tourna vers Richa et la somma de ne pas trainer mais elle ne réagit pas, plus que profondément bouleversée. Revenant à sa hauteur, il la secoua par les épaules sans pour autant parvenir à lui arracher davantage de réaction.
Sachant qu'il n'aurait pas pu la tirer de sa torpeur horrifiée d'une simple gifle et ne pouvant se permettre de s'attarder sur les lieux pour leur propre survie, Aymerikk saisit la jeune fille sous les cuisses en la faisant basculer pour la soulever dans ses bras, ce dont elle sembla à peine s'apercevoir et il s'élança en la serrant contre sa poitrine, bien décidé à lui faire quitter le village en vie, avec lui.
Il crut d'ailleurs y être parvenu lorsqu'il s'enfonça entre les arbres, s'éloignant du village, ou plutôt ce qu'il en restait, un amas rougeoyant de tranquillité brisée de la pire des manières, et y abandonnant définitivement les dépouilles d'une partie de leur famille, puisque, comme Richa le lui signala en appelant faiblement leur nom alors qu'elle s'accrochait aux plis de son manteau, ils n'avaient pas trouvé les cadavres de Sdania ou d'Endam. Ils n'avaient pas réellement eu le loisir de s'attarder dans le village pour en explorer chaque recoin pour s'assurer de la mort ou de la survie du couple de loups-garous.
Se dirigeant au hasard entre les arbres de la forêt, Aymerikk poursuivit sa course, tenant Richa contre lui, la jeune fille ballottée en tous sens entre ses bras sans réagir ni paraître avoir davantage conscience de son environnement qu'il y avait plusieurs secondes.
Elle ne parut pas s'apercevoir non plus de la chute, même si elle roula durement au sol avant d'être brutalement stoppée par une racine affleurant à la surface de la terre. Sa seule réaction fut de se recroqueviller, les mains sur le crâne en poussant un gémissement.
A côté d'elle, environ à deux mètres, s'étant affaissé soudainement, Aymerikk se redressa en prenant appuie sur ses bras avec un grognement et une grimace tordant ses traits. Une vive douleur transperçant son dos l'avait subitement déséquilibré et le terrain irrégulier de la forêt avait précipité la chute, y entrainant Richa.
Que s'était-il passé pour qu'il ait soudainement si mal ?
Une branche avait dû le heurter. Ce fut ce qu'il supposa jusqu'à ce qu'il sente quelque chose ruisseler le long de son échine. L'odeur métallique si caractéristique du sang monta à ses narines sensibles, qu'elle saturait déjà depuis leur découverte de la dépouille de Cobralta, et elle ne le mettait toujours pas en appétit, contrairement à l'accoutumée.
Sous le parfums de sang frais, le sien, il en captait un autre, plus âcre et écœurant, celui du sang plus vieux, du sang appartenant à un défunt. Il le comprenait à peine que ses membres s'engourdissaient déjà, le laissant sans défense.
Un son discordant qui fit désagréablement vriller ses tympans en résonnant dans sa boite crânienne extirpa enfin Richa de son état de choc amorphe.

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