Chapitre 19 - Aymerikk
Ayant trouvé de nouvelles munitions pour ses remarques acerbes dans ce qu'il nommait une stupide et pathétique sensiblerie suite à l'embuscade, Aymerikk ne cessait d'importuner Richa avec ses commentaires, comme de coutume, en lançant qu'on voyait bien que les sang-mêlés n'étaient que des résidus des Humcréas de sang pur les ayant engendrés, des êtres inférieurs, lorsqu'on constatait la facilité avec laquelle ils se laissaient submerger par leurs émotions et leur ridicule sensibilité, ce qui n'aidait guère la jeune fille à améliorer son état.
Elle avait pourtant commencé à se sentir mieux, entourée par ses compagnons et leur attention, plus ou moins manifestée ou discrète, jusqu'à ce que la nuit tombe et qu'Aymerikk ne les rejoigne pour apprendre leur action de l'après-midi et l'utilise pour attaquer Richa, comme toujours depuis ces dernières semaines.
Ce soir, la jeune fille peinait à l'ignorer ou à retourner ces critiques contre lui-même autant que lors des autres veillées, effectivement toujours affectée par leur attaque, mais davantage à cause de la prise de la conscience de la nécessité de devoir lutter pour survivre, une lutte acharnée qui impliquait parfois, si ce n'était souvent, de tuer ou être tué, de devoir donner la mort pour éviter de la recevoir.
Il s'agissait de quelque chose qu'elle devait encore accepter, tout comme l'idée de l'incertitude sur le fait d'avoir, ou non, déjà supprimer quelqu'un.
Les propos d'Aymerikk lui paraissaient donc encore moins tolérables et supportables qu'à l'accoutumée. Comme l'avait si bien dit Pilwick, il ne fallait pas s'acharner à la réveiller.
Si bien que, poussée à bout, estimant déjà avoir été particulièrement patiente au prix de grands efforts, comme la patience n'était nullement comprise dans ses quelques vertus, elle lança la tasse en bois, dans laquelle Viviane lui avait préparé une nouvelle infusion pour l'apaiser, en direction d'Aymerikk, qui avait détourné le visage d'elle, ne prenant même pas la peine de la regarder alors qu'il prononçait son discours dédaigneux à son sujet.
Son habilité était telle que, même sans viser, elle atteignit sa cible. Décrivant une courte courbe en projetant une partie de son contenu tout autour sous forme de gerbes de gouttelettes, la tasse percuta le vampire à la tempe.
Dans un cri, plus de surprise que de douleur, Aymerikk chuta sur le côté, déséquilibré par la violence de l'impact, et tous les regards se tournèrent vers la jeune fille. Grognant à terre, le vampire se redressa sur un bras en se tenant le crâne d'une main et, bien que la blessure des plus superficielles sur son front se soit déjà refermée, il ne se priva pas pour se plaindre en invectivant Richa.
Ne compatissant apparemment nullement à la douleur du vampire, Pilwick laissa son hilarité s'exprimer pleinement, riant à gorge déployée sur l'épaule de Richa, en lançant à Aymerikk qu'il l'avait bien cherché et mérité. Alors que la jeune fille s'attendait à ce que le vampire s'énerve violemment et somme le lutin de se taire, Aymerikk s'assit lourdement, sans lâcher son front, et détourna le regard sur le côté, silencieux et le visage sombre. Etrange.
S'apercevait-il enfin qu'il était allé trop loin dans ses paroles ?
Ça aurait été particulièrement surprenant. Il semblait plus probable qu'il avait été étourdi par le projectile, bien que Richa n'avait pas l'impression de l'avoir doté de tant de puissance.
Jugeant également le comportement d'Aymerikk en contradiction avec celui qu'il avait montré ces dernières semaines, ce qui apparaissait comme préoccupant, Viviane s'agenouilla à côté de lui pour lui saisir la tête et examiner plus attentivement la blessure dont il avait écopé, bien qu'elle ait déjà cicatrisé depuis plusieurs secondes.
Croisant les bras sur sa poitrine, Richa se détourna dans un grommellement. Elle n'allait tout de même pas présenter ses excuses ni culpabiliser, surtout alors qu'elle se doutait qu'Aymerikk ne ressentait aucun état d'âme quant aux propos méprisants qu'il lui adressait quotidiennement.
Observant la scène en voyageant du regard entre les deux protagonistes principaux, Endam étudia la position de chacun, ce qui lui donna une idée.
Se penchant vers Sdania, qu'il serrait contre lui, il écarta quelques unes de ses mèches foncées de son cou pour l'embrasser plus à son aise, ce qui surprit la jeune femme puisqu'il lui semblait que l'instant immédiat ne se prêtait guère à ce genre d'échanges, sans compter qu'Endam se montrait habituellement bien plus concerné par ce qu'il survenait dans le modeste bourg, non qu'elle ait particulièrement quelque chose contre ce genre d'attentions de la part de son compagnon, mais, entre ses baisers, le jeune homme la pria de retenir Aymerikk autant que possible.
Même si il lui avait déjà glissé sa demande à l'oreille, Endam en profita encore en laissant ses lèvres s'attarder sur le cou de Sdania puis, se détachant d'elle après l'avoir embrassée une dernière fois, le jeune homme rejoignit Richa, qui se tenait en retrait, les dents enfoncées dans la lèvre inférieure, luttant contre une culpabilité qu'elle refusait mais qu'elle ne pouvait s'empêcher de ressentir.
Passant un bras autour de ses épaules, feignant de la réconforter et de la calmer, il lui signala que, tant qu'Aymerikk se trouvait là, à se plaindre, sa cabane demeurait accessible et sans surveillance. Comprenant parfaitement où il souhaitait en venir, Richa tourna vivement le regard vers lui et il l'encouragea d'un hochement du menton entendu.
L'hésitation de la jeune fille ne se prolongea que sur quelques secondes, alors qu'elle se demandait si elle tenait réellement à découvrir un indice qui aurait confirmé son probable lien de parenté avec Aymerikk, ce qui lui aurait apporté une certitude qu'il lui faudrait accepter, ou bien l'aurait infirmé, ce qui l'aurait laissée sans plus de piste à envisager, avant d'acquiescer, approuvée par Pilwick qui paraissait fort enthousiaste à l'idée de fouiller la cabane d'Aymerikk qu'il n'avait jamais pu visiter, avec une certaine curiosité mal placée certainement. Peut-être que son attitude manquait grandement de sérieux en ces circonstances mais Richa ne lui reprochait pas sa tendance à tout considérer sous l'angle de la plaisanterie, qui, actuellement, diminuait la gravité de la situation, ce qu'elle appréciait.
Couverte par Endam, qui rejoignit les autres et aida Aymerikk à se rasseoir sur l'un des sièges, s'assurant qu'il restait bien parmi eux, Richa franchit la limite est du village à pas pressées, consciente que les autres ne pourraient pas retenir le vampire indéfiniment malgré leurs efforts, pour s'engager sur la pente raide qui se transformait en falaise, sur le sommet de laquelle était bâtie l'habitation d'Aymerikk.
Aucunement gênée par l'obscurité épaisse régnant sous la frondaisons de la forêt, elle gravit la pente en s'accrochant parfois aux branches bases à sa portée pour s'aider lorsqu'elle se faisait presque à pic. Le trajet se révélait certainement bien plus aisé avec la faculté de se métamorphoser en brume ou en chauve-souris, comme en possédait les vampires de sang pur. Aymerikk ne se fatiguait probablement pas sur ce chemin chaque jour.
Au moins, cette ascension représentait un bon exercice, comme elle percevait les muscles de ses jambes travailler, ce qui ne l'empêcha néanmoins pas d'être soulagée en atteignant le sommet de la falaise.
La cabane d'Aymerikk se trouvait là, construite avec des éléments récoltés dans les alentours, comme toutes les autres, à la différence qu'elle ne comportait aucune fenêtre, certainement pour empêcher tout malencontreux accidents avec des volets mal fermés qui auraient laissé filtrer les rayons du soleil, comme le vampire paraissait particulièrement sensible à cette lumière, et la porte était gardée close par un solide battant de bois ainsi que par une peau huilée.
Sa nature partiellement vampirique faisait horreur à Richa mais elle constatait qu'elle avait cependant la chance de ne pas souffrir de trop de contraintes qu'elle lui aurait imposées.
Visiblement impatient d'explorer la cabane d'Aymerikk, Pilwick descendit de l'épaule de Richa en se laissant glisser le long d'une de ses mèches avant de sauter à terre pour courir jusqu'à la porte qu'il tenta de pousser, s'y appuyant de tout son faible poids mais le battant ne pivota que de quelques centimètres, pas suffisamment pour que même le lutin puisse s'y faufiler. Ne pouvant retenir un sourire amusé, Richa ouvrit la porte en grand.
Etrangement, malgré le manque d'aération par l'absence de fenêtre, aucune odeur de refermé ne stagnait à l'intérieur. Un intérieur où Richa ignorait où focaliser son regard tant il était rempli.
Le maigre espace était partagé entre un lit au draps froissés, une table à manger, deux fauteuils, dont les accoudoirs se touchaient, un foyer, une étagère remplie, des coffres entassés les uns sur les autres et sur lesquels se trouvaient toutes sortes d'objets hétéroclites, et plusieurs boites de bois rangées sous le lit. Des rideaux bleu nuit suspendus aux murs les décoraient, bien qu'il n'y ait aucune fenêtre où les accrocher, et un tapis ornait le sol de terre battue.
Endam n'avait pas exagéré.
Alors que Richa demeurait sur le seuil, à examiner les lieux du regard, Pilwick entamait déjà les fouilles, après avoir allumé la lanterne trônant sur la table, en s'efforçant de tirer l'une des boîtes de sous le sommier.
Jugeant effectivement que ce serait l'endroit où placer des choses qu'on souhaiterait oublier ou camoufler aux regards extérieurs, même si Aymerikk n'autorisait personne à pénétrer chez lui, Richa extirpa la première de ces boites pour l'ouvrir, la laissant au sol pour que Pilwick y ait plus facilement accès, puisqu'il semblait fortement intéressé par ce qu'elle contenait.
Un contenu qui s'avéra se composer de diverses babioles, le genre de choses qu'on obtenait d'un côté ou de l'autre, sans qu'on ne sache réellement qu'en faire. Parmi d'autres choses, ils trouvèrent des boutons de manchettes dorés, une plume à écrire, un encrier, des pierres taillées sans valeur, des rubans à nouer en Lavallière, un chandelier et un camé, rien d'intéressant ou qui lui apprenne quelque chose.
Passant donc à la suivante, ils découvrirent trois toiles roulées qui, avant même d'être déroulées, dégageaient une odeur de peinture rance.
Durant un instant, Richa songea à Diëël, se demandant comment il se portait actuellement et regrettant de ne pas avoir les moyens de lui transmettre de ses nouvelles, mais elle écarta ces pensées pour se concentrer sur leurs recherches.
Délicatement, pour ne pas risquer d'endommager la peinture, elle défit les rouleaux de toile. Tous étaient des portraits.
Le premier représentait Aymerikk, souriant et le regard clair, loin de son attitude hautaine et dédaigneuse. Le second était probablement un portrait de famille puisque plusieurs personnes, dont Aymerikk, encore une fois, y apparaissaient.
Quant au dernier, d'une taille nettement plus réduite et moins bien conservé, comme si, malgré le soin avec lequel il avait été placé dans cette boite, on l'avait plus souvent gardé exposé à la lumière et aux regards, il représentait une jeune femme d'une beauté incroyable, que Richa aurait pu qualifier de surnaturelle si elle-même n'était pas une créature non-humaine ayant traversé les frontières entre les mondes. Contrairement aux personnes peintes sur les deux autres toiles, elle ne possédait pas la moindre caractéristique vampirique, elle paraissait même parfaitement humaine.
Penchant la tête sur le côté en examinant le portrait, Pilwick émit quelques commentaires sur le fait qu'Aymerikk n'avait jamais réellement évoqué de quelconque proches. Rangeant les toiles, Richa ne put que hausser les épaules, connaissant le vampire depuis moins longtemps que Pilwick.
Ouvrant la troisième et dernière boite, ils découvrirent une tenue qui ressemblait fortement à un uniforme, principalement vert amande orné de galons dorés rehaussés d'un rouge tirant sur le bordeaux.
Les sourcils froncés, Richa releva les yeux sur Pilwick, en quête d'une explication, mais le lutin semblait aussi perplexe qu'elle. Visiblement, Aymerikk avait été soldat, et personne ici ne le soupçonnait, mais, apparemment, le vampire ne confiait guère de détails sur son passé.
Sous la veste de l'uniforme, on avait glissé plusieurs parchemins, l'un enroulé, comme les portraits, et tous les autres réunis en un paquet maintenu par un ruban gris, ressemblant fortement à des missives, exactement ce qui aurait pu témoigner d'une relation et de la possible naissance d'un enfant.
Avant de les parcourir, Richa déroula le premier parchemin qui s'avéra être un arbre généalogique très joliment dessiné comportant des noms vampiriques, sur lesquels Richa ne s'attarda guère. Sans surprise, Aymerikk y figurait mais aucune branche ne partait de son nom pour symboliser une union ou une descendance.
Ne s'y intéressant pas davantage, elle le laissa à Pilwick qui s'essayait à déchiffrer les noms inscrits dessus en imitant l'accent vampirique, pour plutôt étudier toutes ces lettres. Ne songeant même pas à la violation d'intimité que cela représentait, elle défit le ruban et commença à parcourir ces missives, qui se comptaient par dizaines, peut-être même dépassaient-elles la centaine.
Comme elle s'y attendait sans véritablement y croire, il s'agissait d'une correspondance amoureuse, passionnée semblait-il, à destination d'Aymerikk.
N'ayant pas le temps de toutes les lire dans les détails, elle se contenta de les survoler à la recherche de toutes informations au sujet d'un enfant, l'amante d'Aymerikk ayant parfaitement pu lui annoncer une grossesse dans une lettre.
Chacune débutait par un ''mon très cher Aymerikk'' ou bien ''mon aimé'' et s'achevait par ''à toi pour toujours, ta Sonja''. Rien qu'en saisissant quelques mots au vole, Richa pouvait percevoir tout l'amour que cette femme ressentait, celui qui l'unissait à Aymerikk.
Il ne ressortait cependant rien au sujet de la conception d'un quelconque enfant, mais la jeune fille s'égarait de plus en plus dans ces phrases tendres, en oubliant quelque peu le sujet qui l'intéressait, intriguée par l'introduction de la missive qu'elle tenait entre ses mains.
Mon très cher Aymerikk,
avoir de tes nouvelles m'a transporté de joie, mais ce n'est pas comme t'avoir directement à mes côtés. Tu me manques tant, mon amour. Quand reviendras-tu à Joyaux-sous-Mer ? Je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. Je sais très bien que tu prends tes responsabilités, eu au égard à ton rang et à celui de ta famille, mais tout cela m'angoisse, ta visite à ta famille... Je t'en prie, reviens-moi vite.
Richa ne put poursuivre davantage sa lecture, qu'elle ne comptait pas prolonger plus longuement, comme ces quelques lignes ne comportaient pas plus de référence à une grossesse que les précédentes, car elle fut soudainement interrompue par la porte raclant contre le sol de terre battue.
De toute évidence, les autres n'avaient pas réussi à retenir Aymerikk durant des heures.
D'abord stupéfait par ce qu'il découvrait en regagnant son habitation, ne s'y attendant absolument pas, le vampire se figea de surprise mais, dès qu'il remarqua ce que Richa tenait, ce qui ne nécessita que quelques secondes, il parut s'enrager.
A une telle vitesse que le regard de la jeune fille ne put suivre le mouvement, il se jeta sur elle. Comprenant à peine ce qu'il venait de lui arriver, Richa se retrouva allongée au sol sur le dos, légèrement étourdie, et les mains maintenues au-dessus de sa tête dans une poigne de fer. La missive qu'elle avait toujours en main lui fut arrachée si violemment que le papier lui entailla le doigt.
Se tenant au-dessus d'elle, Aymerikk rugit en lui demandant ce qu'elle faisait là et de quel droit elle s'était permise de fouiller dans ses affaires pour lire sa correspondance personnelle.
Dominée de la sorte par un vampire, Richa vit soudainement l'image de Jonathan se superposer à celle d'Aymerikk, même si ce dernier ne semblait aucunement animé par les mêmes intentions à son égard, et la panique l'étreignit.
Ne raisonnant plus rationnellement, elle se débattit sauvagement, envoyant sa tête brutalement vers l'avant, percutant le nez d'Aymerikk, qui produisit un craquement, de son front puis, tournant le visage sur le côté, elle s'aperçut que le biceps d'Aymerikk était à sa portée alors elle le mordit, y enfonçant ses canines à travers ses vêtements, tout en remontant violemment son genou dans l'entrejambe du vampire – capacité de régénération exceptionnelle ou non, la douleur explosa – qui poussa un cri étouffé en se repliant légèrement sur lui-même par réflexe.
Pour terminer, un brusque souffle de vent balaya l'intérieur de la pièce, bien qu'elle soit totalement isolée de l'extérieur. Une bourrasque tellement puissante qu'elle renversa Aymerikk en le projetant contrela porte close, à l'opposée de Richa qu'il libéra ainsi, s'éleva.
Toujours sujette au même affolement, la jeune fille bondit sur ses pieds pour faire face à Aymerikk, qui se reprenait déjà.
Soudainement, se suspendant à l'une de ses mèches échappées de sa queue de cheval dans l'empoignade, Pilwick lança son pied dans l'œil d'Aymerikk, lui arrachant une exclamation de douleur, avant de lâcher sa prise, se propulsant vers l'un des fauteuils où il atterrit avec une pirouette.
Profitant de cette diversion, Richa se rua sur le vampire qu'elle jeta à terre par une prise.
Reprenant l'avantage, elle immobilisa Aymerikk sous son poids, même si elle se doutait que cela ne représentait pas une grande gêne pour lui, et, ramassant le ruban que le vent avait transporté non loin, elle en enserra la gorge d'Aymerikk, l'étranglant à moitié.
Son inconscient constatant qu'elle n'était plus menacée par aucun vampire et qu'elle avait renversé la situation, la jeune fille se calma en se ressaisissant, maîtrisant à nouveau un minimum ses réactions sans plus les laisser être contrôlées par ses émotions. Elle ne libéra cependant pas Aymerikk, voyant en ces circonstances l'occasion d'obtenir les informations qu'elle était venue chercher en les soutirant directement au principal concerné.
Ce dernier porta les mains au lien lui comprimant la gorge. Même si l'asphyxie ne serait probablement pas une cause de décès pour un vampire, cette espèce n'ayant besoin que de très peu d'oxygène pour survivre, elle demeurait très douloureuse et désagréable à expérimenter.
Il grogna en accusant Richa :
« T'es...complètement folle...
- Tu m'as attaquée le premier ! Oh, et je suppose que la folie est quelque chose de commun pour une dégénérée de sang-mêlé.
- Tu...n'as pas le droit de fouiller dans...dans mes affaires...de...de lire ces lettres, elles sont...à moi.
- C'est parce qu'elles contiennent des preuves sur ma parenté, c'est ça ? Tu veux pas que je découvre la vérité !
- De quoi...tu parles ?
- Je sais que tu connais quelque chose sur moi, sur mes parents, sur mes origines, tu l'as dit toi-même ! Je veux savoir ce que tu sais ! Peut-être même que tu es mon père ! Je pense...non, je suis presque sûre que c'est toi !
- C'est...ridicule...
- N'essaye pas de me mentir ! Je suis vraiment pas d'humeur ! Sonja, ça sonne pas très vampirique !
- Pas...vampire...pas elfe...Selkie...
- Quoi ? Qu'est-ce que tu...
- Les selkies, ce sont des Humcréas, un peuple uniquement composé de femmes. Elles naissent avec une peau de phoque qui les transforme en phoque lorsqu'elles la revêtent mais, sinon, elles ont l'air humaines. Lui expliqua Pliwick. Richa, je pense que tu devrais le libérer, surtout si tu veux qu'il te réponde.
- La femme sur le portrait... Comprit Richa en relâchant Aymerikk, qui reprit bruyamment sa respiration.
- Vous n'aviez pas à fouiller dans mes affaires... Grogna le vampire en se massant la gorge.
- T'avais pas qu'à jouer au con avec moi ! Rétorqua Richa, véhémente. Bon, alors, maintenant, tu vas me dire tout ce que tu sais et sans détour.
- En fait, pour te dire la vérité, puisque c'est ce que tu exiges, je ne sais pas grand chose, c'était juste...pour te tourmenter. C'est Sonja qui savait.
- Sonja. T'étais en couple avec une selkie. Devina Pilwick et le regard lourd qu'Aymerikk dévia sur le côté fut encore plus éloquent qu'une réponse verbale.
- Et après tu oses me prendre de haut avec ton petit air de connard supérieur en crachant sur les sang-mêlé et les Humcréas qui les engendrent, à me traiter de bâtarde avec mépris !
- Justement ! Je sais très bien comment réagit la majorité des Humcréas face au métissage parce que j'en ai moi-même fait l'expérience ! Alors autant que tu t'y prépares tout de suite en apprenant à encaisser ça et en fondant pas trop d'espoirs sur cette famille chimérique que tu cherches, même si je devais me mettre les autres à dos pour ça ! Sonja...je l'ai rencontrée peu après m'être engagé dans l'armée, le genre de trucs qu'on fait pour les apparences. J'étais stationné à Joyaux-sous-Mer, aux Terres de Sang. Il y a beaucoup d'Humcréas aquatiques là-bas, ils travaillent dans les mines sous-marines, comme Sonja. Nous nous sommes rencontrés et nous sommes tombés amoureux. Vous n'avez pas à connaître les détails de l'histoire, cela me concerne uniquement moi. Vous avez seulement besoin de savoir que je l'aim...que je l'aimais, tellement que je voulais passer toute mon éternité avec elle et l'épouser. Donc, pour ça, je suis allé voir ma famille pour lui faire part de mes intentions mais, lorsqu'elle a su la nature de celle à qui je voulais m'unir, elle m'a rejeté et banni, renié, choisissez le terme que vous préférez, ça revient au même de toute façon. En un sens, ça ne changeait pas grand chose pour moi. J'avais juste à partir rejoindre Sonja, je n'avais pas besoin de la permission de ma famille pour vivre avec la femme que j'aimais, mais, même si ma famille m'a renié, elle ne voulait pas que je ''pollue'' notre lignée et je me suis retrouvé captif de ma propre famille, dans ma propre maison ! Il m'a fallu du temps pour m'échapper mais j'étais déterminé et j'ai finalement réussi. Sauf que, quand je suis revenu à Joyaux-sous-Mer, je n'ai pas trouvé Sonja, elle n'était plus là. Sa famille n'a pas voulu me voir. Elle m'a accusé en disant que tout était de ma faute. J'en ai déduis qu'elle...était morte... Peut-être qu'elle s'est...suicidé lorsqu'elle n'a plus eu de nouvelles moi, qu'elle a cru...que je l'avais abandonnée...
- Attend, tu voudrais que je te remercie pour ce que tu as fait, pour m'avoir désillusionné, ou que j'ai pitié de toi ? Va te faire foutre. Surtout que, ton beau discours sur ta volonté de vouloir me protéger de la déception, c'est des conneries. Quelque part, tu es jaloux de voir qu'un autre vampire ait pu vivre sa relation mixte, au point qu'elle a abouti à un enfant, ce que t'as pas pu vivre. C'est surtout pour ça que t'as décidé de me chier dans les bottes dès le premier soir.
- Ouais, peut-être bien, mais ça ne change pas grand chose pour toi, n'est-ce pas ?
- Pas grand chose, c'est vrai. Donc, tu voulais juste te foutre de ma gueule en disant que tu avais des infos sur des personnes pouvant être mes parents.
- Pas totalement. Je ne suis pas aussi salaud que tu sembles le penser. J'ai rencontré d'autres personnes que Sonja à Joyaux-sous-Mer. J'ai aussi connu une vampire, enfin, pas connaître comme connaître, juste connaître normalement. C'était une amie de Sonja. Ce qu'elle m'a dit dans une de ces lettres à son sujet m'a laissé penser qu'elle aurait pu avoir un enfant avec un elfe. Mais, après tout, tu les as déjà lu, comme si elles t'appartenaient, alors tu le sais déjà.
- Non, je...ne les ai pas toutes lues et puis, ce n'est pas comme si je les avais vraiment lues, les ai juste survolées rapidement...
- Oh, serait-ce une pointe de culpabilité ? Bon, alors écoute ça, ça devrait t'intéresser (d'un signe, Aymerikk demanda à Pilwick de lui ramener les missives éparpillées au sol, ne pouvant le faire lui-même, toujours allongé sous le poids de Richa, et, lorsque le lutin les lui eût rapportées, il en sélectionna une, les examinant à peine, comme si il les connaissait déjà par cœur, ce qui était peut-être le cas. Ne la confiant pas à Richa, comptant la lui lire, gardant encore un minimum ces mots pour lui, il hésita encore un instant, déglutissant et s'humectant les lèvres, mais, sachant que la jeune fille ne lui laissait pas vraiment le choix, il débuta sa lecture d'une voix enrouée, la gorge nouée :) Mon très cher Aymerikk, je dois te faire part d'une inquiétude. Je suppose que tu te souviens de Lirkka, mon amie. Elle m'a confié qu'elle attendant un enfant et elle souhaite retrouver le père. J'ignore si il s'agit de cet elfe de passage qu'elle a fréquenté durant son séjour à Joyaux-sous-Mer, elle ne l'a pas dit. Cependant, mon inquiétude vient plus particulièrement de l'endroit où elle compte le rejoindre. Le père de son enfant a quitté les Terres de Sang et Lirkka va donc pénétrer sur le territoire de la Flamme Blanche. Je crois qu'elle se dirige vers les Terres Intérieures. J'ai vraiment peur pour elle.
Voilà, le reste ne vous concerne pas.
- Et c'est tout ? Réagit Richa. C'est peu.
- Lirkka, c'est pas la femme qui est passée il y a quelques temps ? C'est vrai que vous vous connaissiez d'avant et que vous vous étiez isolés. Moi, je pensais que vous étiez partis faire des trucs entre vampires mais vous parliez de cette époque, en fait. Se souvint Pilwick.
- Elle est venue ici ?
- Seulement temporairement, elle était de passage. Elle est restée quelques jours puis elle est partie en direction des Terres d'Eaux, précisa Aymerikk. Elle trouvait que les marais étaient plus sûrs pour se cacher, et elle y est toujours. Mais, quand elle est passée, elle n'avait pas d'enfant avec elle, elle était seule, et je n'ai pas vraiment osé l'interroger à ce sujet.
- Les marais ? Releva Richa.
- Tout le sud des Terres d'Eaux est marécageux, expliqua Aymerikk. De ce que j'en sais, Lirkka y est toujours. Tu peux peut-être essayer d'aller la trouver.
- Et ratisser tous les marais en espérant tomber sur elle ?
- Evidemment que non. Je peux te donner une localisation plus précise. Tu devrais pouvoir la trouver sans trop de difficultés.
- Nous devrions pouvoir la trouver sans trop de difficultés. Corrigea Richa d'un ton péremptoire.
- Quoi ? Attend, tu crois que je vais t'accompagner ? Je ne vais pas prendre le risque de...
- Réagis pas comme tu avais le choix, parce que tu l'as pas. C'est la moindre des choses après toutes ces conneries ! On se retrouve au centre du village d'ici un quart d'heure, le temps de se préparer.
- Maintenant ? Tu veux partir cette nuit ?
- Je ne voudrais pas que tu tombes en cendres en partant de jour. Et t'as intérêt à être là parce que, sinon, je viens te chercher par la peau du cul ! »
Ne laissant pas Aymerikk répondre, s'opposer ou acquiesça, Richa se releva, le libérant enfin pour lui permettre de ramasser et ranger précieusement ses lettres, et elle sortit en claquant la porte dans son dos, après que Pilwick se fut hissé sur son épaule.
Une fois à l'extérieur, sous la brise nocturne, qui agitait les maigres feuillages autour d'elle ainsi que sa chevelure, la jeune fille poussa un lourd soupir en se passant une main sur le visage.
A présent, qu'elle avait quitté cette cabane, plaçant une barrière physique entre elle et Aymerikk, elle parvenait à prendre davantage de recul sur la situation qui s'était soudainement instauré et elle s'apercevait qu'elle avait certainement était trop dure et cassante avec le vampire, surtout alors qu'il lui avait révélé une partie si sensible et intime de son passé, sans compter qu'il avait parfaitement été dans son bon droit en s'emportant de la sorte en découvrant cette intrusion.
D'ailleurs, bien qu'il semble demeurer de son côté, dans tous les sens du terme, toujours agrippé à ses mèches de cheveux noirs et l'ayant défendue face à Aymerikk, elle voyait bien dans son regard que Pilwick désapprouvait la conduite qu'elle avait tenue. Elle aussi se la reprochait.
L'incident avec Jonathan était encore récent dans son esprit et, lorsque Aymerikk l'avait attaquée en la dominant, elle y avait été renvoyée et elle avait tellement paniqué qu'il lui avait été impossible de se calmer par la suite, restant sur la défensive et agressive, elle en prenait conscience à présent mais ce n'était pas pour autant une excuse.
Il ne lui restait probablement plus qu'à présenter ses excuses à Aymerikk lors de leur trajet vers les marais.
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