Chapitre 4 - Course de désorientation


Richa était encore moins motivée à se rendre au lycée ce jour-là que les autres car c'était en cette journée qu'avait été organisée une course d'orientation dans les hauteurs de la ville.
D'ordinaire, une journée à courir et évoluer dans la nature, surtout dans ce par qu'elle connaissait bien par ses sorties nocturnes occupant ses insomnies, aurait dû la réjouir mais c'était l'aspect encadré de l'exercice qui lui déplaisait.
Encore une fois, ce serait selon des règles qu'elle n'aurait pas choisi, les choses se dérouleraient selon des conditions et des contraintes étiquetées par d'autres, et elle ne pourrait rien décider.
Sans compter qu'elle se sentait encore contrariée de la veille, la nuit n'ayant pas entièrement suffit pour la débarrasser de son profond agacement.
En effet, après les cours de la veille, elle s'était rendu à la répétition en compagnie d'Albane et Elio, comme cela était devenu de coutume depuis une semaine et demie, mais les trois heures passées à s'exercer sur les instruments ne s'étaient pas déroulé au mieux.
Durant ces derniers jours, la relation entre Albane et Richa ne s'était guère amélioré, bien qu'elle ne se soit pas particulièrement détériorée pour autant. L'ambiance entre les deux jeunes filles en demeurait électrique et la tension devenait perceptible dès qu'elles s'adressaient l'une à l'autre, ce à quoi Elio s'était forcé de s'habituer pour pouvoir le supporter, mais il ne se sentait pas particulièrement prisonnier de cette situation.
À l'inverse, il appréciait de fréquenter Richa, avec qui ils avaient plus ou moins formé un groupe avec également Vinciane, Mikhail qui les rejoignait toujours avec ou sans l'accord des autres, et Albane, qui restait avec son frère mais à distance des autres.
Durant la journée, bien qu'elles évoluaient à présent dans le même cercle,les deux jeunes filles limitaient fortement les échanges verbaux,car les regards demeuraient plus que réguliers, ce qui n'empêchait pas Albane d'adresser piques et remarques à Richa, qui réagissait immédiatement, encore plus que lorsqu'il s'agissait de Manuela ou de sa cour, même si on lui conseillait de ne pas s'en formaliser et de plutôt l'ignorer, ce qu'elle-même jugeait mieux, mais elle ne pouvait s'empêcher de s'emporter.
C'était exactement ce qu'il s'était produit la veille dans la salle de musique.
Richa ne se souvenait même plus de ce qui avait provoqué cet incident, quel mot d'Albane l'avait heurté, mais le ton était rapidement monté, chacune refusant de s'incliner devant l'autre, de lui céder.
Jamais encore l'atmosphère n'avait été si chargée, si lourde, malgré cette tension permanente, et même Elio en avait éprouvé un profond malaise, alors qu'il s'était efforcé de ne pas se laisser toucher ce conflit qui ne le concernait pas réellement.
Pourtant, cette fois, il était intervenu pour les séparer en s'interposant puis il avait décrété la fin de leur répétition avant que la situation ne dégénère encore davantage. Certainement en seraient-elles venues aux mains sans le jeune homme.
De retour chez elle, Richa avait encore été furieuse et elle s'était plainte de l'attitude d'Albane, en se demandant quel était son problème ou ce qu'elle lui reprochait pour se comporter de la sorte avec elle, à Ludovic qui, montre en main, avait constaté que c'était la première fois qu'elle s'agaçait ainsi à voix haute durant si longtemps, puis il lui avait également fait remarquer qu'elle semblait particulièrement préoccupée par les propos d'Albane alors qu'elle se moquait bien de ce qu'on pouvait penser d'elle normalement.
Ces mots, visant à la taquiner, n'avaient pas contribué à apaiser la jeune fille qui avait finalement passer une longue partie de la nuit à se défouler sur sa batterie, le visage d'Albane tournant dans son esprit et il ne l'avait d'ailleurs pas lâché même une fois endormie.
C'était donc d'une humeur relativement massacrante qu'elle traînait des pieds à la suite des autres élèves à travers les rues de la ville jusqu'au jardin publique.
Une fois sur place, les professeurs encadrant l'exercice rappelèrent les règles, du jeu et de sécurité, bien que ce ne soit pas particulièrement nécessaire puisqu'il ne s'agissait pas de quelque chose de complexe : user des renseignements à leur disposition ainsi que de la carte et de la boussole pour repérer le lieu indiqué sur la carte sans quitter les périmètre établis.
Un soupir sonore échappa à Richa qui s'ennuyait déjà.
L'intérêt d'évoluer dans la nature était de le faire librement, sans contrainte qu'on leur imposait. Ce qui lui plaisait était de courir en esquivant les obstacles dans les futaies ou de se balancer aux branchages, pas chercher une balise pour la rapporter comme un chien bien éduqué.
Sur ordre des professeurs, les groupes commencèrent à se former, de quatre individus et en mélangeant les classes, puisque plusieurs niveaux participaient à cette journée.
S'y pliant comme elle n'avait pas le choix, Richa se tourna tout naturellement vers Vinciane, qui acquiesça en souriant à la demande silencieuse de son amie, puis elles aperçurent Elio à quelques mètres, toujours accompagnée d'Albane appuyée contre un tronc, qui leur adressa un signe de la main les invitant à les rejoindre.
Acceptant cette proposition, Vinciane alla pour entraîner Richa à sa suite mais cette dernière demeura immobile. Secouant la tête de gauche à droite, elle déclara que, après leur querelle de la veille, elle refusait de passer la journée aux côtés de la jeune fille aux yeux glacés, qui la dévisageait d'ailleurs à distance, toujours aussi indéchiffrable qu'à l'accoutumée.
Avec une moue navrée, Vinciane lui signala que, si ce n'était pas Albane, elle devrait supporter Mikhail, qui cherchait d'ailleurs à venir à leur hauteur en se frayant un chemin à travers le reste des élèves.
Se résignant à l'argument, très juste, de Vinciane,préférant effectivement subir la présence d'Albane, face à qui elle pouvait laisser jaillir sa colère, que celle de Mikhail, Richa saisit le bras de Vinciane pour se presser de rejoindre Elio, qui peinait à dissimuler son hilarité face à la manœuvre, avant que Mikhail ne les rattrape.
Au moins, leur groupe respectait la consigne de mélange des niveaux puisque Elio avait un an de plus que sa sœur.
Richa grommela tout bas lorsque l'un des professeurs nota les noms de chaque membre du groupe.
Décidément, cette journée ne semblait pas disposée à s'améliorer mais, au moins, elle s'était épargné Mikhail, qui lui lança un regard aussi dépité que frustré.
La seule chose qui la réjouit un maximum fut que le secteur que les professeurs leur avaient attribué était un endroit qu'elle ne connaissait pas, ayant toujours évité de trop s'enfoncer dans le parc durant la nuit puisqu'elle savait qu'il lui fallait être de retour avant l'apparition du jour.
Ainsi, elle avait au moins l'occasion de découvrir autre chose du parc que ce qu'elle avait déjà coutume d'arpenter.
Cependant, ce ne fut pas pour autant qu'elle se montra fort impliquée. Au contraire, elle demeura en arrière à soupirer – à se demander comment les autres n'en furent pas suffisamment agacés pour l'abandonner au milieu des bois.
D'ailleurs, seuls Vinciane et Elio se prêtèrent véritablement au jeu, estimant que la journée passerait plus rapidement si ils l'abordaient en positivant, Albane imitant Richa en se tenant en retrait, les écouteurs enfoncés dans les oreilles et les mains dans les poches, malgré les efforts des deux autres pour les motiver et les encourager.
En revanche, malgré leur bonne volonté, aucun des deux n'avait réellement le sens de l'orientation, Elio confondit même le sens de la carte durant plusieurs secondes – heureusement qu'il était meilleur musicien que guide – à l'inverse de Richa, mais, ne se sentant pas concernée, la jeune fille gardait actuellement ce talent pour elle et se contentait de suivre en se moquant bien de la direction empruntée, crispée par la présence d'Albane à ses cotés, dont elle captait parfois le regard impénétrable sur elle.
Si bien qu'ils furent plus occupés à se demander si ils se trouvaient sur le bon chemin qu'à rechercher les balises, mais ils parvinrent néanmoins à en ramener trois, se classant ainsi dernier, avant la pause de midi, durant laquelle Mikhail vint évidemment se joindre à eux pour, comme toujours,manifester un trop grand intérêt à Richa.
Cependant, il fut moins étouffant qu'à son habitude, probablement retenu par le regard courroucé d'Albane, visiblement opposée à la présence du jeune homme blond parmi eux, qui le fixa presque avec agressivité, les yeux plissés, et, pour une fois, l'émotion qu'elle manifestait était fort évidente à décrypter.
Ce qui ne fit que renforcer la tension déjà existante, notamment entre Richa et Albane.
Si bien que ce fut avec soulagement, pour Elio et Vinciane, qu'ils se levèrent pour reprendre la course alors que Mikhail les laissait pour rejoindre son propre groupe.
Ce début d'après-midi se déroula d'une façon identique à la mâtinée venant de s'écouler : Elio et Vinciane s'orientant tant bien que mal, avec plus ou moins de succès, tout de même moins que plus, et Albane et Richa à l'arrière ne voyant toujours pas l'intérêt de participer.
Pourtant, au bout de deux heures, Richa prit l'initiative de stopper le groupe lorsqu'elle constata qu'Elio les faisait passer pour la troisième fois au même endroit.
Voulant tout de même en avoir la confirmation avant de formuler sa remarque à voix haute, comme elle ne prêtait guère attention à leur environnement, elle s'enquit :

« Eh, on est pas déjà passé par là ?
- Bah en fait... Bredouilla Vinciane.
- On est paumé, c'est ça ? Devina Albane en retirant ses écouteurs de ses oreilles.
- Oui bah vous aviez qu'à nous aider ! Rétorqua Elio.
- Bon, pas de panique, le calma Albane, on a juste a appelé quelqu'un et...
- Y a pas de réseau ici. L'interrompit Vinciane.
- Du coup on panique ? Lança Elio.
- Bon, on est forcément venu de quelque part. Déclara Richa.
- Exactement, faut juste retrouver d'où. Appuya Albane et c'était étrange de la voir soutenir une idée de Richa.
- Tu crois qu'on fait quoi depuis tout à l'heure pendant que vous boudez derrière ? Répliqua Elio.
- On se sépare et on cherche un endroit où on est passé, en endroit qu'on reconnaîtrait. Proposa Vinciane.
- Si on fait ça, restez visibles des autres, ou au moins à portée de voix et on vérifie souvent la position des autres, pas la peine de se perdre encore plus.

Conseilla Richa comme si elle avait parfaitement coutume de ce genre de situation, ce qui n'était absolument pas le cas – elle n'avait même pas le souvenir d'être un jour sortie dans la nature en groupe– et elle-même s'étonnait de ce réflexe qu'elle venait d'avoir.
Ne semblant cependant relever le trouble de la jeune fille, les autres acquiescèrent et ils se dispersèrent dans les alentours.
Tout en explorant les environs, Richa grommelait contre son propre comportement. Si seulement elle avait davantage prêté attention à son environnement et à la direction qu'ils empruntaient plutôt que de ruminer sa mauvaise humeur en se plaignant mentalement, elle aurait certainement pu aisément retrouver le chemin qui les avait amené ici mais elle n'avait définitivement pas été suffisamment attentive. Sans compter qu'il s'agissait d'un secteur du parc qu'elle ne connaissait absolument pas.
L'endroit se rapprochait davantage d'un sous-bois touffu avec de l'herbe haute, de nombreux arbres qui ombrageaient les lieux, de nombreux branchages gisant au sol, des pierres et des racines. Se déplaçant n'était pas forcément simple et une chute serait vite arrivée.
S'arrêtant un instant, Richa sortit son portable de la poche de son pantalon de sport mais l'appareil ne captait toujours pas le moindre réseau, impossible de joindre qui que ce soit pour l'informer de leur situation.
Pour le moment, ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour se tirer de ce mauvais pas.
Un grognement de bête jaillit de sa gorge.
Pourquoi ne s'était-elle pas intéressée au chemin qu'ils suivaient ?
Quelle idiote elle était.
Tout ce qu'elle savait était que le point de rassemblement se situait au nord-est du parc or, elle ignorait où ils se trouvaient actuellement alors elle était donc incapable de localiser le nord-est. Sinon, elle aurait pu repérer une direction vers laquelle guider les autres.
Si seulement elle s'était montré plus impliquée dès le départ, si elle s'était chargé de tenir la carte, elle aurait probablement pu éviter cette situation et ses amis ne seraient pas angoissés de la sorte dans la crainte de ne pas retrouver les autres.
Secouant la tête de gauche à droite, Richa se força à se débarrasser de ces pensées.
Plutôt que de s'adresser des reproches, elle ferait mieux de se concentrer sur les alentours pour retrouver leur chemin.
Résolution qui s'avéra efficace car,dès qu'elle cessa de se maudire pour l'immaturité avec laquelle elle s'était comporté, elle se souvint soudainement de la boussole confiée par les professeurs avec la carte et que Elio ou Vinciane devait avoir sur lui ou elle.
En effet, si elle ignorait où se trouvait le nord-est par rapport à leur position actuelle, la boussole pourrait le leur indiquer et ainsi les conduire au point de rassemblement sans plus de problème.
Positionnant ses mains de part et d'autre de sa bouche, elle appela ses camarades, qui devaient être en contact auditif comme elle l'avait ordonné.
Après plusieurs secondes, la voix grave d'Albane lui répondit, légèrement étouffée par la végétation, à quelques mètres sur sa droite, mais personne d'autre.
Apparemment, elle s'avérait incapable d'appliquer son propre conseil, mais il était vrai qu'aucun ne s'était encore assuré de respecter le contact auditif.
Décidément, elle se révélait assez peu efficace et utile aujourd'hui.
Après un soupir et l'envie de se secouer elle-même, elle demanda à Albane si elle pouvait repérer Elio et Vinciane.
Elle entendit Albane crier le nom de son frère et ensuite celui de la jeune fille puis, s'adressant à nouveau à Richa, elle lui indiqua que Vinciane était plus en arrière à quelques mètres sur sa droite.
Confirmant qu'elle avait entendu, Richa gagna la position ainsi repérée à grandes enjambées pendant qu'Albane continuait à appeler son frère, visiblement inquiète de n'obtenir aucune réaction de sa part, Richa captait la panique qui la gagnait par les aiguës dans lesquels montaient sa voix.
Stoppant, la jeune fille se demanda si l'urgence était de rejoindre Vinciane pour récupérer la boussole possiblement salvatrice ou d'aller tenter d'apaiser Albane avant que ne se déclenche une véritable crise d'angoisse.
Avant qu'elle ne se décide, Vinciane s'extirpa d'un bosquet, des feuilles coincées dans ses cheveux frisés, et vint à sa hauteur.
Choisissant donc de s'occuper d'Albane en second, par logique, Richa demanda la boussole à Vinciane mais cette dernière lui répondit que c'était Elio qui l'avait. Elio qui ne répondait toujours pas.
Du moins, jusqu'à ce qu'un ''quoi'' à moitié grommelé ne résonne dans les alentours en réponse aux appels de plus en plus affolés d'Albane.
Cette dernière émit un soupir sonore, que même les deux autres jeunes filles l'entendirent, puis, houspillant son frère à distance, elle lui reprocha son silence, qui l'avait inquiété, et lui demanda si répondre lui aurait écorché la bouche. De loin, Elio répliqua qu'elle semblait craindre qu'il ne soit emporté par le monstre des bois. Apparemment agacée, Albane lui lança une insulte comme seuls s'en lançaient les frères et sœurs.
Amusées, Richa et Vinciane échangèrent un regard en ravalant un rire, alors qu'Elio renvoyait l'insulte à sa cadette.
Cependant, cette hilarité, qui contribua par ailleurs à détendre l'atmosphère pesante qui s'était emparé des lieux avec leur situation, retomba bien rapidement lorsqu'un long cri de douleur s'éleva en faisant s'envoler les oiseaux installés dans les frondaisons alentours.
Un frisson remonta le long de l'échine de Richa alors que ce cri lui évoquait ceux qui peuplaient régulièrement ses cauchemars, la paralysant.
Se remettant de cette subite stupéfaction la première, Albane s'élança vers la provenance de ce cri en appelant son frère, cédant totalement à l'affolement.
Se pressant de lui emboîter le pas, Richa et Vinciane se précipitèrent à sa suite.
Se guidant aux gémissements qui avaient succédé au cri de douleur, elles trouvèrent rapidement Elio gisant parmi les herbes folles.
Légèrement recroquevillé sur lui-même, il semblait tenir sa jambe droite en se tordant quelque peu.
À part sa posture atypique, Richa ne remarque d'abord rien d'anormal avant d'aviser une tache de rouge qu'elle savait ne pas être de la couleur de ses vêtements, puisqu'il était venu de noir aujourd'hui.
Se rapprochant, elle constata qu'il s'agissait bien de sang, qui imbibait rapidement la toile légère de son pantalon des port et dont l'odeur lui satura les narines à quelques mètres de distance, et qu'une branche, dont la cassure lui conférait une pointe semblable à un pieu, lui traversait la cuisse dont elle ressortait rougie.
L'herbe piétinée non loin paraissait indiquer qu'il avait chuté dessus. Son visage était blême et ses mâchoires contractées.
Déjà auprès de lui, Albane s'efforçait de l'apaiser et de le réconforter mais elle-même semblait profondément bouleversée. Ses mains tremblaient sous la panique et elle releva des yeux larmoyants emplis de détresses sur ses deux camarades.

- Qu'est-ce qu'on va faire ? On est perdu, on peut prévenir personne... Murmura t-elle.
- Déjà, gardons notre calme. Conseilla Vinciane mais sa voix vacilla. Richa, tu...tu voulais la boussole. Tu...tu peux retrouver le chemin avec ?
- Ouais, je...je vais aller chercher de l'aide.
- D'accord...nous, on va rester ici et nous occuper d'Elio...
- Retirez pas la branche, ordonna Richa alors qu'Albane s'apprêtait à faire l'inverse. Ça déclencherait l'hémorragie et si l'artère est touchée...il faut absolument limiter la perte de sang. Faites un garrot et essayer de comprimer la blessure. »

En dispensant ces conseils, Richa défit sa longue tresse pour récupérer le ruban avec lequel ses cheveux étaient maintenus noués et le tendit à Albane, le seul lien qu'ils avaient pour confectionner un garrot de fortune.
La jeune fille tenta de le serrer au-dessus de la blessure d'Elio mais ses doigts tremblants l'en empêchèrent et ce fut Vinciane qui s'en chargea avant de récupérer la boussole dans la poche du jeune homme.
Repérant le nord grâce à l'aiguille qui le pointait en tressautant, Richa détermina rapidement la direction dans laquelle elle s'élança après avoir promit aux trois autres de revenir avec de l'aide le plus rapidement possible.
Heureusement qu'elle avait coutume de courir dans la nature sinon, elle aurait été entravée par les herbes hautes, les racines, les pierres et les branchages. Au lieu d'en être gênée, elle bondissait souplement par-dessus tous les obstacles.
Jamais il ne semblait avoir couru aussi rapidement. Certainement était-elle poussée par l'adrénaline, diffusée dans son corps au rythme effréné des battements de son cœur, aussi bouleversée que les autres mais s'obligeant à réagir avec raison.
Sans compter que le vent, qui s'était levé lorsqu'elles avaient découvert l'état d'Elio en sifflant dans les feuillages, paraissait la propulser, comme pour l'encourager en lui permettant de se déplacer encore plus vite en agitant ses longues mèches noires devant son visage.
Bientôt, elle reconnu le paysage qu'elle arpentait et ne tardait pas à déboucher au point de rassemblement après plusieurs longues foulées supplémentaires, où se trouvaient quelques groupes d'élèves.
Attrapant le premier professeur qui passa, Richa lui rapporta la situation sans prendre le temps de retrouver son souffle.
D'abord, le professeur ne la crut pas réellement, certainement que, à cause de son comportement loin de celui de l'élève modèle, elle n'avait pas vraiment la confiance du personnel du lycée.
Dans un grognement, elle repoussa ce professeur incrédule assez violemment avant de lui crier qu'elle n'avait pas besoin de son autorisation pour appeler les secours, alertant les personnes non loin.
Remarquant qu'elle dégainait son téléphone et composait le numéro des urgences, la couverture réseau atteignant l'endroit, le professeur comprit qu'elle était sérieuse et il la pria de lui donner son portable pour s'occuper d'avertir les secours. Soulagée, Richa le lui tendit avant de s'écrouler contre un arbre,ses jambes se dérobant sous elle sous l'effet de l'adrénaline qui s'estompait à présent qu'elle avait accompli sa mission.
Une fois l'appel terminé, le professeur lui rendit son téléphone en lui demandant si elle pouvait le conduire sur les lieux de l'accident.
S'agrippant à l'écorce du tronc, la jeune fille se força à se relever sur ses jambes rendues tremblantes par l'effort. Constatant la faiblesse gagnant Richa, le professeur lui conseilla de se reposer pendant qu'il rejoignait les autres.
Cette fois, Richa avait observé les lieux qu'elle avait parcouru et elle put donc parfaitement indiquer le chemin à emprunter.
Avant de le suivre, le professeur lui donna une bouteille d'eau qu'elle vida d'une traite.
Comment se faisait-il qu'elle soit si épuisée, si essoufflée, ses muscles si éprouvées ?
Elle avait pourtant pu constater à de nombreuses reprises qu'elle était endurante et capable de supporter de grands efforts physiques.
Alors pourquoi tenait-elle à peine sur ses jambes dont elle percevait les nerfs tressauter ? Était-ce à cause de l'émotion et du choc ? Probablement.
Pourtant, ce n'était pas la première situation bouleversante à laquelle elle se trouvait confrontée mais il était vrai que, lorsqu'elle avait reprit connaissance dans cette ruelle couverte de sang, elle avait réagit en hurlant et pleurant, et elle n'avait jamais subit un autre choc depuis, alors l'hypothèse de l'émotion qui l'avait épuisé demeurait crédible.
Des sirènes stridentes ne tardèrent pas à résonner depuis les rues de la ville et Richa soupira de soulagement, sachant qu'Elio allait être pris en charge sans tarder, et elle reposa l'arrière de son crâne contre le tronc.
Le professeur n'était pas encore revenu lorsque les ambulanciers arrivèrent, avec une civière et des sacs renfermant leur matériel.
Ayant reprit des forces durant ces quelques minutes à attendre, Richa parvint à se relever et à venir à la hauteur des ambulanciers pour leur proposer de les guider jusqu'au blessé, interrompant l'autre professeur qui se chargeait de les accueillir.
Comme ils acceptèrent son offre, la jeune fille se mit en chemin d'un peu pressé, ne se permettant pas de perdre du temps malgré son état de faiblesse.
D'ailleurs, marcher soulagea la douleur qui s'installait dans ses jambes.
Cependant, le trajet fut bien plus court que celui qu'elle avait effectué à l'aller et que ce à quoi elle s'attendait car ils n'en parcoururent par un quart avant de tomber sur le professeur portant Elio sur son dos en prenant grand soin à ne pas aggraver sa blessure, accompagné de Vinciane et Albane, toujours en état de choc, du moins, encore davantage pour la cadette d'Elio.
Ce dernier fit pris en charge par les secouristes qui l'allongèrent sur la civière avant de dégager la plaie sur laquelle ils dispensèrent les premiers soins, ce qui fit gémir le jeune homme.
Dès cette première manifestation de douleur, Albane se précipita auprès de la civière pour tenir la main de son frère, laissant Vinciane et Richa expliquer ce qu'il s'était passé aux ambulanciers.
Finalement, ils décrétèrent qu'il devait être transporté à l'hôpital et Albane supplia les ambulanciers de la laisser les accompagner en argumentant qu'il était de sa famille, ce qui contribua à les faire accepter.
Jamais Richa ne l'avait vu ainsi, elle qui paraissait toujours si distante et impénétrable, elle semblait à présent tellement fragile et vulnérable, bouleversée et tremblante de tous ses membres.
Si bien que Richa, compatissante, s'approcha d'elle pour s'assurer que ça allait aller,ce qui fut étrange pour elle-même car elle n'était pas du genre à ressentir de l'empathie pour une personne avec qui elle était en conflit, mais certainement était-ce car, en revanche, elle appréciait beaucoup Elio.
La réaction d'Albane fut encore plus surprenante.
Se tournant vers Richa, elle la dévisagea de ses yeux luisants de larmes, l'air perdue, puis elle se jeta contre elle pour l'étreindre en sanglotant.
D'abord interdite, ne s'attendant absolument pas à cela, surtout de la part d'Albane, qui lui avait davantage montré de l'antipathie, Richa eut besoin de quelques secondes avant d'avoir le réflexe de refermer ses bras autour d'Albane en cherchant à la réconforter.
Heureusement, la jeune fille se détacha avant que le malaise ne gagne réellement en intensité, ne voulant pas retarder l'ambulance.
Reniflant, elle remercia Richa pour ce qu'elle avait fait puis elle lui tendit un morceau de papier arraché à la carte sur lequel elle avait rapidement griffonné un numéro de téléphone ainsi qu'une adresse en lui indiquant que c'était les siens en lui demandant de joindre ses parents pour les prévenir de l'accident, préférant ne pas s'en occuper elle-même tant qu'elle serait dans cet état pour éviter de les affoler plus que nécessaire.
Surprise qu'elle lui confie cette responsabilité, surtout que Vinciane, qu'elle semblait nettement moins mépriser, se trouvait juste à côté, Richa acquiesça néanmoins, toujours compatissante.
En plus d'Elio, le professeur et Albane entrèrent donc dans l'ambulance.
Avant de disparaître à l'intérieur du véhicule à la suite de la civière, ce dernier invectiva Richa pour la féliciter pour sa performance.
La jeune fille fronça les sourcils. Le comportement d'Albane l'avait fortement déstabilisé et, à présent, ces mots la laissaient perplexe.
En quête d'une explication, elle se tourna vers Vinciane.
Cette dernière était encore secouée, comme en témoignait son teint légèrement blanc, mais elle se sentait mieux depuis l'arrivée des secours, et elle comprit la question silencieuse de Richa.
Dans un haussement d'épaules, elle lui expliqua :

« T'as couru à une vitesse soutenue sur presque cinq kilomètres, c'est quand même assez impressionnant.
- Cinq kilomètres... Souffla Richa, comprenant d'où provenait sa fatigue mais pas comment elle avait pu réaliser cela, elle était vraiment anormale.
- En vrai, tu m'as vraiment impressionné.
- J'ai fait que courir. Minimisa Richa, en partie pour diminuer cette anormalité dont elle prenait subitement conscience et la mettant mal-à-l'aise.
- Sur cinq kilomètres. Et puis, avoir le réflexe de mettre un garrot, de comprimer la blessure, de pas retirer la branche, faut l'avoir, surtout dans une situation pareille. Moi, je te le dis, c'est impressionnant.
- Moi, je dirais flippant. Sérieusement, tu trouves que c'est des réflexes normaux pour une lycéenne ?
- C'est vrai que c'est bizarre... Après, ça vient peut-être de ton passé.
- Tu sais quoi ? Je crois que, depuis le temps que je relève des bizarreries sur mon compte, il est temps que je m'y intéresse, à ce passé. »

























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