Chapitre 13 - Surnaturel


Encore une fois, le week-end s'avéra difficile, pas que ces deux jours furent particulièrement chargés mais plutôt à cause des préoccupations et des doutes qui l'accompagnèrent, presque sans interruption, même dans le peu de sommeil qu'elle trouva, si bien que Richa demeura dans une certaine forme d'apathie, encore une fois. Cela semblait devenir fréquent.
Heureusement, elle put compter sur le soutien et la présence de Jonah, qui abandonna partiellement ses responsabilités au restaurant pour rester auprès d'elle autant que possible,d'Albane, dans les bras de qui elle se laissa à nouveau aller à la recherche de réconfort de la manière la plus charnelle qui soit et aussi fort plaisante, de Vinciane et Elio, qui, tous, vinrent lui rendre visite pour s'assurer de son état, qu'elle s'efforça, de faire passer pour moins alarmant que ce qu'il leur parut, mais elle se sentait certainement mieux que lors de cette horrible soirée où ses angoisses s'étaient violemment déchaînées.
Durant quelques instants, elle s'était demandé si elle tenait vraiment à s'entêter dans ses recherches de la vérité, surtout si elle s'avérait aussi sombre et sordide que ce qu'elle avait envisagé tout récemment, mais il lui semblait finalement que rester assaillie de doutes qui la rongeaient était pire que d'affronter une réalité éventuellement dramatique. Ne pas savoir et craindre la vérité en la supposant toujours plus affolante lui paraissait être la pire des choses.
Au moins, avec une vérité certaine à laquelle faire face, elle pourrait s'efforcer d'avancer et de se reconstruire, alors qu'un doute persistait toujours.
Ainsi, plutôt que de la convaincre de tout abandonner en estimant qu'il valait mieux pour elle ignorer tous ces mystères pour se concentrer sur l'existence qu'on lui offrait, cette idée bouleversante la poussait vers la direction inverse en renforçant sa détermination à découvrir la vérité, à comprendre ce que signifiaient toutes ces étrangetés la concernant et à répondre à toutes les interrogations la harcelant.
Cependant, elle n'était pas pleinement persuadée qu'une quelconque affaire d'abus sexuels l'ait conduite ici et soit responsable de tout cela, même si elle ne réfutait pas totalement cette possibilité comme elle ne possédait pas réellement de preuves de son irréalité.
Au fond d'elle, subsistait encore la certitude que sa place n'était pas ici – bien qu'elle peinait à déterminer précisément la localisation du ''ici'' en question –et ce doute sur sa nature ne l'avait toujours pas quitté.
Or, il ne lui restait plus guère de pistes à explorer, ayant déjà exploité tous les indices disponibles.
Toutes les autres pistes,sauf une seule.
Une qui lui semblait par ailleurs être la meilleure pour obtenir des explications sur tous ces sentiments qui l'agitaient. Quelqu'un qui semblait parfaitement savoir quelle était sa situation et la comprendre, quelqu'un de la bouche de qui elle avait apprit le terme de ''Humcréa''.
Il fallait absolument qu'elle retrouve cet homme étrange qui l'avait abordé en pleine nuit et qu'elle le questionne, sans que personne ne vienne les interrompre.
Le léger problème qui se posait était qu'elle ignorait où trouver cet homme. Tout ce qu'elle savait à son propos était le lieu de leur rencontre.
Cependant, elle savait vers qui se tourner pour se renseigner, en tous cas, pour débuter.
C'était ce qui la motivait à se lever pour se rendre en cours, même si elle n'avait évidemment aucunement l'esprit à cela. Alors, encore une fois, elle réunissait son courage, qu'elle puisait partout où elle pouvait le dénicher, et se levait pour s'habiller avant de rejoindre la cuisine pour prendre son petit-déjeuner préparé par les soins de Jonah, qui, pour l'accueillir, lui répéta que, si elle ne se sentait pas bien dans la journée, elle pouvait rentrer se reposer à tout moment.
Remerciant la providence de lui avoir accordé un père si plein de sollicitude et de compréhension, Richa acquiesça avec un sourire tiré, songeant effectivement qu'elle regagnerait probablement le domicile familial avant la fin de la journée de cours mais certainement pas avant d'avoir obtenu des informations sur cet étrange homme.
S'obligeant à tout avaler, pour sa santé et avoir de l'énergie, malgré son estomac qui se révulsait et sa gorge qui se nouait à cause de ses préoccupations et de ses doutes,elle termina son repas puis elle se dirigea vers son cher établissement scolaire.
Le trajet à moto lui permit de se focaliser uniquement sur sa conduite, de se concentrer sur une seule chose, et donc de s'éclaircir quelque peu l'esprit. Si bien que ce fut presque sereinement qu'elle se gara et qu'elle adressa un signe de la main à Vinciane, qui la guettait depuis la grille du lycée.
Apercevoir son amie l'apaisa et la rassura, avec son sourire angélique, son jupon fait de superpositions de tulle blanc et sa chemise rose pastel à motifs de cerises rouges nouée sur son ventre. Richa était heureuse de pouvoir profiter du soutiens et de l'amitié de Vinciane. Certainement que tout aurait été beaucoup plus difficile à affronter sans elle.
Heureusement qu'elle était bien entourée en ces circonstances largement troublées.
La rejoignant, Vinciane s'enquit de son état et Richa lui affirma que tout irait bien, au moins les quelques heures nécessaires à l'obtention des renseignements qu'elle venait chercher.
L'accompagnant à l'intérieur des couloirs, elle écouta le babillage léger de Vinciane, qu'elle trouva par ailleurs encore plus loquace qu'à l'accoutumée, certainement en manifestation de son inquiétude qu'elle ravalait tant bien que mal, jusqu'à son casier,qui, lorsqu'elle l'ouvrit, lui déversa une douzaine de messages sur les pieds.
Se baissant pour les examiner sommairement, elle y trouva les agressivités et les injures coutumières. Rien d'inhabituel, rien qui ne changeait, mais rien qui lui donnait envie de s'attarder dans ce maudit établissement.
Plutôt que d'ignorer ces puérilité, au même titre que les ricanements qu'elle entendait s'élever dans son dos, elle préférait renvoyer la politesse aux responsables. Pour ce faire, comptant retourner des messages de ''remerciements'', elle les ramassa chacun pour les étudier soigneusement et identifier les écritures et donc les personnes se dissimulant derrière.
Cependant, parmi ces insultes dépourvues de la moindre originalité, elle y trouva un message qui détonait car il ne s'agissait pas d'un mot injurieux mais d'un mot d'amour, comportant un très sobre ''je t'aime, désolé pour tout''.
Pourtant, ce message la rendit bien plus en colère que toutes ces brimades, car il ne provenait nullement de la personne de la part de qui elle aurait espéré quelque chose de la sorte, mais c'était encore une fois une tentative d'approche de Mikhail.
Elle devait au moins lui reconnaître sa persévérance et son obstination,caractéristiques qu'elle avait toujours considéré comme des qualités mais qui, en ces circonstances, l'agaçaient fortement.
Cependant, ces quelques paroles inscrites sur le papier lui fournissaient une excellente raison d'aller s'entretenir avec Mikhail, qui était justement celui avec qui elle souhaitait converser en gagnant le lycée aujourd'hui, mais pour une motivation qu'elle n'osait guère partager à ses amis, préférant attendre encore un peu avant de passer pour une aliénée mentale auprès de ses proches.
Alors, ravalant la contrariété que ce mot que ce message faisait monter en elle, elle suspendit le mouvement qu'elle avait amorcé pour le froisser dans son poing et, à la place, elle se tourna vers Vinciane pour s'enquérir de Mikhail.
Surprise parsa demande, sachant parfaitement que Richa préférait éviter le jeune homme trop insistant, Vinciane alla pour lui demander pourquoi,mais, avant qu'elle ne formule sa question verbalement, le devinant déjà, Richa lui montra le message qui lui fit lever les yeux au ciel avec un certain air apitoyé avant d'indiquer à Richa qu'elle avait aperçu Mikhail à l'extérieur.
Sans attendre, après avoir demandé à Vinciane de ne pas en parler à Albane, tenant à éviter qu'elle ne s'immisce dans la conversation qu'elle comptait mener, s'attendant à cette réaction de sa part comme elle s'était révélé des plus possessives, Richa sortit dans la cour où elle repéra rapidement Mikhail, installé à l'une des tables de pique-nique en bois, avec, comme toujours, plusieurs filles se pâmant autour de lui. Voilà qui était justement un indice qui faisait s'interroger Richa sur la sincérité des sentiments de Mikhail à son égard.
Pourquoi poursuivre assidûment la marginale étrange,qui l'avait pourtant clairement repoussé et dont le cœur était déjà pris, alors qu'une partie des élèves n'attendait que d'attirer ses regards, ce qui lui plaisait à en juger par l'attitude du charmeur de base qu'il adoptait ?
Écartant l'une de ces filles sans grand ménagement, elle plaqua brutalement le message sur la table devant Mikhail, qui sursauta en relevant des yeux effarés sur elle, ne s'attendant apparemment pas à être soudainement abordé de la sorte.
Prenant le message dans ses mains, il le fixa avant de se tourner vers Richa, dont le regard étincelait de dureté, pour annoncer :

« Tu sais très bien pourquoi je t'ai laissé ce mot...
- Je pourrais m'énerver pour ça, mais, là tout de suite, je m'en fous. Je veux parler d'autre chose (elle se tourna vers le parterre d'admirateurs étalés devant Mikhail pour ordonner durement:) Dégagez (entre le ton et l'expression menaçants de Richa, ils préférèrent s'exécuter, les laissant seule à seul, et la jeune fille s'assit face à Mikhail qu'elle questionna directement et sans détour:) Qui étaient ces types ?
- Quels types ?
- Ah joue pas aux cons avec moi parce que je suis vraiment pas d'humeur ! Je parle des mecs que j'ai croisé dans les bois et qui m'ont apprit que tu racontais partout que j'étais ta copine ! Alors ?
- Je t'ai dit que c'était des amis de ma famille.
- Ta famille connaît des flics ? Ils ont dit qu'ils l'étaient et m'ont montré un badge foireux mais je suis sûre que c'était un faux. Ils m'ont prit pour une conne !
- Écoute, je comprend pas de quoi tu parles. T'as pas l'air dans ton état normal et on dirait que t'es en plein délire. J'ai su que...le week-end a pas été facile pour toi. Tu devrais te reposer, ok ? Et si ça peut te rassurer, je demanderai à mes parents si ils connaissent des policiers, d'accord ? »

Mikhail se fendit d'un des sourires éblouissants de gentil garçon qu'il lui offrait régulièrement, trop innocent pour être honnête, en posant une main certainement réconfortante sur celles de Richa mais cette dernière se dégagea immédiatement, ne se laissant pas toucher,pour conserver les mains sur ses genoux, un regard dur vrillé dans celui de Mikhail.
Elle ne le croyait pas un instant, il lui dissimulait quelque chose. Il savait qui étaient ces hommes,pourquoi ils avaient prétendu appartenir aux forces de police et pourquoi ils avaient emmené cet homme, qui était terrifié, et il le lui cachait. Non que son comportement traduisait un quelconque mensonge. Au contraire, il ne manifestait aucune nervosité, restant parfaitement impassible avec ce sourire où apparaissait des dents trop blanches, mais Richa en était pourtant persuadée.
Il s'agissait d'une de ces implacables certitudes qui surgissaient dans son esprit, aussi évident que si Mikhail le lui avait dit directement. Il détenait les réponses à chacune des questions qu'elle lui avait posé mais il devait avoir une excellente raison pour feindre le contraire, une raison que Richa comptait bien découvrir, en même temps que la vérité.
Il fallait absolument qu'elle retrouve cet homme pour le questionner, et le seul lien qu'elle avait avec lui, l'unique piste qu'elle possédait et à remonter, c'était Mikhail.
Qu'importe si il ne lui répondait pas, qu'il continuait à prétendre tout ignorer et ne rien saisir de ses propos, elle avait d'autres moyens pour obtenir des réponses.Peut-être par exemple en questionnant ses parents, ces parents que Mikhail n'avait jamais évoqué que pour justifier sa connaissance de ces hommes au comportement anormal.
Peut-être qu'eux pourraient la renseigner sur ces hommes, ou alors sur les agissements de leur fils.
Pour parvenir à les trouver, il n'y avait que quelques options se présentant à elle : rechercher ces informations dans le dossier scolaire de Mikhail dont un exemplaire était forcément conservé dans le bureau de la proviseur, dans lequel il lui faudrait donc s'infiltrer, ce qui ne devrait pas lui poser de problèmes majeurs, à condition de trouver l'occasion et quelqu'un pour faire le guet mais elle préférait s'abstenir de compromettre à nouveau Vinciane ou Albane.
Sinon, elle pouvait également convaincre Mikhail de l'inviter chez lui. Si il l'aimait comme il l'affirmait avec autant d'insistance, ou, du moins, si il cherchait toujours à le faire croire, le manipuler pour le conduire où elle le désirait ne devrait pas présenter de grandes difficultés mais cette possibilité déplaisait fortement à Richa car, pour commencer, elle n'était pas vraiment disposée à l'oublie de son amour-propre que cette idée nécessitait, et, pour rajouter à cela,elle jugeait que, soudainement prétendre que les tentatives de séduction de Mikhail se révélaient subitement efficaces ne semblerait guère crédible, au contraire, ce serait même invraisemblable et Richa ne pensait pas que Mikhail était idiot,bien à l'inverse.
La dernière option qu'il lui restait était tout simplement de demeurer attentive à Mikhail durant la journée et éventuellement de le suivre une fois les cours achevés pour ainsi trouver son adresse, qui serait également logiquement celle de ses parents, et peut-être récolter les informations que le jeune homme pourrait éventuellement laisser inconsciemment filtrer.
Pour l'instant, c'était cette dernière possibilité qui lui convenait le mieux, comme une manière de débuter en douceur ces investigations supplémentaires et, si jamais elles apparaissaient infructueuses,elle pourrait toujours étudier les autres options, en se dirigeant probablement plus vers une intrusion dans le bureau de la proviseur.
Statuant sur cette décision, Richa lança un sourire exagérément faux à Mikhail en penchant la tête sur son épaule gauche, lui indiquant clairement qu'elle n'était pas dupe et qu'elle n'appréciait que très moyennement d'être ainsi considérée comme une idiote si aisément manipulable,puis elle se leva, abandonnant Mikhail sur place, avec le message qu'il lui avait adressé.
Tout en s'éloignant, Richa se demanda si elle ne s'obsédait pas avec la recherche de cet homme et cette histoire de Humcréa pour écarter de ses pensées l'idée qu'elle avait tué sa famille pour faire cesser de possibles abus sexuels et que c'était ce qui avait supprimé ses souvenirs.
Cela semblait envisageable mais elle devait avouer qu'elle préférait élaborer des suppositions sur des origines non-humaines pour l'instant, sinon,elle n'aurait pas pu tenir debout.
Revenant sur ses pas, elle avisa Albane, qui fusillait Mikhail du regard à distance.Apparemment, Vinciane n'avait pu se taire sur le message laissé à Richa. Il fallait dire qu'elle n'était pas à l'aise pour mentir et dissimuler la vérité et que Richa imaginait que Albane s'était montré insistante, possessive qu'elle était.
Heureusement, elle s'était suffisamment contenu pour ne pas interrompre leur conversation.
Se blottissant contre elle pour la saluer, Richa lui glissa qu'elle n'avait pas à s'inquiéter car c'était elle qu'elle aimait. Visiblement rassurée par cette affirmation, Albane passa un bras autour de la taille de Richa pour l'entraîner plus loin, à l'écart de Mikhail, qu'elle surveilla encore un instant par-dessus son épaule.
La journée se déroula sans autre incident notable que Richa épiant discrètement Mikhail, qui ne remarqua pas grand chose.
La plus grande difficulté avec cette observation scrupuleuse fut de faire en sorte qu'Albane ne remarque pas ses regards insistants sur le jeune homme, ce qui aurait certainement provoqué une crise de jalousie de sa part, surtout après le message qu'elle avait trouvé dans son casier, ce qui aurait grandement compromis sa tentative.
Expédier les salutations à la fin de la journée pour se presser d'emboîter le pas à Mikhail avant de le perdre de vue fut également assez compliqué, puisque Albane et Vinciane s'étonnèrent de la rapidité avec laquelle elle les effectua avant de se diriger vers le parking à grandes enjambées, chemin que Mikhail n'emprunta pas, quittant l'établissement à pieds, les mains dans les poches et son sac sur l'épaule.
Cependant, Richa ne pouvait modifier ses propres habitudes pour camoufler ses intentions, du moins, pas tant qu'il y aurait des témoins susceptibles de relever quelque chose d'anormal.
Ce fut donc en poussant son véhicule à côté d'elle qu'elle suivit Mikhail à bonne distance en espérant qu'il ne se retournerait pas car, avec sa moto à traîner, elle peinerait à se dissimuler à l'angle d'un mur. Heureusement, le jeune homme ne se retourna pas.
Du moins, pas avant qu'elle ne stoppe d'elle-même en le laissant s'éloigner encore davantage, les sourcils froncés car il lui semblait avoir identifié le trajet que prenait Mikhail.
Cette simple supposition devint rapidement une certitude, encore une autre qui s'imposa implacablement à son esprit. Heureusement qu'elle pouvait compter dessus pour se guider avec assurance.
Délaissant la traque, elle fit demi-tour en enfourchant sa moto qu'elle démarra pour se rendre à la destination qu'elle avait deviné être celle de Mikhail par un autre chemin et, surtout,l'atteindre avant lui.
Dès qu'elle fut dans le parc dans les hauteurs de la ville, elle laissa sa moto dans un bosquet, à moitié dissimulée, puis elle s'élança pour rejoindre l'accès que Mikhail allait nécessairement emprunter. Ses escapades s'avéraient présentement bien utiles puisqu'elles lui permettaient de parfaitement connaître le bois et de prévoir les déplacements de Mikhail.
S'agrippant à une branche basse, elle se hissa rapidement dans un arbre dont la frondaison la camouflait tout en lui offrant une vue dégagée sur l'accès au parc, dont le bitume lézardé se désagrégeait en larges plaques recouvertes d'une fine mousse, ainsi que sur l'ancien couvent situé plus loin, à quelques mètres entre les arbres.
La vibration dans la poche de son blouson lui rappela qu'elle ferait mieux de mettre son téléphone sur silencieux ou même de complètement l'éteindre.
Dans l'attente que Mikhail arrive, elle promena son regard sur les alentours en s'arrêtant sur l'ancien couvent derrière les fenêtres duquel elle remarqua du mouvement. Décidément, pour un gîte de vacances, il paraissait perpétuellement occupé. Étrange.
Cependant, elle n'eut pas réellement le temps de s'interroger à ce sujet, car Mikhail arriva, son portable plaqué sur l'oreille,apparemment en pleine conversation. Cela aurait pu paraître anodin si Richa n'avait pas relevé son ton dur et tranchant, bien loin de son timbre doux comme du miel coutumier, et ses propos surprenants où il affirmait que ce n'était certainement pas pour préparer son baccalauréat qu'il assistait à des cours ennuyeux mais uniquement pour la mission pour laquelle son plan semblait de plus en plus obsolète car la situation lui échappait, ce dont il n'était pas le seul responsable.
Qu'est-ce que tout cela signifiait ?
Avant que Richa n'élabore une quelconque hypothèse, Mikhail raccrocha en grommelant quelque chose, probablement une insulte à en juger par son expression, puis il sortit un trousseau de clés de son sac pour en introduire une dans la serrure de la porte de l'ancien couvent qu'il poussa pour entrer en la refermant derrière lui.
Se relevant lentement, debout sur sa branche, Richa resta stupéfaite un instant.
Voilà quelque chose qu'elle n'avait nullement deviné ni même envisagé. Pourtant, elle distinguait une certaine logique.D'après ce que Mikhail lui avait confié lors de leur rencontre, il était arrivé récemment au lycée, donc, logiquement en ville, or, Richa n'avait rien entendu à propos d'une nouvelle famille s'étant installée, pas un appartement n'avait été loué mais il fallait bien qu'il loge quelque part.
Mais pourquoi dans ce gîte isolé qui semblait occupé par d'autres personnes ? Où étaient ses parents ? Était-ce ici qu'elle trouverait ces hommes prétendant être policiers et ici qu'ils avaient conduit l'homme parlant de Humcréa ?
Il n'y avait qu'un seul moyen de le vérifier et Richa était également motivée par une curiosité possiblement mal placée.
Après avoir laissé passer quelques secondes pour s'assurer que Mikhail ne ressortait pas, ni lui ni personne d'autre d'ailleurs, elle sauta souplement au sol sans un bruit et s'approcha du bâtiment en le contournant, évitant la porte principale, en se tenant accroupie le long des murs pour éviter d'être visible depuis les fenêtres. Puisqu'il s'agissait d'un ancien couvent, il devait y avoir un accès à la cuisine par derrière, plus discret que la porte d'entrée.
Cependant, elle n'alla pas très loin, freinée par une caméra de surveillance qu'elle repéra juste avant d'entrer dans son champ.
Pourquoi un simple gîte serait-il équipé par un pareil système de sécurité ?
Se doutant qu'il y en avait probablement d'autres, Richa se réfugia à nouveau dans les hauteurs des branchages entourant le bâtiment, comptant sur les feuillages pour la dissimuler des yeux mécaniques, et les branches étaient suffisamment rapprochés pour lui éviter d'avoir à effectuer des acrobaties pour passer d'un arbre à l'autre. Non pas que cela ne lui plaisait pas ou lui posait une quelconque difficulté mais plus que sa discrétion en serait compromise.
Rapidement,elle atteignit l'arrière du bâtiment, qui comportait effectivement une porte mais la diode que Richa apercevait clignoter de l'autre côté à travers la fenêtre à côté indiquait qu'elle était reliée à un système d'alarme. A rajouter à cela, des barreaux fermaient presque toutes les fenêtres. Décidément, la sécurité paraissait beaucoup trop élevée pour un simple gîte de vacanciers.
S'asseyant sur la branche où elle se tenait, Richa réfléchit,le menton dans la main.
Comment rentrer ?
Il s'agissait d'un ancien bâtiment donc il devait forcément y avoir des combles et le toit ne devait pas correspondre aux caractéristiques modernes.Sans compter que le temps et les intempéries, plutôt déchaînées ces dernières semaines, n'avaient pas été cléments avec les tuiles d'ardoises. D'ailleurs, Richa repéra justement un endroit où une branche, frottant sur le toit, en avait déplacé plusieurs.
Se hissant dessus, elle bondit sur le toit fortement pentu. Comme elle s'en doutait, soulever les tuiles, ce qui se révéla plus difficile que ce qu'elle pensait comme elles étaient superposées les unes autres, dévoila les poutres en-dessous et elle se glissa entre pour atterrir sur les lattes craquantes d'un vieux plancher.
Comme elle le supposait, elle se trouvait dans un grenier dans lequel on avait déplacé plusieurs saladiers sous les fuites du toit pour éviter que l'eau n'abîme quelque chose.
Cependant, c'était le seul élément logique et normal qu'elle s'attendait à trouver dans un grenier. Le reste de la pièce, aux murs de pierres apparentes, et aux dimensions qui ne correspondaient pas à toute la superficie du bâtiment et donc des étages inférieurs – peut-être que le grenier se composait d'autres pièces – était meublée par des étagères, des malles anciennes et des commodes chargées de vieux livres à l'épaisse couverture craquelée, de bocaux remplis de substances qu'elle ne pouvait identifier et d'objets plus ou moins incongrues, car, si elle ne s'étonnait pas de la présence d'un miroir dans un grenier, elle était nettement plus surprise par celle d'une longue épée à double tranchant à la lame gravée de symboles.
Intriguée, Richa s'approcha de l'une des étagères sur les rayonnages desquels s'alignaient des ouvrages.
En sélectionnant un au hasard, elle le tira et se trouva surprise par son poids. La couverture était de cuir teinté en vert aux coins renforcés d'empiècements métalliques les pages jaunies et légèrement gondolées. Tout indiquait qu'il était ancien, comme tous les autres d'ailleurs. Richa aurait presque envie de les qualifier de grimoires.
S'installant en tailleur à même le sol poussiéreux avec l'ouvrage sur les genoux, elle l'ouvrit pour le feuilleter et elle écarquilla les yeux en avisant l'écriture qui couvrait les pages, car, si elle n'était clairement identique à celle qu'elle avait tatouée dans le dos ou qu'elle avait inconsciemment utilisé au foyer, et même fortement différente,elle s'en rapprochait avec des caractères étranges rattachés les uns aux autres par des lignes courbes plus ou moins longues, passant par le haut ou par le bas.
Une autre écriture inconnue qui lui en rappelait une autre.
C'était suffisamment intriguant pour qu'elle décide de s'y intéresser davantage. Surtout qu'il lui semblait que, peu à peu, les mots adoptaient un sens, comme si elle devenait lentement capable de déchiffrer cette écriture particulière.
Fébrile, elle tourna les pages et s'arrêta sur l'une présentant une illustration en noir et blanc qui représentait une ville médiévale, ou, du moins, une rue dont les passants n'étaient clairement pas humains mais possédaient des caractéristiques semblables à celles des personnes qu'elle voyait dans ses cauchemars.
Ses mains tremblèrent. Il fallait absolument qu'elle étudie ce livre plus attentivement, et d'autres également, mais pas ici. Elle ne devait pas oublier qu'elle avait pénétré dans les lieux par effraction.
Ouvrant son sac de cours, qu'elle n'avait pas prit le temps de déposer, elle y glissa le grimoire ainsi que deux autres qu'elle ne put pas réellement choisir soigneusement, avant de le refermer pour le repasser sur son dos.
Profitant d'être encore tranquille, comme personne ne semblait décidé à monter jusqu'ici, elle s'intéressa aux autres objets, et sa gorge se noua lorsqu'elle s'aperçut que les choses dans les bocaux ressemblaient grandement à des animaux, ou seulement des morceaux, conservés dans du formol mais ils avaient dû se déformer car elle ne reconnu aucune de ces espèces.
Mal à l'aise, elle préféra se détourner de cette étagère pour revenir vers une autres, contenant elle aussi des ouvrages dont l'une des rangées demeurait droite grâce à un serre-livres qu'elle prit machinalement avant de le lâcher immédiatement, le laissant rouler au sol en retenant un cri, se souvenant qu'elle ne devait pas se faire repérer.
Il s'agissait d'un crâne qui avait tout d'humain,exceptée la dentition. Les canines supérieures étaient anormalement longues et acérées. Comme les siennes.
S'obligeant au calme par de longues inspirations, elle s'efforça de ne pas céder à la panique et elle remit le crâne à sa place sur l'étagère, un nœud dans l'estomac, puis décida qu'elle s'était suffisamment attardé dans cette pièce qui revêtait à présent des allures de cabinet des horreurs.
Lentement, elle fit pivoter la poignée et se faufila par l'entrebâillement de la porte, ne prenant pas le risque de l'ouvrir en entier.
Comme elle le pensait, un vestibule donnait le choix entre plusieurs portes mais, les délaissant, elle s'engagea dans les escaliers dont le palier était tout à côté.
Les descendant, elle déboucha dans un couloir nettement mieux entretenu le long duquel s'ouvraient encore d'autres portes mais elle préféra s'abstenir de vérifier ce qu'il y avait de l'autre côté,jugeant cela imprudent et estimant que ce n'était pas les raisons pour lesquelles elle s'était infiltré ici, même si elle peinait à dire pourquoi exactement. Pour comprendre, ce qui restait encore plutôt flou.
Tous les sens aux aguets, prête à réagir à toutes éventualités, elle arpenta le couloir jusqu'à trouver des escaliers et elle recommença à l'étage inférieur jusqu'à atteindre le rez-de-chaussée.
Jusqu'ici, tout était plutôt calme, et il ne lui avait fallu se dissimuler derrière des portes qu'à trois reprises.
Pour l'instant, elle se trouvait dans un halle dallé de pierres couleur sable d'où partaient quatre couloirs. Il y avait également une porte basse en bois située sous les escaliers.
Avant qu'elle ne décide quel chemin suivre, des voix se rapprochant de sa position l'alertèrent et elle se pressa de se glisser derrière la petite porte, l'issue la plus proche, qu'elle referma doucement derrière elle.
L'oreille plaquée au battant,elle écouta et, si elle ne saisit pas pleinement le sujet de la conversation, comprenant qu'on débattait à propos d'une cible, elle identifia le timbre de Mikhail, toujours aussi contrarié.
Jugeant trop risqué de revenir dans le hall, qui semblait être un lieu de passage, car elle y entendait à nouveau des pas se croiser, elle préféra explorer ce que dissimulait la porte et ce qui s'avéra être une autre volée de marches en pierres conduisant vraisemblablement aux sous-sols.
A l'image du grenier, l'endroit ne ressemblait guère à des sous-sols ordinaires, sauf peut-être pour le sol de béton et les ampoules pendant à nues du plafond à intervalles réguliers. Pour le reste, un long couloir se déroulait entre deux rangées de portes, ce qui ressemblait beaucoup aux étages supérieurs, aux détails près que les portes étaient métalliques et certaines percées de lucarnes équipées de barreaux. Des cellules.
Se hissant sur la pointe des pieds, Richa regarda parla première d'entre elles et ne découvrit qu'une pièce de dimensions réduites plongée dans l'obscurité et où un anneau de fer était fixé au mur du fond.
C'était effectivement des cellules.
Des frissons le long de l'échine, elle passa à la cellule suivante, les inspectant l'une après l'autre.
Elle les trouva toutes vides, sauf la cinquième occupée par une forme recroquevillée contre le mur du fond.
Son cœur fit un bond dans sa poitrine lorsqu'elle reconnu les cheveux d'un blond presque blanc de l'homme l'ayant abordé ce soir-là.
Se ruant sur la poignée,elle tenta de l'actionner, tirant la porte de toutes ses forces,avant de se rendre à l'évidence qu'elle était verrouillée, ce qui paraissait des plus logiques.
Fouillant à la base de sa natte haute serrée, avec laquelle elle avait discipliné sa chevelure aujourd'hui, elle tira deux épingles à chignon de ses cheveux –elle en avait toujours une ou deux glissés entre ses mèches,peut-être justement en prévisions de ce genre de situations –pour les introduire dans la serrure qu'il lui fallu quelques secondes à forcer comme le mécanisme était plutôt complexe. Encore un domaine où elle semblait exceller sans avoir l'explication de comment.
Dès que la serrure céda, Richa se précipita dans la cellule en appelant l'homme qu'elle redressa en lui demandant si il allait bien. Bien qu'il ne répondit pas, elle devina que ce n'était pas le cas car elle sentit ses mains se couvrir de sang. En effet,elle découvrit que l'homme était recouvert d'entailles et que le sol ainsi les murs étaient pleins d'éclaboussures rouges. De la torture.
Tentant de le réveiller, elle le secoua en l'appelant mais il demeura sans réaction.
La gorge nouée, elle posa deux doigts contre son cou mais ne perçut aucune pulsation. Mort,probablement à cause des tortures et de la perte de sang.
Frustrée de cette constatation, Richa frappa rageusement contre le sol du poing en répétant un juron.
La seule personne susceptible de la renseigner véritablement sur elle-même était morte avant d'avoir pu lui révéler quoi que ce soit.
Cependant, pour l'instant, sa première préoccupation actuelle était toute autre. Cet homme avait été tué.
Pourquoi ? Que lui avait-on fait ? Pourquoi l'avoir gardé en captivité ? Toutes ces questions s'enchaînaient dans son esprit alors qu'elle fixait le corps de l'homme à côté d'elle.
En un sens, elle avait ce qu'elle était venue chercher, il fallait donc qu'elle parte et qu'elle signale cette mort à la police, mais elle avait du mal à détacher son regard du corps exsangue.
Si bien que, avant qu'elle ne trouve le courage de se détourner, la porte claqua subitement dans son dos.Dans un sursaut, elle se retourna vivement en se sermonnant mentalement.
Avec le choc de cette découverte, ses réflexes s'étaient légèrement dissipé, mais elle eut néanmoins celui de se plaquer au sol en s'y roulant en boule de façon à ce qu'on ne puisse distinguer ses traits depuis la lucarne.
Une alarme se mit à retentir dans tout le bâtiment, certainement pour alerter d'une intrusion.
N'attendant pas que d'éventuels renfort n'arrivent,elle se releva pour se précipiter sur la porte qu'on avait à nouveau refermé à clé, l'emprisonnant, mais elle n'eut qu'à forcer la serrure une nouvelle fois.
Avant de la rouvrir, elle jeta un regard par la lucarne et l'ombre imprécise qu'elle avisa sur le sol lui indiqua que la personne l'ayant enfermé se tenait toujours là.
Partant du principe qu'elle s'avancerait si il y avait quelque chose de suspect avec la porte, elle tourna la poignée juste suffisamment pour que la serrure émette un cliquetis puis compta soigneusement les pas que fit l'homme pour s'approcher et,lorsqu'elle évalua sa position juste face à la porte, elle l'ouvrit brutalement d'un coup d'épaule, envoyant le battant au visage de son gardien. Ce dernier, un homme d'une trentaine d'années, recula en se tenant le nez.
Jaillissant de la cellule, Richa lui faucha les jambes tant qu'il était aveuglé par la douleur puis lui décocha un coup de pied au visage, l'assommant.
Avant de filer, elle adressa un dernier regard à l'homme dans la cellule, peinée de devoir l'abandonner, mais elle ne pouvait plus rien faire pour lui.
Prenant le risque de s'attarder encore un peu, elle traîna l'homme inconscient dans la cellule dont elle referma la porte de manière à faire croire que l'intrus se trouvait toujours en captivité, puis elle se dirigea vers les escaliers mais elle se pressa de freiner avant de s'y engager, se rappelant que c'était forcément par ici qu'allaient arriver les renforts prévenus par l'alarme.
Se ruant vers la porte la plus proche, qui n'était heureusement pas verrouillée et dépourvue de lucarne, elle se dissimula dans le recoin le plus sombre, guettant les démarches précipitées qui résonnèrent dans le couloir de l'autre côté.
Allant pour ressortir, elle promena un regard sur la pièce et écarquilla les yeux. Face à elle, c'était une véritable réserve d'armes qui avait été aménagée, blanches et à feu.
Mais où était-elle tombée ? Quel était cet endroit et qu'est-ce que ça signifiait ?
Pour l'instant, elle n'avait guère le loisir de s'interroger à ce sujet.
A la place, elle rouvrit la porte pour se glisser par l'entrebâillement et s'élancer silencieusement dans les escaliers en espérant qu'aucun de ceux formant le groupe important situé non loin dans le couloir n'ait l'idée de se retourner car il l'aurait repéré. Même si ils n'allaient certainement pas tarder à s'apercevoir qu'elle s'était échappé, elle préférait gagner le plus de temps possible.
Ne se souciant donc plus de la discrétion une fois en haut des escaliers, elle se dirigea à toutes jambes vers ce qu'elle supposait être la position de la porte d'entrée mais elle la découvrit gardée par une homme et une femme visiblement fort bien entraînés et alla pour faire demi-tour dans le vestibule, malheureusement trop tard pour ne pas se faire repérer.
Les deux autres l'invectivèrent avant d'appeler leurs acolytes en se lançant à sa poursuite.
Ne profitant plus vraiment du luxe de pouvoir choisir sa direction, elle s'engouffra dans un des couloirs avec pour seul critère qu'il soit le plus éloigné de la porte des sous-sols derrière laquelle elle entendait déjà les semelles frapper les marches de pierre.
Forçant sur ses muscles en creusant la distance entre elle et ses poursuivants, elle traversa une immense salle commune meublée de longues tables et dans laquelle elle avait le choix entre trois portes, à gauche, à droite et en face d'elle,mais son regard ne s'y intéressa pas immédiatement.
A la place,elle s'attarda sur la cheminée dans laquelle s'éteignaient quelques flammes, certainement pour chauffer les lieux plutôt froids avec les sols et les murs de pierres. Écartant la grille de protection d'un coup de pied, elle saisit l'une des bûches qui se consumait encore,en tentant d'ignorer la brûlure contre ses paumes, et elle la lança sur le divan situé à côté de la porte de gauche avant d'également disperser des braises incandescentes sur le tapis et le rideaux.Peut-être que le brasier ne serait guère important mais il devrait au moins retarder ses poursuivants durant quelques instants.
Enjambant les flammes naissantes d'un bond souple, elle prit la porte du milieu qui l'amena dans la cuisine, qui n'était finalement pas la pièce dans laquelle l'accès secondaire donnait.
N'ayant pas le temps de rectifier son erreur, elle s'empara d'une lourde casserole, prévue pour de grosse quantité de nourriture, pour l'envoyer sur la fenêtre la plus proche, dépourvue de barreaux, qui vola en éclats, déclenchant l'alarme de sécurité, qui prit le relais de la première en couvrant les cris avertissant du début d'incendie.
Se hissant sur le plan de travail, elle suivit le même chemin que la casserole et atterrit à l'extérieur où le vent soufflait en agitant les frondaisons.
S'éloignant, elle continua sa course sur quelques mètres avant de ralentir pour sortir son portable de sa poche. Elle se doutait que ces personnes, qui qu'elles soient, n'oseraient rien lui faire tant qu'il y aurait des témoins et elle avait justement une excellente raison pour attirer du monde sur les lieux, et elle préférait vraiment éviter que l'incendie se propage au bois alentours.
Des sirènes s'élevèrent rapidement de la ville après qu'elle eut raccroché mais elle découvrit, non sans une certaine déconfiture, que les pompiers étaient accompagnés par une voiture de police.
Pour le moment, elle ignorait vraiment ce qu'elle allait pouvoir raconter pour camoufler la vérité,qu'elle ne pouvait probablement pas confier aux autorités, mais, au moins, elle n'aurait pas à se déplacer pour signaler le cadavre dans les sous-sols.
Du moins, ce fut ce que pensa Richa jusqu'à ce qu'elle avise qui descendit du véhicule et elle jura en découvrant l'inspecteur Aciari.
Pourquoi s'était-elle déplacé pour un simple incendie ?
Ce n'était certainement pas le rôle d'une inspectrice. Surtout que le brasier ne semblait pas particulièrement développé, si bien que les pompiers pénétrèrent dans le bâtiment uniquement équipés d'extincteurs.
Les laissant opérer, l'inspecteur Aciari vint directement vers Richa pour l'aborder :

« Il me semblait bien que j'avais reconnu votre numéro de téléphone, mademoiselle Todh.
- Ah, je vous obsède à ce point ? Je sais pas si c'est flatteur ou flippant.
- Donc, c'est vous qui nous avez signalé l'incendie. Je peux savoir ce que vous faites ici ?
- Je viens souvent dans le coin. C'est un bon endroit pour marcher.
- Et vous êtes venue jusqu'ici à pieds ?
- J'ai laissé ma moto plus loin et j'ai marché jusqu'ici. Je suis venue juste après le lycée.
- Et comment vous avez remarqué l'incendie ? On ne le voit pas depuis l'extérieur.
- J'ai senti la fumée. Peut-être que j'ai paniqué pour rien mais, avec tous les arbres autour, j'ai préféré être prudente (Richa avisa la porte d'entrée qu'un pompier tint pour évacuer les habitants du gîte, des habitants à qui Richa ne souhaitait pas donner la possibilité de la détailler et elle chercha donc à écourter la conversation). C'est bon ? Je voudrais rentrer chez moi maintenant. Et puis, si vous voulez me poser des questions, vous savez où me trouver. »

Sachant parfaitement que tenter de retenir Richa alors qu'elle avait décidé qu'elle en avait terminé, surtout que, aujourd'hui, son expression lointaine et son regard fuyant indiquaient qu'elle était encore moins disposée à se plier au jeu qu'à l'accoutumée, l'inspecteur Aciari l'autorisa d'un geste de la main et la jeune fille s'éloigna pour rejoindre sa moto, son sac sur le dos, à l'intérieur duquel les grimoires pesaient lourds.


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