Interlude
Si vous voulez comprendre, vous comprendrez. Il suffit de savoir chercher.
Il suffit de vouloir.
Mais voulez-vous comprendre ?
Vraiment ?
C'est une histoire que vous avez entendue un bonne douzaine de fois, c'est toujours la même chose, toujours les mêmes personnages en carton qui se font et se défont avec des canons sur le crâne.
C'est une histoire sans trop de couleurs, seules celles d'un Matisse. Il suffit de le voir, il y a eu une tâche immense sur le mur.
C'est une histoire d'amour et d'argent, c'est si banal que ça vaut pas le coup.
Elle était belle, elle aimait jouer à beaucoup de jeux. Beaucoup de jeux à la fois, qui pouvaient rapporter gros ou tout envoyer en l'air. Et puis il a fallu que tous les joueurs découvrent leur existence mutuelle. C'était un immense fatras, un désastre d'humanité.
Et puis il a fallu que les joueurs découvrent Jungkook, un joueur pas tout à fait comme les autres, pas tout à fait un joueur. C'est là que l'amour se mêle à l'argent, là qu'une histoire de commissariat devient une histoire de roman. Là que la vie banale et grise devient un film, la musique, les couleurs trop fortes, les numéros de téléphones écrits au bic sur des peaux beiges.
Quand elle est arrivée, ils les ont liés tous les deux. Dos à dos. Leurs voix grasses avaient quelque chose d'insoutenable, leur silence leur était insupportable. Ils ne leur offrirent rien. Pas un regard, pas une larme, pas un effroi. Et elle, elle n'a rien dit. Sa mascarade avait subi son destin de mascarade.
Simplement, elle aurait préféré que Jungkook y croie encore un peu.
Ils les ont attachés dos à dos, ils ont enfoncé la clef dans une pomme empoisonnée. C'était cruel et c'était sale. Bien-sûr, c'était l'idée de Taehyung.
Seul l'un des deux pouvait survivre à cette affaire, Jungkook voulait mourir avec elle, mais ils savaient tous, les joueurs, qu'elle se sacrifierait pour lui. C'était le pire, le plus terrible, alors que tout l'était. Elle a mangé le fruit, le sucre lui a coulé sur le menton, le sang a pris d'assaut ses yeux, ses grands yeux d'assassinée. Sans un mot, elle lui a désigné le tiroir.
Il a pris le pistolet.
Il l'aimait tellement, tellement, tellement, tellement qu'il a tiré.
Un cercle de rouge, sauvage, comme dessiné au compas sur le mur du salon, sous le tableau.
C'était la fin de l'histoire.
Voulez-vous vraiment comprendre ?
Le pire ne s'écrit pas avec des mots, les pire se devine à peine.
La mort a ri dans la nuit, tant de fois que c'en était obscène, sombre, glaçant.
Alors, dîtes-moi. Êtes-vous certains de vouloir comprendre les histoires ? Les humains sont pires que des anges. Ils se sacrifient bien mieux, ils meurent en désordre.
Jungkook claque la porte en sortant. Sa main reste suspendue, près de la poignée.
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