DEUX

Première scène

Jungkook arrive chez ses parents en dégoulinant. Personne ne lui dit quoique ce soit. Il a laissé un anorak au beau milieu du trottoir, mais ce n'est pas bien grave. La couleur était trop grande pour lui. La pluie claque contre les carreaux jaunes de la cuisine.

Jungkook se traine jusque sa chambre. Il entend ses parents qui dorment. Ils ont l'air presque calmes, comme ça, presque heureux. Si l'on ne prenait que ce moment-là, tout irait presque bien. Peut-être. Il pleut, dehors. Et Jungkook n'aime pas ça. Il a l'impression de s'éteindre, d'être une flaque sur le sol, qu'on écrase. Il ne soupire pas. Tant pis.

Il s'écroule sur son lit à même le drap. L'odeur lui prend toute son âme. C'est l'odeur de chez lui, de son passé, du monde clair qu'il n'arrive qu'à brusquer. Jungkook soupire dans le tissu pâle. Jungkook ne sait pas vivre sans penser. Jungkook n'arrive pas à ne pas penser à hier soir. Il ne faut pas pourtant, il ne faut pas s'en souvenir. Ça n'en vaut pas la peine. Toute cette histoire n'a jamais été qu'un immense foutoir à sentiments. Et à quel point leurs sentiments étaient hideux, on ne l'imagine pas.

Il dégouline sur le lit, il a l'impression de fondre. Jungkook déteste le son de la pluie contre son velux, il déteste le son du monde qui le frappe. Jungkook a la peau des mollets trempée. Et s'il pleure, il ne faut pas s'inquiéter. C'est juste qu'il a peur de ne jamais oublier.

Un regard en remplace un autre, dans sa tête qui brûle, sous la capuche jaune. Deux regards dansent ensemble une valse à deux temps. C'est entrecoupé de soleils bleus et de murs blancs. De murs tâchés de vie. Un mur, un Matisse oublié, un joli rond de sang. Rien n'a d'importance. C'est fini. Tant pis. On ne peut finir une histoire terminée.

Deuxième scène

Taehyung sourit trop, on lui dit souvent. Peut-être qu'il est trop heureux. Peut-être que ça sert à rien. Qu'est-ce qu'il en sait, lui ? La pluie suinte entre ses paupières, la pluie troue sa peau beige. Taehyung a d'étranges perceptions, quand il dévore les nuages.

Il saute de son vélo, il marche. Il saute dans les flaques. Il a comme des morceaux de ciel sur les chevilles, maintenant. Mais il a oublié le nom de la chanson, il a perdu le nom. Un drôle de regard dans les yeux, quelqu'un qui dit je suis là et puis se tait. Ça ne sert à rien.

Taehyung arrive au banc du parc. Le banc du parc. Le banc violet, celui où s'est échoué le soleil. Il est pâle aujourd'hui, il écoute de la vraie musique, renversé contre le banc. La tête en arrière. Le cou plié. Couvert de pluie et de convictions. Taehyung est tout brouillé en le voyant.

Deux grands sourires se rencontrent et puis il s'échoue lui aussi. Les bras tendus. Il rit. Taehyung n'a peur de rien, pas même que tout s'arrête. Il sait que ça arrivera. Il n'a pas peur d'être seul, il n'a pas peur d'être mort ou d'être oublié. Et si la main de Yoongi quitte la sienne, bientôt, il ne pleurera pas. Il sera toujours heureux.

Même s'il l'aime, le con. Ce sont des choses qui arrivent. Ça vous tue un peu, ça vous renverse et vous bouscule. Vous tombez. Le temps de vous relever, vous essuyez quelques tempêtes. Et puis vous repartez déjà, comme si de rien était. Selon Taehyung, l'amour c'est assez beau pour ne pas durer.

Il embrasse Yoongi pour dire bonjour. Quelques yeux sous les lèvres. Le nom d'une chanson perdu entre le front et le crâne. Ce n'est pas très grave. Ça reviendra.

Entracte

Personne ne comprend rien.

Jungkook et Taehyung ne voient que la pluie.

Elle est rouge et bleue.

Il se passe quelque chose. 

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