Les lumières dansent

"Les chevaux de la mort se mettent à hennir."

À Théophile Gautier, Victor Hugo


"Bonjour.

- Bonjour ou bonsoir ?

- Qui sait ?

- Pas moi.

- Qui es-tu, toi ?

- On se connaît ?

- Peut-être... je ne sais  pas.

- C'est ton combientième tour ?

- Je ne sais pas compter... et toi ?

- J'ai déjà oublié.

- Tu t'appelles comment, déjà ?

- Qui ça ? Moi ?

- Non, le.. zut, c'est quoi son nom, à lui, déjà ?

- Qui ?

- Pas toi, l'autre !

- On se connaît ?"

Discussion violemment arrêtée par un coup sur la paroi. Le bocal tremble.

Une patte de velours noir se pose sur le verre humide. Le chat fixe les deux poissons d'un regard vitreux.

"C'est qui, lui ?

- Le pape ?

- Non, l'autre !

- L'espèce de gros tas noir poilu avec des billes vertes et plein de machins qui font mal ? Qui nous regarde ?

- Celui-là, oui.

- Je ne sais pas. Viens, on tourne."

Ils repartent.

Eurydice frappe à nouveau. Hippolyte et Gorgonzola s'arrêtent, se disent bonjour-bonsoir, se saluent, se questionnent sur la météo, se questionnent tout court, repartent.

Le chat frappe. Les poissons bullent. Le manège dure quelque temps, jusqu'à ce qu'Eurydice, lassée de ce petit jeu vulgaire, se décide à parler.


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Fanfan tourne en rond, comme Alice quand elle n'arrive pas à dormir.

Arrivait, plutôt...

Un poids soudain sur sa cage.

Une griffe blanche entre les barreaux.

La patte noire ouvre la grille.

Fanfan est libre.

"Viens."


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Diogène rêve.

C'est merveilleux. Mais alors que Bertrand se penche pour lui parler...

Il se réveille en sursaut. Eurydice le secoue sans ménagement.

"Viens.

- Où ?

- Suis-moi."

Ils descendent les escaliers.


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Diogène, Fanfan, Gorgonzola et Hippolyte, tous les quatre face à Eurydice, écoutent le chat noir parler.

Les nouvelles ne sont pas bonnes.

Alice, Bertrand, Catherine, tous trois ont rejoint le pays des songes.

Même Inaya est partie.

Eurydice était très proche de Catherine. C'était, en vérité, une des seules à la comprendre.

Elle avait su qui était Inaya et le lot de problèmes qu'elle apporterait avant même de la rencontrer. Si les chats n'ont pas neuf vies, ils ont sans doute le troisième oeil.

C'est donc Eurydice qui propose le chant funèbre en l'honneur de sa maîtresse et amie, ainsi que sa famille, en attendant la tante Jeanne qui devait venir d'Arles fêter le Nouvel An.

Elle chante :


"Ce soir je miaulerai pour Cath qui m'a nourrie,

Ensuite je prierai pour celle qui m'aimait,

Et puis je chanterai pour qu'elle soit en paix,

Enfin je pleurerai sur l'éternelle vie.


Une femme gentille, et folle, et triste, et gaie,

Elle avait ses défauts, elle avait ses envies.

Mais la vie, avec Cath, c'était le paradis

Et sous sa douce main, toujours je ronronnais.


Eh oui, ma chère amie, je me souviens de toi.

Tu m'a trouvée fanée, tu m'a offert un toit.

Jamais je n'oublierai le grand pourvoir du Bien !


Mais après ces années, le destin courbe et ploie,

Et de notre amitié ne reste plus que moi.

Et sans un au revoir, Catherine s'éteint."


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Dans l'armoire à pharmacie, entre les pansements, le sirop pour la toux et le doliprane, se dressent trois petits flacons sans étiquette. Bien alignés, comme des soldats, fusil à l'épaule.

Aconitum napellus. Bryonia alba. Cicuta virosa.

Aconit napel. Bryone. Ciguë aquatique.

Alice. Bertrand. Catherine.


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Les premiers rayons du soleil illuminent la pièce d'une lueur vaguement rougeoyante.

Et, enfin, le vent se tait.

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