Chapitre 59 🎭
« J'avais peur avant,
Je parlais tout bas,
J'étais jamais devant oh non,
Aujourd'hui j'ai bien changé crois-moi. »
Libre - Angèle
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Je plonge mon nez plus profondément dans les draps. J'ai l'impression de m'enfoncer dans du coton, de flotter quelque part où tout serait fait d'un blanc épuré intense. Mes yeux sont fermés, filtrent la lumière matinale, et je me laisse envahir par l'odeur qui s'incruste en moi. Il y a cette effluve partout sur le tissu, partout dans ma chambre, partout dans ma tête.
Quelque chose de familier, d'enivrant, qui me donne envie de me rouler en boule, et de ne jamais sortir du cocon dans lequel je suis enfermé.
Pourtant, le sommeil s'évapore comme la rosée du matin, et me force à entrouvrir les yeux.
Mon cœur déborde d'affection quand j'entrevois des cheveux bruns, mélangés à quelques mèches blondes décolorées, s'étaler sur le coussin à côté du mien. Il n'y a que ça qui dépasse de l'épaisse couette couleur crème.
Sa respiration me parvient. Profonde. Calme. Flottante. Le genre de respiration qu'on ne peut avoir que lorsqu'on est profondément endormi. Je me retiens de justesse de m'approcher pour caresser ses cheveux, ou le serrer si chaotiquement qu'il en aurait du mal à respirer.
Je n'aurais jamais cru pouvoir ressentir aussi fort.
Je n'aurais jamais cru vouloir l'exprimer aussi bruyamment.
Je me résigne, et me retourne pour saisir mon portable, laissé en plan sur ma table de chevet. Je fais défiler les notifications.
Yoongi : J'espère que le reste de la soirée n'était pas trop nulle sans moi, même si j'en doute fortement ;). C'était trop bien de te voir ! Je ne peux pas m'empêcher de penser à ce qu'on a dit, aller à Séoul, l'année prochaine... J'y pense vraiment. Si ça arrive, crois moi que je ne te lâcherais pas 😏
Un sourire indomptable s'invite sur mes lèvres.
Chaechae_y : Ça quitte la soirée à deux sans prévenir personne, dis donc, je me demande pourquoi... 👀
Vous ratez quelque chose, les adultes nous ont forcé à faire un blind test années 80 (étonnement, Hoseok avait toutes les réponses)
Amusez vous bien :)
Je réponds à chacun d'eux, avant que les longues expirations ne cessent à mes côtés. Je ne bouge plus, observant les mèches de Taehyung bouger et s'enfoncer sous la couette, alors que ses jambes s'étirent.
"Hyung ?" je chuchote, au cas où il dormirait encore.
Je repose mon téléphone et plonge de nouveau sous la couette. Taehyung se retourne. Ses yeux à demi ouverts me font face. Je reprends place sur mon coussin, une main sous ma joue.
Il a l'air encore un peu dans le monde des rêves. Ses lèvres entrouvertes et une marque sur sa joue me font rire.
Mais je n'ai pas le temps de m'amuser plus qu'il tâte sous les draps pour trouver mon bras. Une fois cela fait, il tire, pour m'amener à lui. J'obéis immédiatement, et m'avance au point où sa senteur envahit mon être tout entier. Nous ne sommes pas nus, puisque nous avons enfilé nos sous-vêtements avant de nous endormir hier soir, mais le contact de sa peau contre la mienne réveille quand même des sensations.
Dans un silence olympien, nos corps s'accrochent. Ses jambes se collent aux miennes, ses bras m'encerclent, et je dépose mon front contre son torse.
Je voudrais fondre, ici.
Me désintégrer, n'être plus qu'un tas de particules informes qui se moulent parfaitement à lui.
Je souris contre sa peau. Chaque détail de la nuit dernière me revient en mémoire, et je réprime un frisson.
"Premier jour en tant que ton petit ami." chuchote-t-il.
Je m'empourpre sûrement, écoutant ses premiers mots, ce jour-là, un matin de printemps, sans me soucier une seule seconde d'un brin d'avenir.
Sans me soucier une seule seconde que cela deviendrait une habitude, entre nous. Qu'il compterait chaque jour sans en oublier un seul, m'appelant rien que pour me le dire quand on ne se verrait pas de la journée.
Que ça me ferait toujours le même effet. Qu'il s'amuserait de mes joues qui surchaufferaient à chaque fois. Je me renfrognerais, mais finirais toujours par laisser éclater l'affection trop lourde en moi et l'embrasser.
"Je t'aime." je murmure, et je suis étonné d'à quel point ça sort facilement, maintenant.
C'était à peine audible.
Mais depuis toujours.
Depuis le début, Taehyung a été celui qui a su m'entendre.
"Je t'aime." répond t-il en échos, alors que sa main caresse mon dos dans une lenteur douce.
Je me sens si bien.
Je me laisse emporter dans ce silence qui nous enveloppe et me berce. Un silence que je ne me lasserai jamais de chérir. Un silence qui recouvre le vide grisâtre et morne qui décorait les murs de cette maison depuis tant d'années. Un silence qui colle un peu de sonorité là où il n'y en a jamais eu.
Mais soudain, un détail me revient en tête, et je me redresse brusquement.
"Merde." je laisse échapper, moi même étonné par mon injure.
Taehyung se redresse également.
"Qu'est-ce qu'il y a ?"
Je passe une main dans mes cheveux, jette un coup d'œil à ma porte, puis me retourne vers lui.
"Tu- Tu n'es pas censé être là ! Enfin, mes parents ne le savent même pas ! Ils doivent être revenus durant la nuit, ils doivent être réveillés, il est déjà dix heures, ils vont te voir ! Ils vont savoir que tu as dormi avec moi, ou au moins douter, et... Je ne les ai même pas prévenus. Oh mon dieu, Taehyung, comment on fait !?"
Je ne réalise que quelques secondes après ma tirade que je l'ai appelé par son prénom. Ses lèvres s'étirent, comme pour apprécier les sonorités qui s'échappent de ma bouche. Mais il reprend vite son sérieux.
"Peut-être qu'ils dorment encore, et qu'on pourra se faufiler dehors sans être vus." me rassure t-il.
Alors nous nous habillons, et nous faufilons sur le palier. Mes pieds effleurent la moquette comme ils savent si bien le faire. Après tout, ce sont des années d'entraînement. Mais Taehyung n'est pas aussi discret que moi.
"Il n'y a pas l'air d'avoir du bruit, en bas." dit-il.
Mes épaules se crispent, et je lui intime de se taire avec un doigt sur mes lèvres. Il s'en amuse, et affiche ce sourire en coin qui me fait tout de suite flancher. Je me détourne, pour ne pas être distrait.
Nous nous avançons prudemment des escaliers, et je tends l'oreille. Puis je détecte le son d'une page qui se tourne, suivi de près par une cuillère qui remue dans un bol.
Je me tourne vers Taehyung. Je dois tirer une grimace assez amusante, puisque soudain, il se met à rire, tout en essayant de faire le moins de bruit possible. Je lève les yeux au ciel, mais finis par rejoindre son rire à voix basse, incapable de rester de marbre.
"On fait quoi ?" je chuchote entre deux éclats, le plus bas possible.
Nos rires ne veulent pas tarir. Plus nous essayons de les retenir, plus la situation devient comique, et plus nous peinons à nous faire discrets.
"On descend et on verra bien, tu ne penses pas ?"
J'acquiesce, et nos sons étouffés s'estompent petit à petit.
Il ne reste maintenant qu'une petite boule d'appréhension coincée dans mon ventre. Mais je l'ignore tandis que nous nous engageons dans les escaliers.
Cette fois-ci, je ne retiens pas mes pas de taper le bois. Au milieu de notre descente, je m'arrête, rentre mes mains dans mes manches, et jette un coup d'œil derrière moi. Taehyung m'envoie un regard encourageant, alors je reprends la marche, plus confiant.
Une fois en bas, la première chose que je vois, c'est mon père. Il est assis à table et mange ses céréales. Les mêmes que tous les matins, plongés dans la même marque de lait que tous les matins, assis sur la même chaise que tous les matins.
J'ai toujours eu l'habitude de faire exprès de descendre quand je sais que personne d'autre ne prend son petit déjeuner, alors je ne le vois pas souvent dans cette position.
Ma mère, elle, est à son fauteuil habituel, mais il y a un air sur son visage que je n'ai jamais vu auparavant. Un mélange de fatigue de la soirée d'hier, combinée à un rehaussement de ses lèvres qui pourrait presque annuler les rides qui la rendent si inanimée d'habitude.
Dans ses mains, je reconnais la pièce Tartuffe, et mon cœur se serre. Elle se remet à lire du théâtre, alors...
Immédiatement, leur regard est attiré par moi, puis par Taehyung, qui se tient tout proche. Ce dernier s'incline. Je me demande ce que je vais pouvoir leur dire pour m'expliquer, mais avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, Taehyung prend la parole.
"Désolé pour le dérangement. On a décidé de passer le reste de la soirée ici, hier, Jungkook et moi, puis il n'y avait plus de bus pour que je rentre, alors je suis resté dormir ici... J'espère que je ne vous incommode pas."
Je vois bien qu'ils ne sont pas dupes. Surtout ma mère, qui soudain a un air plus éclairé sur son visage, comme si plusieurs chemins se rejoignaient dans sa tête et qu'elle avait enfin compris quelque chose.
Ses yeux bleus, si perçants, s'adoucissent un instant, et mes mains tremblent.
Je voudrais m'enfoncer sous terre.
"Ne t'en fais pas. Tu es le bienvenu." affirme t-elle.
Je relâche un souffle que je ne réalisais même pas retenir.
"Vous mangez quelque chose ?" me demande mon père, comme si de rien était. Et je suis heureux que même s'ils ont compris, ils ne me poussent pas à en parler. Pas tout de suite.
Je jette un coup d'œil à Taehyung. Il hausse les épaules, comme pour me dire de faire ce que je veux.
Ce que je veux.
"Hm." j'acquiesce.
J'emmène Taehyung dans la cuisine, et lui demande ce qu'il a l'habitude de manger le matin. C'est comme ça que nous nous retrouvons côte à côte, un bol de céréales pour moi et des tartines pour lui, face à mon père.
Après un long silence, je me décide à prendre la parole.
"Je ne pensais pas que vous viendrez, hier soir." j'avoue, tout bas.
C'est la voix de ma mère qui s'élève.
"C'est la mère de ton ami, Jimin, qui nous a convaincu. Et il... Il fallait fêter ce que tu as accompli, sur scène, hier."
Je sens ma poitrine se gonfler d'un sentiment nouveau. Celui de les rendre fiers. Assez pour qu'ils participent à un événement qui félicitait le travail de Taehyung mais aussi en partie le mien.
"Je suis content que vous soyez venus."
Après ça, un silence retombe à nouveau, mais je ne crois pas qu'il soit tant négatif. Ce qui devait être dit a été dit, et ça compte déjà beaucoup. Bien plus qu'une discussion futile sur le temps qu'il fait ou les nouvelles du jour.
Une fois nos déjeuners engloutis, Taehyung et moi quittons la maison, ensemble, sans trop savoir où aller, ni quoi faire. Mais l'air frais sur nos visages nous suffisent. Les rayons de l'étoile là haut nous suffisent.
Lorsque nous arrivons à l'arrêt de bus près de chez moi, mes lèvres s'étirent.
"Ça me rappelle quand tu m'avais emmené au mont Mudeungsan, pour le premier cours particulier, et que tu m'avais dit de crier. J'étais tellement... coincé, à l'époque. J'aurais des choses bien différentes à dire, maintenant."
Je me remémore ce moment, avant de sentir le contact d'une peau contre ma main. Je desserre mon poing, et accepte les doigts qui s'entremêlent aux miens.
J'ai du mal à réaliser qu'il n'y a maintenant plus aucune barrière à ce genre de geste. Je n'ai pas de questions à me poser pour l'enlacer, ou m'approcher. Ça me retourne le cœur.
"Retournons-y alors."
Mes yeux se verrouillent dans les siens.
"Maintenant ?"
"Maintenant."
Le calme dans ses yeux reflète le mien. Il y a cet apaisement depuis que nous nous sommes réveillés, ce matin. Comme si nous avions atteint le paroxysme de quelque chose sur lequel je n'arrive pas à mettre de mots.
Et en même temps, ce calme se mélange à un brin de folie passagère. Une excitation fugace. De celle qui tord le ventre d'ambition, qui donne envie de laisser la vie s'imprégner de nos veines et de courir partout dans notre corps.
Une demi-heure plus tard, nous sommes tout au fond d'un bus. Ma tête repose contre son épaule.
L'arrêt du mont Mudeungsan est annoncé, et nous descendons. Je me souviens de la dernière fois que nous sommes venus ; le ciel annonçait une nuit noire et la pluie un orage sévère. Aujourd'hui, il n'y a plus que ce bleu intense au-dessus de nos têtes, et le vent qui frappe nos visages.
Un bleu presque aussi éclatant que les yeux dont je n'ai pas hérités.
Nous traçons notre chemin entre les sentiers et le crissement sous nos chaussures. Il est bientôt l'heure du déjeuner et il n'y a pas âme qui vive sur le mont. Nous marchons en silence, et montons jusqu'au point le plus haut.
Et alors la ville entière se déploie face à nous. J'ai des étoiles dans les yeux face à ce lieu qui m'a tant donné la dernière fois. C'est ici que j'ai appris à hausser la voix. Ici que je me suis livré pour la première fois, sous son regard encourageant. Ici que j'ai craché au monde entier une douleur que je pensais si grande qu'elle allait finir par me tuer.
Je m'avance sur la plateforme en bois. Celle qui se jette dans le vide, et se dresse fièrement face à une population entière. Les hauts immeubles sont si petits, vus d'ici.
Je laisse mes mains s'échouer sur la rambarde brune.
Taehyung fait de même à mes côtés. Je rapproche ma main droite de la sienne, et nos petits doigts, seulement nos petits doigts, se touchent, l'un en dessous de l'autre.
"Qu'est-ce que tu aurais à crier au monde toi, maintenant ?" je demande.
Je pivote pour observer ses cheveux qui s'étendent en arrière, ses joues rougies par le vent, et ce sourire confiant dont j'étais tant effrayé auparavant.
Il est à sa place, ici, face à la ville entière.
Face à son public.
Je sais maintenant que j'ai la capacité de l'être, moi aussi.
Soudain, ses mains agrippent plus fermement la barrière, et son corps se penche en avant. Ses lèvres s'ouvrent pour laisser échapper tous les mots qui lui tiennent à cœur.
"J'AI ÉTÉ PRIS DANS LA TROUPE DE LEE JI-HOON, MON IDOL DE TOUJOURS, ET JE N'AURAIS JAMAIS CRU POUVOIR ALLER AUSSI LOIN !" commence-t-il.
Ça ne m'étonne pas que ce soit la première chose qui lui passe par la tête.
Ça a toujours été sa passion.
Sa passion et lui contre un monde qui, j'en suis sûr, est prêt à accueillir l'ambition qui déborde dans ses mots.
"JE NE REGRETTERAI JAMAIS D'AVOIR FAIT PASSER LE THÉÂTRE AVANT TOUT ! JE NE REGRETTERAI JAMAIS D'AVOIR FAIT PASSER LE THÉÂTRE AVANT LES ATTENTES DE MON PÈRE ! JE NE REGRETTERAI JAMAIS D'AVOIR HAUSSÉ LA VOIX, D'AVOIR PASSÉ AUTANT D'ANNÉES À ME BATTRE CONTRE LUI ET LA VISION QU'IL VOULAIT M'IMPOSER ! J'AI TELLEMENT SOUFFERT, PUTAIN, MAIS MAINTENANT JE N'EN AI PLUS RIEN À FAIRE DE CE QU'IL PEUT PENSER ! JE NE LUI LAISSERAI PLUS JAMAIS SA CHANCE, ET À LA PLACE, JE DONNERAI TOUTE MON ÉNERGIE DANS MES RÊVES ! JE NE REGRETTERAI JAMAIS !!" hurle t-il dans l'écho qui revient vers nous.
Je ne me lasse pas de contempler ses lèvres qui remuent pour prononcer ces paroles pleines d'espoir.
On dirait presque une réplique qu'il aurait pu écrire.
Je pense qu'il a terminé, mais soudain, son corps se penche un peu plus encore. Je m'empêche de passer une main sur son torse pour m'assurer qu'il ne tombe pas.
"JE NE REGRETTERAI JAMAIS, PARCE QUE ÇA M'A PERMIS DE RENCONTRER MES MEILLEURS AMIS ! DE RENCONTRER JIMIN, HOSEOK, SOOJIN, NAMJOON ET CHAEYOUNG, QUE JE N'OUBLIERAI JAMAIS ! ÇA M'A PERMIS DE FORMER UN GROUPE QUI NE M'ABANDONNERA PAS, QUI ME FAIT ENFIN RELÂCHER MES BARRIÈRES ET MA PEUR QUE LES CHOSES M'ÉCHAPPENT ! ET ÇA M'A PERMIS DE RENCONTRER JEON JUNGKOOK ! CE GARÇON AUX PULLS TROP GRANDS ET QUI SE CACHAIT TOUJOURS DERRIÈRE SES MÈCHES TROP LONGUES ! CE GARÇON QUI ÉTAIT LE SEUL QUE JE N'ARRIVAIS PAS À CERNER ET QUI M'A LONGTEMPS INTRIGUÉ ! CE GARÇON QUE J'AI FINI PAR DÉCOUVRIR, ET DONT JE NE POURRAIS PLUS ME LASSER DE CHAQUE DÉTAIL ! CE GARÇON QUE J'AI ENVIE DE PROTÉGER, POUR LEQUEL J'AI ÉCRIT UNE PIÈCE DE THÉÂTRE ENTIÈRE ET QUI M'INSPIRE UN MONDE ENTIER !"
Mes yeux s'entrouvrent en grand. Mes doigts tremblent contre le bois rêche. Je suis frappé par ses mots. Ce sont les plus résonnants, les plus bruyants que je n'ai jamais entendu.
Mais il fait comme si de rien était, et me fixe avec un sourire.
"Et toi, qu'est-ce que t'aurais à dire ?"
J'ai du mal à détourner mon regard de lui pour fixer les buildings et le gris de la ville en contrebas.
C'est toujours dur de se lancer. C'est toujours dur de prendre l'élan nécessaire. Je prends une, deux minutes peut-être, avant de trouver le courage d'élever la voix.
J'imite Taehyung, m'avance vers le vide, colle mon torse à la rambarde, et ignore ses orbes éclatantes d'étoiles qui m'éblouissent plus encore que le public invisible que je fixe.
"JE SUIS FIER DE TOUT CE QUE J'AI ACCOMPLI !" je crie maladroitement.
Mais je sais à présent que ce n'est pas un crime, d'être maladroit.
"JE SUIS FIER D'AVOIR RÉUSSI À MONTER SUR SCÈNE ET D'AVOIR JETÉ EN L'AIR TOUTES MES PEURS ! JE SUIS FIER D'AVOIR AFFRONTÉ LE CHAOS ET DE LUI AVOIR LAISSÉ UNE PLACE DANS MA TÊTE ! JE N'AURAIS JAMAIS CRU POUVOIR Y ARRIVER, JE PENSAIS QUE JE RESTERAIS MUET POUR TOUJOURS, QUE JE RESTERAIS DANS L'OMBRE JUSQU'À EN CREVER ! JE- J'AI PENSÉ QUE JE MOURRAIS DANS LE NOIR, SANS NE JAMAIS AVOIR VU LA LUMIÈRE !"
Ma gorge n'est pas si douloureuse, même si les mots qui en sortent sont tranchants. C'est dur, de dire ces choses là. Surtout aussi fort. Mais ça fait un bien fou. La libération que ça m'apporte coule dans mes veines. Je reprends mon souffle pour crier plus fort encore, oubliant toutes conventions, toutes définitions du ridicule, de l'acceptable ou du non acceptable.
Je crie seulement pour moi.
Pour Jungkook.
Celui que je barricadais et qui rêvait de sortir. Celui que j'ai laissé enfermé entre les barreaux de mon esprit et que je ne laissais jamais voir la lumière du jour. Celui qui hurlait à l'intérieur, raclait ses ongles contre les parois de sa prison, déchiré à l'idée que je ne le laisserais jamais explorer autre chose que sa cellule.
Je suis tellement désolé de t'avoir fait subir tout ça.
"JE NE ME LAISSERAI PLUS JAMAIS PÉRIR SANS RIEN FAIRE POUR ME SAUVER ! JE NE LAISSERAI PLUS JAMAIS LE SILENCE ME DICTER CE QUE JE DOIS FAIRE OU RETENIR À L'INTÉRIEUR DE MOI ! JE NE LAISSERAI PLUS JAMAIS LE BRUIT M'EFFRAYER AU POINT DE M'ÉCORCHER LES TYMPANS ! JE NE ME LAISSERAI PLUS JAMAIS M'EFFACER ! J'AI LE DROIT DE VIVRE, ET JE VAIS VIVRE ! JE VIVRAI TELLEMENT QUE LA MORT AURA PEUR DE VENIR ME CHERCHER, TELLEMENT QUE LA SOUFFRANCE SERA EFFRAYÉE À L'IDÉE MÊME DE LOGER CHEZ MOI !"
Je ne réalise pas les larmes qui dévalent maintenant mes pommettes. Elles coulent, s'accumulent sous mon menton et gouttent au sol. Ce sont de ces larmes qui nous font pousser des ailes.
Aujourd'hui, ce n'est pas la pluie qui vient mouiller la plateforme qui me sert de scène.
"ET SANS TAEHYUNG, JE N'AURAIS JAMAIS PU DIRE TOUT CA ! SANS LUI, JE N'AURAIS JAMAIS HURLÉ DU HAUT D'UNE MONTAGNE ! JE N'AURAIS JAMAIS RÉUSSI À MONTER SUR SCÈNE AVEC AUTANT DE CONFIANCE ! JE NE SERAIS JAMAIS ALLÉ VOIR CE PROVISEUR, ET JE N'AURAIS JAMAIS EU LE COURAGE D'Y ENVOYER HEECHUL, DE NE PLUS JAMAIS ME LAISSER FAIRE AVEC CE JEU STUPIDE ! JE N'AURAIS JAMAIS LAISSÉ CHAEYOUNG, JIMIN, ET TOUS LES AUTRES ENTRER DANS MON COEUR ! JE N'AURAIS JAMAIS CONNU LE SENTIMENT D'AIMER AUSSI FORT ! JE L'AIME COMME JE N'AI JAMAIS AIMÉ PERSONNE ! IL M'A DIT QUE LUI ME DÉSIRAIT COMME ON SUPPLIE AUX ÉTOILES DE BRILLER, MAIS MOI, JE L'AIME COMME LE VIDE S'ENQUIERT DU CHAOS POUR EXISTER !"
Je termine ma tirade, le souffle saccadé. Je fixe le vide, ébahi par tout ce que je viens de sortir aussi facilement, d'une seule traite. Ma respiration est dure, et les larmes s'arrêtent tout juste de se former au coin de mes yeux.
Mais je n'ai pas le temps d'inspirer, que soudain, un corps s'empare du mien et des lèvres se plaquent contre les miennes, ardentes.
Je réprime un frisson, répondant au baiser du mieux que je le peux. Ses lèvres dévorent chaque parcelle des miennes, si bien que je suis certain qu'aucun centimètre carré n'est laissé de côté. Je le sens sourire dans le baiser, et ça fait remonter un frisson de mes pieds jusqu'en haut de mon crâne.
Quand il se retire, mon cœur tombe de plusieurs étages.
Une larme roule sur sa joue.
Elle reflète la lumière du jour et brille sur sa peau. Mon pouce vient la cueillir, calmement.
Nos cris résonnent encore dans ma tête. Les mots se gravent doucement sur nos peaux. Je suis certain que, des années plus tard, je serai encore capable de restituer tout ce qui a été dit ce jour-là.
La ville en contrebas, aussi vibrante soit-elle, n'a plus notre attention. Il suffit que je me perde dans les yeux de Taehyung pour que tout disparaisse. Je fixe ses cheveux emmêlés, le coin de sa bouche qui se réhausse, son teint légèrement hâlé, les cils de son oeil droit encore un peu mouillés, et le grain de beauté sous son oeil.
Je me dis que je n'aurais jamais assez d'une vie pour le contempler.
Au bout de cette plateforme d'observation, face à la ville de Gwangju et les montagnes au loin, je repense à la première fois où je l'ai rencontré. Un sourire me prend quand je réalise à quel point j'étais odieux et malpoli avec lui. Je pensais qu'il voulait mes mots, comme tous.
Puis il y a eu cette lettre.
Je l'ai tant relue que les mots sont restés incrustés dans mon esprit.
Jungkook, je veux tes mots, mais pas comme eux veulent tes mots. Eux ne les veulent même pas, ils te les volent.
"À quoi tu penses ?" me souffle Taehyung.
"J'avais tellement peur que tu découvres le silence de mes mots." je réponds, amusé.
Soudain, il s'approche de nouveau pour m'embrasser. La douceur et la passion débordent de ses mouvements. J'agrippe ses hanches quand il saisit ma nuque. Je laisse les picotements dans mon ventre envahir mon âme entière.
"Et moi, je n'entendais que ça."
***
Est-ce que j'aime le silence ?
D'une certaine manière, je le déteste, parce qu'il est tout ce qui m'a mené jusqu'ici. Mais d'une autre, je ne peux m'empêcher de l'aimer, parce qu'il a grandi avec moi. Comment détester un ami d'aussi longue date ? Un ami qui était le seul à nos côtés pendant longtemps ?
Trop longtemps.
À l'intérieur...
... je bouillonnais.
Mais le silence, ça s'apprivoise.
Ce n'est pas seulement cette grande ombre noire qui dévore tout sur son passage, qui avale les émotions et les recrache dans une version modifiée.
Ce n'est pas seulement ce voile morose qui réduit tout en cendre et fait éclater les cœurs d'un trop plein de non-dits.
Ce n'est pas seulement les murs qui se taisent, la climatisation qui résonne trop fort aux oreilles, ni les voix qui ne s'entendent plus et les cris qui sortent muet.
Comment croire que c'est ce vide qui m'a fait du mal, alors même qu'il n'est constitué de rien ?
Mais il est aussi celui qui m'a sauvé. Celui qu'il suffit d'équilibrer au chaos.
Les habitudes sont dures à défaire. Les blocages rouillent avec le temps. Mais ils ont au moins de quoi faire ressortir de belles histoires, de faire tomber amoureuses les âmes qui reflètent une douleur opposée. Ils ont au moins le pouvoir de faire ressentir trop fort, de créer des étincelles.
Et puis de ces étincelles naissent alors des étoiles.
Après tout, n'est-ce pas lorsque le vide et l'étoile se rencontrent que se crée le chaos ?
Et plus jamais je ne serai résumé au silence de mes mots.
✰ FIN ✰
24/01/2025
**•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚*
Honnêtement je sais pas quoi dire je crois que je suis trop sous l'émotion pour dire quelque chose de cohérent mdrrr
Mais je vous retrouve tout de suite dans la note de fin ! (Dans 15/20 minutes)
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHJHJHHHHHHHHDODJDLSKMQKSLSNSND (j'extériorise.)
J'y crois pas que c'est la fin wtf
Qu'en avez vous pensé ? Jsuis trop émue je sais même pas quoi poser comme question mdr, mais n'hésitez pas à me laisser votre avis, sur ce chapitre ou même sur l'histoire entière étant donné QUE C'EST LA FIN WTF
(J'ai mis mille ans à essayer de poster ce chapitre sans que ça marche help wattpad a voulu testé ma patience)
Ily ᥫ᭡
À + pour la dernière fois sur SDTM, on se retrouve à la note de fin du coup 😔<3
-Elise-
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