Chapitre 30 🎭
Alors sans le quitter des yeux, je fais tout l'inverse, et attache chacun des boutons avec précaution jusqu'au dernier.
Taehyung me fixe d'abord avec incompréhension, puis la lueur dans ses pupilles devient de plus en plus insistante, et me fait fondre sur place. Je crois qu'il a compris. Je ne sais pas moi même où je suis allé trouver l'audace d'effectuer ce geste, mais les battements de mon coeur s'affolent.
Taehyung est toujours assis sur le canapé, les bras étalés de chaque côté de son corps sur le dossier et la mine maintenant joueuse. Une de ses mains bouge, et mes yeux sont automatiquement rattachés au mouvement. Il plie deux doigts en me faisant le signe d'approcher.
Alors c'est ce que je fais. Je marche jusqu'à l'atteindre. Je me tiens juste en face de son corps posé, et de son regard bien trop profond. Un de ses bras se détache du dossier et se tend vers moi. Je penche la tête sur le côté, avant de saisir sa main, puisque je ne vois pas quelle autre instruction cette action aurait pu demander.
J'aime le fait qu'il ne prononce pas un mot, et qu'il fasse tout passer par les gestes. Je suis certain qu'il se retient de parler.
Il me lance un petit sourire, avant que sa main ne tire fermement sur la mienne et que je bascule inévitablement dans le mouvement. J'atterris brusquement sur ses genoux et laisse échapper une interjection. Ses mains, elles, attrapent mes hanches pour me replacer correctement et mon corps s'enflamme à son toucher aussi intime.
Je suis face à lui, et sa façon de me dévorer du regard me fait rougir. Taehyung lâche mes hanches, et remonte ses mains jusqu'à mon col. Il déboutonne les premiers boutons, comme cette fois là dans la cabine, avec toute la lenteur qu'il possède.
Il fait exprès d'être aussi lent, et un sourire amusé se peint sur ses lèvres, que je fixe de temps en temps sans le contrôler. Son aura entière déteint sur moi et un sentiment d'apaisement, de sécurité m'envahit au point où je pourrais somnoler ici, entre ses bras. La seule chose qui m'empêche de le faire, c'est ces picotements dans mon ventre qui ne me laissent aucun répit.
Taehyung en est toujours à sa tâche, et c'est interminable. Je gigote un peu sur ses genoux.
Puis enfin, quand il a fini, et que ma chemise me laisse enfin respirer, il capture mon regard.
"Tu l'as fait exprès, pas vrai ?"
Mes mains, auparavant pendantes, se calent sur ses épaules, pour me soutenir.
Je hoche timidement la tête.
Il sourit, encore une fois.
"Pourquoi tu fais ça Jungkook ?"
C'est différent de d'habitude, cette position. Celle d'être sur ses genoux, son visage à la même hauteur que le mien, mes jambes de part et d'autre des siennes, et ses yeux inquisiteurs sur ma personne.
"Parce que je... j'aime l'effet que ça me fait."
Et c'est vrai. Je n'ai rarement connu une sensation aussi délicieuse que celle-ci. Dans ce genre de moment où la chaleur prend possession de moi et fait naître un brasier dans mes envies et mes émotions.
"Quel effet ?"
Ses mains ont retrouvé mes hanches.
Je me sens tellement bien.
"Des... des picotements."
Soudain, les doigts de Taehyung se resserrent sur mes côtes, et sa tête retombe contre mon épaule. Je ne peux plus voir ses expressions, ni lui les miennes, mais je l'entends murmurer entre ses lèvres :
"Putain Jungkook, tu me rends dingue."
Le frisson qui m'assaille est plus violent que les autres, et me force à me tenir plus fermement à ses épaules.
Un instant se passe, où sa tête est toujours fourrée dans mon cou, tandis que j'en profite pour respirer la senteur du sien. On dirait presque une étreinte. Mais en réalité, j'ai du mal à définir ce que l'on fait. Comme chaque fois qu'il se passe quelque chose du genre entre nous, en fait ; je ne sais pas le décrire. Mais c'est tellement agréable.
Alors j'en veux plus.
"Hyung."
"Hm ?"
"S'il te plaît... embrasse moi."
Il se redresse enfin. Je l'ai perturbé. Et je me plais de plus en plus à remarquer ces petits détails. Ses pupilles qui se mettent à trembler imperceptiblement, ses mains qui deviennent plus fermes, l'impatience sur son visage. Il y a quelque chose de déroutant à savoir que c'est moi, ce sont mes mots qui peuvent déclencher ça.
Taehyung s'approche, et ses lèvres frôlent les miennes, sans vraiment les toucher. Ma respiration est déjà désordonnée.
Je vois, j'entends dans ses orbes qu'il va vraiment le faire cette fois ci, que ses lèvres vont s'échouer sur les miennes et me faire chavirer avec. Mais trois coups à la porte l'arrête.
"Vous avez fini ?" s'écrie Hoseok. "On vous attend !"
Sa voix traverse la porte et brusque l'intimité. Je me sépare de Taehyung, et lui, passe un doigt sur ses lèvres, les yeux dans le vide.
"On arrive !" l'informe t-il.
J'enfile en vitesse ma veste, touche finale qui fait toute la splendeur du déguisement, et nous sortons. Hoseok se rue vers nous dès qu'il nous voit.
"On est tous changés et on vous attend sur scène depuis dix minutes, vous faisiez quoi ?"
Je prends mon colier entre mes doigts. Taehyung me fixe avec un sourire en coin, sans aucune gêne. Je regarde sur le côté, pour lui échapper. Hoseok fronce les sourcils, puis il s'éclaire.
"Aaaaah !" fait-il en se bouchant les oreilles. "Finalement je veux pas savoir !"
Sa réplique théâtrale fait rire Taehyung. Je ris aussi, maladroitement, et nous rejoignons tous les trois la scène. La séance se déroule comme toutes les précédentes : Taehyung qui supervise chacun de nos mouvements, les enfantillages de Jimin et Soojin, les plaintes de Mina, la douceur de Chaeyoung et tous les autres qui se prennent parfaitement à leur jeu d'acteur.
Moi, dans tout ça, je ne peux m'empêcher de sentir le frôlement des lèvres de Taehyung contre les miennes, et tous les moments aussi intimes qui ont pu survenir jusqu'à maintenant.
Et plus je cogite, plus je me dis que ça s'est produit bien trop de fois pour que ce ne soit anodin.
***
"À demain Chae !" je lance à ma camarade en sortant de cours.
"À demain Kookie !" envoie t-elle à son tour, faisant voler ses cheveux blonds derrière elle quand elle se retourne.
Elle s'est donnée l'habitude de m'appeler Kookie, ce qui me fait sourire, et puis ça me rappelle les biscuits. Les volants de sa robe ondulent également ; elle s'obstine à en porter bien que nous soyons en plein hiver.
Chaeyoung a fini sa journée, tandis que moi, j'ai encore deux heures de mathématiques. Je traverse le lycée pour m'y rendre, puisque le cours est dans un bâtiment opposé. Je me sens léger. Il fait froid, mais je suis emmitouflé dans mes vêtements et la brise glaciale réveille mes yeux cernés.
Je décide de me rendre aux toilettes avant. Je monte les escaliers et bifurque dans le couloir où elles se trouvent.
J'ouvre la porte, et mon coeur dégringole dans mon ventre.
Heechul est là, au fond, accompagné de Junghwan, Jennie, et un autre garçon, qui se nomme Seonwoo il me semble, mais je n'en ai aucune idée, et merde, je ne veux pas savoir. Je me fais petit, en espérant qu'ils ne m'aient pas vu.
Je suis terrifié.
Mes poings se ferment. J'avance tête baissée, voulant atteindre une cabine au plus vite. Au moment où je saisis une des poignées, une main sur mon épaule me retient, autant que je retiens soudainement mon souffle.
"Mais nan, Jungkook-ah, c'est toi !"
La voix de Heechul s'infiltre dans mes oreilles. C'est désagréable, et l'angoisse qu'elle m'inspire est familière à en vomir. Je veux me fondre dans le décor.
Ils vont me prendre mes mots.
Je me retourne. Parce que de toute façon, c'est tout ce que je peux faire. Je sens la colère commencer à me grignoter doucement. Pour l'instant, elle est encore contrôlable.
"Ça fait longtemps qu'on s'est pas vus." exprime t-il, en passant un bras autour de mon épaule. J'ai aussitôt envie de m'écarter, de fuir ce contact. Dès que Heechul me touche, je me répugne.
"Comment tu vas ?"
C'est Jennie qui a parlé. Elle attend une réponse. Je reste silencieux, comme toujours. C'est une impasse, je ne peux rien faire. Ni me défendre, ni attaquer, et même l'immobilité m'attirera leur haine. Il suffit que j'existe pour qu'on m'arrache ma parole et me fasse comprendre qu'elle ne vaut rien.
Heechul a un grand sourire sur son visage, ce genre de sourire qui sort d'un ennui évident. Heechul s'ennuie. Et au fond, Heechul est comme tout le monde, il cherche à combler le vide. Seulement, je suis ce qui le comble, et moi, je ne l'ai pas choisi.
Les larmes me brûlent aux coins des yeux tant l'emprise de la peur dans mon ventre me serre, me broie les côtes et m'écrabouille les organes. Je vais vomir. Je recule jusqu'à ce que mon dos soit plaqué contre la cabine dans laquelle je voulais m'évaporer il y a quelques secondes à peine. Heechul ne me lâche pas. Je me fais la réflexion qu'il ne me lâchera sûrement jamais.
"C'est toujours comme ça avec toi... Il faut toujours forcer pour sortir quelque chose de ta bouche..." soupire t-il, comme s'il était réellement blessé. Quel acteur. "Mais c'est pour ça que tu es celui que je préfère. Je t'adore, tu sais ?"
Junghwan rit. Il rit et moi il y a un trou béant qui s'ouvre en mon corps. Le sang s'écoule et bientôt j'en mourrai.
"M'inscrire au théâtre ne t'a pas suffit ?" je murmure d'une petite voix, et le tremblement dans celle ci me donne un coup dans les tripes.
Neuf.
Mots.
"Ben quoi ?" s'étonne Heechul. "Le théâtre ne te plaît pas ? Il me semble que tu t'es fait plein d'amis là bas, nan ? Mais ils jouent tous. T'as vu le score de ton prof à deux balles ? S'il continue, il va gagner à ma place, alors il faut bien que j'obtienne des mots d'une autre façon."
"Laisse... moi tranquille."
Trois.
Mots.
Je brûle.
"Vas y, continue, parle moi. Alors, ça fait quoi d'ailleurs, de voir que ce Taehyung t'arrache des mots contre ton gré ?"
Je brûle. Ma gorge me brûle. C'est douloureux. Je tente de me taire, mais ça coule tout seul, comme une lave bouillante qui s'extirpe de mon gosier. Mes mots sont salis.
"Taehyung n'a rien fait." je crache.
Ça y est, la haine est entière, les pièces s'assemblent et maintenant qu'elle est complète, j'ai peur. Peur du mal que je pourrais faire. Aux autres ou à moi même.
Cinq.
Mots.
Junghwan a un sourire en coin, il s'approche, la main dans la poche. Il y a son nouveau téléphone fraîchement payé par mes parents, là dedans, je le sais. Comme toujours, je suis sous surveillance. On brise mon intimité. On brusque ma parole pour l'étaler au public. Est-ce qu'ils réécoutent ces enregistrements, entre eux, et s'esclaffent sur ma façon ridicule d'aligner des syllabes ?
"Il n'a rien fait ? Tu n'as qu'à voir par toi même. Il est beau son prénom, tout en haut du classement, hein ? Tu savais qu'il était passé premier ?"
Je me fige. Non. Je ne savais pas. Mais ce n'est pas lui. Maintenant, j'en suis sûr. Ce n'est pas lui. Quelqu'un d'autre est passé premier.
"Il n'a rien fait." je répète, la bouche asséchée. J'ai bien trop parlé.
Cinq.
Mots.
Jungkook, ferme là.
"Pourquoi autant le défendre ?" s'amuse Junghwan. "Il est important, pour toi ?"
Violemment, je m'extrais de la prise de Heechul, et fuis à l'autre bout de la pièce, contre les lavabos, dos au miroir. Je ne pourrais même pas me voir contre la surface réfléchie, j'aurais bien trop envie de la briser pour me casser avec.
Je me tais. Taehyung ne devrait rien avoir à faire là dedans. Et si Heechul découvre qu'il compte pour moi, alors j'ai peur de ce qu'il pourrait faire pour me le retirer. Je ne veux pas perdre Taehyung. Je ne peux pas perdre Taehyung. Il compte beaucoup trop.
"Non." je souffle. Je suis incapable d'élever la voix, mais les mots sortent quand même, pour une fois. "Je le déteste, autant que je vous déteste." j'ajoute, pour ne pas qu'ils s'en prennent à lui.
Neuf.
Mots.
Chacun me coûte.
Jennie s'avance, et passe une main dans mes cheveux pour les ébouriffer.
"Quel beau menteur." chuchote t-elle à ma hauteur.
Je veux me défendre mais je n'y arrive plus. Les sons restent coincés en moi même. Je fixe leur pair de yeux, et je me perds dans mon état de terreur.
"Tu ne nous offres pas un peu plus de mots ?" minaude Heechul.
Je ne dis rien. Il s'approche. L'autre garçon aussi, ce Seonwoo. Et puis Junghwan. Ils forment un demi-cercle autour de moi, et je me tiens à un lavabo. Ça m'étouffe, ça me presse, me compresse, m'explose les veines. J'ai envie de fondre en pleurs, ou bien de leur faire du mal un à un, de planter mon poing dans leur figure parfaite.
"Dis quelque chose." ordonne Heechul.
Je ne dis rien.
"Allez, fais pas le timide, t'y arrivais très bien quand fallait défendre ce Taehyung."
Je ne dis rien.
Et je me dis,
Merde, on va me punir pour mon silence.
Je suis le silence,
Je respire seulement, j'existe,
Et on va me punir pour ça.
"Putain, t'es plus drôle !" s'énerve Heechul, avant de s'éloigner pour retrouver le chauffage qu'il squattait au fond des toilettes quand j'arrivais.
C'est le signe pour que les autres s'écartent aussi. Je ne me fais pas prier, et fuis en retenant mes larmes. Mon cerveau est broyé par ce qui vient de se passer. Ce n'est pas la première fois, je devrais être devenu assez fort pour encaisser, pourtant, ça ne fait qu'empirer, comme si j'étais de plus en plus fragile, cassable.
Je soupire dans le couloir en tentant de taire mes cris intérieurs. Mais à l'instant où mon expiration tarit, je sens des pas derrière moi, précipités. Et avant que je ne puisse comprendre quoi que ce soit, je sens quelque chose de brusque et de rêche se fondre sur ma bouche et tout le bas de ma mâchoire. Ça serre, ça me fait mal, et j'apporte mes mains à mes lèvres pour tenter de retirer l'objet.
C'est un tissu, accroché derrière ma tête par un noeud fort et qui me barricade la bouche, comme une muselière.
Et puis, il y a les rires.
"À plus, le muet !" on me lance, enjoué, dans mon dos.
"De toute façon, ça changera pas de d'habitude." s'exclame Heechul en faisant référence au bandeau qu'il vient de m'imposer, et qui m'empêche de prononcer quoi que ce soit.
Ils partent en me dépassant, comme s'ils m'avaient déjà oublié.
Alors que moi, je ne les oublierai jamais.
J'agrippe le tissu épais pour le retirer. J'ai mal partout. Il y a trop de bruit. Des larmes s'échappent et dégoulinent sur mon visage, mouillent le bandeau qui m'empêche de respirer. Je tente de défaire le noeud, paniqué, mais il est trop serré.
Il y a des gens dans le couloir, il y a des voix, il y a des rires, il y a des regards de pitié, il y a des milliers de yeux et d'expressions braqués sur moi et il y a du bruit, il y a beaucoup de bruit et il y a beaucoup de lumière, beaucoup de tout, beaucoup de trop et je veux arracher ce tissu, arracher mes lèvres avec et arracher ma parole, dégoutante.
Je me sens soudain comme à l'étroit dans mon propre corps. La détresse et l'humiliation se voient partout sur moi, j'en suis certain, et elles me rendent sale. Si sale. Je peux toujours respirer par le nez, mais j'étouffe quand même. Mes poumons me font mal, et je sens que je vais m'effondrer.
Il y a tous ces gens dans le couloir, il y a Heechul et ses amis qui s'éloignent, comme si je n'existais pas, plus, il y a moi, derrière, seul, humilié,
Et il y a mon coeur,
qui
s'éparpille
au
sol.
**•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚*
Heyy
Pas très joyeux... Jungkook :((
Qu'en pensez vous ? Du moment Taekook au début et de la scène avec Heechul et les autres ?
J'espère avoir pu bien retranscrire les émotions de Jungkook, parce que c'est un peu l'apogée de ce qu'il peut vivre comme harcèlement. J'espère que son développement n'est pas trop long, peut-être que ça tourne en rond pour vous ? Je ne sais pas :') Mais on devrait arriver à la partie de l'histoire où ça bouge un peu +
Bon réveillon de Noël ! Je voulais poster avant :) C'est un peu un cadeau empoisonné vu la fin du chapitre... oups 😭
-Elise-
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