Chapitre 3 🎭

Je n'aurais pas dû manger autant ce midi. Je sens que je pourrais dégobiller au moindre pas que je franchis. Plus la distance qui me sépare de la salle s'amincit, et plus ma gorge se noue.

J'ai sans cesse la gorge nouée, mais particulièrement aujourd'hui. Je me sens à peine capable de remuer les lèvres.

C'est avec apréhension que j'ai passé toute la journée à me poser une seule question.

J'y vais, ou je n'y vais pas ?

Telle est la question.

C'est vrai, je pourrais sécher le théâtre, comme je pourrais sécher tous les cours, comme je pourrais partir à l'autre bout du monde et vivre seul, reculé de l'espèce humaine pour le restant de mes jours.

Malheureusement, ce sont des choses qui ne se font pas.

Tout juste lorsque je m'apprête à faire marche arrière, un étudiant m'arrête.

"Toi." fait-il.

Je me crispe. Je sais déjà ce qui va découler, tout simplement parce que c'est itératif. Ça revient tous les jours, comme une balle de ping pong. J'ignore, j'essaie d'oublier et de renvoyer la balle, mais elle revient sans cesse, sans cesse, sans cesse...

"T'es Jeon Jungkook, pas vrai ?"

Mes yeux s'étaient fermés. Je les réouvre, les pose sur l'élève. Aucune animosité n'a l'air de le guider, mais j'ai l'habitude. Ceux qui viennent m'aborder se cachent géneralement derrière un masque qui a pour but de m'inspirer confiance, de m'attirer dans leur toile d'araignée. Mais je suis plus perspicace qu'une mouche.

Je hoche simplement la tête.

"T'es le nouveau au théâtre, alors !"

Il sourit de toutes ses dents, et je ne remarque que maintenant ses cheveux étranges. Ils sont colorés, mais seulement quelques mèches. Il doit naturellement être châtain, mais des touffes blondes, longilignes et régulières forment un mélange étrange sur son crâne. Ça lui donne un air à la fois imposant et décrédibilisant.

Et ça contraste complètement avec sa tenue. Il porte un haut noir moulant surmonté d'une veste très classe.

Je hoche la tête à nouveau.

Il me tape l'épaule amicalement et je m'éloigne instinctivement. Il le remarque, recule à son tour, mais son sourire ne tarit pas, aucunement vexé par ma réaction.

Un réflexe tatoué dans mon coeur, de ceux qui ne relèvent pas de l'instinct de survie naturelle, mais de l'habitude.

Il n'a pas l'air de me vouloir du mal. Je sais très bien que c'est Heechul qui m'a inscrit au théâtre, mais si cet élève faisait aussi parti de la confidence ? Pourtant, contrairement aux autres, il ne semble porter aucun masque.

Ne pas lui faire confiance. me hurle ma conscience. Tu sais très bien ce qu'il veut de toi. Comme tous les autres.

On se dévisage un long moment, sans que je ne bouge d'un pouce, lui face à moi, moi face à lui.

"Tu marches du mauvais côté là. La salle de théâtre, c'est ici."

Il pointe du doigt le côté opposé du couloir, et je me sens soudain idiot. Un silence géné s'installe, mais pas pour longtemps.

Cet élève ne semble pas être le genre de personne qui laisse les silences traîner. Il les rattrape et joue avec, comme s'ils étaient des mots à eux même.

"Enfin, bref, tu viens ? Je te montre où c'est !"

J'aurais du faire demi-tour plus tôt, avant que cet étudiant ne m'aperçoive et que je sois pris dans ses filets.

"T'es du théâtre ?" je ne peux m'empêcher de demander, regrettant immédiatement ma question.

C'est évident qu'il l'est, mais je veux seulement plus d'information sur qui il est. Je ne pense pas l'avoir déjà croisé dans les couloirs, et sa coupe bizarre m'intrigue. Cependant, je reste sur mes gardes.

Il m'observe avec de grands yeux, tout en continuant de marcher. Je le suis à une distance respectueuse.

"Eh bien en fait... Je suis ton prof' !"

Il me fait un clin d'œil, alors que l'incompréhension doit se lire sur mon visage.

Il rit à nouveau, comme si mon expression effarée était la chose la plus drôle qu'il ait vu aujourd'hui.

Ça me met mal à l'aise.

Mon collier, vite. Je l'attrape et m'occupe avec pour faire passer les sentiments. Laisser couler les sensations au travers, pour les oublier. Tout oublier autour de moi.

J'aurais aimé que tout ce qui existe en dehors de moi n'existe pas. Que les murs soient faits de coton, que le sol soit fait de mousse, que les gens soient faits de système électronique, que les sons ne soient faits que d'une seule note. Ce serait bien plus simple, plus doux. Moins bruyant.

Le réel fait bien plus peur.

"Fais pas cette tête ! C'est moi qui fait les cours de théâtre. Monsieur Wang m'a dit qu'il t'avait parlé de moi, non ?"

Je me souviens des paroles de monsieur Wang. Un de ses meilleurs élèves... qui s'occupe des cours de théâtre... Alors c'est lui ?

"C'est pas souvent qu'on a des nouveaux. Cette année tu es le seul avec une autre fille de terminale. Tous les autres étaient là l'année dernière, alors on a tous hâte de te rencontrer. Fin, ne te mets pas la pression parce que je t'ai dit ça, hein. J'aurais jamais pensé que tu serais le genre de personne à t'inscrire au théâtre... Mais ça me fait plaisir. Tu verras c'est génial. Et tout le monde est super sympa. Au fait, qu'est-ce qui t'a motivé à rejoindre l'option théâtre ?"

Que quelqu'un l'arrête.

Il n'arrête pas de parler.

Sa capacité à s'adresser à moi avec autant d'aise et de nonchalance m'impressionne et me tétanise.

"J'ai toujours aimé le théâtre." je réponds, conscient que plus je mens, plus je m'enfonce.

Mais après tout, un pas de plus vers le fond, un pas de moins, qu'est-ce que ça change réellement lorsqu'on a atteint un point de non retour ?

Ce n'est pas le fond qui me fait peur. Là, maintenant, ce qui m'effraie, c'est cet élève.

"Vraiment ? Tu en as déjà fait ?"

L'idée a l'air de lui plaire, car il se mettrait presque à sautiller sur place. Mais il est vite déçu alors que je secoue la tête.

Nous marchons côte à côte dans les couloirs.

Côte à côte, c'est un grand mot. Je suis incapable de me tenir à sa hauteur, et je reste légèrement en retrait. Pour disparaître, mais pas seulement ; parce que ce professeur de théâtre improvisé et moi ne jouons définitivement pas dans la même cour.

"Donc c'est ta première fois... J'espère que ça te plaira. Contrairement aux stéréotypes qu'on peut entendre sur cette activité, c'est pas du tout ennuyant ou ridicule, surtout quand on est passionné. Je suis sûr que tu t'y plaira."

Son ton est assuré, radical. Il sait de quoi il parle, il sait où il va. Un pied devant l'autre, il sait marcher avec confiance. Alors que moi, derrière lui, je tremble et mes jambes risquent de lâcher.

Je n'ose pas lui répondre.

Je n'ose jamais répondre.

Nous déboulons dans un couloir plus large que les autres, que je n'ai à ma grande surprise jamais pénétré. En deux ans dans ce lycée, je ne me suis jamais aventuré dans cette partie du campus.

Le plafond est haut. Des portes s'enchaînent à droite et à gauche, alors qu'au fond, une entrée bien plus imposante s'offre à nous. Un écriteau à ses côtés indique :

Salle de spectacle lycée Hongil, Gwangju.

Je ne savais pas que le lycée possédait une salle de spectacle. Et c'est quand je réalise de ce que cela signifie que mes jambes ne répondent soudainement plus de moi.

Je peux le visualiser.

Derrière cette porte, il y a une scène.

Une vraie.

De celles qui sont en hauteur, au dessus des autres, devant les autres.

Ma place n'est pas là bas.

L'élève a remarqué ma soudaine réticence. Il s'approche.

"Ça va ?"

Je secoue la tête, encore une fois. Je ne fais que secouer la tête. Moins je lui donne de mots, mieux c'est.

"Je- je ne me sens pas très bien. Je pense que je devrais y aller."

Conscient que j'ai bien trop parlé, ma gorge se serre violemment. Je m'apprête à partir, mais ce foutu étudiant me bloque le passage, levant la main face à mon torse.

"Hop hop hop ! Tu vas nul part."

Comment ça ?

Je me retourne avec effarement.

Comme tous les autres.

Mes nerfs ne font qu'un tour, et le monstre grandit. Comment ose t-il ? Il commence à m'énerver.

Comme tous les autres. Il est comme tous les autres

Ce qu'il veut, c'est simplement mes mots.

"J'irai où je veux." je crache.

Son visage se crispe, sous le choc.

Il ne s'attendait pas à un changement si brusque. Et alors ?

Il peut garder sa surprise pour lui.

Je m'en fiche de mon image. La haine est la seule manière que j'ai trouvé pour m'exprimer sans le regretter. Mais le temps est compté, comme il l'est toujours. Et dès que la haine se sera estompée, alors les remords arriveront et je ne pourrais plus résister bien longtemps.

Il faut que je me dépêche de fuir.

Je compte partir, mais il me contourne à nouveau pour me bloquer le passage. Je m'apprête à le pousser mais il retient mes mains en l'air des siennes.

"Attends s'il te plaît ! Laisse moi te parler !"

Je le savais. Mes mots. Il veut simplement mes mots.

Même si je n'attendais rien de lui, la fulgurante déception m'assaille. Comme si mon inconscient avait cru à une âme différente des autres, pour une fois. Mais ce n'est qu'illusion. Le paraître primera toujours sur son grand maître, l'être.

Si cet élève est bienveillant, c'est pour m'attirer dans son piège. Et moi, je mets le pied en plein dedans, quitte à ce que ses piques se resserrent autour de ma cheville, se plantent dans ma chair. Soudain, le sang coule.

Je repousse ses mains qui tentent de me retenir. Mais il est plus fort que moi, et plus rapide.

Moi je suis si faible.

Je suis maintenant dos à lui, toujours avec l'idée en tête de partir, alors qu'il retient un de mes bras en arrière.

"Je vois bien que tu n'es pas malade ou quelque chose comme ça ! Ce n'est pas pour ça que tu pars, je le sais."

Je respire longuement, conscient que ce qui me prend n'est que le résultat d'un réflexe, d'une méfiance anormale envers les autres.

Je vois encore le piège à mâchoire qui perd de son ampleur.

Sa voix s'élève à nouveau à travers la vision des piques et de ma cheville ensanglantée.

"Dis moi ce qui t'inquiète, et je pourrai faire quelque chose pour y remédier."

J'hésite un long moment.

Il ajoute :

"C'est nul de s'enfuir. C'est vraiment nul. Ça n'arrangera jamais rien."

Il est patient. Il me lâche, et attend simplement. Je me retourne alors que je sens la haine se dissiper.

J'essaie de l'enfermer dans mon coeur, mais elle s'échappe par tous les pores. Elle s'évapore dans l'air comme une flaque d'eau au soleil ; le calme après la tempête. Mais je ne sais pas lequel des deux est le pire, lequel des deux m'effraie le plus.

Sans colère, je n'ai plus aucune couverture.

"Je ne veux pas monter sur scène." je souffle.

Il ne fronce pas un sourcil, n'affiche aucun étonnement, et acquiesce, comme s'il s'y attendait.

"Ça me va ! Tu n'es pas obligé de participer pour le premier cours. Tu peux juste t'asseoir dans les gradins et nous regarder."

Il baisse le regard pour la première fois :

"Mais ne fuis pas, c'est complètement idiot."

Idiot ?

Fuir, c'est mon idéologie de vie.

Il saisit mon silence comme une réponse affirmative, car il m'entraîne à nouveau vers le fond du couloir. La grande porte se rapproche et elle semble vouloir m'engloutir.

Mais cette fois ci, il n'est plus question de faire un retour en arrière.

"Au fait, je m'appelle Kim Taehyung." lance l'élève, puis il ouvre en grand la porte et s'engouffre à l'intérieur sans un mot de plus, me laissant m'infiltrer seul.

Je pousse un peu la porte de ma main pour entrer, et la referme derrière moi délicatement. Puis alors que je parcours le lieu du regard, mon coeur s'emballe malgré moi.

Comment se fait-il qu'un lycée comme le notre possède une si belle salle de spectacle ?

Elle est magnifique.

La scène est d'un noir profond, classique, imposante et gigantesque. Mais le plus impressionnant est la place du public. De longues rangées aux sièges rouges de velours s'étendent sur une bonne vingtaine de mètres, et deux niveaux de balcons s'offrent à ma vision.

Un vrai théâtre à l'italienne, avec plusieurs épaisseurs de rideaux rouges et un ancien dispositif qui permettait d'afficher les surtitres d'opéra en haut de la scène.

Mes battements se font plus précipités, alors que je contemple la pièce.

Et soudain, un souvenir fait surface dans ma mémoire. Flou, mais bien visible. Ce genre de souvenir qui tapis dans la mémoire, attendant le moment déclencheur pour pointer le bout de leur nez.

Soudain, je me vois moi, enfant. J'ai à peine cinq ans, et je suis dans une grande salle, similaire à celle ci. C'est ma mère qui m'y a emmené, et c'est la première fois que je la vois autant rayonner. Cette sortie au théâtre lui apporte plus de sourires que je ne lui en ai jamais soutiré. Je m'assois dans les sièges en velour bien trop grands pour ma petite taille. Et les lumières s'éteignent. Le public retient son souffle, Maman retient son souffle. Et un décor se révèle à mes yeux d'enfant. La représentation d'un salon, simple, aux tons colorés et décalés. Puis des gens arrivent en trombe sur scène, et je ne comprends pas un seul mot de ce qu'ils racontent. Mais ma mère doit comprendre, elle, puisqu'elle a le sourire aux lèvres, et les larmes aux yeux. Je ne l'ai jamais vu comme ça.

Aussi complète.

Le théâtre ce soir là, la complétait.

J'ai passé toute la représentation à la regarder.

"Jungkook, tu viens ?"

Entendre mon nom me fait l'effet d'une brique sur la tête, et je reviens brutalement à la réalité. Taehyung est face à moi, et attend une réponse.

Derrière lui, au loin, un petit groupe d'individu est posé tranquillement au bord de la scène, les jambes se balançant dans le vide pour certains, d'autres en tailleur, d'autres debout à discuter avec véhémence.

"Tu sais t'es pas obligé de venir avec nous. Je te fais juste les présentations et ensuite tu vas t'asseoir sur les sièges. À moins que tu préfères participer ? Ce serait mieux que tu participes quand même..."

"Non non." j'affirme. "Je participerai la prochaine fois."

Je ne suis même pas sûr de ce que je prétends.

"T'es sûr ? Vraiment sûr ?"

Je hoche la tête.

"Une hochement de tête, c'est pas convaincant ! T'es sûr ?"

Je hoche la tête.

Il soupire.

"Très bien. Alors viens. Tout le monde s'entend bien ici, personne va te manger."

Il s'approche de moi.

"Au fait, t'es né quand ?"

Sa question me désarçonne et j'évite ses yeux.

"Le 7 Août."

"Alors je suis ton hyung ! Je suis en terminale comme toi, mais j'suis né en Mai !"

Il sourit, satisfait.

"Appelle moi hyung alors. Ou monsieur Kim, mais j'ai beau être le prof, ça me gênerait un peu... Bon, on rejoint les autres ?"

J'acquiesce, prudemment.

Quelle place a t-il dans cette école et dans le monde du théâtre pour disposer du pouvoir d'être professeur à un si jeune âge ? Si jamais j'en avais la capacité, je lui aurais posé la question.

Le théâtre entier est plongé dans un éclairage léger et intimiste, et il fait particulièrement chaud ici. Le fond du public est si noir qu'on en voit pas le bout, alors que la scène elle est violemment éclairée par les projecteurs.

Nous nous engageons dans l'allée qui sépare la scène de l'auditoire. J'ancastre mes pas sur ceux du dénommé Taehyung. Je fais bien attention à me fondre dedans. Son ombre imposante et déformée par la lumière des projecteurs se reflète sur mon corps et m'enveloppe entièrement.

Nous arrivons face au petit groupe, qui se rapproche du bord de la scène pour nous observer, en silence.

Toutes ces pairs de yeux me scrutent comme un objet rare d'un cabinet de curiosité intriguant. Je me sens épié de toute part.

Un petit blond saute de la scène en un bond, jure en se disant qu'il s'est tordu la cheville, puis fond dans les bras de Taehyung.

"Taetaeeee, fais quelque chose ! Soojin me martyrise depuis au moins dix minutes ! Elle fait que de me faire marcher ! Elle a encore réussi à me faire avaler un truc débile."

Une fille aux cheveux rouges cerises et à la mine d'ange s'assoit au bord de la scène puis s'appuie sur ses mains pour en descendre.

"Rooh, j'y peux rien si t'es aussi naïf ! Écoute ça Taehyung-"

Elle commence à rire, à tant rire qu'elle a du mal à formuler une phrase cohérente.

"J'ai réussi- hahahaha j'ai réussi à lui faire croire que- hahahaha que ses deux idoles préférés sortaient ensemble hahaha, et qu'ils allaient se marier et il m'a cru ! Il a même- hahaha il a même tweeté des félicitations hahahaha !"

Le petit blond sert Taehyung plus fort dans ses bras.

"Tae, sauve moi, je peux plus la supporter..."

Taehyung me regarde en coin, me fait un signe pour me dire d'attendre. Ou qu'il est désolé, je ne sais pas. Puis il se retourne pour prendre la situation en main.

"Soojin ! On sait tous que tu as de très bons talents d'actrice, mais essaie de ne pas les utiliser en dehors des cours."

Sa voix est autoritaire et sans appel. Pour rien au monde je n'aurais osé le contredire. Mais apparemment, cette Soojin ose.

"C'est Jimin aussi, il est trop drôle, il gobe tout ce que je lui dis !"

"Toi-" commence le dénommé Jimin en se dirigeant vers Soojin, mais un autre étudiant vient se placer entre eux, les bras étendus de chaque côté pour les stopper.

"C'est pas tout les gars mais on est pas en récré là. Et vous nous faîtes honte devant les deux nouveaux."

"Bien dit, Namjoon..." soupire Taehyung.

Le silence se fait à nouveau. Et celui ci m'angoisse. Parce qu'il est agrémenté de nombreux regards, et d'une attention profonde envers ma personne. En tant que dernier arrivé, tout le groupe me détail avec minutie.

Seize. J'ai fait le tour rapidement, et il y a seize globes oculaires qui me scrutent. Donc huit personnes, en comptant Taehyung. Mon cerveau décide sûrement de ramener les maths sur le tapis pour me détendre.

Mais ça ne marche pas vraiment.

"Bon, maintenant que ces enfantillages sont terminés..."

Taehyung fixe intensément Soojin et Jimin, et ces derniers se font plus petits, se fusillant du regard discrètement.

"... cette année notre groupe ne va pas s'agrandir beaucoup." commence t-il. "Mais nous accueillons deux nouveaus. Je suis très content de vous présenter premièrement Jeon Jungkook."

De vagues salut et enchanté me parviennent.

"Et nous accueillons aussi Son Chaeyoung !"

Ce n'est que maintenant que je m'aperçois de sa présence. Chaeyoung est la nouvelle dans ma classe. Elle possède une cascade blonde sur la tête et d'imposantes lunettes qui agrandissent ses yeux gris-bleus.

Elle me paraît réservée, et je ne me serais jamais imaginé la voir là. En même temps, j'imagine que de me voir ici est aussi un choc pour la plupart d'entre eux.

Ils savent sûrement qui je suis.

Pourtant, j'ai tant essayé de m'effacer.

Je sens le regard de Taehyung me dévisager en coin de temps en temps.

"Je vous présente ce qui me sert de groupe de théâtre, et en autre therme de groupe d'amis parfois."

"Parfois ?" s'amuse un élève caché sous un bob, au style vestimentaire plus que particulier. Le mélange des textures et des couleurs forment un résultat étrange, mais ça lui colle particulièrement bien.

"Oui parfois." tranche Taehyung d'un ton sévère, mais je peux voir qu'il est amusé lui aussi. "Enfin bon, j'imagine que vous avez déjà pu voir qui étaient Jimin et Soojin... Donc ensuite, lui, c'est Kim Namjoon."

Il me montre celui qui s'était dévoué pour interrompre la chamaillerie.

"Ici Hoseok."

L'étudiant au bob.

"Et ici, les deux inséparables."

Il désigne une fille et un garçon, collés l'un à l'autre, un peu en retrait. L'une a une soyeuse chevelure brune et de petits yeux de chat, l'autre des tatouages sur tout un bras et un piercing sur l'arcade sourcilière.

"Mina et Jackson."

Je hoche la tête, ne sachant que dire.

"Enchanté..." je tente.

Taehyung s'approche de moi et pose une main sur mon épaule. Je veux m'en dégager, puis j'empêche mon geste d'automate à la dernière seconde. Mais sa main me démange.

"Jungkook ne va pas participer au cours aujourd'hui. Je lui ai dit qu'il pouvait s'asseoir dans le public pour seulement nous regarder."

Je le remercie intérieurement.

"Tous en place ! Faites un rond au milieu de la scène, je vous rejoins !"

Il tape des mains, et tout le monde s'éxécute, avec plus de lenteur pour Soojin et Jimin qui s'envoient toujours des éclairs.

Il ne reste plus que Taehyung et moi dans l'ombre qu'offre la haute scène.

"Ça va ?"

Pourquoi me poser la question une deuxième fois ? Évidemment que non, ça ne va pas.

"Oui." j'affirme.

Je me raidis. J'aurais pu simplement hocher la tête, au lieu de lui donner ma parole aussi facilement.

Ses pupilles me scrutent longuement, puis il affiche un sourire, comme s'il avait obtenu ce qu'il cherchait.

"C'est faux."

Je le disais, je suis un très mauvais acteur. Je ne devrais pas être là.

"Mais je m'en fiche." reprend-il. "Ce n'est pas mon problème après tout. Tu peux aller t'asseoir où tu veux, toute la salle est à toi ! Tu peux même monter aux balcons si tu veux, mais c'est pas très pratique, on y accède de l'extérieur..."

"Je vais rester en bas."

"D'accord. Je te laisse."

Je hoche la tête cette fois ci, et m'éloigne. Je sens son regard dans mon dos, jusqu'à ce que je l'entende escalader la scène pour rejoindre les autres.

Il y a des escaliers, mais tous semblent être habitués à monter et à descendre de cette plateforme comme des aventuriers.

Je m'enfonce toujours plus loin dans les rangées, jusqu'à ce que le noir ne me recouvre complètement, et que je sois certain que je ne représente qu'une silhouette noire à peine visible de loin.

Une fois assis, je souffle de soulagement.

Je me sens tout de suite mieux.

Là voilà, ma place.

Dans l'ombre.

À regarder les autres briller.

**•̩̩͙✩•̩̩͙*˚ ˚*•̩̩͙✩•̩̩͙*˚*


Non, il n'y a pas ce genre de théâtre à l'italienne dans aucun lycée de Gwangju, mais tkt on va faire genre. Après tout la fiction est faite pour être de la fiction.

Vous vous doutez que l'obsession de Jungkook à vouloir parler le moins possible ne vient pas de nulle part. Et vu que je peux comprendre que ce soit chiant de pas comprendre pour l'instant, je post très très bientôt le prochain chapitre (enfin j'essaie) :)

Ça vous éclairera...

-Elise-

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